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Dans la lettre de mission adressée, lundi 9 juillet, à
Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre
la pauvreté, Nicolas Sarkozy fixe l'objectif de réduire
la pauvreté en France "d'au moins un tiers en cinq ans".
Le chiffre de 7 millions de pauvres, cité par le chef de
l'Etat, correspond à l'indice Eurostat qui mesure le nombre
d'individus disposant de moins de 60 % du revenu médian,
soit 788 euros en 2004. La norme française, basée
sur 50 % du revenu médian, soit 657 euros, correspond à
3,7 millions de pauvres.
Article paru dans l'édition du 11.07.07
Les hauts revenus ont explosé en France entre 1998 et 2005
LE MONDE | 10.07.07 Article paru dans l'édition du 11.07.07
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-933814@51-929678,0.html
es revenus des Français les plus riches ont augmenté
bien plus rapidement que ceux du reste de la population entre 1998
et 2005. Pendant ces huit années, les 0,01 % des foyers les
plus riches (3 500 sur 35 millions) ont vu leurs revenus croître
de 42,6 %, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches.
Cette évolution, liée à la forte hausse des
revenus du patrimoine, s'explique aussi par la rapide augmentation
des inégalités de salaires. C'est ce que montre une
étude menée par Camille Landais qui a réactualisé
les séries (1901-1998) de Thomas Piketty sur les hauts revenus
pour la période 1998-2006.
Ce chercheur de l'Ecole d'économie de Paris a travaillé
sur les données produites par le fisc, les seules permettant
de "suivre les variations du haut de la distribution des revenus".
Le "fort hiatus" entre la majorité des foyers fiscaux
et les plus hauts revenus n'étant manifesté que dans
les cinq derniers pour cents, les indicateurs d'inégalité
fondés sur des comparaisons par tranche de 10 % (comme ceux
de l'Insee) "sont donc naturellement aveugles à cette
explosion récente des très hauts revenus".
L'étude montre une stagnation des revenus moyens déclarés
(+ 0,82 % en moyenne annuelle) et des revenus médians (+
0,6 % en moyenne annuelle) : en 2005, le revenu des 90 % des foyers
les moins riches n'est "même pas supérieur de
5 % à ce qu'il était en 1998". En revanche, "au
sein des 5 % des foyers les plus riches, les revenus déclarés
ont augmenté de 11 % depuis 1998 ; au sein des 1 % des foyers
les plus riches, ils ont augmenté de 19 % ; au sein des 0,1
% les plus riches de 32 % et au sein des 0,01 % les plus riches
de près de 43 %".
Cette explosion tient d'abord à la croissance sur la période
des revenus du patrimoine - ils représentent 9 % des revenus
des 10 % de foyers les plus riches contre 3 % pour le reste des
ménages -, tandis que les revenus d'activité stagnaient.
Et au dynamisme des revenus des capitaux mobiliers qui ont crû
de 31 % en huit ans, soit cinq fois et demi plus vite que les salaires.
M. Landais y voit la marque du développement des marchés
financiers et de l'internationalisation des marchés de capitaux,
"qui induit sans doute une concurrence accrue parmi les entreprises".
Cela "expliquerait le développement et la diffusion
de politiques de distribution de dividendes beaucoup plus actives
qu'auparavant", ajoute-t-il, faisant état d'une "légère
modification de la répartition de la valeur ajoutée
entre capital et travail au profit du premier".
La croissance des revenus du patrimoine ne suffit pas à
expliquer l'accroissement des inégalités de revenus
: l'étude révèle aussi une explosion des inégalités
salariales. Là où le salaire moyen des 90 % des foyers
les moins riches patine avec une croissance de 4 % sur huit ans,
le salaire moyen des 0,1 % et 0,01 % des salariés les mieux
payés augmente respectivement de 29 % et de 41 %. Cette envolée,
qui rompt avec vingt-cinq ans de stabilité de la hiérarchie
des salaires, "s'inscrit dans le cadre d'évolutions
déjà observées dans d'autres pays". "La
France, après une période de grande stabilité
des hauts revenus de 1980 à la fin des années 1990,
semble donc rattraper la tendance observable dans les pays anglo-saxons
actuellement", les données les plus récentes
pour 2006-2007 semblant indiquer une poursuite de la forte croissance
des hauts revenus, souligne M. Landais, non sans rappeler que "le
niveau de la fiscalité des revenus et du patrimoine a fortement
diminué à l'endroit des hauts revenus".
Claire Guélaud
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