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Origine :
http://fredericjoignot.blogspirit.com/archive/2007/03/24/inde-bombay-ville-du-futur-immediat.html
Les témoignages non-officiels des coulisses de l'industrie
du sexe sont rares. Ils m’ont toujours intéressée,
sans doute car je suis amateur de cinéma X et d’art
pornographique, et opposée à sa prohibition. J’ai
toujours vouloir savoir ce que disaient les actrices de leurs prestations.
J’ai toujours aussi pensé que ce devait être
un rude métier, au vu de ce que les actrices encaissent pendant
certains tournages « hardcore ». En 2002, pour un reportage
dans le magazine Blast, j’ai visionné un film présenté
au parlement suédois, rassemblant des confidences et des
témoignages d'actrices, de policiers, de producteurs sur
l’industrie de la pornographie : "Shocking Truth",
« La vérité choquante », qui questionne
la diffusion à la télévision de films pornos
violents, où les actrices sont maltraitées. Ce film,
réalisé par une ancienne actrice du X, montre comment
certains tournages de l’industrie « hard core »
tournent parfois à des scènes très brutales,
humilantes, éprouvantes pour beaucoup de jeunes actrices
mises sous pression, souvent livrées à de nombreux
hommes pas tendres.
L’ancienne actrice du X Rafaëlla Anderson a déjà
raconté cette vie rude et sans pitié dans son récit
Hard (Grasset, 2001). Je l’ai interviewée dans le cadre
de ce reportage (paru dans Blast en 2002) où je raconte l’histoire
du film Shocking Truth, et décris certaines habitudes violentes
prises dans un cinéma « ulra hard » tourné
à la chaîne, par des sociétés sans aucun
respect pour les actrices, décidées à fournir
en quantité des DVD et des petits films Internet. Ces habitudes
me semblent graves et périlleuses. Elles rappellent parfois
les conditions de travail harassantes auxquelles on soumettait les
femmes et les adolescentes dans les ateliers du XIXe, quand les
jeunes ouvrières s’esquintaient dans les usines chimiques
et textiles, n’avaient aucun droit, payaient de leur physique.
Les actrices du X, et les « travailleuses du sexe »
en général n’ont aucun droit aujourd’hui,
peu d’associations les défendent en Europe, et beaucoup
d’actrices X n’arrivent même pas à être
considérées comme des intermittents du spectacle.
Elles morflent. Elles baisent à la chaîne. Elles n’ont
souvent aucun droit de suite. Aucun contrat valable.
Dans cette enquête, j’ai voulu interroger la pornographie
de la pornographie. J’ai voulu montrer un certain dérapage
d’un artisanat devenu une industrie, sans demander aucune
interdiction de la pornographie, sinon la protection et le respect
des actrices. Il a été publié quatre ans avant
que le cinéma « hard core » - dit de la «
démolition filmée », ou encore du « gonzo
» - commence à être partout critiqué pour
sa violence, tant par beaucoup d’actrices du X, des acteurs
gay, des réalisateurs, des associations comme Act Up, que
par des articles et des enquêtes publiés dans toute
la presse.
Isabelle Sorente, janvier 2007
L’ENQUÊTE DE 2OO2
Dépassée Annabel Chong, qui, en 1995, passait sous
251 partenaires en dix heures devant une caméra… Angela
Houston, 30 ans, en 1999, s’est fait 622 hommes en 7 heures,
soit un homme toutes les 40 secondes. Le film de Candy Appels a
pour sa part été interrompu au 742ème par la
police de Los Angeles. Quant à Sabrina Johnson, 23 ans, elle
s’entraîne pour battre le record du gang bang, 2000
hommes en 24 heures prévus à la Saint-Sylvestre. Ainsi
va la performance, dans le cinéma X. On aime le quantitatif.
On veut passer dans le livre des records.
Aucune étude ne dresse encore le portrait psychologique
de ces candidates. Mais Annabel Chong l’a dit, elle revivait
en direct, dans son film, le traumatisme d’un viol véritable.
Et Angela, Sabrina, Candy, qui sont-elles ? Qui sont ces femmes
qui se disent heureuses après s’être fait passer
dessus par une armée ? Qui sont ces Candy, Cookie et autre
Molly, toutes les autres actrices du X à la chaîne,
non pas les "stars du X" bien payées pour leurs
"performances", mais les innombrables anonymes de l’industrie
du X « hard core », très dur, violent, qui se
développe aujourd'hui sur internet, dont ignore les noms
de famille ? Qui sont ces êtres humains qui se cachent sous
des noms de chiennes ou de friandises, et sur lesquelles passent
des dizaines d’hommes, d’accessoires, pendant un tournage
?
Aujourd’hui, les témoignages sortent. A la rédaction
de Blast, nous avons visionné « Shocking Truth »,
film suédois réalisé à partir d’interviews
et de montages de films pornographiques hardcore diffusés
dans le nord de l’Europe, et présenté au parlement
suédois en 2000 dans le cadre d’une réflexion
sur la liberté d’expression de la pornographie à
la télévision. Jusqu’où tolérer
les violences faites aux femmes sur un plateau, à l’écran,
et hors écran ? Doit-on tous les diffuser, même les
plus brutaux ? Je ne parle pas ici des films S.M, ritualisés,
très codés.Aussi dérangeant que cela puisse
être pour le spectateur et la spectatrice que je suis, à
voir le film « Shocking truth », on se rappelle tout
à coup que derrière chaque séance de «
hardcore », chaque vagin enfilé par un hardeur, chaque
bouche suçant à fond dans la gorge, chaque anus empli
de doigts ou de poings, se cache un être humain. Un être
humain, un corps qui parfois, saigne entre les scènes. Qui
s’évanouit pendant les plans coupés. Qu’on
redresse tant bien que mal pour l’éjac faciale. C'est
ce qu'on voit dans le film "Shocking truth".
Robotique
Certes, ne pas penser qu’un être humain, doté
du même corps fragile que votre sœur, votre copine, votre
femme, ou votre mère, soit pénétré à
la chaîne, saigne, s’effondre, encaisse des baises brutales
et humiliantes, soit quelquefois marqué à vie, permet
de mieux apprécier le spectacle, d’en jouir plus tranquillement.
C'est la logique du spectateur. Ne pas y penser, c’était
mon cas avant de voir le film. Avant de m’intéresser
à l’envers du décor. Le côté robotique,
formaté et prévisible de certains films pornos m’a
souvent paru ennuyeux. Mais j’appréciais une vidéo
de temps à autre, quelques scènes un peu crades pouvaient
me mettre en train, par contagion joyeuse de l’effet «
salope ». Et puis, j’ai découvert certains films
sur le net, la pornographie très brutale, la démolition
filmée. Il faut bien avouer que ça gâche le
plaisir. Qui sont-elles ?
J’ai commencé cette enquête sans a priori. Entre
filles, c’est vrai qu’on se demande. Après tout,
celles qui se font mettre par des tas de mecs dans les pornos, d’accord,
peut-être qu’elles n’aiment pas ça, mais
n’ont-elles pas choisi ? Elles sont payées pour ça.
Même si elles ont besoin d’argent, elles pourraient
quand même faire autre chose, non ? Mais est-ce vrai ? Avant
les grandes luttes sociales, les filles qui bossaient dans les usines
chimiques pourries et maladives se mutilaient en connaissance de
cause, tout en rêvant de passer à travers. Ces filles
auraient-elles pu choisir autre chose ? En vérité,
qui sont vraiment ces hommes et ces femmes que le spectateur consomme
? Tous des enculeurs fougueux et des salopes qui aiment ça
? Ou des fainéantes qui refusent de bosser ?
Réponse d’un producteur de porno suédois hardcore
dans Shicking Truth : « Ce sont très souvent d’anciennes
victimes de viols ou d’inceste dans l’enfance. »
Et puis, après un temps : « Bien sûr, dans ces
conditions, on peut se demander si elles choisissent ce métier
librement ». Quant aux hommes ? Réponse du même
producteur : « Les hommes ne doivent pas être émotifs
pendant. Il ne faut pas, par exemple, qu’ils attendent une
réponse de leur partenaire, qu’ils soient attentifs
à leurs réactions. Alors, s’ils sont émotifs,
ils ne peuvent pas vraiment faire ce travail. En fait, les hommes
doivent pouvoir agir comme des machines. »
Réponse d’un ancien commissaire, qui a rencontré
d’innombrables prostituées et actrices du hardcore
: « J’ai connu des milliers de filles. En fait, j’ai
l’impression d’avoir rempli une fonction de travailleur
social. Ce ne sont pas les mêmes filles dans le porno et dans
la prostitution. Mais elles ont les mêmes origines. Presque
toutes ont été abusées dans l’enfance.
» Que ce soit en France, aux Etats-Unis ou en Suède,
la constatation des associations est souvent la même. Les
milieux défavorisés fournissent un vivier de filles
pour la prostitution et la pornographie sans moyen qui conquiert
le net et les réseaux « amateurs ». Souvent victimes
d'inceste, ou de viols dans l’enfance. Or, constatent les
associations, ces jeunes femmes ne bénéficient pas,
la plupart du temps, d’un processus d’aide. Le corps
des plus défavorisés alimente le spectacle.
L’importance de ce cinéma brutal et sans droit ? Difficile
à dire. Aux USA, 75 % des magasins de vidéo vendent
des K7 ou DVD pornos, qui leur assurent entre 50% et 60 % du chiffre
d’affaires. Quelques % font du hardcore méchant. Et
65 % des connexions sur le net concernent des sites pornographiques
: les officiels, les X glamour, avec contrat de travail - et aussi
les nombreuses petites productions qui veulent faire de l’argent
facile sur les reins des actrices. Qui tournent de la baise boum
boum. C’est plus facile et ca coûte pas cher.
Backstage
Backstage d’un film, présenté dans Shocking
Truth : deux filles interviewées entre deux scènes,
du sperme plein le visage. La première, sourire figé,
terrible, regard fixe : « Je sais que je suis une grosse pute.
Mais je ne me rappelle plus quand ça a commencé »
. La seconde : « Peut-être… quand je me suis fait
enculer par l’avocat de mon père. Enfin, je ne sais
plus si c’était son avocat ou un de ses collègues.
J’avais douze ans. » Tout cela dit avec l’indispensable
sourire caméra et en enfonçant un doigt manucuré
dans une chatte épilée et parfaitement sèche.
Voilà la situation d’être humains entrés
volontairement dans le porno ultra violent, si on peut considérer
comme un acte de volonté l’impossibilité de
refuser des violences nouvelles pour les rescapés de violences
anciennes. Qu’advient-il d’eux, une fois entrés
? Comment savoir ? On apprend des associations que pas mal d'actrices
jouant dans des films zoophiles se droguent, certaines se sont suicidées.
Enfin, celles dont on connaît le nom. La junkie au pauvre
sourire ramassée dans la rue pour se faire mettre par un
lévrier afghan qui pose pour la jaquette du dvd bien en évidence
dans le bac prés de l’entrée du sex-shop à
côté de chez moi, celle-là, où est-elle
aujourd’hui, que lui est-il arrivé depuis ? Comment
ne pas y penser en croisant son regard ? Les culs anonymes passent
et crèvent. Qu’importe. Le réservoir à
paumés est disponible, à la merci des fantasmes des
spectateurs érigés en loi. Ce n’est pas la matière
première qui manque. Mais après tout, comme le dit
un autre producteur : « Il n’y a pas de loi interdisant
de faire de l’argent dans un système capitaliste. Je
n’ai pas inventé le capitalisme. Je suis innocent.
»
Tournage montré dans Shocking Truth : une petite blonde
assez mince se fait sodomiser sans ménagement par un mec
puis par un autre puis par un troisième. Ils font la queue
sans état d’âme, bite à la main. Les larmes
font couler le maquillage. Difficile de confondre les cris avec
des cris de plaisir. Entre le deuxième et le troisième
type, qui la secoue comme un sac, elle chancelle et ses yeux virent
au blanc. Plan coupé. Séquence suivante, nouvelle
enculade, avec en plus trois mains plongées dans son vagin,
la fouillant sans ménagement. Quand son partenaire se retire,
elle manque tomber. Une main la redresse par l’épaule
et lui plaque le visage sur une bite.
Interview backstage de cette fille. Les larmes ne sont pas encore
entièrement séchées : - Q : Si un inconnu vous
mettait sa bite dans la bouche en pleine rue, ça vous dérangerait
? - R : Vous croyez que je les connais bien, les hommes avec qui
je viens de tourner ? Je ne les avais jamais rencontrés avant
le tournage. Alors si un inconnu jouissait dans ma bouche, non,
ça ne me dérangerait pas. Et puis un sourire caméra,
d’autant plus atroce qu’on a encore en mémoire
les grimaces de douleur de la scène précédente.
Elle ajoute :« Mais n’oubliez jamais que j’aime
ça. J’adore le sexe, je suis une vraie pute et j’aime
ça. »
Elle aime vraiment tomber dans les pommes enculée par tous
ces mecs ? Ou est-ce la thèse officielle ? Après la
servitude volontaire, voici la torture volontaire ?
L'écran et la réalité
Backstage, encore : Une autre actrice, le visage également
baigné de sperme. - Q : De quoi avez vous peur ? - R : De
devenir un animal. Je ne suis plus un être humain. Je me sens
comme un animal. Même question posée à une autre
fille1, en train de sucer un gode fluorescent. Elle sort le gode
de sa bouche, et d’un coup son regard change. Eteint. Fixe.
- Q : De quoi avez vous peur ? - R : De devenir rien. Et ensuite
moins que rien.
Backstage toujours : Elle a au plus 24 ans. Elle raconte son expérience
d’ex-actrice de porno et s’écroule en larmes.
Elle parle de Cookie en disant « elle », comme s’il
s’agissait d’un corps étranger, comme si elle
ne pouvait pas raconter à la première personne. Mais
Cookie, c’est elle. Cookie devait tourner une double pénétration.
Elle s’est mise à pisser le sang. Il a fallu couper.
Les producteurs et les autres acteurs ont donné des kleenex
à Cookie pour qu’elle s’essuie, en la traitant
de conne parce qu’elle gâchait le film. Après
cinq minutes de pause, le tournage a repris et on lui a fait finir
la scène. Elle est payée pour ça, n’est-ce
pas ? Cookie dit encore, parlant toujours d’elle-même
à la troisième personne : « Cookie avait une
hémorragie qui nécessitait une hospitalisation d’urgence.
» Cookie n’est sans doute pas la seule à avoir
été hospitalisée après un tournage.
Comme le raconte Raffaëlla Anderson dans son terrible livre-témoignage,
"Hard" (Grasset 2001): « Prenez une fille sans expérience
[…], loin de chez elle, dormant à l’hôtel
ou sur le tournage : faites lui faire une double pénétration,
un fist vaginal, agrémenté d’un fist anal, parfois
les deux en même temps, une main dans le cul, parfois deux.
Tu récoltes une fille en larmes, qui pisse le sang à
cause des lésions, et qui généralement se chie
dessus parce que personne ne lui explique qu’il faut faire
un lavement. De toute façon, c’est pas grave, la merde
fait vendre. Après la scène qu’elles n’ont
pas le droit d’interrompre, et de toute manière personne
ne les écoute, les filles ont deux heures pour se reposer.
Elles reprennent le tournage. »
Raffaëlla : « Le matin, tu te lèves, tu te fourres
pour la nième fois ta poire de lavement dans le cul et tu
nettoies l’intérieur. Tu réitères jusqu’à
ce que ce soit propre. Rien que ça, ça fait mal. […]
Après ça, j’ai besoin de me mettre sous la couette
une heure pour oublier combien j’en souffre. […] Aucune
position ne convient. Tu tournes dans tous les sens mais y a rien
qui t’apaise. Après quoi, tu te retrouves sur un set
et tu suces, tu cambres. On te traite de salope […]. Rien
ne vaut une telle souffrance. »
Il est devenu urgent de s’interroger sur le processus de
déshumanisation de milliers d’hommes et de femmes engagés
dans une pornographie de la démolition, qui prend sur le
net un essor industriel. La vision du film Shocking Truth, le témoignage
de Raffaëlla Anderson, la cruauté de certains films
X sur le net, m’ont bouleversée. Qu’advient-il
de ces filles dont la plus grande peur est d’être devenue
« un animal » ou « rien, moins que rien »
? Nous le savons. Certaines meurent du sida. Beaucoup conservent
des séquelles physiques et psychologiques qui les poursuivent
longtemps. Rocco Sifredi lui même a reconnu un jour que certaines
« actrices » du porno bas de gamme avaient le sexe et
l’anus détruits.
En Australie j'ai appris des associations, beaucoup d’actrices
ont recours à des opérations chirurgicales spécifiques.
Il ne s’agit plus maintenant de retouches « classiques
» (comme augmenter le volume des seins) mais de se faire ôter
les grandes lèvres, afin que le vagin soit plus visible à
l’écran… Rien qu'un trou.
Il faut dire aussi la nullité de ces films, tout en gros
plan génital. Le gâchis de toutes ces belles filles,
la manière robotique dont on les traite, dans d’interminables
scènes mécaniques tournées sans aucun talent.
La logique du spectateur
Après cette enquête et avoir visionné les images
de « Shocking Truth », je sais que je ne pourrai plus
regarder un film porno sur le net comme avant. En cherchant une
scène de sexe, j’aurais peur de tomber sur une scène
de démolition, et d’avoir mal pour la fille. Je ne
demande pas la censure, encore moins l’interdiction des films
pornographiques. Je demande à sortir de la logique du spectateur.
Qu’il nous suffise d’écouter notre corps. Il
n’y a pas de questionnement sur la pornographie sans un questionnement
de la chair, sans empathie, sans compassion. Je ne demande pas l’abolition
de la pornographie. Je demande la création d’un observatoire
destiné à veiller au grain et aux salauds, au respect
des personnes employées sur les tournages hardcore. Nous
nous indignons de la vivisection, du gavage des oies, des poulets
en batteries, des vaches folles, des dobermans mal traités
dans les tournages X. Beaucoup moins des actrices X de 18 ans démolies
pour faire le spectacle.
Citons pour rire, pour le fou- rire car sans folie il faudrait
en pleurer, cet avis d’un internaute sur la zoophilie : «
[Même si j’adore la sexualité filles / animaux]
je ne peux cependant, en tant que technicien vétérinaire,
défendre l’idée d’une interaction sexuelle
entre l’être humain et l’animal, parce que cela
ruinerait la psyché de l’animal et le ferait ensuite
agir de façon intolérable au regard des règles
de politesse de la société humaine. De plus, il serait
mal d’encourager un animal innocent à suivre les traces
du mâle humain, en quête d’un idéal inaccessible
».
Virtuel mortel.
Imaginons un instant qu’ait lieu une campagne d’information
des spectateurs, avec diffusion sur une chaîne généraliste
d’un film documentaire (du type « Shocking truth »)
comportant des images « backstage » de films de «
démolition ». Ou imaginons ces mêmes images en
chair et en os, toute cette violence montrés sur une scène
de théâtre. Pour la plus grande majorité, le
passage d’une représentation virtuelle à la
réalité physique suffirait à ouvrir les yeux
sur la souffrance, les corps en souffrance. La compassion est difficile
à éprouver pour une pure image, sans souffle ni odeur,
pour une fille de pixels sur un écran. C’est à
ce stade, et à ce stade seulement, qu’il faut réintégrer
le point de vue du spectateur. Qu'il voit les corps réels
en action, en jouissance ou en souffrance.
Il me semblerait réjouissant d’offrir aux jeunes qui
regardent le porno sur le net une vision plus inspirée et
exubérante du sexe. Plus extraordinaire que celle des femmes
découpées en morceaux et des marteaux piqueurs de
la performance. D’inventer un cinéma pornographique
moins straight, moins coincé sur le génital.
On peut se demander quels automates dociles on cherche à
faire des hommes qui regardent ces films. Voulons nous fabriquer
des générations d'individus onanistes, passant leur
vie derrière les écrans, économiquement performants,
faciles à faire jouir - et de l’autre côté,
une autre humanité, laborieuse, obligée, mise en image,
qu’il sera permis de « démolir » ?
Isabelle Sorrente
NB : J’ai écrit une première version de cet
article en 2002 dans un dossier sur la pornographie du magazine
Blast, accompagné d’un entretien avec Raffaëla
Anderson sur les coulisses du "hardcore", et du témoignage
du réalisateur de films X, Pascal Hamelin Delaunay, qui rappelle
qu'un cinéma porno underground original et sans démolition
existe. A l’époque, le terme « gonzo »,
qui désigne aujourd’hui la pornographie de type «reality-show
» (la démolition filmée), n’existait pas.
Les images visionnées dans le film Shocking Truth correspondaient
à ce que beaucoup appellent maintenant, en 2007, la pornographie
« gonzo ».
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