Origine : http://www.gendertrouble.org/article.php3?id_article=33
Il est un monde merveilleux rempli d’évidences.
Il y a les bébés roses, à qui l’on apprend
la douceur, la vulnérabilité. Leur sphère sera
le privé et leur accomplissement la maternité. Ce
seront des femmes.
Il y a les bébés bleus, dont on fera les rois de
l’arène publique, du pouvoir et de la décision.
Ce seront des hommes.
C’est comme ça, il n’y a aucune raison que ça
change. Chacun et chacune à sa place est ainsi fabriqué
pour se marier, fonder une famille, se reproduire, consommer, travailler,
ne pas se poser de questions. Ainsi va la bonne marche du monde,
ça n’a pas de nom, c’est normal, évident.
Mais ce monde idyllique est en danger. Les menaces, elles, ont
de nombreux noms (enculé, pute, gouine, pédé,
salope,...). Ou plutôt des insultes, qui servent d’épouvantail
pour quiconque ne rentrerait pas bien dans sa couleur. Et pourtant,
des déviants existent. Mais ils doivent rester sagement à
la porte.
Dehors ces êtres masculins qui ne veulent pas devenir des
hommes, dominateurs de l’autre moitié de l’humanité
!
Dehors ces êtres féminins qui préfèrent
leurs amantes à leur maître (que beaucoup appellent
mari) et qui revendiquent leur plaisir sexuel !
Dehors ces êtres qui se construisent des identités
ne correspondant pas au rose ou bleu de leur naissance !
Pour cela, ce monde dispose d’armes d’invisibilisation
massive, de missiles de la honte et autres bombes biologisantes.
Autant d’outils puissants, qui confinent les pas-comme-il-faut
dans le placard, les poussent à se taire, à donner
une bonne image, dans l’espoir d’être un jour
considérés comme tout le monde, enfin normaux.
Un jour, les déviantEs refusent de se taire. En observant
du dehors ce monde qui vivrait si bien sans elles, elles réalisent
que le rose et le bleu sont bien trop étriquées !
Alors elles se nomment et nomment le monde. Elles renomment les
évidences en oppression et aliénation. Puis elles
prennent les armes à leur tour : les missiles anti-missiles
de la fierté. Désormais, elles sont trans, pédés,
gouines, féministes. Le monde n’est plus normal, il
devient hétéropatriarcal.
Elles sont fières de ne pas êtres complices de la
domination masculine, fières d’explorer les terres
interdites du désir, fières de pratiquer des sexualités
non reproductives, fières d’adopter tour à tour
les identités multiples qui s’offrent à elles,
fières de sortir de l’asservissement de la Femme.
Elles n’étaient pas les seules à la porte.
Du dehors, il apparaît que la couleur de peau et le pays d’origine
sont aussi des motifs d’exclusion. Qu’une majorité
crée des richesses au profit d’une minorité.
Que les puissants se font la guerre pour être plus puissants.
Qu’on pourchasse les prostituéEs parce que le sexe
reste tabou.
La catégorisation aliène tout le monde. Alors certaines
personnes du dedans réalisent que rose ou bleu ne leur convient
pas non plus. Que vouloir devenir un vrai mec ou une femme parfaite
est illusoire et aliénant. Mais les missiles de la honte
et les grenades du conformisme continuent à pleuvoir. Des
déviantEs persistent à vouloir intégrer ce
faux-semblant de paradis, et, bien au chaud sous la couverture de
honte, ils cautionnent, sans s’en apercevoir, l’apparente
puissance de ce monde.
Faisons la preuve que vivre autrement est possible,
dénonçons l’hétérosexualité
comme système politique,
refusons la nature, la normalité, l’ordre symbolique.
Affrontons la morale, claquons fièrement la porte, ne soyons
plus complices de la mascarade hétérosexuelle.
Désintégrons le système plutôt que tenter
de nous y intégrer.
Il nous fait la guerre.
Repensons autrement les rapports humains.
Les pAnthèrEs rOses. 2003
vouEs pouvez jeter un coup d’oeil sur le site des panthères
roses et/ou diffuser leurs textes si ça vouEs chantE !
http://www.gendertrouble.org/article.php3?id_article=33
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