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Origine : http://www.france5.fr/articles/W00068/962/
HARCÈLEMENTS
Film sur le harcèlement moral au travail, "Harcèlements" montre
la souffrance, celle qui ronge et détruit tout doucement. Raconté
par des victimes qui se battent pour retrouver leur dignité, il
donne aussi la parole à ceux qui tentent de prévenir et de combattre
cette violence perverse et insidieuse.
Il y a d'abord le cas de Ginette, 38 ans, chef d'équipe dans une
grande fabrique de médicaments. Licenciée depuis quinze jours, elle
raconte : "On a crevé les pneus de ma voiture, on a volé mes tenues
de travail, mes chaussures de sécurité, les gens se moquaient de
moi..."
Il y a aussi Michèle, 46 ans, cadre supérieur dans un conseil
régional, en arrêt maladie depuis quinze mois. Elle aussi a accepté,
courageusement et difficilement, de témoigner devant la caméra,
pour dire les insultes, les menaces, les agressions dont elle fut
victime.
Comme elles, Vincent, 26 ans, opérateur chimiste, évoque son histoire
: il a démissionné, il y a un an, de son premier emploi, victime
de la bêtise d'un groupe de collègues, sans que sa direction juge
bon d'intervenir. Enfin, il y a ces quatre hommes, tous agents d'assurances,
qui racontent comment, à la suite de la fusion de leur groupe, les
salariés furent poussés à la démission, purement et simplement.
Tous exemplaires, ces cas de harcèlement moral au travail donnent
la mesure d'un phénomène désormais condamné par la loi du 20 janvier
2002, qui concernerait plus d'une personne sur trois en France.
Si la définition de ce processus d'emprise psychologique −
qui a toujours existé − reste très complexe, ses effets sont
d'autant plus terribles qu'ils touchent à la dignité humaine.
Institué en méthode de management ou pratiqué par un chef pervers
ou un groupe s'acharnant sur un salarié, le harcèlement moral est
d'autant plus destructeur qu'il agit sur le non-dit. Et souvent,
souligne Michel Debout, professeur de médecine, "c'est la victime
que l'on va accuser de ses propres turpitudes". D'où, de la part
des "harcelés", un immense besoin de reconnaissance − tant
pénale que morale − et la nécessité d'une écoute, comme celle
que leur apporte l'association Mots pour maux au travail.
Une prévention difficile
Outre l'écoute et l'information, celle-ci offre de prévenir le phénomène,
rejoignant ainsi les actions menées depuis peu par les directions
des ressources humaines et la médecine du travail. Mais l'exercice
est périlleux : "On doit prévenir des choses dont les frontières
ne sont pas clairement définies", dit Marie-Christine Arthuis, DRH.
Certains, comme Loïc Le Scouarnec, président d'une association
contre le harcèlement, tentent de sensibiliser les syndicats à cette
question. D'autres, comme le Cnam à Nantes, organisent des débats
ou montent des pièces de théâtre mais mettent aussi en garde : "Ne
considérons pas tous les managers et tous les collègues comme des
harceleurs potentiels ou réels", dit Christian Poissonneau, auteur
de la pièce Harcèlement mutuel.
Toutes ces initiatives en disent long cependant sur la difficulté
à "traiter" et à prévenir ce phénomène. Reste la souffrance des
victimes, immense, et qui fait honte à toute une société.
Diffusion le lundi 20 janvier 2003 à 16h35 (hertzien) et à
20h50 (câble et satellite).
Avez-vous eu des difficultés pour inciter les victimes
à témoigner ?
Bernard Cazdepats, réalisateur : Ce fut très difficile.
Ce qui les a convaincues, et c'est extrêmement courageux de leur
part, c'est l'idée que soient montrés des exemples. En les voyant,
on comprend combien on peut souffrir au travail. Et c'est terrible
de voir des gens souffrir autant. Il faut que chacun fasse un peu
attention aux autres.
Dominique Le Pivert, productrice : Il a fallu beaucoup
de respect, d'écoute. Notre but était de montrer, sans juger. Montrer
que ces situations ne sont pas tolérables et qu'il faut dire "stop"
tout de suite. Car tout le monde peut être victime.
Vous est-il arrivé de douter de leurs propos ?
B. C. : Au début, on s'interroge beaucoup. Et puis, on
se rend compte qu'elles ne délirent pas du tout. Ces personnes sont
anéanties, déstabilisées, elles ont du mal à prendre du recul. Mais
si elles sont ainsi, c'est parce qu'on les a poussées à bout.
D. L. P. : Le doute de soi les a cassées. Vincent, par
exemple, est contraint de s'exiler : ce qu'il a vécu est trop lourd
à porter, toute sa famille est ébranlée. Ce sont des souffrances
qui se referment très difficilement.
Le harcèlement au travail est-il un phénomène contemporain
?
B. C. : Avec la loi de janvier 2002, on a enfin mis un
mot sur un phénomène qui a toujours existé mais qui prend une dimension
nouvelle dans notre société, très dure et individualiste : on laisse
faire sans réagir, on se met du côté du pouvoir...
D. L. P. : Cette forme d'assassinat est rendue possible
parce que les solidarités n'existent plus dans l'entreprise. Les
DRH commencent à y réfléchir, les choses bougent, mais certains
aussi veulent remettre en cause la loi. Pourtant, ces souffrances
ont un coût social et humain conséquent.
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