|
Origine http://endehors.org/news/11021.shtml
http://perso.orange.fr/libertaire/archive/98/207-juin/foot2.htm
L'histoire de la Coupe du Monde de football est jalonnée
d'évènements, de faits significatifs et symptomatiques
de la réalité politique footballistique, de son fondement,
duel qui oscille entre capitalisme libéral et fascisme.
Le temps des dictatures
En 1934, la Coupe du Monde a lieu en Italie. Deux stades portent
des noms significatifs : celui de Rome se nomme Stade du Parti fasciste
et celui de Turin se nomme plus simplement Mussolini. Le Président
de la Fédération italienne de football déclare
alors que "le but ultime de la manifestation sera de montrer
à l'univers ce qu'est l'idéal fasciste du sport".
L'affiche qui annonce le championnat représente un athlète
le bras tendu. Lors des matches de l'équipe nationale italienne,
de nombreuses Chemises noires encadrent le public et la foule scande
alternativement Duce et Italia.
Pour cette Italie là, pour ce régime politique, l'organisation
de cette compétition va se révéler être
une parfaite réussite propagandiste. Car, non seulement de
nombreux participants vont se croire obligés de rendre hommage
à l'Italie fasciste et à son chef (Argentins, Autrichiens,
Brésiliens, Espagnols, Français, Hollandais et Suisses),
mais, de plus, la victoire de l'équipe italienne devient
le tremplin idéal pour la célébration du génie
national. Ainsi, il est écrit dans le Corriere della Sera
du 9 juin 1934 : "On sera envahi par la divine passion qu'on
porte inévitablement à tout ce qui est nôtre,
à tout ce qui porte la marque de notre race, aux couleurs
de notre drapeau". Cette Coupe du Monde a effectivement servi
de moyen de reconnaissance officielle et d'acceptation/banalisation
du régime fasciste. Légitimé par cette organisation
internationale, Mussolini devient acceptable.
En 1938, la Coupe du Monde a lieu en France, malgré le bruit
des bottes. En Espagne, le général Franco est en passe
d'imposer son totalitarisme. En Autriche, l'Anschluss est décrété.
La compétition sert encore de vitrine au fascisme : preuve
en est l'acceptation faite à l'équipe nationale allemande
de participer à l'épreuve alors qu'elle comprend en
son sein des joueurs autrichiens. Les Juifs sont eux, exclus de
l'équipe. L'annexion de l'Autriche est officiellement entérinée
tout comme est acceptée la politique antisémite des
dirigeants allemands. De son côté, l'équipe
italienne est venue gagner sa deuxième Coupe du Monde. Les
mots de Mussolini ne laissent d'ailleurs planer aucun doute : Vaincre
ou mourir, écrit il aux joueurs. Jules Rimet, alors président
de la FIFA et créateur de la Coupe du Monde qui porte alors
son nom, voit, pour sa part, avec bonheur les foules françaises
acclamer les symboles du fascisme italien : drapeau, couleurs et
représentants qui, lors de tous les matches, lèvent
le bras pour le salut fasciste.
En 1942, la Coupe du Monde aurait pu être organisée
par trois pays : l'Allemagne, l'Argentine et le Brésil. En
1938, Jules Rimet conseille de ne pas prendre de décision,
attendant que le temps fasse son œuvre. Une fois de plus, les
instances dirigeantes du football international refusent de mettre
hors jeu l'Allemagne nazie. La compétition n'aura finalement
pas lieu.
1978 est l'année de l'Argentine. La junte militaire du général
Videla est alors au pouvoir. Des centaines de millions de dollars
sont dépensés pour une opération de prestige,
alors que le pouvoir d'achat des travailleurs baisse de 65 % lors
des deux précédentes années. Les matches vont
se dérouler dans un pays concentrationnaire où des
milliers de personnes sont emprisonnées. Plus encore disparaissent
: 15.000 en avril 1978, selon Amnesty International. Dans le même
temps, on estime entre 8.000 et 10.000 le nombre de personnes assassinées
par les forces de l'ordre. Les tortures, physiques et morales, se
multiplient, mais l'Argentine va néanmoins recevoir la légitimation
de son régime par ce que l'on nomme habituellement la communauté
internationale. Pourtant, le Comité pour le boycott de l'organisation
par l'Argentine de la Coupe du Monde de football (COBA) ne manque
pas d'informer l'ensemble des responsables et des populations concernés
par cet état de fait. Et, même si le mouvement de boycott
obtient un certain succès, le football, institution autoritaire
dont les amitiés fascistes ne sont plus à démontrer,
ne se laisse pas fléchir. La Coupe du Monde a lieu avec la
victoire de l'Argentine comme point d'orgue de la propagande, refermant
le couvercle sur la marmite aux horreurs du fascisme argentin.
Instrumentalisation politique
Au delà de ces exemples, la Coupe du Monde a toujours été
le théâtre de manifestations politiques. Non pas qu'elle
les ait subies. Elle les créait et en était la principale
cause.
En 1930, l'Uruguay célèbre le centenaire de son indépendance.
Les fêtes commémoratives se mélangent aux matches.
Le stade construit pour la finale se nomme Stade du Centenaire.
Le pays organisateur gagne le tournoi et le lendemain de la finale
est décrété fête nationale.
Le Brésil organise la Coupe du Monde en 1950. Les pays de
l'Est n'y participent pas. Ils n'ont pas encore rejoint le mouvement
sportif mondial. Pour l'occasion, le plus grand stade du monde a
été construit : le Maracana. Il renferme 250.000 places.
La finale oppose l'Uruguay au Brésil. Le premier gagne le
match, ce qui provoque des mouvements de foule. Les blessés
et les crises d'épilepsie ne se comptent plus. L'hôtel
de l'équipe uruguayenne est pris d'assaut par les Brésiliens
qui souhaitent écharper les vainqueurs.
En 1958, lors des éliminatoires, les Indonésiens
refusent d'aller jouer à Tel Aviv.
La Coupe du Monde 1962 est organisée au Chili, dans un pays
alors dirigé par une oligarchie stable dont le point fort
n'est pas la démocratie. Le pays est surexploité et
connaît des problèmes de pauvreté et d'identité.
Le football mondial reste fidèle à sa ligne philosophique
: "l'ordre politique", partout et pour tous !
En 1966, lors de l'épreuve qui se tient en Angleterre, les
pays d'Afrique, d'Asie et d'Océanie n'obtiennent à
eux tous qu'un seul représentant. Ils n'attirent pas les
spectateurs. Le football se veut égalitaire mais pas forcément
juste.
Le Mexique organise la Coupe du Monde 1970. En 1968, à Mexico,
plusieurs centaines d'étudiants sont assassinés sur
la place des Trois Cultures. Quelques jours plus tard, durant les
Jeux Olympiques, deux athlètes américains lèvent
le poing ganté du Black Power (pour cette manifestation courageuse,
ils seront déchus de leur titre : l'olympisme ne plaisante
pas avec les manifestations des opprimés). Cette Coupe du
Monde sert de rédemption pour le pays. Celle ci connaît
des problèmes d'analphabétisme. L'india-nité
n'est toujours pas acceptée et ces populations vivent dans
des conditions inacceptables. Lors des phases éliminatoires,
la FIFA, toujours "apolitique", exige la réunification
des deux Corées. Le sélectionneur anglais, de son
côté, déclare au moment d'affronter l'Allemagne
: "Pourquoi l'Allemagne nous battrait à Léon
puisqu'elle ne l'a pas fait sur le terrain en 69 ans ni en trois
guerres que se sont livrées nos deux pays". L'affrontement
entre le Mexique et la Belgique se terminera par 6 morts et 500
blessés. La victoire du Brésil entraînera la
mort de 74 personnes et l'hospitalisation de plus de 2.100 autres,
rien qu'à Rio de Janeiro.
En 1974, la Coupe a lieu en Allemagne, alors de l'Ouest. En 1972,
les Jeux Olympiques de Munich ont été le théâtre
de l'action d'un commando palestinien de l'organisation Septembre
Noir : bilan, douze morts. Désormais, la compétition
devra être policée à l'extrême. Policiers
armés jusqu'aux dents, chiens, barbelés, fouilles
systématisées : c'est l'univers carcéral en
action.
En 1986, le Mexique organise à nouveau la Coupe du Monde.
Le 19 septembre 1985, un tremblement de terre fait plus de 20.000
morts. Le chômage sévit partout dans le pays, la pauvreté
également. Politiquement et économiquement, les problèmes
ne sont pas réglés. La contestation est permanente,
mais la FIFA confie tout de même l'organisation au Mexique,
plutôt qu'à la Colombie qui connaît une certaine
instabilité politique, ce qui ne plaît jamais aux dirigeants
de cette fédération internationale. La défaite
du Brésil contre la France entraîne, à Rio de
Janeiro, la mort de sept personnes et plus de 2.000 hospitalisations.
En 1990, en Italie, le Costa Rica, qui arrive pour la première
fois au niveau des huitièmes de finale de l'épreuve,
décrète que le 20 juin sera jour de fête nationale.
La victoire est hissée au niveau d'un événement
historique.
Enfin, la Coupe du Monde de 1994 aux États Unis, reste l'épreuve
de la mondialisation de la compétition, de la réglementation,
et le support de la pensée unique capitaliste et libérale
dont Coca Cola reste l'un des grands prêtres. Le footballeur
colombien Andres Escobar est victime de l'importance des enjeux
politiques et économiques du football puisqu'il sera abattu,
suite au but marqué contre son camp face aux États-Unis.
Le football a donc toujours été l'un des meilleurs
supports idéologiques, soit du fascisme, soit du libéralisme,
selon le vent dominant du capitalisme.
Ce texte est extrait de l'excellente Lettre d'information éditée
par le Réseau Vivre au Présent
BP 9223 à 34043 Montpellier
Mis en ligne par rokakpuos, le Mardi 4 Juillet 2006, 05:43 dans
la rubrique "Pour comprendre".
|
|