Origine : http://www.hmstop.com/Articles/Article12.htm
Dépêche AFP 26/02/2000
Les salariés n'hésitent plus à dénoncer
le harcèlement moral au travail Par Nadia TESKRAT PARIS,
26 fév (AFP)
Si le harcèlement moral au travail a toujours existé,
des circonstances nouvelles encouragent désormais les salariés
à dénoncer publiquement les mauvais traitements dont
ils s'estiment victimes et qui peuvent, dans des cas extrêmes,
conduire au suicide.
"Face à la croissance économique qui se porte
mieux, la souffrance au travail apparaît moins supportable
et les salariés revendiquent plus", explique Gérard
Filoche, inspecteur du travail.
En outre, plusieurs livres, un film et l'écho donné
par la presse aux affaires de harcèlement moral dans l'entreprise
"aident les gens à parler", ajoute-t-il.
En juin dernier, les méthodes cassantes de la direction
coréenne de l'usine de tubes cathodiques de Daewoo à
Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) avaient fait grand bruit.
Les salariés qui revenaient de congés maladie étaient
mis en pénitence dans un service appelé "no division":
ils étaient affectés à des tâches subalternes
comme "tondre la pelouse", après être restés
"assis dans un bureau face à un Coréen, pendant
des heures et des heures sans rien faire".
Plus récemment, les salariés des hypermarchés
Continent de Perpignan et de Wasquehal, près de Roubaix,
se sont mis en grève pour, notamment, exiger de la direction
"un dialogue respectueux et courtois".
La RATP est aussi mise au banc des accusés par la CGT qui,
depuis juin dernier, dénonce les "discriminations"
dont sont victimes, selon elle, les salariées écartées
du guichet car jugées "trop grosses, trop jeunes, trop
noires, trop souvent enceintes ou absentes".
Auteur d'un ouvrage sur "Le harcèlement dans l'entreprise",
Marie-France Hirigoyen, psychiatre, explique que cette méthode
a pour but de "détruire l'autre" et de "s'en
débarrasser sans laisser de trace".
On profère des petites phrases assassines sur un défaut
physique, on suggère que le travail est mal fait, on met
le salarié au placard.
"Ressources humaines"
La pression psychologique peut conduire à la dépression,
voire au suicide de la victime, parfois sur le lieu de travail,
comme l'illustre le drame de ce salarié de 34 ans retrouvé
pendu en janvier 1997 dans les locaux de la société
Diamantine, une entreprise de fabrication de peinture de Montluçon
(Allier).
La Cour d'appel de Riom (Puy-de-Dôme) vient de décider
de marquer le coup en qualifiant ce suicide d'accident du travail.
Stéphène Jourdain et Albert Durieux dressent aussi
dans un livre, "L'entreprise barbare", la panoplie des
méthodes "raffinées, perverses ou brutales"
utilisées par les dirigeants pour pousser les salariés
à démissionner afin d'éviter une procédure
de licenciement contraignante et coûteuse.
Sur les écrans, c'est le film "Ressources humaines"
qui restitue avec vérité la brutalité des rapports
sociaux dans une entreprise et qui agit comme un électrochoc
sur les gens, souligne M. Filoche.
Les députés communistes ont déposé,
en décembre dernier, une proposition de loi destinée
à "protéger l'intégrité tant physique
que morale et la dignité du travailleur". Cette démarche
a été approuvée par la ministre de l'Emploi
Martine Aubry, qui a cité une étude révélant
que les facteurs de pénibilité mentale du travail
augmentent depuis le début des années 1990 et que
la crainte des sanctions, ressentie par 60% des salariés,
apparaissait comme celui qui pèse le plus.
Seul le harcèlement sexuel est un délit pénal
depuis 1992.
"Une douzaine de cas" uniquement ont été
jugés mais une loi contre le harcèlement moral au
travail "va créer une référence et va
avoir un effet dissuasif", plaide M. Filoche.
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