Origine : http://www.guidejuridique.net/
SOMMAIRE :
Introduction
I - Brève présentation des institutions judiciaires
française
II - Contrôle et vérification d’identité
dans la rue (ou un espace public)
III - Perquisitions
IV - Fouilles
V - La Garde à vue
VI - De la garde à vue au procès
VII - Le plaider-coupable
VIII - Le procès devant le tribunal correctionnel
IX - Le rendu du jugement, les différentes peines et leur
application
X - L’appel
XI - Le casier judiciaire et les fichiers
Conclusion
Avant-propos
L’objectif de ce traité de self-défense juridique
est d’aider celles et ceux qui décident d’assurer
collectivement leur défense face à la répression
la plus courante, celle dont se sert massivement la justice pour
faire régner l’ordre social.
La défense collective vise à se réapproprier
les stratégies de défense, qui doivent être
choisies par les accusés et ceux qui s’organisent avec
eux, et non exclusivement par ces spécialistes du droit que
sont les avocats. Elle permet de ne pas se cantonner à l’aspect
juridique et légal de la défense : elle cherche à
créer le rapport de force qui évite de laisser l’individu
isolé face à la machine judiciaire.
La connaissance de la logique de fonctionnement du droit et des
principes de la procédure pénale doit permettre de
ne pas se focaliser sur celles-ci : maîtriser ces règles,
c’est connaître leur force et leurs limites, c’est
mieux évaluer quand et comment on peut (ou on ne peut pas)
les contourner.
Dans ce guide figurent toutes les informations nécessaires
sur les procédures rapides, qui représentent plus
des deux tiers des affaires jugées par les tribunaux correctionnels
: comparution immédiate, convocation par procès-verbal
du procureur, convocation par procès-verbal de l’officier
de police judiciaire. L’instruction n’est évoquée
que pour éviter les confusions avec les procédures
plus simples.
Ce traité est loin d’être complet : il faudrait
y ajouter les lois sur les mineurs, les sans-papiers, et détailler
les procédures d’exception (stups, terrorisme, etc.)
ainsi que l’harmonisation du droit européen dans le
sens le plus répressif (délit d’intentionnalité,
etc.). Il faudrait aussi décrire l’extension du fichage
judiciaire et policier, etc.
Ces dernières années, le droit pénal n’a
cessé d’évoluer dans un sens plus répressif
: les tentatives pour donner du droit une image plus conforme à
ce qu’il devrait être dans l’idéologie
des droits de l’Homme n’y ont rien changé. Les
réformes, petites ou grandes, sont incessantes : l’exception
devient la règle et les lois provisoires deviennent permanentes.
Les versions successives de ce traité sont donc identifiées
par leur date. Plus on s’éloigne de cette date, plus
il est nécessaire de tenir compte des textes de loi récents.
Ce guide sera régulièrement actualisé par le
biais de pages téléchargeables depuis le site www.actujuridique.com
Par exemple, la future Loi sur la prévention de la délinquance
entend modifier les règles d’effacement des condamnations
au bulletin no 1 du casier judiciaire : l’actualisation de
ce guide sera disponible sur Internet au jour où ces nouvelles
dispositions entreront en vigueur.
Les sources de ce guide sont, principalement, le Code de procédure
pénale (CPP) et le Code pénal (CP). Le Code pénal
définit les infractions et donne les fourchettes de peine
encourues. Le Code de procédure pénale explique comment
doit se dérouler l’enquête et le jugement. Les
articles de loi tirés de ces Codes sont identifiés
par leur simple numéro. Lorsqu’il s’agit d’un
article tiré d’un décret, il est précédé
d’un «D» majuscule (exemple : art. D.48 du CPP).
Lorsqu’il s’agit d’une circulaire, la référence
est citée intégralement. Les circulaires expliquent
et précisent la loi en montrant comment elle doit être
interprétée : cependant, elles n’ont qu’une
valeur indicative.
La loi est complétée par ce que l’on appelle
la «jurisprudence». La jurisprudence est constituée
des jugements de tribunaux qui montrent comment un article de loi
particulier a été interprété pour être
appliqué : les décisions les plus importantes sont
celles de la Cour de cassation, parce que ses décisions sont
connues de tous les juges (voir «La cassation», chapitre
10). Les tribunaux qui jugent suivant une loi ne sont pas obligés
de suivre la jurisprudence, c’est-à-dire les décisions
antérieures : mais le plus souvent, ils le font.
Certaines décisions de jurisprudence sont donc évoquées
dans ce guide, et, dans ce cas, la référence la plus
complète est donnée. C’est le plus souvent un
extrait du Bulletin criminel (Bull. crim.), recueil des arrêts
de la Cour de cassation (désignés par l’abréviation
Crim. suivie de la date de l’arrêt). Le Bulletin des
arrêts de la Cour de cassation n’est pas un document
facile d’accès, mais les décisions les plus
importantes sont publiées dans les Codes.
Dans ce guide, le mot «flic» désigne indifféremment
tout type de gendarme ou de policier quel que soit leur grade ou
leur qualité d’officier de police judiciaire (OPJ),
d’agent de police judiciaire (APJ) ou d’agent de police
judiciaire adjoint (APJA). Les OPJ ont des pouvoirs judiciaires
et ont seuls le droit de procéder à certains actes,
comme de décider du début d’une garde à
vue. Ils peuvent déléguer une grande partie de leurs
pouvoirs à des APJ ou des APJA. Dans les faits, il est difficile
de savoir à qui l’on a affaire.
Les enquêtes sont supposées être impartiales,
c’est-à-dire ni en faveur ni en défaveur des
suspects (en termes de juristes, on parle de procédure inquisitoire,
par opposition à la procédure accusatoire des pays
anglo-saxons).
Les enquêteurs doivent chercher aussi bien des preuves de
culpabilité que de non-culpabilité. Dans le cas de
la garde à vue et de l’enquête préliminaire,
c’est souvent faux : la méthode des flics, c’est
de chercher à coincer ceux qui sont présumés
coupables jusqu’à preuve du contraire.
Ce système d’enquête a une conséquence
redoutable : la défense n’est pas censée ramener
des éléments, et même si elle a le droit de
le faire, il n’est jamais prévu de temps ou de facilités
pour le lui permettre. Or, si on fait le choix de se défendre,
il faut pouvoir apporter des documents, y compris des «?garanties
de représentation?» (voir «?Tenter d’éviter
la détention provisoire?», chapitre 6) ou trouver des
témoins, travail dont l’avocat ne se chargera pas lui-même.
Se défendre juridiquement en comparution immédiate
suppose donc une organisation collective et une aide de l’extérieur.
1 - Brève présentation des institutions judiciaires
françaises
Les différentes justices
Les prud’hommes règlent les conflits du travail. Les
tribunaux administratifs se prononcent sur la légalité
des décisions de l’administration : par exemple, on
peut attaquer un arrêté de reconduite à la frontière
pour un sans-papiers. La justice civile tranche les litiges entre
les personnes (conflits familiaux, dettes, conflits de consommation…).
La justice pénale est répressive : elle condamne à
de la prison ou à d’autres types de peines.
La justice civile et la justice pénale sont liées
: il y a souvent une partie de justice civile dans un procès
pénal, pour fixer des «?dommages et intérêts?»
(somme à payer supposée réparer le tort causé
à autrui).
Les infractions
Il existe trois sortes d’infractions pénales :
-la contravention, pour laquelle on ne risque pas la prison, et
qui fait l’objet d’un jugement par le tribunal de police
(qui, contrairement à ce que son nom indique, n’est
pas tenu par la police, mais par un juge)?
;-le délit, pour lequel on risque jusqu’à dix
ans de prison maximum (vingt en cas de récidive) et qui est
jugé par le tribunal correctionnel?;
-le crime, pour lequel on peut risquer la perpétuité
avec les diverses «?périodes de sûreté?»
(maximum : trente ans), jugé par la Cour d’assises.
La magistrature
En matière pénale, la magistrature est divisée
en deux grands groupes.
Le premier groupe s’appelle le «?parquet?» et
ses membres sont les «?procureurs?» (dans l’ordre
hiérarchique, on trouve : le procureur général,
le procureur de la République, le substitut du procureur).Ces
magistrats, exécutant les consignes du gouvernement, sont
chargés de la mise en œuvre des poursuites pénales
et de soutenir l’accusation : ce sont eux qui, la plupart
du temps, décident de qui passera directement au tribunal,
ou devra subir une enquête, ou verra son affaire classée
sans suite.Au cours du procès, le procureur, censé
représenter les intérêts de la société,
se charge de soutenir les arguments de l’accusation et généralement
réclame une peine.
Le second groupe est composé des «?magistrats du siège?»
: ce sont les présidents de tribunaux et leurs assesseurs
mais aussi les juges spécialisés (juge d’instruction,
juge d’application des peines, juge des libertés et
de la détention, juge pour enfants, etc.).Ils sont supposés
être totalement indépendants du pouvoir exécutif,
même s’ils sont recrutés et payés par
le ministère de la Justice.
Les trois sortes d’enquêtes
En matière pénale, les trois sortes d’enquêtes
sont : l’enquête en flagrant délit, l’enquête
préliminaire et l’instruction.
Un crime ou un délit est flagrant quand il «?se commet
actuellement, ou vient de se commettre?».La définition
de ce qui est flagrant est essentiellement temporelle :
- l’enquête «?de flagrance?» est commencée
immédiatement après l’infraction. Elle est supervisée
par le procureur et laisse aux flics une grande marge de manœuvre
(art. 53 du CPP).lle dure huit jours?; elle peut être prolongée
de huit jours supplémentaires pour les crimes et délits
punissables de cinq ans de prison ou plus.
-L’enquête préliminaire est décidée
soit par les flics, soit par le procureur : elle peut concerner
des crimes comme des délits, et elle échappe au contrôle
d’un juge d’instruction (art. 75, 75-1 et 75-2 du CPP).
Elle donne en principe moins de pouvoir aux enquêteurs que
la flagrance ou l’instruction, surtout pour les perquisitions
(voir «?Perquisitions?», chapitre 3), mais son intérêt
pour le parquet est qu’elle est sous son contrôle, sans
l’intervention d’un juge d’instruction, supposé
plus indépendant. Elle peut conduire directement à
un procès correctionnel.
La Loi Perben II a étendu considérablement les possibilités
des enquêteurs dans le cadre de l’enquête de flagrance
ou de l’enquête préliminaire. Les flics peuvent
obtenir de toute personne ou de toute administration ou établissement
publics ou privés qu’ils fournissent toutes les informations
et tous les documents «?intéressants l’enquête,
y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un
traitement de données nominatives?». On ne peut y opposer
le secret professionnel qu’avec un «?motif légitime?»
et on risque une amende si on ne répond pas (art. 60-1 et
77-1-1 du CPP).
-L’instruction est une enquête longue, qui concerne
soit les affaires complexes quand il s’agit de délit,
soit les crimes. En cas de crime, il y a forcément instruction.
En cas de délit, le plus souvent (il y a des exceptions),
c’est le procureur qui décide s’il y a lieu ou
non de mener une instruction. L’instruction est menée
par le juge d’instruction, magistrat en principe indépendant
et impartial (ce n’est qu’un principe) et qui a des
pouvoirs étendus. Souvent, il confie l’exécution
de l’enquête à des flics dont on dit alors qu’ils
agissent sur «?commission rogatoire?» (art. 151 et 152
du CPP). La procédure de l’instruction est compliquée
et, pour les raisons déjà évoquées,
nous ne la développerons pas dans ce guide.
L’avocat
L’avocat doit demeurer un «?conseil?» (terme
dont on se sert parfois pour désigner un avocat).
Le système est conçu de manière à rendre
difficile le fait de se passer d’un avocat. Pas seulement
parce qu’il est un spécialiste du droit, mais aussi
parce qu’il a des facilités qui sont refusées
à l’accusé. L’accès au dossier,
par exemple, qui devrait être en principe un droit du prévenu,
est dans la pratique très compliqué lorsque l’on
n’a pas d’avocat, même si depuis longtemps déjà
certains essayent de faire valoir ce droit. C’est cette situation
qui conduit trop souvent les accusés à laisser les
avocats faire tous les choix de défense. Cependant, sauf
dans certaines procédures comme la comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité, il n’est pas légalement
obligatoire d’avoir un avocat.
Certains prévenus, pour garder une totale maîtrise
de ce qu’ils laisseront apparaître d’eux-mêmes
et de leur affaire, choisissent de se passer d’avocat au moment
du procès. Dans ce cas, il faut éviter de s’aventurer
sur le terrain juridique car, par corporatisme, les juges n’apprécient
pas que les simples citoyens se prennent pour des spécialistes
du droit.
Lorsqu’il y a plusieurs prévenus, ils peuvent être
défendus par le même avocat, ou par des avocats différents.
Un seul prévenu peut être défendu par plusieurs
avocats, s’il en a les moyens.
L’avocat peut être choisi par le prévenu ou
être commis d’office.
Les avocats commis d’office sont réservés à
ceux qui ne connaissent pas d’avocat ou qui n’ont pas
pu joindre le leur. Ils sont désignés par l’ordre
local des avocats (ce qu’on appelle le «?barreau?»)
et ils sont gratuits pour le prévenu.
Bien entendu, on ne choisit pas l’avocat commis d’office,
et l’on ne sait jamais sur qui l’on va tomber. L’avocat
commis d’office qui est appelé pour assister une personne
en garde à vue ne peut pas intervenir lors du procès
de cette même personne.
Lorsqu’on est à l’extérieur, ou que l’on
en connaît déjà un, on peut choisir son avocat.
Les «?honoraires?» sont librement fixés par l’avocat
: le prix peut varier dans des proportions énormes.
Pour ceux qui ont de faibles ressources, il est possible de faire
appel à une aide juridictionnelle – dont le montant
varie en fonction du revenu – si l’avocat que l’on
a choisi l’accepte et peut la recevoir (il faut qu’il
soit inscrit au barreau de la même ville que le tribunal qui
juge l’affaire).
Pour l’aide juridictionnelle, il faut remplir un dossier que
l’on retire au bureau d’aide juridictionnelle du tribunal
devant lequel on est convoqué, et attendre un certain délai
(souvent deux semaines) pour la réponse.
L’aide juridictionnelle est un forfait qui couvre les honoraires
mais aussi les frais de défense (par exemple, payer les huissiers
pour faire citer un témoin) : elle est souvent très
faible, et il n’est pas impossible que l’avocat demande
un complément. Pour la demande d’aide juridictionnelle
par Internet :
http://www.justice.gouv.fr/publicat/aidejuridi.htm
Dans le cadre de la défense collective, on peut passer des
accords avec un ou plusieurs avocats sur des tarifs et des pratiques
communes. Les collectifs de défense peuvent aussi distribuer
des numéros d’avocats qui acceptent, à certaines
occasions, d’être appelés pour intervenir en
garde à vue
Selon l’article 803 du CPP, «nul ne peut être
soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré
soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit susceptible
de tenter de prendre la fuite».
Ces appréciations sont très subjectives et donc de
fait soumises au bon vouloir des flics.
Il est obligatoire de se soumettre à un contrôle d’identité
: «Toute personne se trouvant sur le territoire national
doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité
effectué […] par les autorités de police […]»
(art. 78-1 du CPP).
Cependant, il n’est pas illégal de ne pas avoir ses
papiers d’identité sur soi : ce qui est obligatoire,
c’est de fournir une identité, c’est-à-dire
de donner un nom, un prénom, une date et un lieu de naissance,
un domicile (on peut cependant être SDF, habiter chez ses
parents, être hébergé chez quelqu’un)
et éventuellement les nom et prénoms des parents.
Il n’est pas nécessaire, pour justifier de son identité,
de répondre à d’autres questions. La personne
en contrôle d’identité n’est pas obligée
de répondre aux questions diverses que les flics lui posent
sur ce qu’elle faisait, sur ce qu’elle a vu ou pas,
etc. Il n’est pas non plus obligatoire de signer un quelconque
document.
Il est important de préciser ceci parce qu’il peut
arriver que les flics, en jouant sur le flou de la situation, interrogent
une personne en contrôle d’identité pour recueillir
son témoignage et le consigner sur un procès-verbal.
Du statut de personne en contrôle d’identité,
on passe subrepticement au statut de témoin (voir «Les
témoins»)
2 - Contrôle et vérification d’identité
dans la rue ou un espace public
(art. 78-1 à 6 du Code de procédure pénale)
Quand les flics peuvent-ils contrôler une identité
(art. 78-2 du CPP) ?
En théorie, au nom du respect des «libertés
individuelles», les flics n’ont pas le droit de contrôler
l’identité de n’importe qui, n’importe
quand; mais le Code de procédure pénale prévoit
tellement d’exceptions qu’en pratique les flics peuvent
réaliser un contrôle quasiment quand ils le veulent,
en trouvant le prétexte qui le rendra légal.
En simplifiant, on peut toutefois relever qu’il existe deux
sortes de contrôles :
- le contrôle est en principe lié à la recherche
de l’auteur d’une infraction. Les flics peuvent contrôler
l’identité de toute personne suspectée d’être
l’auteur d’une infraction, de se préparer à
en commettre une, de fournir des renseignements sur une infraction
ou de toute personne dont ils pensent qu’elle pourrait être
recherchée;
- le contrôle n’est pas lié à l’attitude
de la personne contrôlée. C’est le principe de
la rafle, contrôler un maximum de gens pour en choper quelques-uns.
Ce contrôle peut avoir lieu :
- de manière permanente, dans certaines zones réper-toriées,
comme les ports, les aéroports, les gares routières
et ferroviaires internationales situées à moins de
20 kilomètres d’une frontière, etc.;
- lorsque le procureur a donné des instructions écrites
- pour faire des contrôles d’identité dans certains
lieux et à la recherche de certaines infractions. Mais si
le contrôle révèle d’autres infractions
que celles qui sont officiellement recherchées, cela n’invalide
pas les poursuites qui seront engagées;
- pour prévenir une «atteinte à l’ordre
public, notamment à la sécurité des personnes
et des biens», une personne peut être contrôlée
«quel que soit son comportement».
Les moyens de vérifier une identité (art. 78-3 du
CPP)
«Si l’intéressé refuse ou se trouve dans
l’impossibi-lité de justifier de son identité»,
il peut être retenu sur place ou conduit dans le local de
police pour «le temps strictement exigé par l’établissement
de son identité». La durée de cette vérification
est limitée à un maximum de quatre heures.
Ce sont les flics qui estiment s’il y a besoin ou non de
faire des vérifications poussées. On peut très
bien ne pas avoir ses papiers et repartir au bout de cinq minutes,
comme les avoir et passer quatre heures au poste.
Une fois au poste, un flic (un officier de police judiciaire, voir
Introduction) est chargé d’établir l’identité
de la personne retenue. Il doit l’informer de son droit «de
faire aviser le procureur de la République» et «de
prévenir à tout moment sa famille ou toute personne
de son choix». «Si des circonstances particulières
l’exigent, l’officier de police judiciaire prévient
lui-même la famille ou la personne choisie» (art. 78-3
du CPP).
Il faut remarquer cependant que les flics respectent rarement ces
règles.
Le droit de prévenir ou de faire prévenir la personne
de son choix est plus large dans le cas du contrôle d’identité
que dans celui de la garde à vue (voir «Avertir les
proches», chapitre 5). Dans le cas d’un contrôle
d’identité qui se poursuit en garde à vue, il
aura donc été judicieux d’utiliser cette possibilité
au début, à condition d’avoir réussi
à obtenir des flics qu’ils respectent ce droit.
Sur autorisation du procureur, il est possible de prendre des photographies
et les empreintes digitales de la personne retenue si celle-ci «maintient
son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments
d’identité manifestement inexacts» et que c’est
«l’unique moyen d’établir [son] identité»
(voir «Fouilles et empreintes», chapitre 5). Si elle
refuse, la personne risque jusqu’à trois mois de prison
et 3750 euros d’amende (art. 78-5 du CPP).
Le flic établit un procès-verbal du contrôle
d’identité qui mentionne :
- les motifs qui justifient le contrôle;
- les conditions dans lesquelles la personne a été
présentée devant lui;
- le fait qu’elle ait été informée de
ses droits;
- les jours et heures de début et de fin du contrôle,
ainsi que sa durée;
- éventuellement, les justifications pour la prise d’empreintes
ou de photos.C
e procès-verbal est présenté à la signature
de l’intéressé. Si ce dernier refuse, mention
est faite «du refus et des motifs de celui-ci».
Si le contrôle d’identité ne débouche
sur aucune suite judiciaire, il ne peut donner lieu à «une
mise en mémoire sur fichier» et le procès-verbal
est détruit dans un délai de six mois (voir néanmoins
«Le Système de traitement des infractions constatées»,
chapitre 11).
L’usage que font parfois les flics de la rétention
pour vérification d’identité
Le fait de pouvoir amener quelqu’un au poste et de pouvoir
le retenir quatre heures pour vérification d’identité
est un moyen couramment utilisé par les flics pour d’autres
motifs que la seule vérification d’une identité.
Cela leur permet de disposer d’un délai pour garder
des gens sans avoir à remplir les paperasses d’une
procédure de garde à vue.
Par exemple, on a souvent vu des manifestants arrêtés
retenus pendant ces quatre heures, le temps de leur poser des questions,
de faire un tri, de réunir des éléments contre
certains (sur l’attitude à adopter dans ce cas, voir
encadré ci-dessous). Au bout de ce laps de temps, les personnes
arrêtées doivent soit être relâchées,
soit être mises en garde à vue (voir «Durée
de la garde à vue», chapitre 5).
Quand on sait qu’une personne a été arrêtée
et emmenée au poste, on doit attendre quatre heures pour
être certain, si elle n’a pas été relâchée,
qu’elle a été placée en garde à
vue (voir «Que faire si on a des proches en garde à
vue», chapitre 5).
Illégalité du contrôle d’identité
Si le contrôle d’identité ne suit pas les règles
exposées dans les paragraphes précédents, il
peut en principe être contesté et reconnu illégal.
Mais attention : la reconnaissance de l’illégalité
du contrôle n’aura d’effets pratiques que si ce
contrôle a eu des suites judiciaires ou administratives; un
contrôle d’identité ne sera illégal que
si le flic qui rédige le procès-verbal qui détaille
ce contrôle est assez stupide pour ne pas trouver un des nombreux
prétextes disponibles pour légaliser tout contrôle,
même le plus parfaitement arbitraire.
3- Perquisitions
La loi ne précise pas ce qu’est une perquisition,
mais un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation
(qui donne une interprétation de la loi) la définit
comme «?la recherche, à l’intérieur d’un
lieu normalement clos, notamment au domicile d’un particulier,
d’indices permettant d’établir l’existence
d’une infraction ou d’en déterminer l’auteur?»
(Crim. 29 mars 1994 :Bull. crim. no 118).
Pour les perquisitions, la loi protège particulièrement
les «?domiciles?», en y interdisant (sauf exceptions)
les perquisitions la nuit.
La notion de domicile est large : il s’agit de tout lieu
de résidence possible (par exemple une chambre d’hôtel
ou un bureau), où la personne, «?qu’elle y habite
ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre
juridique de son occupation et l’affectation donnée
aux locaux?»(Crim. 31 janv 1914).
Ne sont en revanche pas des domiciles : une voiture, un atelier
artisanal ou industriel, un local réservé à
la vente…
Les perquisitions chez les avocats, médecins, notaire, avoués,
huissier et dans les locaux de presse sont soumises à des
règles particulières (art. 56-1 à 56-3 du CPP).
Suivant les types d’enquête
Les perquisitions sont soumises à un régime très
différent suivant les trois types d’enquête :
flagrant délit (art. 56 du CPP).
Les flics peuvent perquisitionner les domiciles des personnes «?qui
paraissent avoir participé?» au crime ou au délit
flagrant, sans leur assentiment.
Il y a deux cas courants :
une personne en garde à vue et soupçonnée
d’un flagrant délit chez qui les flics font une perquisition?;
un lieu avec des signes extérieurs qui laissent penser qu’un
flagrant délit est commis à l’intérieur
(exemple : des plants de cannabis sur le rebord d’une fenêtre).
enquête préliminaire (art. 76 du CPP).
Pour les délits punis d’une peine inférieure
à cinq ans de prison, les perquisitions ne peuvent être
effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui
elles ont lieu. Cet accord doit être donné par écrit.
Pour les crimes et les délits punis de cinq ans de prison
ou plus, quand un juge des libertés et de la détention
l’a autorisé par écrit, la perquisition est
possible sans l’assentiment de la personne.
instruction (art. 92 à 97 du CPP).
En principe, le juge d’instruction devrait se déplacer
avec son greffier pour faire la perquisition «?dans tous les
lieux où peuvent se trouver des objets ou des données
informatiques dont la découverte serait utile à la
manifestation de la vérité?» (art. 94 du CPP).
Cela peut donc être chez quelqu’un qui n’est pas
mis en examen.
Dans les faits, le juge d’instruction se déplace rarement
lui-même, mais charge les flics de le faire à sa place
dans le cadre d’une commission rogatoire.
Règles applicables à toutes les perquisitions
La personne chez qui la perquisition a lieu doit être présente
: à défaut, elle peut désigner un représentant.
Si elle ne l’a pas fait, l’OPJ doit requérir
deux témoins «?en dehors des personnes relevant de
son autorité?» pour y assister (art. 57 du CPP).
«?Si elles sont susceptibles de fournir des renseignements
sur les objets, documents et données informatiques saisies,
les personnes présentes lors de la perquisition peuvent être
retenues sur place par l’OPJ le temps strictement nécessaire
à l’accomplissement de ces opérations.?»
(art. 56 du CPP).
Comme pour tous types de témoin, il n’est pas obligatoire
de répondre aux questions des flics (voir «?Les témoins?»,
chapitre 4).
Les objets et documents saisis sont répertoriés et
placés sous scellés en présence des personnes
ou des témoins, qui signent le procès-verbal de la
perquisition. Comme pour la garde à vue, il n’est pas
obligatoire de signer : le refus sera alors mentionné sur
le procès-verbal. Il sera plus facile d’annuler la
perquisition pour des raisons de procédure si on a refusé
de signer le procès-verbal.
Les perquisitions à domicile ne peuvent «?commencer?»
avant 6 heures du matin et après 21 heures le soir (art.
59 du CPP). En dehors des domiciles, ces règles d’heures
ne s’appliquent pas.
Cependant, pour une longue liste de crimes ou de délits
définis par l’article 706-73 du CPP (bande organisée,
trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme
aggravé, fausse monnaie…), les perquisitions sont autorisées
à n’importe quelle heure du jour et de la nuit dans
les trois types d’enquête.
Pour ces perquisitions de nuit, une autorisation particulière
d’un juge d’instruction ou d’un juge des libertés
et de la détention est nécessaire (art. 706-89 à
706-94 du CPP).
Dans n’importe quelle perquisition, les objets illicites
(armes, stupéfiants, faux papiers, etc.) peuvent être
saisis immédiatement : il s’agit de la découverte
d’un crime ou d’un délit flagrant. Les poursuites
engagées à leur sujet sont valables même si
la perquisition n’avait aucun rapport, à l’origine,
avec eux (Crim. 11 juin 1985 : Bull. crim. no 227 et art. 706-93
du CPP).
D’après une certaine jurisprudence, la fouille à
corps est assimilable à une perquisition. Les règles
de la perquisition s’appliqueraient donc. Dans le cas d’une
enquête préliminaire, il faudrait le consentement de
la personne fouillée (Crim. 22 janv 1953 : Bull. crim. no
24).
4- Fouilles
Les textes de loi n’ont pas prévu, à l’origine,
de réglementer véritablement les fouilles. Ce sont
donc essentiellement les pratiques, puis les interprétations
de la loi ainsi que certaines lois récentes qui permettent
de comprendre le cadre légal dans lequel elles se font.
Nous ne verrons ici que les fouilles opérées par
les flics. Nous ne traiterons pas du cas des vigiles de sociétés
privées.
Fouilles de personnes
Palpation de sécurité
C’est la pratique la plus courante et qui s’effectue
n’importe où. Elle n’est pas évoquée
dans les textes de loi, mais elle a été reconnue par
la jurisprudence. Elle vise en principe à prévenir
tout danger pour les flics en recherchant des armes, mais elle permet
bien sûr de découvrir d’autres choses illégales,
comme la drogue.
Les flics font vider ses poches et palpent la personne pour voir
au toucher si elle cache quelque chose. La palpation est effectuée
par une personne du même sexe que la personne fouillée.
En principe, les flics ne devraient pas pouvoir obliger quelqu’un
à ouvrir son sac dans le cadre d’une palpation de sécurité
: dans les faits, ils le font souvent. Il arrive qu’ils demandent
à la personne fouillée d’ouvrir elle-même
le sac et qu’ils se contentent d’y jeter un coup d’œil,
de manière à pouvoir éventuellement prétendre
que celle-ci a donné son consentement à la fouille.
Fouille à corps
La «fouille à corps» peut être très
minutieuse et facilement conduire la personne fouillée à
se retrouver nue, parfois même devant plusieurs flics, dans
une situation humiliante. Les sacs et bagages portés par
la personne sont fouillés de la même manière,
par les flics eux-mêmes.
Les «investigations corporelles internes» (doigt dans
l’anus, dans le vagin) doivent être faites par un médecin
(art. 63-5 du CPP). Celui-ci peut aussi choisir de faire une radio.
Fouilles de véhicule
La Loi sur la sécurité intérieure (LSI) du
18 mars 2003 a étendu les possibilités de fouilles
de véhicules par les flics en introduisant de nouveaux articles
dans le Code de procédure pénale.
Un véhicule n’est pas un domicile : la fouille d’un
véhicule ne s’assimile donc pas à une perquisition
domiciliaire et les restrictions (d’heure par exemple) qui
sont apportées aux perquisitions ne jouent pas. Il y a cependant
une exception : «La visite des véhicules spécialement
aménagés à usage d’habitation et effectivement
utilisés comme résidence ne peut être faite
que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions
et visites domiciliaires» (art. 78-2-2 du CPP). (Voir le chapitre
3, «Perquisitions»)
En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, les flics
peuvent fouiller un véhicule s’il y a «une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner» que le
conducteur ou un passager a commis ou tenté de commettre
une infraction, comme auteur ou comme complice (art. 78-2-3 du CPP).
Dans le cadre des contrôles d’identité autorisés
par le procureur de la République pour certaines infractions
(armes, stups, terrorisme) et dans certains lieux (voir «Contrôles
et vérifications d’identité», chapitre
2), la «visite des véhicules circulant, arrêtés
ou stationnant» est autorisée. Si le véhicule
circule, il ne peut être immobilisé que le temps de
la fouille, qui a lieu en présence du conducteur. Pour les
véhicules à l’arrêt, la visite se déroule
en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule,
ou d’un témoin. La présence du témoin
n’est toutefois pas indispensable «si la visite comporte
des risques graves pour la sécurité des personnes
et des biens» (art. 78-2-2 du CPP). Si d’autres infractions,
sans rapport avec le prétexte de la fouille, sont découvertes,
des poursuites peuvent être engagées.
«Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité
des personnes et des biens» (formulation assez vague qui va
sûrement permettre de couvrir bien des cas), les flics peuvent
procéder à la visite des véhicules «circulant,
arrêtés ou stationnant sur la voie publique»
à condition d’avoir l’accord du conducteur. S’ils
n’ont pas l’accord du conducteur (parce qu’il
refuse ou parce qu’il n’est pas là), ils doivent
demander l’autorisation de fouiller le véhicule au
procureur de la République. Dans l’attente de cette
autorisation, les flics peuvent retenir le véhicule pour
une durée de trente minutes au maximum (art. 78-2-4 du CPP).
En dehors de ces cas, pour jeter un œil sur ce qu’il
y a dans un coffre, les flics peuvent ruser en utilisant leurs pouvoirs
de police routière : exiger de voir la roue de secours, par
exemple.
Cas particuliers des douanes
Les douaniers, pour la recherche des infractions douanières
(donc stups, contrefaçons, taxes sur les marchandises…)
«peuvent procéder à la visite des marchandises
et des moyens de transport et à celle des personnes»
(art. 60 du Code des douanes). Autrement dit, la fouille des personnes
et des véhicules est totalement légale à tout
moment pour les douaniers.
Les témoins lors de l’enquête (art. 62, 78,
153 du CPP)
On se retrouve comme témoin soit parce que l’on a
été amené au poste par les flics, soit parce
que l’on a été convoqué.
Dans tous les types d’enquête, il est en principe obligatoire
de se rendre à une convocation pour témoignage. Mais
dans l’enquête préliminaire et de flagrance,
il n’y a aucune sanction de prévue, autre que d’être
conduit devant les flics par la force (art. 62 et 78 du CPP). Les
flics ont aussi la possibilité de venir chercher un témoin
sans même l’avoir convoqué s’ils peuvent
«?craindre?» qu’il ne réponde pas à
cette convocation (art. 62 et 78 du CPP). Dans le cas de l’instruction,
si on ne répond pas à une convocation pour témoignage,
on risque une amende (art. 153 du CPP).
Les convocations reçues dans la boîte aux lettres
ne précisent pas toujours la raison pour laquelle on est
convoqué : la formule «?pour affaire vous concernant?»
peut aussi bien correspondre à une mise en cause qu’à
un témoignage. Dans tous les cas, il ne peut pas y avoir
de poursuites pénales simplement parce qu’on ne s’est
pas rendu à une telle convocation.
Une fois au poste, les flics peuvent retenir le témoin pour
«?le temps strictement nécessaire à son audition?»
(art. 62 du CPP). Concrètement, selon une circulaire (Circulaire
criminelle du 4 décembre 2000, citée après
l’art. 62 du CPP), il doit s’agir d’un interrogatoire
unique, d’une durée globale de quatre heures maximum,
et qui ne peut pas être fractionné en plusieurs périodes
entre lesquelles le témoin est retenu au commissariat.
Ce peut être une stratégie policière que de
mettre les témoins en garde à vue – ou de les
en menacer – pour les inciter à parler. La loi précise
que le témoin ne peut pas être placé en garde
à vue s’il n’est pas soupçonné
d’avoir participé à l’infraction : mais
un témoin peut très bien se voir notifier une garde
à vue à la suite de son audition, ou pendant, si les
flics estiment avoir des «?raisons plausibles?» pour
le faire…
Dans le cas de l’enquête de flagrance et de l’enquête
préliminaire, un témoin a parfaitement le droit de
se taire : il est seulement tenu de «?comparaître?»,
non de «?déposer?» (art. 62 du CPP). Il a aussi
la possibilité de ne pas répondre aux questions, mais
de faire des déclarations (sur la différence entre
les déclarations et les réponses aux questions : voir
le paragraphe «?Les auditions?» dans ce chapitre). «?Les
personnes entendues procèdent elles-mêmes?» à
la lecture du procès-verbal. Elles «?peuvent y consigner
leurs observations et y apposer leur signature?» (art. 62
du CPP).
Ce n’est pas le cas pour l’instruction, mais il existe
là un statut particulier de témoin (le «?témoin
assisté?» par un avocat).
Sur les relevés d’empreintes susceptibles d’êtres
appliqués aux témoins : voir le paragraphe «?Fouilles
et empreintes?» dans ce chapitre.
«?Nous avons les moyens de vous faire parler…?»
Pour obtenir des informations, les flics bluffent souvent. Ils
peuvent mentir sur tout : sur ce qu’ils savent ou ne savent
pas, sur les preuves qu’ils pourraient détenir, sur
les dénonciations, sur ce que l’on risque pénalement,
sur la suite de la procédure… Ils traquent les contradictions,
les incohérences ou les affirmations qui sont contraires
à ce qu’ils savent déjà.
Répondre à une première question, même
anodine, amène souvent une autre question, elle aussi en
apparence anodine : mais, de fil en aiguille, on est entraîné
dans le jeu des questions et des réponses. On a vu, par exemple,
un flic commencer un interrogatoire en demandant à une personne
de lui parler des circonstances
de son interpellation : viendra ensuite ce que la personne faisait
là, comment elle y est arrivée, etc. Toutes ces informations
paraîtront peut-être peu compromettantes à la
personne qui les aura fournies : elles serviront en fait à
coincer quelqu’un d’autre ou à donner des faits
une vision qui correspond à ce que veut la police.
La seule manière réellement efficace de bloquer la
machine est de ne répondre à aucune question et de
s’en tenir à une éventuelle déclaration.
Témoignage sur la manière dont les flics
ne respectent pas toujours la procédure sur le moment,
mais la régularisent ensuite
«Parce que je fais pousser des pieds de beu sur mon balcon,
six flics en civil sont venus frapper à ma porte un après-midi.
Je les ai laissé entrer avant de comprendre de qui il s’agissait
: ils en ont profité, par la suite, pour expliquer que j’avais
accepté une perquisition à mon domicile.
En fait de perquisition, ils se sont contentés de fouiller
vaguement mon appartement. Puis ils m’ont emmenée au
poste, en embarquant aussi la beu.
Je n’ai pas été mise en cellule, mais je suis
passée de bureaux en bureaux et l’on m’a interrogée
à plusieurs reprises. Ils m’ont posé plein de
questions, dont certaines avaient peu de rapport avec ce qu’ils
me reprochaient (le numéro de ma carte bancaire, des choses
comme cela…). Puis, ils m’ont fait signer mes déclarations,
et m’ont relâchée au bout de deux heures.
J’avais fait une trentaine de mètres dans la rue, et
je m’étais arrêtée à une cabine
téléphonique, quand ils sont revenus me chercher pour
me ramener au commissariat. Ils s’étaient aperçus
qu’ils n’avaient pas fait les choses dans les règles.
À aucun moment, ils ne m’avaient annoncé que
j’étais en garde à vue, ni dit mes droits (comme
celui de voir un avocat), etc. Ils se sont cependant mis à
cinq ou six pour rédiger un procès-verbal qui affirmait
le contraire. Comme ils n’étaient pas sûrs des
indications d’horaire qu’il fallait mettre pour que
cela soit légal (ils se disputaient sur le sujet), ils ont
laissé les heures en blanc. Pour qu’ils me laissent
tranquille, j’ai signé.
Ensuite, ils m’ont emmenée dans un plus grand commissariat
pour que je voie un médecin, puis ils m’ont relâchée,
définitivement cette fois.»
A., Marseill
Dans ce cas, la nullité de la garde à vue n’a
pas été soulevée, parce que A. n’est
pas passée en jugement, mais n’a subi qu’un rappel
à la loi.
Se rassembler devant un poste de police pour exiger la libération
d’une ou plusieurs personnes retenues est souvent un moyen
de pression efficace à condition d’être suffisamment
nombreux.
5- La Garde à Vue
Généralités
Définition
La garde à vue (GAV) est une mesure décidée
par les flics, «?sous le contrôle?» du procureur,
ou du juge d’instruction en cas d’instruction.
Les flics peuvent mettre en garde à vue une personne contre
laquelle existent «?une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre
une infraction?» (art. 63 et 77 du CPP). Les «?raisons
plausibles?» sont des termes suffisamment vagues pour permettre
aux flics de coller qui ils veulent en garde à vue.
Les quelques articles de loi qui détaillent la garde à
vue sont précis en ce qui concerne la procédure, mais
très évasifs pour les conditions réelles de
détention : celles-ci varient donc considérablement.
Une circulaire du 11 mars 2003 donne certaines consignes pour «?améliorer?»
le traitement réservé aux personnes gardées
à vue, mais une circulaire n’a pas force de loi, et
les flics pourront toujours invoquer des difficultés matérielles
ou de sécurité pour ne pas les appliquer.
Les trois cas dans lesquels sont prévues les gardes à
vue
Les GAV sont utilisées dans les trois sortes d’enquêtes
(flagrant délit ou crime flagrant, enquête préliminaire,
instruction).
Dans les deux premiers cas, la GAV est sous le contrôle du
procureur, dans le dernier sous celui du juge d’instruction
qui a délivré la commission rogatoire. Ces trois cas
changent peu de chose pour le déroulement lui-même
de la garde à vue, mais modifient son issue : dans les deux
premiers cas, la garde à vue peut déboucher directement
sur un procès en comparution immédiate.
Dans la suite de ce chapitre, nous utiliserons uniquement le terme
de «?procureur?» : en cas de commission rogatoire, il
faut le remplacer par celui de «?juge d’instruction?
.Légalement, les flics ne décident seuls que du début
d’une garde à vue : ensuite, le maintien, la prolongation
et les suites sont décidés par le procureur (ou son
assistant, appelé «?substitut du procureur?»).
Cependant, comme cela se passe la plupart du temps par téléphone,
le procureur ne juge de la situation qu’à travers ce
que lui en disent les flics.
Durée de la garde à vue (art. 63, 77 et 154 du CPP)
La garde à vue est décidée par les flics pour
une durée de vingt-quatre heures (elle peut durer moins).
Si elle a été précédée par une
vérification d’identité (voir «?Contrôle
et vérification d’identité?», chapitre
2), on considère que la GAV démarre à partir
de ce contrôle (art. 78-4 du CPP).
Son renouvellement pour vingt-quatre heures supplémentaires
se fait sur décision du procureur ou du juge d’instruction,
parfois après qu’il a eu un entretien avec la personne
gardée à vue. Elle peut donc durer quarante-huit heures
au total pour le régime ordinaire.
Pour certains crimes et délits (terrorisme, trafic de stupéfiants,
bande organisée, etc.), la GAV peut être prolongée
bien d’avantage encore : elle peut passer à quatre
jours, voire à six, soit 144 heures (art. 706-73 et 706-88
du CPP).
La prolongation de la GAV au-delà des quarante-huit heures
est décidée par le procureur, un juge d’instruction
ou le juge des libertés et de la détention (JLD).
Avant de décider de la prolongation, il doit impérativement
avoir un entretien avec la personne gardée à vue.
À ce stade, le magistrat peut décider d’une
prolongation de 24 heures renouvelable une fois, ou directement
d’une prolongation de 48 heures.
Pour les infractions liées au terrorisme avec un «?risque
sérieux d’imminence d’action terroriste?»,
le JLD peut encore prolonger la GAV, après la 96e heure,
pour deux périodes de 24 heures (art/ 706-88 du CPP).
Déroulement de la garde à vue
Les flics sont tenus de faire un certain nombre de choses dès
le début de la GAV et au plus tard dans les trois heures
: informer le procureur, dire ses droits à la personne, faire
prévenir ses proches, le médecin et l’avocat
si elle le demande.
Ces obligations (et en particulier la notification des droits)
peuvent être différées, en cas de «?circonstances
insurmontables?», au-delà des trois heures (ébriété
de la personne, encerclement du commissariat par des manifestations…).
Notifier les droits (art. 63-1 du CPP)
«?Notifier?» les droits, c’est informer la personne
d’un certain nombre de choses la nature des faits reprochés
(attention, il s’agit de leur qualification juridique, c’est-à-dire
de la manière dont ils sont appelés dans le Code pénal)?;
rappel du droit de faire prévenir avocat et famille, du
droit à voir un médecin?;
rappel de la durée de la garde à vue.
Cette information se fait par oral ou par écrit. Elle est
portée au procès-verbal et sur le registre des gardes
à vue. Il est demandé à la personne gardée
à vue de signer, et en cas de refus de signature, cela est
mentionné.
Sur l’opportunité de signer : voir plus bas «?Les
documents que les flics peuvent faire signer?».
La notification doit être donnée à la personne
«?dans une langue qu’elle comprend?», donc éventuellement
avec un interprète ou à l’aide d’un formulaire.
Les prolongations doivent également être notifiées
à la personne gardée à vue.
Avertir les proches (art. 63-2 du CCP)
On peut demander dans les trois premières heures à
ce que soit avertis par téléphone (c’est le
flic qui appelle) :
toute personne avec qui l’on vit habituellement?;
un parent en ligne directe (père, mère, grands-parents,
enfants)?;
un frère ou une sœur?;
son employeur.
Le flic peut refuser «?pour les nécessités
de l’enquête?», mais il doit pour cela obtenir
1’autorisation du procureur.
En cas de prolongation pour terrorisme, la personne peut demander
à faire prévenir ses proches à la 96e heure
à la condition qu’on lui ait refusé ce droit
au début de la GAV.
Examen médical (art. 63-3 du CPP)
II peut être demandé par la personne gardée
à vue, par les flics ou par la famille. La personne peut
le demander dans les trois premières heures, et, en cas de
prolongation, elle peut obtenir un deuxième examen médical.
Dans les cas de garde à vue de plus de 48 heures, des examens
médicaux obligatoires sont prévus. La personne peut
toutefois exiger de voir à nouveau le médecin pour
un second examen (art. 706-88 du CPP).
De son côté, la famille peut exiger un examen médical
si celui-ci n’a pas déjà eu lieu.
L’examen médical a en principe pour but de vérifier
que l’état de santé de la personne est compatible
avec la GAV, mais il faut aussi s’en servir pour faire constater
des brutalités policières. On doit exiger du médecin
qu’il examine toutes les marques de coups et, s’il n’y
en a pas, qu’il le précise noir sur blanc (c’est
utile si on subit les violences policières ensuite). Ne pas
hésiter à vérifier le contenu du certificat
médical.
Suivant les commissariats et les horaires, le médecin peut
se déplacer ou, au contraire, la personne peut être
conduite à l’hôpital. L’examen médical
peut donc être l’occasion de sortir un peu des locaux
de la garde à vue.
L’avocat (art. 63-4 du CPP)
La visite d’un avocat est obligatoirement proposée:
au début de la garde à vue (dans les trois premières
heures)?
;au début de la prolongation éventuelle de la garde
à vue.
Les possibilités de voir un avocat à la vingtième
heure et, en cas de prolongation, à la trente-sixième
heure ont été supprimées par la Loi Perben
II.
Dans certains cas dont la liste est donnée dans l’article
706-73 du CPP, l’avocat ne peut pas être vu avant la
48e ou la 72e heure de la GAV.
Si la personne connaît les coordonnées d’un
avocat, les flics ne peuvent pas refuser de l’appeler.
Si la personne n’en connaît pas, elle peut choisir
de demander un «?commis d’office?» : ces avocats
payés par l’État ne font pas toujours un boulot
très soigné, et parfois on ne peut pas leur faire
confiance.
Pour prévenir l’avocat, les flics sont tenus à
une «?obligation de moyens?», mais pas de «?résultats?»
: c’est-à-dire qu’ils doivent appeler l’avocat
qu’aura choisi la personne gardée à vue, mais
ils ne sont pas responsables si cet avocat n’est pas joignable
ou s’il ne veut pas se déplacer. Dans ce cas, il est
toujours possible de faire appel à un commis d’office.
On peut toujours refuser de voir un avocat, même commis d’office.
L’entretien avec l’avocat est confidentiel (les flics
n’y assistent pas) et ne peut pas durer plus de trente minutes.
À l’exception du médecin, l’avocat est
la seule personne venue de l’extérieur du commissariat
que la personne gardée à vue peut rencontrer et de
qui elle peut recevoir des conseils.
L’avocat n’est pas censé donner la moindre information
à autrui sur la garde à vue (art. 63-4 du CPP, 5e
alinéa).
À ce stade, l’avocat n’a pas accès au
dossier, et il n’a d’autres informations sur l’enquête
que ce que lui dit la personne gardée à vue. Il peut
contrôler les conditions du déroulement de la GAV et
faire des observations écrites qui seront jointes à
la procédure (voir le paragraphe «?Nullité de
garde à vu50).
Fouilles et empreintes
Fouilles
Dans le cadre d’une garde à vue, les flics peuvent
procéder à une «?fouille à corps?»
(voir «?Fouilles à corp», chapitre 4).
Ils ne se contentent pas de chercher des indices ou des objets
illégaux, mais ils gardent aussi un certain nombre d’effets
personnels pour la durée de la garde à vue : ce peut
être la ceinture, les lacets, certains vêtements, les
sacs, les bijoux, les briquets, etc. L’argent doit être
compté et mis à part.
Les affaires que les flics gardent font l’objet d’un
inventaire qui est signé.
En cas d’«?investigation corporelle interne?»
(doigt dans l’anus ou dans le vagin, pour parler plus clairement),
il est obligatoire pour les flics d’avoir recours à
un médecin (art. 63-5 du CCP).
Empreintes digitales et photos
En cas de crime ou de délit, les flics peuvent prendre des
empreintes digitales et palmaires ainsi que des photographies de
«?toute personne à l’encontre de laquelle il
existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner
qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction?»
mais aussi de «?toute personne susceptible de fournir des
renseignements sur les faits en cause?», c’est-à-dire
de simples témoins (art. 55-1 du CPP). Cela est possible
dans tous les types d’enquête : de flagrance, préliminaire
(art. 76-2 du CPP) et sur commission rogatoire (art. 154-1 du CPP).
Pour un suspect, c’est-à-dire «?une personne
à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs
raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou
tenté de commettre une infraction?», c’est un
délit que de refuser de se soumettre à ces prélèvements,
punissable «?d’un an de prison et de 15?000 euros d’amende?»
(art. 55-1 du CPP). Pour les simples témoins, c’est-à-dire
«?toute personne susceptible de fournir des renseignements?»,
il n’y a pas de peine prévue : il est donc possible
de refuser.
Ces empreintes ou ces photos seront comparées à celles
conservées dans les différents fichiers et aux prélèvements
effectués sur les lieux du crime ou du délit. Elles
pourront être intégrées aux fichiers (sur ce
point, voir le chapitre 11, «?Le casier judiciaire et les
fichiers?»).
Empreintes génétiques (art. 706-54 à 706-56
du CPP)
«?Toute personne à l’encontre de laquelle il
existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner
qu’elle a commis un crime ou un délit?» et qui
refuse de se soumettre à un prélèvement génétique
encourt une peine d’un an de prison et 15?000 euros d’amende.
Il s’agit bien de tout type de crime ou de délit :
la loi autorise les flics à comparer l’empreinte ADN
de la personne suspectée avec les traces recueillies dans
le fichier FNAEG ou sur les lieux de l’infraction.
Pour un certain nombre de crimes et de délits, l’empreinte
génétique peut être conservée dans le
fichier (et non plus seulement comparée) : comme certaines
infractions de nature sexuelles ou d’atteinte aux personnes,
trafic de stupéfiant, proxénétisme, vol, escroquerie,
extorsion, destructions, dégradations, détériorations,
menaces, terrorisme, association de malfaiteurs, fausse monnaie,
détention d’armes, recel… (art. 706-55 du CPP,
voir dans le chapitre 11 «?Le Fichier national automatisé
des empreintes génétiques?»).
L’ADN est aussi prélevé de manière systématique
dans les prisons : en effet, les personnes définitivement
condamnées pour les délits de la liste ci-dessus encourent
la même peine, et pour les crimes, la peine maximum est portée
à deux ans et 30?000 euros d’amende.
Ces peines se cumulent sans possibilité de confusion avec
celles prononcées pour l’affaire qui a motivé
les prélèvements (voir «?Confusion des peines?»,
chapitre 9).
Pour les personnes déjà condamnées, le refus
entraîne l’annulation des réductions de peine.
Enfin, tenter de substituer son matériel génétique
par celui de quelqu’un d’autre est punissable de trois
ans de prison et 45?000 euros d’amende.
Le prélèvement ADN se fait en crachant sur un buvard.
En cas de refus, ou si la personne est en fuite, «?l’identification
de son empreinte génétique peut être réalisée
à partir de matériel biologique qui se serait naturellement
détaché du corps de l’intéressé?»
: brosse à dent, mégot, cheveu, etc.
Enfin, sur ordre du procureur, s’il s’agit «?d’une
personne condamnée pour crime ou pour un délit puni
de dix ans d’emprisonnement, le prélèvement
peut être effectué sans l’accord de l’intéressé?»
par exemple en le forçant à ouvrir la bouche pour
y introduire un coton-tige.
Cela n’empêchera pas la personne d’être
poursuivie pour refus de se soumettre au prélèvement.
Dans les autres cas, le prélèvement ADN ne peut se
faire qu’avec le consentement de la personne. Par exemple,
si les flics cherchent à identifier une personne en utilisant
l’ADN d’un membre de sa famille, ce dernier peut refuser
de se prêter au prélèvement.
Les conditions de vie en garde à vue
Comme on l’a déjà précisé, les
conditions d’une garde à vue peuvent varier considérablement.
La loi ne précise pas comment les personnes gardées
à vue doivent être nourries, de quels temps de repos
elles peuvent bénéficier, ni de la manière
dont doivent être aménagées les cellules.
Si la personne a de l’argent sur elle, les flics peuvent
accepter d’aller lui acheter de la nourriture. La circulaire
du 11 mars 2003 donne pour consigne de distribuer des plats chauds
aux heures des repas.
Pendant la garde à vue, on n’a pas la possibilité
de se laver, même si des sanitaires sont parfois prévus
à cet effet, ou de changer de vêtement.
Les cellules sont souvent sales.
Il arrive que des personnes arrêtées en même
temps se retrouvent isolées, ou qu’on leur interdise
de communiquer entre elles.
Certaines gardes à vue se résument à de brefs
interrogatoires et à de longues heures d’attente dans
une cage. D’autres seront plus intenses, avec de longues auditions,
des perquisitions, etc.
Dans tous les cas, le manque d’hygiène, la fatigue
et l’ignorance dans lesquelles on se trouve du déroulement
de la garde à vue et de ses suites ont un effet perturbant.
La pression psychologique
La garde à vue est en soi une pression psychologique : longue,
incertaine quant à sa durée, son issue et son déroulement.
Ce stress est voulu et entretenu par les flics dans le but de déstabiliser
les suspects : c’est pourquoi ils peuvent aussi chercher à
augmenter la pression à tout moment pendant la garde à
vue. Les coups ou les brimades physiques sont possibles. Les menaces,
réflexions, intimidations en tout genre sont encore plus
courantes.
Les auditions
C’est le moment où les flics posent des questions
et notent tout ce qu’on dit sur un papier appelé «?procès-verbal
d’audition?». Lors de ces interrogatoires, il n’y
a aucune obligation de parler.
La seule question à laquelle il est obligatoire de répondre
concerne l’identité : nom, prénom, date et lieu
de naissance, nom des parents. Rien n’oblige en revanche à
répondre à des questions sur le permis de conduire,
la profession, le salaire ou le domicile.
La personne a le choix de faire des déclarations, de répondre
aux questions qui lui seront posées ou de se taire : ceci
est toujours valable même si depuis la Loi sur la sécurité
intérieure (LSI) du 18 mars 2003 les flics ne sont plus obligés
de le rappeler au moment de la notification des droits.
Tout ce qui est dit est porté sur le procès-verbal
et peut servir à condamner la personne interrogée
ou quelqu’un d’autre lors d’un éventuel
procès. Il est donc indispensable de ne parler que si on
a l’intelligence de la situation, c’est-à-dire
si on sait précisément ce qu’on peut dire sans
que cela soit défavorable à soi-même ou à
d’autres.
En cas d’arrestation en groupe – ou si l’affaire
concerne d’autres personnes – parler, c’est risquer
d’être en contradiction avec les autres, c’est
aussi les «?mouiller?» parfois involontairement. Il
est alors indispensable de se taire, sauf si l’on s’est
au préalable bien mis d’accord sur une version identique.
Les conséquences du silence (indisposer la machine judiciaire,
passer quelques heures de plus au commissariat) sont toujours moins
graves que celles d’avoir trop parlé.
Ce n’est pas le flic qui a le pouvoir d’inculper, mais
le procureur : de même, c’est lui également qui
pourra proposer une procédure de «?plaider-coupable?»,
et non le flic qui ne peut que transmettre la proposition du procureur
(voir «?Le “plaider-coupable”?», chapitre
7).
L’enjeu n’est donc pas d’être crédible
ou sympathique devant les flics. Ce qui compte après un interrogatoire,
ce n’est pas l’avis des flics, mais ce qui est écrit
sur le procès-verbal d’audition et s’il a été
signé ou non.
Si la personne choisit de se taire, il faut alors qu’elle
dise : «?Je n’ai rien à déclarer?»
(et non pas «?je ne sais rien?», ce qui revient à
déclarer quelque chose), et cela doit être noté
tel quel sur le procès-verbal. Il peut arriver que les flics
s’acharnent à poser malgré tout une série
de questions auxquelles il faudra à chaque fois répondre
«?je n’ai rien à déclarer?».
La personne peut aussi choisir de faire des déclarations,
ce qui n’a rien à voir avec répondre aux questions
des flics. Dans ce cas, c’est elle qui choisit ce dont elle
veut parler : elle peut faire état de violences policières,
par exemple, même si les flics préféreraient
écarter la question. La personne doit imposer au flic de
noter ce qu’elle a dit, même s’il y est réticent,
et ne pas hésiter à faire réécrire ce
qui n’a pas été fidèlement retranscrit.
La personne peut terminer sa déclaration en affirmant «?je
n’ai rien d’autre à déclarer?» pour
bien montrer qu’elle ne veut pas rentrer dans le jeu des questions
et des réponses.
Les documents que les flics peuvent faire signer
notification des droits?;
inventaire de la fouille?;
rendu de la fouille?;
procès-verbal d’audition?;
notification de fin de garde à vue (voir plus bas «?Notification
de fin de garde à vue?») (art. 64 du CPP)?;
le registre des gardes à vue tenu par le commissariat (art.
65 du CPP)?;
lorsqu’une convocation en justice est délivrée
à la fin de la garde à vue, les flics la font signer
(voir le chapitre 6 «?De la garde à vue au procès?»).
Certains de ces documents sont réunis sur une même
feuille quand ils sont présentés à la signature.
Quoi qu’on signe, signer signifie que l’on reconnaît
tout ce que le document dit. Il faut donc tout lire très
attentivement avant une quelconque signature, que ce soit les déclarations,
la fouille, les notifications, etc.
Ne pas hésiter à faire rectifier tout ce qui n’est
pas correct, même le plus petit détail, et à
refuser de signer si on n’est pas d’accord. Signer au
plus près du texte écrit pour éviter les ajouts.
Refus de signature : il n’est jamais obligatoire de signer,
quelle que soit la pression que les flics exercent à ce sujet,
et quoi qu’ils disent. On refuse de signer si le document
porte des mentions avec lesquelles on n’est pas d’accord,
ou s’il ne contient pas quelque chose qu’on a dit et
que les flics refusent de le modifier. On peut aussi parfaitement
refuser de signer si, tout compte fait, on n’est pas satisfait
de ce qu’on a dit.
On peut aussi refuser de signer par principe : tout ce qui n’est
pas signé sera plus facile à contester lors du procès.
Il n’y a pas que la déposition qui peut être
un document piège : la notification de fin de garde à
vue l’est également (voir ci-après).
Il est très important de lire le procès-verbal de
l’audition dans tous les cas, même si la personne n’a
pas l’intention de le signer. Il est donc préférable
qu’elle ne précise pas d’emblée qu’elle
ne signera pas, mais qu’elle se fasse remettre le procès-verbal
pour le rendre ensuite sans le signer.
La notification de fin de garde à vue (art. 64 du CPP)
La fin de garde à vue ne signifie pas forcément qu’on
est libre : il peut y avoir un «?déferrement au parquet?»
ou une présentation au juge d’instruction, et la machine
judiciaire ne fait alors que s’enclencher.
Le procès-verbal de notification de fin de garde à
vue est donc un document important : il décrit le déroulement
de la GAV en reprenant les heures de début et de fin (avec
ou sans prolongation), les heures d’alimentation, les heures
et la durée des interrogatoires et des repos, l’heure
de la notification des droits, les motifs de la GAV, les passages
de l’avocat, du médecin, etc. Les mêmes informations
sont portées sur le registre de la garde à vue du
commissariat.
Signer ces documents, c’est reconnaître que la garde
à vue s’est déroulée comme elle est décrite.
En général, cela empêche l’avocat, ensuite,
d’obtenir une nullité de procédure pour une
garde à vue irrégulière.
Comme expliqué ci-dessus, on peut bien sûr refuser
de le signer, ainsi que le registre des gardes à vue, qui
porte souvent les mêmes informations.
Nullité de garde à vue
Une nullité dans la garde à vue est une rare mais
bonne nouvelle, car toute la procédure qui en découle
peut devenir caduque.
Comme on le voit dans un des exemples, il peut arriver que les flics
ne respectent pas les règles de la garde à vue.
Cela ne signifie pas pour autant que la procédure sera annulée
: en effet, ce qui fait foi, ce sont les procès-verbaux,
et les flics peuvent les rédiger de manière à
ce qu’ils soient conformes aux lois.
Bien sûr, on peut refuser de les signer, mais cela ne suffira
pas pour prouver les irrégularités devant le tribunal.
Que faire si on a des proches en garde à vue ?
On peut soit avoir assisté à l’interpellation
d’un proche (dans le cadre d’une manifestation par exemple),
soit avoir été averti par un coup de fil du commissariat.
essayer de s’informer du lieu de la garde à vue. Les
flics ne sont pas tenus de dire où les personnes gardées
à vue se trouvent. Cependant, rien n’interdit de téléphoner
ou de passer dans les divers commissariats autant de fois qu’on
l’estime nécessaire?
;une fois la personne localisée, on peut toujours essayer
de lui faire parvenir de la nourriture, de la boisson ou des clopes
par l’intermédiaire des flics. Il est de plus en plus
rare qu’ils acceptent, et quand ils le font c’est parfois
pour les garder pour eux.
si la personne gardée à vue n’a pas sur elle
le nom ou les coordonnées d’un avocat, on peut essayer
de les lui faire parvenir. Il est cependant rare que les flics acceptent
de faire passer des informations.
Autre possibilité, qui ne marche pas à tous les coups
: charger un avocat que l’on connaît de se rendre au
commissariat pour tenter de voir la personne gardée à
vue?;
un «?membre de la famille?» peut demander à ce
que la personne gardée à vue voie un médecin
(art. 63-3 du CPP).
Témoignage sur le rôle purement formel du juge des
libertés et de la détention
«Après l’entretien avec le procureur, qui m’a
annoncé qu’il demandait ma mise en détention
provisoire jusqu’à mon procès en comparution
immédiate, j’ai été traduite devant une
juge des libertés et de la détention.
J’ai dit à la juge que je possédais un chéquier
qui pouvait prouver ma domiciliation et que j’avais des garanties
de représentation. Elle m’a gentiment interrompue et
m’a dit que ce n’était pas la peine que je me
fatigue : la décision de me maintenir en détention,
moi et mes coïnculpés, était déjà
prise.
Puis elle a signé le papier et s’est tournée
vers l’avocate commise d’office en lui demandant si
elle avait quelque chose à dire. Celle-ci a répondu
que non.»
A., Strasbourg
En faveur du report :
lors d’une comparution immédiate, le prévenu
ne comparaît pas libre : s’il est condamné à
de la prison ferme, il part directement en cellule.
S’il demande le report, il a le risque de passer de deux
à quatre mois en détention provisoire, mais il a aussi
une chance d’être libéré et de comparaître
libre?;
le dossier constitué par les flics est presque toujours exclusivement
à charge : on y trouve seulement les éléments
défavorables au prévenu.
Un report donne davantage de temps pour trouver des témoins
ou des éléments qui vont à l’encontre
de la version des flics.
Depuis la Loi Perben II, le prévenu ou son avocat ont la
possibilité de demander au tribunal «?d’ordonner
tout acte d’information qu’il estime nécessaire
à la manifestation de la vérité relatif aux
faits reprochés ou à la personnalité de l’intéressé?»
(art. 397-1 du CPP). Le tribunal doit motiver son éventuel
refus.
En faveur d’un jugement immédiat :
On peut choisir d’être jugé immédiatement
si on a la certitude de ne pas pouvoir échapper à
la détention provisoire : il semble en effet que l’habitude
de certains tribunaux soit de placer systématiquement en
détention provisoire les prévenus qui demandent un
report de leur procès en comparution immédiate.
De même, pendant les révoltes de novembre 2005 ou
durant le mouvement anti-CPE, les procureurs avaient pour instruction
de requérir la détention provisoire.
Le prévenu va être conduit en détention avec
les seules affaires qu’il avait sur lui au moment de son arrestation.
Les proches peuvent lui faire parvenir des vêtements, des
chaussures ou des livres et lui envoyer un mandat, car l’argent
est important en prison.
Pour les modalités pratiques, il existe de nombreux guides
du détenu consultables sur Internet (par exemple sur le site
de l’association Ban Public :
http://prison.eu.org).
Le «?rappel à la loi?» (art. 41-1 du CPP)
L’objectif affiché est d’«?assurer la
réparation du dommage causé à la victime?»,
et de faire «?cesser le trouble
résultant de l’infraction?».
Le procureur va donc lui-même, ou par une personne qu’il
aura désignée (un médiateur, un délégué
du procureur, un flic), rappeler la loi, demander à l’auteur
des faits de régulariser sa situation et éventuellement
lui demander de réparer les dommages causés à
la victime. En gros, il s’agit d’une sorte de sermon
assorti parfois de quelques obligations.
Le «?rappel à la loi?» peut se faire à
la fin d’une garde à vue ou après une convocation
devant le procureur ou son représentant. Ce n’est pas
une condamnation et il n’y a pas d’inscription au casier
judiciaire.
Le procureur dispose dans tous les cas de trois ans pour engager
des poursuites avant la prescription du délit : c’est
pourquoi le «?rappel à la loi?» s’accompagne
souvent d’un commentaire menaçant qui laisse entendre
que la personne sera forcément poursuivie dans cette affaire
si elle se fait de nouveau remarquer au cours de ces trois ans.
6- De la garde à vue au procès
La sortie de garde à vue (dans le cas d’un flagrant
délit ou d’une enquête préliminaire)
Le procureur, par téléphone, décide de la
suite à donner à la garde à vue et de la qualification
juridique précise des faits. Celle-ci est importante (s’agit-il
par exemple d’un «?vol simple?» ou d’un
«?vol en réunion?», etc.) car elle modifie la
gravité des peines encourues et peut conduire à la
comparution immédiate.
Sur décision du procureur, les suites de la garde à
vue peuvent être les suivantes :
a- sortie sans poursuites?
b- sortie avec une convocation qui «?vaut citation à
comparaître?», comprenant la date, l’heure et
le lieu du procès, ainsi que les faits reprochés à
la personne et les articles de loi correspondant à ces délits.La
citation précise que le prévenu doit venir avec des
justificatifs de ses revenus. Avant de laisser sortir la personne,
les flics lui demandent de signer cette convocation. Signer ou ne
pas signer ne changera rien dans ce cas (art. 390-1 du CPP).
Le procès a souvent lieu des mois après les faits
(suivant l’encombrement des tribunaux). En attendant, le prévenu
est libre et n’est pas soumis à un contrôle particulier.
La convocation pour une comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité (CRPC) peut également être remise
à la sortie de garde à vue (voir « Les documents
que les flics peuvent faire signer », chapitre 5)?;
c- sortie sans convocation, mais celle-ci est adressée plus
tard par huissier. Autrement dit, on n’est jamais à
l’abri d’une mauvaise surprise tant que le délai
de prescription du délit, trois ans dans la plupart des cas,
n’est pas passé (art. 8 du CPP). Cette citation à
comparaître reprend les termes exposés au point b (art.
390, 550 et 551 du CPP).
La convocation pour une comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité (CRPC) peut arriver par courrier (voir «?La
convocation ou le déferrement devant le procureur?»,
chapitre 7) ;
d- sortie sans poursuite judiciaire mais avec un «?rappel
à la loi?» (voir plus bas «?Le rappel à
la loi?») ;
;e- déferrement au parquet, c’est-à-dire passage
devant le procureur?;
C’est mauvais signe, car c’est le début d’une
procédure qui peut aboutir à la comparution immédiate,
ou à une comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité (CRPC)?;
f- présentation à un juge d’instruction. En
cas de poursuites pour crime, passible de la cour d’assises,
la présentation à un juge d’instruction est
automatique.
Dans le cas d’un délit, le procureur renvoie devant
un juge d’instruction les affaires compliquées ou mettant
en cause un grand nombre de personnes. Dans ce cas, il n’y
a pas de comparution immédiate possible, mais des possibilités
de détention provisoire si la peine encourue est égale
ou supérieure à trois ans. Ce type de procédure
n’est pas envisagé dans ce guide.
Le déferrement au parquet et ses suites
Le déferrement et l’entretien avec le procureur (art.
393 du CPP)
Le «?déferrement au parquet?» est un transfert
de la personne du commissariat vers le palais de justice pour voir
le procureur.
En principe, la personne déferrée doit être
présentée le jour même de la fin de sa garde
à vue devant le procureur (art. 803-2 du CPP). Il en va de
même pour la présentation à un juge d’instruction.
Cependant la Loi Perben II a prévu un délai supplémentaire
de vingt heures maximum «?en cas de nécessité?»
entre l’heure de la fin de la garde à vue et la présentation
au magistrat (art. 803-3 du CPP). Durant ces vingt heures, la loi
précise que la personne «?doit avoir la possibilité
de s’alimenter?».
Elle dispose de certains des droits qu’elle a en garde à
vue : faire prévenir un proche, voir un médecin et
s’entretenir «?à tout moment?» avec un
avocat (qui n’a toujours pas eu accès au dossier).
Cependant, à la différence de la garde à vue,
la personne n’est pas supposée être interrogée.
La loi précise que cette rétention doit se faire dans
un local de police ou de gendarmerie sous le contrôle du procureur.
Cela peut donc être dans un commissariat ou au dépôt
(la prison interne du palais de justice).
Au bout de ces vingt heures, si la personne n’a pas été
présentée au procureur, elle doit être remise
d’office en liberté (art. 803-3 du CPP).
Au cours de l’entretien, le procureur doit constater l’identité
de la personne. Il lui fait connaître les faits qui lui sont
reprochés et éventuellement recueille ses déclarations
(si la personne le demande).
Cet entretien peut être purement formel ou au contraire, déterminant,
suivant les cas. Le procureur a toujours la possibilité,
à ce stade, de classer l’affaire sans suite, de décider
d’une médiation ou composition pénale, et en
cas de renvoi devant le tribunal, la comparution n’est pas
toujours immédiate (voir le paragraphe suivant).
Les déclarations de la personne déférée
peuvent donc jouer un rôle dans la décision du procureur
: il faut rappeler qu’à ce stade, la personne n’a
toujours pas accès à son dossier par l’intermédiaire
de son avocat, et ignore quels sont les éléments et
les témoignages recueillis pas les flics.
Renvoi devant le tribunal (art. 393 du CPP)
S’il décide un renvoi devant le tribunal, le procureur
informe le prévenu qu’il a droit à l’assistance
d’un avocat de son choix ou commis d’office. À
la différence de la garde à vue, l’avocat peut
consulter le dossier et communiquer librement avec le prévenu.
Le prévenu sait donc, à partir de ce moment, ce qu’il
y a précisément dans le dossier. Pour un renvoi devant
le tribunal, le procureur peut décider d’une comparution
différée, ou immédiate.
La comparution différée (art. 394 du CPP)
Elle est assez rapide, dans un délai compris entre dix jours
et deux mois (moins si le prévenu et son avocat acceptent
de réduire ce délai).
Le procureur remet au prévenu un procès-verbal qui
vaut citation à comparaître avec les faits retenus,
le lieu, la date et l’heure de l’audience.
Il n’y a pas de détention provisoire possible mais
éventuellement un contrôle judiciaire, qui n’est
pas décidé par le procureur mais par le juge des libertés
et de la détention, après avoir entendu le prévenu
et son avocat (voir plus loin «?Contrôle judiciaire?»).
La comparution immédiate (art. 395 du CPP)
En cas de flagrant délit, la comparution immédiate
est possible pour tous les délits punis de plus de six mois
d’emprisonnement. S’il ne s’agit pas d’un
flagrant délit, on ne peut passer en comparution immédiate
que pour les délits dont la peine prévue est égale
ou supérieure à deux ans. Dans tous les cas, il n’y
a plus de limite supérieure : on peut être condamné
en comparution immédiate pour le maximum de la peine prévue
pour un délit, c’est-à-dire dix ans fermes doublés
en cas de récidive, soit vingt ans (voir dans le chapitre
9 «Aggravation des peines par la récidive»).
Le rôle de ceux qui sont à l’extérieur
Deux cas peuvent se présenter :
soit les proches ont réussi à nouer un contact avec
l’avocat du prévenu. Ils sont alors informés
par celui-ci de la décision du procureur, et savent s’il
y a besoin de réunir les pièces nécessaires
en vue du procès (voir plus loin «?Tenter d’éviter
la détention provisoire?»)?;
s’il n’y a pas de contact avec l’avocat, en revanche,
les choses sont plus compliquées. D’abord, on ne sait
pas forcément qu’il y a eu un déferrement devant
le parquet : parfois, on le déduit simplement du fait que
la personne n’est pas libérée après le
temps légal de garde à vue.
Il faut alors se renseigner au greffe du tribunal pour connaître
les jours et les heures de procès de comparution immédiate,
et ne pas hésiter à s’y rendre avec tous les
documents possibles (voir «Le déroulement du procès»
au chapitre 8) pour les remettre à l’avocat commis
d’office au moment de l’audience.
En attente de la comparution immédiate
Si le tribunal correctionnel peut se réunir le jour même,
le prévenu attend sa comparution au dépôt. Pour
les moins de 21 ans, il y a un entretien avec un travailleur social
(art. 41 du CPP). Attention, ceux-ci sont employés par le
ministère de la Justice et vont répéter tout
ce qu’ils peuvent apprendre.
Si le tribunal correctionnel ne peut pas se réunir le jour
même, le procureur peut demander au juge des libertés
et de la détention que le prévenu soit placé
en détention provisoire jusqu’au jour où le
tribunal se réunit : cette détention ne peut durer
que jusqu’au «?troisième jour ouvrable suivant?»,
donc peut aller par exemple du samedi au mercredi.
Si la détention provisoire est refusée par le juge
des libertés et de la détention, le prévenu
est libre, mais il peut être placé sous contrôle
judiciaire. Il est convoqué dans les dix jours à deux
mois suivants (art. 396 du CPP).
Report du procès
Lorsqu’il y a comparution immédiate, le tribunal ou
le prévenu peuvent demander le report du procès.
le tribunal, s’il estime qu’il n’y a pas assez
d’éléments dans le dossier, peut désigner
un de ses juges pour enquêter, désigner un juge d’instruction,
renvoyer l’affaire au procureur ou reporter le procès
à plus tard, et éventuellement mettre le prévenu
en détention provisoire (art. 397-1 et 397-2 du CPP)?;
le prévenu peut refuser d’être jugé immédiatement.
Le président du tribunal correctionnel doit poser la question
au prévenu en début d’audience : l’accord
du prévenu ne peut être recueilli qu’en présence
de son avocat (art. 397 du CPP). Nous examinerons dans les paragraphes
suivants («?Contrôle judiciaire?» et «?Détention
provisoire?») les avantages et les inconvénients du
report.
En cas de report, qu’il soit demandé par les juges
ou par le prévenu, le tribunal correctionnel peut placer
ou maintenir le prévenu en détention provisoire. Il
le fait après avoir entendu le prévenu et son avocat.
C’est un premier jugement qui porte uniquement sur la question
de la détention provisoire et qui n’aborde pas l’affaire
en elle-même : il se fait dans les mêmes formes que
les autres jugements (voir plus bas «?Détention provisoire?»,
et, pour les formes générales du procès, le
chapitre 8, «?Le procès devant le tribunal correctionnel?».
Comme tout jugement, il est susceptible d’appel (voir plus
loin «?Recours contre la détention provisoire?»).
En cas de détention provisoire, le procès doit avoir
lieu dans un délai de deux mois au maximum. Ce délai
est porté à quatre mois au maximum et ne peut être
inférieur à deux mois si la peine encourue est supérieure
à sept ans (art. 397-3 du CPP).
À l’expiration de ces délais (soit deux mois,
soit quatre mois selon le type de peine encourue), si l’audience
n’a pas eu lieu, le prévenu est remis en liberté
d’office, et il comparaît libre.
Si le tribunal décide de ne pas mettre le détenu
en détention provisoire, l’audience est fixée
dans un délai de deux à six semaines, sauf pour les
délits punis de plus de sept ans d’emprisonnement,
auquel cas ce délai est compris entre deux et quatre mois
(art. 397-1 du CPP). Le plus souvent, le tribunal décide
au moins de placer le prévenu sous contrôle judiciaire.
Contrôle judiciaire
Le contrôle judiciaire consiste en une série de contraintes
imposées au prévenu laissé libre en attente
de son procès. Ces contraintes sont fixées par le
juge, qui les choisit dans une liste assez large prévue par
la loi (art. 138 du CPP). Ces choix s’expliquent par la personnalité
du prévenu, les caractéristiques de l’affaire,
bref, ils sont à la tête du client.
Parmi les contraintes possibles, on peut relever l’interdiction
de sortir sans autorisation de certaines limites territoriales (pays,
ville, voire logement…), l’obligation de se présenter
périodiquement aux autorités, ou le fait de payer
une caution dont le montant est fixé par le juge.
Si le prévenu ne se soumet pas aux obligations du contrôle
judiciaire, il risque d’être placé en détention
provisoire (alinéa 2 de l’art. 141-2 du CPP).
Détention provisoire
L’enjeu
En France, la détention provisoire est courante et elle
est assez déterminante pour la suite des événements.
Déjà, le prévenu qui ne comparaît pas
libre est entouré de flics, parfois menotté en rentrant
dans la salle, et placé dans le box des accusés –
traitement qui est épargné à celui qui comparaît
libre.
De plus, pour celui qui a passé quelques semaines en détention
provisoire, le tribunal va être tenté de couvrir cette
période par une condamnation équivalente.
Surtout, en cas de condamnation à de la prison ferme, le
prévenu déjà en détention est sûr
de faire au moins une partie de son temps d’emprisonnement
: celui qui comparaît libre, en revanche, s’il n’est
pas placé sous mandat de dépôt à l’audience,
a davantage de possibilités d’y échapper (voir
«?Le rendu du jugement?», chapitre 9).
Demander ou non un report
C’est le choix déterminant qui est laissé au
prévenu dans la procédure de comparution immédiate
: être jugé immédiatement ou demander un report
du procès. Il est particulièrement important de pouvoir
peser le pour et le contre.
Dans tous les cas, choisir le report suppose que l’on se donne
les meilleurs moyens pour tenter d’éviter la détention
provisoire.
Tenter d’éviter la détention provisoire
Ces conseils sont valables aussi bien devant le tribunal, quand
on a demandé le report, que devant le juge des libertés.
La détention provisoire a comme prétextes officiels,
entre autres, le fait de «?garantir le maintien [du prévenu]
à la disposition de la justice?», «?de mettre
fin à l’infraction ou de prévenir de son renouvellement?»,
ou de mettre fin «?à un trouble exceptionnel ou persistant
à l’ordre public?» (art. 144 du CPP).
Autrement dit, le plus souvent, il faut convaincre le ou les juges
du fait que l’on sera présent au procès et que
l’infraction ne va pas être renouvelée.
Pour la présence au procès, il faut amener ce que
la justice appelle des «?garanties de représentation?»
: c’est tout ce qui peut prouver que l’on est bien inséré
socia-lement et que par conséquent on est «?fiable?».
Il faut bien comprendre que dans l’esprit des juges un notable
est plus fiable qu’un érémiste, un riche qu’un
pauvre, un flic qu’un anarchiste… N’oublions pas
qu’il s’agit d’une justice de classe. Il faut
donc savoir faire bonne figure.
Le type de document à fournir peut être de toute nature
et de toute origine : contrat de travail ou de stage, certificat
d’employeur ou de professeur, carte d’étudiant,
justificatifs de domicile, etc. Comme il s’agit d’une
comparution immédiate, les proches du prévenu ne disposent
que de quelques heures pour les réunir et les faire parvenir
à l’avocat. Si on n’a pas le temps de les réunir
pour cette audience, ils peuvent servir pour le recours contre la
détention provisoire (voir le paragraphe suivant).
La présence de membres de la famille à l’audience
peut aussi être considérée par le tribunal comme
une forme de garantie de représentation.
Concrètement, les juges n’ont guère le temps
et les moyens de vérifier certaines affirmations de ceux
qui passent en comparution immédiate, pas plus que les documents
apportés par ceux qui sont à l’extérieur.
Cependant, il faut absolument éviter toute contradiction
afin de rester crédible.
Quant au renouvellement de l’infraction, elle est souvent
évaluée d’après les antécédents.
Le prévenu n’est pas obligé de rappeler tout
son pedigree, s’il en a un, d’autant que les délais
d’inscription de ses peines précédentes au casier
judiciaire peuvent jouer en sa faveur (voir «?Le casier judiciaire?»,
chapitre 11).
Les «?primaires?» (ceux qui n’ont jamais été
condamnés) auront intérêt à insister
sur ce point. Les déclarations du prévenu ont aussi
leur importance : si le prévenu a reconnu les faits, il ne
doit pas hésiter à dire que l’acte est occasionnel
et qu’il ne se renouvellera pas.
En revanche, le jugement sur la détention provisoire ne
se prononce pas sur le «?fond?» de l’affaire :
si on nie les faits, les juges n’en tiendront pas forcément
compte.
Recours contre la détention provisoire
Même si le prévenu a eu la malchance de partir en
détention provisoire après avoir demandé son
report, il ne doit pas pour autant renoncer à essayer de
sortir de taule avant son véritable procès, d’abord
pour les raisons exposées dans le premier paragraphe (voir
plus haut «?L’enjeu?»).
Il y a deux recours possibles :
l’appel du jugement qui a placé le prévenu
en détention provisoire. L’appel se fait devant un
autre tribunal, la cour d’appel (voir «?L’appel?»,
chapitre 10)?;
la demande de mise en liberté (art. 148-1 du CPP). Elle
peut se faire à tout moment, en s’adressant directement
au directeur de la prison (art. 148-7 du CPP). On peut en faire
autant de fois que l’on veut. C’est le tribunal correctionnel
qui a décidé une première fois de la mise en
détention provisoire qui statue (art. 148-1 du CPP).L’audience
doit avoir lieu dans un délai de dix jours après la
demande (art. 148-2 du CPP). Il est recommandé de fournir
davantage de documents (garanties de représentation) que
lors de la première audience, en arguant de la difficulté
pour les réunir, car si le tribunal dispose seulement des
mêmes pièces, il rejugera la situation de la même
manière.
En cas de refus de mise en liberté, on peut faire appel
de cette décision dans un délai de vingt-quatre heures
(art. 501 du CPP) : la cour d’appel doit se prononcer dans
les vingt jours. Si ce délai n’est pas respecté,
la personne sort de prison (art. 148-2 du CPP).
La demande de mise en liberté peut même se faire après
une condamnation devant le tribunal correctionnel, quand on a fait
appel (sur ce point, voir «?L’ appel?», chapitre
10).
7- Le «plaider-coupable»
La «composition pénale» et la «comparution
sur reconnaissance préalable de culpabilité»
(CRPC) relèvent de la même logique : reconnaître
sa culpabilité en échange d’une peine qu’on
espère allégée et accélérer la
procédure en court-circuitant le procès.
L’expression «plaider-coupable» n’existe
pas en droit français : c’est en s’inspirant
du modèle anglo-saxon, très différent de la
culture judiciaire française, que la composition pénale
et la CRPC ont été introduites dans la procédure
pénale.
C’est le représentant de l’accusation, donc
le procureur, qui fixe la peine, et non pas le juge comme dans un
procès ordinaire. Le rôle de ce dernier est réduit
à une sorte de droit de veto final : il ne peut qu’accepter
ou refuser en bloc les peines envisagées.
L’objectif affiché du «plaider-coupable»
est de désengorger les tribunaux tout en donnant une réponse
pénale rapide à tout acte délictueux.
Ce type de procédure est toujours une forme de chantage.
Que l’on soit ou non l’auteur des faits dont on est
accusé, on est confronté au même dilemme : pouvoir
être fixé rapidement sur son sort, ou devoir affronter
les délais et les incertitudes d’un procès.
La composition pénale (art. 41-2 du CPP)
La composition pénale est possible pour tous délits
punis d’une peine de prison inférieure ou égale
à cinq ans. Le procureur de la République propose
directement ou par l’intermédiaire d’une «personne
habilitée», par exemple un flic ou un «délégué»
du procureur, une peine à la personne qui reconnaît
sa culpabilité. La personne peut accepter ou refuser la proposition
de peine et demander un délai de dix jours pour faire connaître
sa décision (art. R15-33-39 du CPP).«La personne à
qui est proposée une composition pénale est informée
qu’elle peut se faire assister par un avocat avant de donner
son accord à la proposition du procureur de la République.»
Il est important de prendre l’avis d’un avocat avant
d’accepter, car contrairement aux apparences, la composition
pénale n’est pas toujours avantageuse.
C’est une véritable condamnation inscrite au casier
judiciaire mais qui, contrairement à la CRPC, ne peut pas
conduire à une peine d’emprisonnement. Elle peut comprendre
des amendes, un «travail non rémunéré»
d’un maximum de soixante heures à effectuer sur une
période de six mois, un «stage de citoyenneté»,
une série d’obligations ou d’interdictions fixées
par le procureur…
Une fois la proposition acceptée, elle doit être validée
par le président du tribunal qui peut procéder à
l’audition du prévenu, de la victime et de leurs avocats.
Si le président du tribunal ne valide pas la proposition
de composition pénale, ainsi que dans le cas où la
personne refuse la composition pénale ou, après l’avoir
acceptée, «n’exécute pas intégralement
les mesures décidées», il peut y avoir procès.
Le prévenu est alors mal parti, puisqu’il a déjà
reconnu sa culpabilité…
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
ou CRPC (art. 495-7 à 495-16 du CPP)
Entrée en application en 2004, la CRPC est une nouveauté
dans le droit français. Sa création a été
accompagnée d’une circulaire, datée du 2 septembre
2004, adressée aux parquets, qui permet de comprendre dans
quel esprit la loi doit être appliquée (voir la circulaire).
Alors que la loi fixe ce qui est incontournable, la circulaire précise
comment les choses peuvent se passer, sans que ce qu’elle
conseille soit pour autant obligatoire.
Cette circulaire insiste sur ce qu’elle appelle «les
manières différenciées selon lesquelles cette
procédure pourra être appliquée». La CRPC
sera adaptée en fonction des choix des parquets et des besoins
locaux (soulager les tribunaux dans les grandes agglomérations
par exemple).
Dans quels cas la CRPC peut-elle s’appliquer ?
Ce que dit la loi
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité s’applique lorsque la «personne
reconnaît les faits qui lui sont reprochés» pour
des délits punis d’amende ou d’une peine de prison
inférieure ou égale à cinq ans (art. 495-7
du CPP).
Le «plaider-coupable» ne peut s’appliquer «ni
aux mineurs de moins de dix-huit ans, ni aux délits de presse,
ni aux délits d’homicides involontaires, de délits
politiques ou de délits dont la procédure de poursuite
est prévue par une loi spéciale» (art. 495-16
du CPP).
Ce que dit la circulaire
La circulaire précise que la personne doit non seulement,
comme l’exige la loi, «reconnaître les faits»,
mais aussi accepter leur qualification pénale et se trouver
dans «un état d’esprit d’acceptation de
sa responsabilité pénale lui permettant d’adhérer
à une sanction».
L’affaire doit être simple et «en état
d’être jugée» : comme dans la comparution
immédiate, si l’affaire est simple, c’est bien
parce que les flics n’ont cherché que des éléments
qui vont dans un seul sens, celui de l’accusation.
La circulaire précise que s’il faut «en principe»
éviter de recourir à la CRPC quand il y a plusieurs
personnes impliquées dont une partie ne reconnaît pas
sa culpabilité, il est possible «dans des situations
exceptionnelles» de dissocier les procédures, c’est-à-dire
de proposer une CRPC à certains et de traduire les autres
devant le tribunal.
Qui peut décider de recourir à cette procédure
?
C’est le procureur qui décide de recourir à
cette procédure, de lui-même ou à la demande
de l’intéressé ou de son avocat (art. 495-7
du CPP). La proposition du procureur est acceptée ou refusée
par la personne poursuivie et enfin validée ou non par un
juge du tribunal.
À quel moment la CRPC peut-elle intervenir ?
Durant la garde à vue
La circulaire recommande que la CRPC soit proposée aux personnes
qui ont avoué en garde à vue, même si la loi
ne demande de reconnaître formellement sa culpabilité
que devant le procureur.
Or, les aveux passés durant la garde à vue resteront
au dossier quoi qu’il arrive.
Les flics ont déjà pour habitude de tenter de faire
croire qu’avouer devant eux conduira à plus d’indulgence.
La procédure de reconnaissance préalable de culpabilité
va leur donner un nouvel argument : dorénavant, les aveux
pourront effectivement conduire à ce que le procureur propose
une peine plus légère. Mais rien n’oblige le
procureur à recourir à cette procédure : s’il
refuse de proposer la CRPC, ou même s’il décide
de l’utiliser mais que celle-ci échoue, les aveux passés
durant la garde à vue resteront et seront utilisés
lors du procès.
La circulaire se fonde sur le fait que de nombreuses personnes
avouent en garde à vue, et qu’il y a probablement parmi
elles des personnes qui sont prêtes à accepter une
CRPC. Elle recommande que les flics demandent à la personne
concernée si elle serait d’accord pour une CRPC et
l’informent de l’obligation d’avoir un avocat.
Dans certains cas, la circulaire précise que les flics peuvent
même aller jusqu’à dire à la personne
quelles sont les peines envisagées par le procureur «afin
de vérifier si l’intéressé est susceptible
d’accepter cette procédure».
La convocation ou le déferrement devant le procureur
La loi exige qu’il y ait au moins un entretien avec le procureur
en présence de l’avocat.
On peut être convié à cet entretien de différentes
manières :
- à la suite d’un déferrement au parquet après
la garde à vue, dans le cadre de la procédure de comparution
immédiate. La circulaire recommande dans ce cas d’effectuer
une enquête de personnalité, qui pourra être
confiée aux flics, pour déterminer les ressources
de la personne, ses charges de famille, etc. Cette enquête
permet d’évaluer le montant de l’amende ou d’envisager
les aménagements de peine que proposera le procureur;
- par une convocation remise par les flics, à la fin de la
garde à vue ou plus tard. La circulaire précise que
les flics pourront remettre à la personne en même temps
et pour la même affaire deux convocations : une devant le
procureur et une devant le tribunal à une date ultérieure
aux cas où la personne ne se rendrait pas à la première
convocation ou si la CRPC échouait;
- par une convocation transmise par courrier simple;
- par une convocation remise directement par le procureur lui-même,
ou par son délégué
Cas où la personne demande au procureur l’application
de la CRPC
Quand une personne est citée à comparaître
devant un tribunal correctionnel, elle peut demander l’application
de cette procédure. Elle doit envoyer une lettre recommandée
au procureur dans laquelle elle reconnaît les faits qui lui
sont reprochés. Cette disposition n’est pas applicable
«aux personnes renvoyées devant un tribunal correctionnel
par le juge d’instruction» (art. 495-15 du CPP).
Si la procédure de «plaider-coupable» échoue,
le procès initial est maintenu, soit à la même
date, soit à une date ultérieure s’il reste
moins de dix jours avant le procès. La circulaire ordonne
aux procureurs de n’accepter la demande de la personne que
si elle est formulée suffisamment longtemps avant le procès
pour que la procédure puisse avoir lieu en son entier sans
avoir à repousser l’audience initialement prévue
(sur les délais, voir plus loin).
Attention, le procureur, s’il décide de ne pas appliquer
la procédure, n’est «pas tenu d’en aviser
le prévenu ou son avocat» (art. 495-15 du CPP).
La circulaire envisage aussi l’hypothèse ou la personne,
sans être déjà convoquée devant un tribunal,
demanderait d’elle-même ou par l’intermédiaire
de son avocat le recours à la CRPC, «demande sans laquelle
le parquet n’aurait peut-être pas envisagé de
recourir à cette procédure». Cette demande peut
se faire, par exemple, par l’intermédiaire de l’avocat
qui intervient pendant la garde à vue. La personne peut aussi
en parler aux flics ou même directement au procureur si elle
est déferrée devant lui.
Attention, la circulaire n’envisage pas de négociation
sur la culpabilité. Il n’est pas prévu que la
personne dise : «J’accepte d’avouer si je peux
bénéficier en échange du “plaider-coupable”.»
La personne est censée avouer d’abord, et suggérer
ensuite au procureur le recours à une CRPC. Le procureur
reste libre d’utiliser ou non cette possibilité.
L’entretien avec le procureur
Lors de l’entretien avec le procureur exigé par la
loi, les déclarations par lesquelles la personne reconnaît
les faits qui lui sont reprochés sont recueillies sur un
procès-verbal, et la proposition de peine est faite par le
procureur, en présence de l’avocat de l’intéressé.
L’avocat doit pouvoir consulter sur le champ le dossier (art.
495-8 du CPP). La personne ne peut pas renoncer à avoir un
avocat : refuser un avocat équivaut à refuser la procédure.
La proposition du procureur (art 495-8 du CPP)
La peine d’emprisonnement proposée ne peut être
en aucun cas supérieure à un an et ne peut excéder
la moitié de la peine encourue par la personne, en tenant
compte du fait que les peines maximales sont doublées pour
les récidivistes. Le procureur peut proposer du ferme ou
du sursis, et en cas de ferme des aménagements de peine (semi-liberté,
placement sous surveillance électronique, etc.). Il précise
si la peine d’emprisonnement ferme sera effectuée immédiatement
ou si la personne sera convoquée ultérieurement devant
un juge d’application des peines.
La peine d’amende peut être égale au montant
maximum encouru. Le procureur peut également proposer une
peine complémentaire ou de substitution prévue dans
le cas du délit pour lequel la personne est poursuivie (voir
«les peines» chapitre 9).
Est-il possible de négocier en partie la peine que proposera
le procureur? La marge de manœuvre de la personne et de son
avocat est très étroite. La culpabilité étant
acquise, c’est seulement sur le montant ou les modalités
de la peine que portera l’éventuelle discussion. À
la fin de l’entretien, le procureur fera une proposition à
laquelle la personne et son avocat ne pourront répondre que
par oui ou par non, sachant que le non fait perdre tout le «bénéfice»
de la CRPC…
Attention, au moment d’accepter sa proposition, il ne faut
pas oublier que le procureur ne s’occupe que de la partie
pénale : prison, amende, etc. Il ne compte pas les éventuels
dommages et intérêts réclamés par la
partie civile (voir plus loin «En cas d’acceptation
de la proposition», p. 84).
Délai de réflexion (art. 495-10 du CPP)
Une fois la proposition faite, la personne peut s’entretenir
seule avec son avocat. Elle peut choisir d’accepter ou de
refuser immédiatement la proposition du procureur, ou de
demander un délai de réflexion supplémentaire
de dix jours.
Si la personne souhaite bénéficier du délai
de réflexion, et quelle que soit la peine proposée,
le procureur peut demander au juge des libertés et de la
détention un contrôle judiciaire. Mais si la peine
proposée est égale ou supérieure à deux
mois de prison ferme et que le procureur a demandé son exécution
immédiate, il peut solliciter auprès de ce même
juge le placement en détention provisoire. La détention
provisoire et le contrôle judiciaire ne peuvent durer plus
de vingt jours.
Il n’existera pas dans les faits de possibilité de
recours contre la décision de placement en détention
provisoire. La circulaire précise que la demande de mise
en liberté se fait devant «la chambre de l’instruction»
mais que les délais sont trop courts pour que celle-ci ait
le temps de se prononcer.
En cas d’acceptation de la proposition par la personne poursuivie
Si la personne, immédiatement ou après le délai,
accepte en présence de son avocat la proposition de peine
du procureur, elle est «aussitôt» présentée
devant un juge du tribunal qui entend la personne et son avocat.
Cette «audience d’homologation» a lieu le jour
même. Elle est publique. La personne doit à nouveau
reconnaître les faits qui lui sont reprochés et assurer
qu’elle accepte la peine proposée. Le juge décide
le jour même d’homologuer ou non la peine : il ne peut
que l’accepter ou la refuser, mais pas la modifier.
Le juge devra également vérifier la régularité
de la procédure et refuser l’homologation s’il
constate une nullité (art. 495-9 du CPP).
Les peines sont inscrites au casier judiciaire et il est possible
de faire appel (voir le chapitre 10 «L’appel»).
Les «victimes» peuvent se constituer partie civile
à l’audience d’homologation, ou par lettre, exactement
comme lors d’un procès ordinaire (voir le chapitre
8 «Le procès»). Le juge qui homologue la peine
peut fixer des dommages et intérêts immédiatement,
ou le faire à une audience ultérieure. Le montant
des dommages et intérêts n’est pas soumis à
l’acceptation du prévenu : mais il est possible de
faire appel sur ce point seulement. La victime peut s’exprimer
et le juge peut éventuellement tenir compte de ses propos
pour refuser l’homologation.
À noter que si la victime n’a pu être prévenue
à temps, elle peut demander une audience du tribunal pour
statuer sur les intérêts civils après l’audience
d’homologation : il y aura donc une audience civile ultérieure.
Dans le cas d’un refus de la proposition du procureur par
la personne ou d’un refus d’homologation par le juge
Dans ce cas, le procureur renvoie la personne devant le tribunal
ou devant un juge d’instruction : il ne peut pas renoncer
aux poursuites et classer l’affaire. S’il s’agissait
à l’origine d’un déferrement après
une garde à vue, le procureur peut renvoyer la personne en
comparution immédiate, le jour même ou après
l’avoir retenue le temps nécessaire (voir "La
comparution immédiate", chapitre 8).
Un certain nombre de pièces doivent alors être retirées
du dossier. Le procès-verbal qui a été dressé
lors de l’entretien avec le procureur, et sur lequel la personne
reconnaît sa culpabilité, ne peut pas «être
transmis à la juridiction d’instruction ou de jugement,
et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire
état devant cette juridiction des déclarations faites
ou des documents remis au cours de la procédure» (art.
495-14 du CPP). Il en va de même pour les pièces annexées
à ce procès-verbal, comme la lettre recommandée
qui demande au procureur de recourir à une CRPC. En revanche,
«l’ordonnance du juge des libertés et de la détention
ayant ordonné le placement en détention provisoire
de la personne ayant demandé un délai de réflexion»,
de même que l’enquête rapide de personnalité,
doivent rester au dossier. Resteront au dossier également,
cela va sans dire, les procès-verbaux établis durant
la garde à vue.
Autrement dit, en cas de refus de la proposition ou de non-homologation
par le juge, le tribunal correctionnel n’est pas censé
utiliser les aveux passés devant le procureur. Pourtant,
la circulaire reconnaît elle-même qu’il serait
illusoire «d’empêcher la juridiction de savoir
qu’il a été procédé à une
procédure de CRPC ni que celle-ci n’a pu aboutir».
C’est d’autant plus illusoire que cela peut très
bien être le même juge qui refuse l’homologation
et qui ensuite juge l’affaire…
De plus, même si durant le procès il est en principe
interdit de faire référence aux pièces qui
ont été retirées du dossier, la circulaire
indique comment le tribunal peut contourner le droit : «Aucune
nullité ne saurait résulter du fait que la partie
civile […] fasse état de l’acceptation de sa
culpabilité par un prévenu qui se déclare innocent
devant le tribunal.» La seule condition pour éviter
cette nullité sera que le tribunal ne fasse pas état
«de telles déclarations dans la motivation de sa décision».
Bref, on l’aura compris, en cas d’échec d’une
CRPC, que cet échec soit dû au refus de la personne
ou au refus du juge de l’homologation, il sera concrètement
impossible de plaider son innocence : le prévenu sera jugé
alors que sa culpabilité est considérée à
l’avance comme acquise.e.
Comme l’audience est publique, il est possible de venir soutenir
un prévenu en se rendant en nombre à son procès.
Dans certains cas, ce sera parce que l’audience est utilisée
par le prévenu comme une tribune pour défendre ses
convictions?; dans d’autres, simplement pour montrer aux magistrats
que la personne n’est pas isolée et que beaucoup de
gens se sentent concernés par l’affaire.
Certaines stratégies de défense, au contraire, imposeront
qu’il n’y ait pas de soutien visible à l’audience.
Bien souvent, les autorités policières et judiciaires
essaient de limiter le nombre des soutiens dans la salle même.
Il est quand même utile de rester devant la salle ou devant
le palais de justice.
La citation directe et la comparution dite «?volontaire?»
Ces deux cas sont cités à titre d’information,
pour être complet sur toutes les possibilités de comparution
devant un tribunal correctionnel.
Citation directe par la partie civile
La citation directe permet à la partie civile de faire convoquer
directement devant le tribunal une personne qu’elle considère
comme l’auteur d’une infraction dont elle est la victime.
La citation se fait par l’intermédiaire d’un
huissier, suivant la même procédure que la citation
des témoins (art. 550 à 566 du CPP).
Dans le cadre d’affaires qui ont fait l’objet d’une
enquête préliminaire ou d’une instruction, la
citation directe permet souvent de faire comparaître des personnes
que le parquet ou le juge d’instruction n’avaient pas
jugé bon de poursuivre. Toutefois, elle est sérieusement
encadrée par la jurisprudence puisqu’il n’est
pas possible de faire comparaître les personnes qui ont été
déjà impliquées dans la procédure (même
en qualité de simples témoins) ou qui ont été
dénoncées dans la plainte initiale (Crim. 7 oct 1986
; Bull. crim. no 273).
Le tribunal demande à la partie civile qui fait une citation
directe de déposer au greffe une «?consignation?»,
c’est-à-dire une somme d’argent. Cet argent sert
à payer l’amende que la partie civile devra éventuellement
payer en cas de relaxe du prévenu qui a comparu sur citation
directe (art. 392-1 du CPP).
Le prévenu relaxé peut également demander
à la fin de l’audience des dommages et intérêts
à la partie civile pour abus de citation directe (art. 472
du CPP).
Comparution dite «?volontaire?»
Ce type de comparution intervient par exemple quand le prévenu
est présent au tribunal sans avoir été convoqué
régulièrement, et permet de régulariser la
procédure. Le désir du prévenu de comparaître
volontairement doit être expressément constaté
(art. 389 du CPP).
Sur l’impossibilité de contrôler ce que le greffier
note pendant le procès
«J’ai été témoin dans un procès
où des jeunes gens étaient accusés d’outrage
et de rébellion contre des flics. J’avais vu le comportement
des flics, extrêmement violents, et je voulais le dire devant
le tribunal, mais la présidente du tribunal ne me laissait
pas parler. Elle m’interrompait quand je voulais aborder ce
point, en me demandant de me contenter de répondre à
ses questions. Quand j’ai réussi à glisser une
observation sur la violence policière, elle a repris mes
propos pour être sûre que le greffier noterait la version
qu’elle désirait.»
D., Paris
8- Le procès devant le tribunal correctionnel
Un procès devant le tribunal correctionnel se déroule
à peu près de la même manière, qu’il
s’agisse d’une comparution immédiate ou d’un
procès à la suite d’une convocation. Le déroulement
formel varie peu suivant que la personne poursuivie (qui, dans un
procès correctionnel, est appelé le «?prévenu?»)
est déjà en prison ou qu’elle comparaît
libre, même si, sur le fond, la justice est plus dure pour
ceux qui sont déjà détenus.
Ne pas assister à l’audience
Renvoi de l’audience (art. 410 du CPP)
Lorsque le prévenu ne peut pas assister à l’audience,
il doit fournir une excuse «?reconnue valable?» par
le tribunal. Les juges ont toute liberté pour considérer
cette excuse comme valable ou non : il faut donc l’étayer
le plus possible, en fournissant par exemple un certificat médical
s’il s’agit d’un problème de santé.
Attention, si l’excuse n’est pas reconnue comme valable,
le prévenu sera jugé en son absence (voir ci-dessous
: «?Jugement contradictoire?»). Si l’excuse est
valable, le prévenu est convoqué pour une audience
ultérieure.
Jugement par défaut ou contradictoire
Jugement par défaut
Il peut arriver que quelqu’un soit convoqué devant
un tribunal sans en avoir connaissance. Il est alors «?jugé
par défaut?», c’est-à-dire sans qu’il
le sache (art. 412 du CPP).
Quand la personne apprend qu’elle a été condamnée
(que ce soit par voie d’huissier, ou par son arrestation au
cours d’un banal contrôle de flics…), elle peut
contester ce jugement. On dit alors qu’elle «?forme
opposition au jugement?», qui est déclaré nul
et «?non avenu?». L’affaire est rejugée
(art. 487 à 494-1 du CPP). Dans l’attente de ce nouveau
procès, le prévenu peut être placé en
détention provisoire ou sous contrôle judiciaire en
cas de condamnation à plus d’un an ferme assortie d’un
mandat d’arrêt (art. 465 et 135-2 du CPP).
La loi précise que le prévenu est considéré
comme n’ayant pas eu connaissance de son procès si
«?la citation n’a pas été délivrée
à la personne du prévenu, et s’il n’est
pas établi qu’il ait eu connaissance de cette citation?»
(art. 412 du CPP)
.La convocation se fait par voie d’huissier qui se déplace
ou envoie un recommandé, ou bien elle est donnée directement
à la personne par les flics, par exemple à la fin
de la garde à vue : dans ces cas, le prévenu ne peut
pas prétendre ne pas avoir eu connaissance de la citation.
Si un avocat se présente pour défendre le prévenu,
il est autorisé à plaider. Le jugement n’est
alors plus «?par défaut?» mais «?contradictoire?»
(art. 412 du CPP).
Jugement contradictoire
Si la personne est considérée comme ayant eu connaissance
de sa convocation et qu’elle n’a pas fourni d’excuse
«?valable?», elle ne peut pas prétendre être
jugée «?par défaut?» même si elle
est absente le jour de son procès. On dit que son jugement
est «?contradictoire?». Elle ne peut pas faire opposition.
Toutefois, en cas d’absence, elle a toujours le droit de faire
appel, comme si elle avait été présente. Le
délai d’appel de dix jours commence à la date
de «?signification?» du jugement, c’est-à-dire
au moment où elle en a officiellement connaissance (voir
chapitre 9 «?Le rendu du jugement?», et chapitre 10
« L'appel?»).
Si la peine prononcée est au moins égale à
un an d’emprisonnement sans sursis, le tribunal peut délivrer
un mandat d’arrêt : les flics ont ordre de rechercher
la personne pour l’emprisonner (art. 465 du CPP).
Même en étant absent, le prévenu peut être
défendu par son avocat. Il peut demander par une lettre au
président du tribunal à être représenté
par son avocat ou un avocat commis d’office. (art. 411 du
CPP). Il peut aussi envoyer directement son avocat à l’audience
(art. 410 du CPP).
Le tribunal peut considérer que la présence du prévenu
est indispensable et reporter le procès en le convoquant
de nouveau (art. 411 du CPP). Dans ce cas, si la peine encourue
est égale ou supérieure à deux ans, le tribunal
peut délivrer un mandat d’amener ou d’arrêt
à son rencontre (art. 410-1).
Nullités de procédure
Dans le cas où il n’y a pas eu d’instruction,
avant même de commencer le procès, les questions concernant
les nullités de procédure sont posées par le
parquet, la partie civile ou la défense, sous la forme de
«?conclusions?» déposées au début
de l’audience (art. 385 et 459 du CPP). Les nullités
de procédure doivent le plus souvent être impérativement
soulevées en première instance, car, sauf exception,
elles ne pourront pas l’être en appel.
L’examen de ces questions est souvent «?joint au fond?»,
c’est-à-dire que le tribunal le renvoie après
le procès, et que sa décision sera prise durant son
délibéré.
Le tribunal est souverain pour décider si les irrégularités
de procédure ont lésé ou non les droits de
la défense.
Le déroulement du procès
La salle d’audience
Les audiences sont publiques sauf pour les mineurs. Elles peuvent
avoir lieu à huis clos pour des raisons d’ordre public,
sur décision motivée de la cour : mais le jugement
doit être rendu en audience publique (art. 400 du CPP).
Le président a le pouvoir de faire régner l’ordre
dans la salle. Il peut ordonner l’expulsion d’un membre
de l’assistance. Si ce dernier résiste à cette
expulsion et «?cause du tumulte?», il peut être
placé sous mandat de dépôt sur-le-champ et condamné
à deux ans de prison (art. 404 du CPP).
Le prévenu lui-même peut être expulsé
de la salle d’audience, mais le jugement doit être rendu
en sa présence (art. 405 du CPP).
Le début de l’audience
Au moment de l’arrivée des juges dans la salle d’audience,
l’assistance est censée se lever (mais ce n’est
pas une raison pour le faire).
Dans un tribunal correctionnel, il n’y a pas de jurés
: le tribunal est composé, le plus souvent, de trois juges
professionnels, dont l’un est le président et les deux
autres des assesseurs. Il peut n’y avoir qu’un seul
juge : les cas où ce tribunal à juge unique peut fonctionner
sont répertoriés par la loi (art. 398, 398-1, 398-2
du CPP).
Le président constate d’abord l’identité
du prévenu, et «?donne connaissance de l’acte
qui a saisi le tribunal?» (art. 406 du CPP), c’est-à-dire
qu’il fait un bref rappel des faits. Il vérifie la
présence de la partie civile, des témoins, des experts,
des interprètes…
Après qu’aient été éventuellement
soulevées les nullités, le procès débute
par l’interrogatoire du prévenu, qui est interrogé
par le président ou un assesseur (art. 442 du CPP). Le prévenu
peut être ensuite questionné par la partie civile,
le procureur et son avocat.
On voit souvent les juges ou les procureurs varier leur ton ou
leur attitude dans le but de déstabiliser le prévenu.
Par exemple, le président peut très bien couper la
parole au prévenu, faire mine de ne pas comprendre, répéter
ce qui vient d’être dit en le modifiant (et ce sera
cela que le greffier notera). Il est très difficile pour
le prévenu de revenir sur sa première version des
faits, car le juge lui rappelle sans cesse ses déclarations
faites devant les flics sur procès-verbal.
Le prévenu a intérêt à s’en tenir
à une version crédible des faits sans se laisser impressionner
par les interruptions et les commentaires du juge ou du procureur.
On a parfois le sentiment de ne pas avoir pu s’exprimer complètement.
Il est toujours possible de rajouter
quelque chose à la fin des débats, le prévenu
ayant la parole en dernier.
L’interrogatoire ne porte pas que sur les faits, mais aussi
sur la personnalité du prévenu. Comme toujours, le
SDF sans emploi apparaît sous un jour moins favorable que
le notable chargé de famille. Il est conseillé de
s’inventer un projet professionnel crédible ou une
activité socialement reconnue même quand on n’en
a pas.
La partie civile
La personne qui s’estime victime de l’infraction peut
«?se constituer partie civile?» jusqu’au moment
de l’audience pour demander «?des dommages et intérêts
correspondant au préjudice qui lui a été causé?».
Il n’est pas légalement nécessaire d’être
assisté d’un avocat pour se porter partie civile (art.
418 du CPP).
L’existence de la partie civile lors du procès ajoute
un élément de justice civile dans la justice pénale.
En plus de la peine prononcée pour avoir violé la
loi, le jugement impose de réparer le tort causé à
une personne physique ou morale. Dans certains cas, le jugement
dit «?civil?» peut être renvoyé à
une autre audience
.Par exemple, un prévenu jugé pour violence à
agent pourra être condamné à une peine de prison
et à une peine d’amende auxquelles s’ajouteront
des dommages et intérêts pour le flic «?victime?»
ainsi que pour le syndicat de flics qui, en tant que personne morale,
aura lui aussi le droit de se constituer partie civile.
Il peut arriver que «?la personne civilement responsable?»
ne soit pas le prévenu, dans le cas de mineurs par exemple.
Dans ce cas, c’est cette personne civilement responsable qui
devra payer les dommages et intérêts.
La personne qui s’est portée partie civile ne prête
pas serment quand elle dépose et peut assister à tous
les débats.
Les témoins au procès
Quand il n’y a pas eu d’instruction, les témoins
sont convoqués sur citation du parquet, de la partie civile
ou de la défense.
Les témoins témoignent soit sur les faits, soit sur
la «?personnalité?» ou la «?moralité?»
du prévenu.
Quand ils témoignent sur les faits, les témoins cités
par la défense servent à contredire la version de
l’accusation.
Les témoins de moralité cités par la défense
servent à présenter le prévenu sous un jour
favorable aux yeux des juges : ils doivent eux-mêmes être
irréprochables pour la justice et avoir, si possible, une
position sociale qui donne du poids à leur témoignage
(professeur, notable, etc.).
L’avocat n’est pas supposé avoir rencontré
les témoins avant le procès.
La citation des témoins se fait par voie d’huissier
au moins dix jours avant l’audience (art. 435 et 550 et suivants
du CPP). Les frais d’huissier sont à la charge de ceux
qui font citer les témoins : les tarifs sont variables (ils
dépendent des huissiers) mais il faut compter plusieurs dizaines
voire centaines d’euros par témoin.
Le témoin cité est tenu de comparaître, de
prêter serment et de déposer, sous peine d’amende
(art. 437 et 438 du CPP). Le tribunal peut même ordonner aux
flics d’amener un témoin par la force (art. 439 du
CPP).
La défense peut présenter des témoins même
quand elle n’a pas eu le temps de les faire citer régulièrement
ou qu’elle n’a pas voulu payer pour cela : en effet,
avec l’autorisation du tribunal, «?les personnes proposées
par les parties qui sont présentes à l’ouverture
des débats sans avoir été régulièrement
citées?» peuvent être admises à témoigner
(art. 444 du CPP).
Attention cependant, dans ce cas, le président du tribunal
n’est pas obligé de les accepter.
En cas de comparution immédiate, les témoins peuvent
être cités «?sans délai et par tout moyen?»,
c’est-à-dire sans avoir à passer par un huissier
(art. 397-5 du CPP).
Une fois que leur identité a été vérifiée,
les témoins sont conduits dans une pièce à
part et n’assistent pas à l’audience avant leur
déposition. Ils ne sont pas supposés parler entre
eux.
Les témoins déposent les uns après les autres,
en principe d’abord les témoins des parties civiles
et du parquet, ensuite les témoins de la défense,
sauf si le président en a décidé autrement.
À la demande du président, les témoins commencent
par dire leurs nom, prénom, âge, profession et domicile,
et leurs liens de parenté, professionnels ou amicaux avec
le prévenu ou la partie civile (art. 445 du CPP). Puis ils
jurent de dire «?toute la vérité, rien que la
vérité?» (art. 446 du CPP). Les témoins
déposent oralement, et ne peuvent s’aider de documents
qu’avec l’autorisation du président (art. 452
du CPP). Ils répondent aux questions du président
ou d’un assesseur, puis ils peuvent être interrogés
par l’avocat de la partie civile, le procureur et l’avocat
de la défense. «?Le prévenu et la partie civile
peuvent également poser des questions par l’intermédiaire
du président?» (art. 442.1 du CPP).
Après la déposition, le témoin peut assister
aux débats, sauf si l’une des parties ou le président
décident
qu’il doit ressortir momentanément de la salle d’audience
pour être réentendu après d’autres dépositions,
et éventuellement confronté à d’autres
témoins.
Les enfants en dessous de seize ans et les parents proches du prévenu
(père, mère, frère, sœurs, enfants, grands-parents,
époux même divorcés) témoignent sans
prêter serment. Ils pourront toutefois être autorisés
à prêter serment s’il y a accord de toutes les
parties (art. 447 à 449 du CPP).
En cas de faux témoignage avéré, ce qui n’est
pas facile à prouver, le président peut ordonner au
témoin de demeurer à la disposition du tribunal et
le faire garder par la force publique, puis après la lecture
du jugement le présenter au parquet pour d’éventuelles
poursuites (art. 457 du CPP).
Les notes d’audience
Le greffier, «?sous la direction du président?»,
prend les débats en note, en particulier les déclarations
des témoins et les réponses du prévenu. Les
notes d’audience sont signées par le greffier et le
président (art. 453 du CPP).
Contrairement à un procès-verbal, les notes d’audience
ne sont pas signées par les personnes interrogées
à la barre.
Les notes d’audience servent en principe pour informer les
juges de la cour d’appel de la teneur des débats de
première instance.
Elles peuvent servir de base pour des poursuites ultérieures,
par exemple si un délit a été mentionné
par des déclarations au cours de l’audience. En cas
de suspicion de faux témoignage, ce sont les notes d’audience
qui font foi pour établir précisément les déclarations
du témoin suspecté.
Réquisitoire, plaidoirie et rendu du jugement
À la fin des débats, les avocats des parties civiles
interviennent et demandent des dommages et intérêts,
puis le procureur fait son réquisitoire, c’est-à-dire
que souvent il charge la personne au maximum.
Le procureur va le plus souvent demander une peine, mais le tribunal
n’est pas obligé de le suivre (il peut donner une peine
plus ou moins élevée que ce qui est demandé).
Les avocats de la défense font leur plaidoirie en dernier.
La partie civile ou le procureur peuvent répliquer. Le prévenu
ou son avocat auront toujours la parole en dernier. (art. 460 du
CPP). À la fin de l’audience, le président demande
toujours au prévenu s’il a quelque chose à ajoute.
Exemple :
Une peine principale de deux ans de prison et 30?000 euros d’amende
est prévue pour la «?destruction, la dégradation
ou la détérioration d’un bien appartenant à
autrui?» (art. 322-1 du CP).
Une ou plusieurs peines complémentaires sont possibles :
privation des droits civiques, interdiction professionnelle, interdiction
de séjour pour les étrangers, etc. (art. 322-15 du
CP).
Elles peuvent se rajouter à la prison ou à l’amende,
ou les remplacer : la peine complémentaire devient alors
la peine principale et le prévenu n’est condamné
ni à la prison ni à une amende mais, par exemple,
à la privation de ses droits civiques et à l’interdiction
d’exercer certaines professions.
-----
9- Le rendu du jugement, les différentes peines
et leur application
Le rendu du jugement
Le jugement peut être rendu le jour même, ou à
une audience ultérieure. Dans ce cas, le président
doit informer de la date où le jugement sera rendu (art.
462 du CPP).
Le jugement comprend la peine et les dommages et intérêts
pour la partie civile. Il arrive que ces derniers ne soient pas
fixés immédiatement. Dans ce cas, des dommages et
intérêts provisoires peuvent être ordonnés,
et l’évaluation des dommages et intérêts
renvoyée à une autre audience uniquement civile (art.
464 du CPP).
Le tribunal a toujours la possibilité, même après
les débats, de ne pas rendre de jugement. S’il considère
qu’il n’y a pas assez d’éléments
pour juger, il ordonne un «?supplément d’information?»
et renvoie l’affaire devant le procureur, qui peut désigner
un juge d’instruction. Très rarement, il désigne
un de ses membres pour agir comme un juge d’instruction (art.
463 du CPP). Si l’infraction lui paraît être un
crime (qui devrait passer devant la cour d’assises), il renvoie
l’affaire devant le procureur. En revanche, si c’est
une contravention (qui devrait passer devant le tribunal de police),
il peut prononcer la peine lui-même (art. 466 et 469 du CPP).
Un jugement du tribunal correctionnel doit expliquer les raisons
qui ont entraîné la décision des juges (art.
485 du CPP). Cette partie du jugement expose parfois de manière
très formelle les «?motifs?» de la décision.
Les juges décident de ce qui vaut comme preuve d’après
«?leur intime conviction?» (art. 427 du CPP).
La deuxième partie du jugement énonce «?les
infractions dont les personnes citées sont déclarées
coupables ou responsables, ainsi que la peine, les textes de loi
appliqués et les condamnations civiles?» (art. 485
du CPP).
À l’audience, le président peut se contenter
de ne lire que les peines, mais le jugement complet, appelé
«?la minute?», est déposé au greffe du
tribunal dans les trois jours (art. 486 du CPP). Ce jugement, supposé
être public, est difficile à obtenir si on ne passe
pas par un avocat.
Le jugement se prononce sur la culpabilité du prévenu.
Il peut décider de relaxer le prévenu, soit parce
qu’il y a un doute sur l’auteur des faits, soit parce
que les faits ne sont pas établis, soit parce que les faits
ne constituent pas précisément une infraction. Il
faut que tous les éléments qui caractérisent
l’infraction, tels qu’ils sont décrits dans le
Code pénal, soient présents (art. 470 du CPP).
Il n’y a pas non plus de culpabilité dans un certain
nombre de cas répertoriés par le Code pénal
(art. 122-1
à 122-7 du CP) : en particulier les troubles psychiques avec
«?abolition du discernement?» (uniquement reconnus par
un psychiatre expert, art. 122-1 du CP), les agissements sous contrainte
(art. 122-2 du CP), la légitime défense (art. 122-5
et 122-6 du CP), «?l’état de nécessité?»
(voir l’art. 122-7 du CP pour les détails)… Ces
cas sont admis de manière très restrictive.
De plus, «?il n’y a point de crime ou de délit
sans intention de le commettre?» (art. 121-3 du CP).
Il y a des cas où la loi a prévu qu’une simple
imprudence ou un manquement à une obligation de sécurité
entraîne une responsabilité pénale.
Le prévenu non coupable peut néanmoins être
responsable civilement. S’il en juge ainsi, le tribunal correctionnel
peut donc n’infliger aucune peine mais fixer le montant des
dommages et intérêts dus à la partie civile.
Il peut aussi renvoyer l’affaire devant un tribunal civil
(art. 470-1 du CPP).
Le jugement peut reconnaître le prévenu coupable,
mais accorder une «?exemption?» de peine lorsque celle-ci
est prévue par le Code : il s’agit en général
de récompenser la délation.
Il est possible aussi d’accorder une «?dispense?»
de peine, différente de l’exemption : la dispense de
peine peut être accordée si «?le reclassement
du coupable est acquis, le dommage causé est réparé
et le trouble résultant de l’infraction a cessé?»
(art. 132-59 du CP).
On est souvent poursuivi dans une seule et même procédure
pour plusieurs infractions de même nature commises en même
temps. Dans ce cas, lorsque plusieurs peines similaires sont encourues
(par exemple la prison), il ne peut être prononcé qu’une
seule peine de cette nature avec comme limite le maximum le plus
élevé des différentes infractions. Par exemple,
si on risque pour deux délits six mois de prison pour l’un,
et un an pour l’autre, on pourra faire au maximum un an de
prison, et non un an et demi. Chaque peine prononcée est
considérée comme commune aux différentes infractions
(art. 132-2 et 132-3 du CP).
Mais attention : dans certains cas, le fait de faire deux choses
illégales en même temps ne signifie pas qu’on
sera poursuivi pour deux infractions, mais éventuellement
pour une seule, «?aggravée?» par la seconde :
et là, le maximum des peines augmente. Par exemple, le vol
simple est puni de trois ans de prison. Les violences simples (n’ayant
pas entraîné une infirmité mais avec interruption
temporaire de travail (ITT) de plus de huit jours) sont punies de
trois ans de prison. Mais la violence est une circonstance aggravante
du vol : un vol avec violence ayant entraîné une ITT
de plus de huit jours est puni de sept ans de prison.
Pour chaque type de délit, une liste de «?circonstances
aggravantes?» est définie par le Code pénal,
ainsi que l’augmentation de la peine encourue.
Depuis le 31 décembre 2006, au moment du rendu du jugement,
si le prévenu assiste à l’audience, le tribunal
doit lui remettre une convocation devant le juge d’application
des peines, en cas de peine de prison ferme inférieure ou
égale à un an, ou devant le conseiller d’insertion
et de probation, pour le sursis avec mise à l’épreuve,
le sursis-TIG, et les TIG (travail d’intérêt
général) (art. 474 du CPP, pour plus de détails
voir ci-dessous).
Les peines
Les principes de l’application des peines
Le prononcé de la peine n’est pas la dernière
étape du circuit judiciaire, mais un pas supplémentaire.
La peine fixe en effet un cadre général, mais ce qui
sera subi concrètement par le condamné n’est
pas déterminé dans ses moindres détails : la
peine peut être «?aménagée en cours d’exécution?»
(art. 707 du CPP)
.Ces aménagements dépendent de «?l’évolution
de la personnalité et de la situation du condamné?»,
c’est-à-dire de sa soumission aux autorités
et de sa condition sociale. L’aménagement des peines
a aussi pour but de garder les condamnés sous le contrôle
de la justice le plus longtemps possible : toute libération
anticipée devrait en principe être accompagnée
d’une forme de suivi judiciaire (art. 707 du CPP).
Les aménagements de peines «?non privatives de liberté?»,
comme l’amende ou le retrait de permis de conduire, peuvent
être accordés pour des motifs médicaux, familiaux,
professionnels ou sociaux par le parquet ou par le tribunal (art.
708 du CPP). Par exemple, la peine d’amende, de jour-amende
ou de suspension de permis de conduire peut être fractionnée
(art. 132-28 du CP).
Les aménagements de peines «?privatives de liberté?»
dépendent du tribunal qui a prononcé la sentence ou
de magistrats spécialisés, appelés «?juges
de l’application des peines?» (JAP). Ces juges disposent
d’un pouvoir considérable : de leurs décisions
va dépendre le temps que le condamné va réellement
passer en prison ou les modalités d’exécution
des autres peines privatives de liberté. Suivant les cas,
le JAP décide seul, ou en présidant une «?commission
d’application des peines?», ou en formant avec deux
autres juges un «?tribunal d’application des peines?».
Les décisions des juges d’application des peines sont
successibles d’appel dans un délai de 24 heures à
dix jours suivant les cas (art. 712-1 à 712- 22 du CPP).
Le JAP est secondé par des conseillers d’insertion
et de probation (CIP) : c’est à eux que les condamnés
ont le plus souvent affaire, et leurs rapports destinés au
JAP sont en général déterminants. Autant dire
que l’opinion que le CIP se fait de la personnalité
du condamné compte beaucoup dans les modalités réelles
de la peine.
Pour ceux qui sont à l’extérieur, on peut développer
différentes stratégies pour obtenir des modalités
d’exécution de la peine en fournissant des attestations
de travail ou de stage, de charges familiales, etc.
On peut toujours espérer que l’encombrement des services
administratifs dans les grandes villes et en région parisienne
empêche l’exécution de certaines peines, comme
les travaux d’intérêts généraux
: il arrive qu’il y ait beaucoup plus de condamnés
que de places disponibles, et que certains ne reçoivent jamais
leur affectation. Tout est question de chance et de situation locale.
Si la relation avec le CIP est ou devient difficile, et qu’on
sent qu’on n’obtiendra pas ou plus grand-chose, on peut
toujours «?officiellement?» déménager
en changeant de département : le JAP compétent, qui
est celui du domicile de la personne condamnée, peut alors
transmettre le dossier (mais il n’est pas obligé de
le faire) au JAP du tribunal proche du nouveau domicile (art. 712-10
du CPP). Le condamné dépendra alors d’un nouveau
service d’insertion et de probation. Il ne faut pas «?disparaître?»,
mais déménager en signalant par écrit sa nouvelle
adresse.
Le transfert administratif des dossiers est assez long, surtout
dans les grandes villes, ce qui peut permettre de gagner du temps.
Il n’y a rien d’illégal à déménager
plusieurs fois de suite.
Pour ceux qui sont en détention, en revanche, il n’y
a guère de marges de manœuvre : le JAP et le CIP vont
s’inspirer des rapports des matons, et bien sûr le détenu
ne «?déménage?» pas comme il le veut.
Les différents types de peine
Peine principale
Actuellement, pour chaque délit, le Code pénal prévoit
une peine, appelée «?principale?», de prison,
d’amende ou des deux, et fixe un maximum pour chacune de ces
peines. Le tribunal ne peut pas donner davantage que le maximum
prévu par le Code, mais il peut donner moins : à ce
jour, il n’y a pas encore de limite minimale au temps d’emprisonnement
et au montant de l’amende.
L’élément répressif central du système
judiciaire français est la prison. Il existe beaucoup d’alternatives
à la prison ou de possibilités de libération
anticipée : mais la prison reste la menace permanente sauf
pour les contraventions et les rares délits punis seulement
d’une peine d’amende. Les peines qui peuvent remplacer
la prison ou le sursis et l’ajournement sont utilisées
par les tribunaux et les juges d’application des peines dans
la perspective d’inspirer ou d’entretenir la peur de
la prison, qu’on évite de peu ou qu’on garde
comme une épée de Damoclès au-dessus de la
tête. La question complexe de l’exécution des
peines de détention est traitée plus loin ( dans le
paragraphe «?Exécution des peines de détention
»).
L’amende est une somme d’argent à payer au Trésor
public : il ne faut pas la confondre avec les dommages et intérêts
qui ne sont pas une peine mais une «?réparation?»
accordée à la partie civile, ni avec les «?frais
de justice?» que le prévenu peut être condamné
à rembourser à la partie civile.
C’est le Trésor public qui est chargé de recouvrer
l’amende. En cas de paiement dans le mois qui suit la condamnation,
l’amende est réduite de 20?% avec un maximum de réduction
de 1?500 euros (art. 707-2 du CPP). Le Trésor public peut
autoriser le condamné, en fonction de ses ressources, à
payer en plusieurs fois tout en bénéficiant quand
même de la réduction de 20?% (art. 707-4 du CPP).
En cas de non-paiement «?volontaire?» d’une amende
prononcée pour un crime ou un délit pour lequel on
encourait une peine de prison, le JAP peut ordonner une mesure de
«?contrainte judiciaire?» : c’est-à-dire
un emprisonnement d’une durée de vingt jours à
trois mois suivant le montant de l’amende (art. 749 et 750
du CPP). Cette mesure ne peut pas être prise dans certains
cas : mineurs, plus de 65 ans, mari et femme simultanément
(art. 751 et 753 du CPP).
Le JAP peut «?décider d’accorder des délais
de paiement au condamné si la situation personnelle de ce
dernier le justifie?» (art. 754 du CPP). «?La contrainte
judiciaire ne peut être prononcée contre les condamnés
qui, par tout moyen, justifient de leur insolvabilité?»
(art. 752 du CPP). On peut faire appel de la décision du
JAP dans un délai de dix jours (art. 754 du CPP).
Peine complémentaire
Certains délits peuvent également être sanctionnés
par des peines complémentaires qui peuvent s’ajouter
à la peine principale ou la remplacer, suivant la décision
du tribunal (art. 131-10 et 131-11 du CP). Dans chaque cas, le Code
pénal prévoit quelle peine complémentaire est
possible pour chaque crime ou délit.
Parmi ces peines complémentaires, certaines constituent
ce qu’on appelle communément la «?double peine?»
: c’est «?l’interdiction du territoire français?»
qui peut être prononcée contre les étrangers
(art. 131-30 du CP). Elle peut très bien s’effectuer
sous la forme d’une reconduite à la frontière
à la fin de la période de détention.
Une peine complémentaire pour certains crimes ou délits
est ce qu’on appelle le «?suivi socio-judiciaire?»,
qui suppose un certain nombre d’obligations (comme celle de
suivre un traitement médical) ou d’interdictions, et
comporte un risque de prison si on ne s’y soumet pas (art.
131-36-1 à 131-36-8 du CP et 763-1 à 763-9 du CPP).
Le placement sous bracelet électronique mobile est réservé
aux condamnés à plus de sept ans de prison ferme qui
présentent une «?dangerosité?» particulière
(art. 131-36-9 à 131-36-13 du CP). Il permet de s’assurer
que certaines obligations du suivi socio-judiciaire, comme l’interdiction
de fréquenter certains lieux, sont effectivement respectées.
Le suivi socio-judiciaire permet à la justice de prolonger
le contrôle qu’elle exerce sur les condamnés
bien au-delà de leur sortie de prison.
Autres peines correctionnelles
Bien que ce ne soit pas précisé à chaque fois
dans le Code pénal, le tribunal correctionnel a toujours
la possibilité de remplacer l’emprisonnement par d’autres
peines : le travail d’intérêt général
(TIG), la «?peine privative ou restrictive de droits?»,
les «?jours-amendes?» et le «?stage de citoyenneté?»
(art. 131-5, 131-5-1, 131-6, et 131-8 du CP).
La Loi sur la prévention de la délinquance veut créer
une peine nouvelle dite de «?sanction-réparation?».
Cette peine sera détaillée dans les fiches d’actualisation
de ce guide lorsqu’elle sera applicable.
Le tribunal peut également prononcer certaines de ces peines
en plus de l’emprisonnement.
Pour les délits qui sont punis seulement d’une peine
d’amende, le tribunal peut remplacer l’amende par une
peine restrictive de droit (art. 131-7 du CP).
Le JAP peut aussi transformer une peine de prison ferme de moins
de six mois en peine de jours-amendes ou en sursis-TIG (art. 132-57
du CP) et une peine de TIG en peine de jours-amendes (art. 733-1
du CPP).
En fonction de chaque délit, le Code pénal prévoit
un temps maximum de prison et un montant maximum d’amende,
mais il ne le fait pas pour les autres peines correctionnelles.
Ces peines semblent intéressantes puisqu’elles peuvent
permettre d’éviter la prison. Pourtant, elles peuvent
être contraignantes et ne sont pas l’objet de grâces,
contrairement aux peines de prison ferme. De plus, il paraît
de plus en plus difficile de ne pas les accomplir, car les lois
récentes ont institué un dispositif contraignant pour
veiller à leur exécution.
En effet, le tribunal peut décider d’une durée
maximum d’emprisonnement et d’un montant maximum d’amende
que le JAP sera autorisé à infliger au condamné
si celui-ci ne respecte pas les obligations et les interdictions
fixées par sa peine : le président en informe le condamné
au moment du rendu du jugement (art. 131-9 du CP).
De plus, ne pas respecter certaines décisions de justice
(par exemple, conduire après une annulation ou suspension
de permis) est un délit puni de deux ans de prison et 30?000
euros d’amende (art. 434-41 du CP).
Le travail d’intérêt général
C’est un travail (non rémunéré) qui
est censé, selon les parlementaires, «?ajouter aux
vertus dissuasives de la peine les effets socialisants du travail?»
: nettoyer des graffitis, jardiner, faire le larbin dans une administration…
Les TIG sont à effectuer dans un délai fixé
par le tribunal et qui ne peut dépasser les douze mois.
Les TIG sont d’une durée, fixée par le tribunal,
comprise entre quarante et deux cent dix heures. Le type de travail,
le lieu et l’emploi du temps des TIG sont choisis par le JAP
: ce peut être une association agréée. Si le
condamné a déjà un emploi, son temps de travail
hebdomadaire en comptant les TIG ne peut excéder de douze
heures la durée légale du travail (art. R131-25 du
CP).
Avant de rendre le jugement, le président du tribunal doit
demander au prévenu s’il accepte des TIG. Si le prévenu
est absent à l’audience, il ne peut pas être
condamné à des TIG (art. 131-8 du CP).
C’est une décision à laquelle il est préférable
de réfléchir à l’avance. Refuser les
TIG ne veut pas forcément dire aller en prison : souvent,
mais pas toujours, le prévenu sans antécédents
judiciaires qui a refusé les TIG sera condamné à
du sursis. Cependant, quand on a déjà eu affaire à
la police ou la justice, il peut être préférable
de les accepter, même si accepter les TIG équivaut,
d’une certaine manière, à reconnaître
sa culpabilité.
Les peines restrictives de droits
Ces peines sont énumérées par le Code pénal
(art. 131-6 du CP). On y trouve entre autres la suspension ou la
suppression du permis de conduire, la confiscation de véhicules,
l’interdiction d’émettre des chèques,
l’interdiction professionnelle «?dès lors que
les facilités que procure cette activité ont été
sciemment utilisées pour préparer ou commettre une
infraction?», l’interdiction de fréquenter certains
lieux ou certaines personnes…
Le tribunal peut donner une ou plusieurs de ces peines à
la place de la prison ou même à la place d’une
amende quand seule celle-ci est prévue par le Code (art.
131-7 du CP).
Les jours-amendes
Le tribunal fixe un nombre de jours-amendes et un montant quotidien
de l’amende : par exemple, 60 jours-amendes à 30 euros
la journée (art. 131-5 du CP).
La somme totale de l’amende à payer est, dans cet
exemple, égale à 60 fois 30, soit 1?800 euros. Cette
amende est à payer à la fin du délai fixé
par le nombre de jours-amendes infligés : 60 jours dans notre
exemple.«?Le défaut total ou partiel de paiement de
ce montant entraîne l’incarcération du condamné
pour une durée qui correspond au nombre de jours-amendes
impayés?» (art. 131-25 du CP), soit soixante jours
dans notre exemple si la personne n’a rien payé.
Le montant quotidien de l’amende doit être fixé
en fonction des ressources du prévenu et de ne pas dépasser
1?000 euros. Le nombre total de jours-amendes ne peut pas dépasser
trois cent soixante (art. 131-5 du CP).
En cas d’emprisonnement prononcé en plus des jours-amendes,
le délai de paiement n’est pas augmenté.
La peine de jours-amendes peut être fractionnée pour
«?motif grave d’ordre médical, familial, professionnel
ou social?» (art. 132-28 du CP).
Stage de citoyenneté
Un stage, dont le montant peut être aux frais du condamné,
a pour but de lui rappeler «?les valeurs républicaines
de tolérance et de respect de la dignité humaine sur
lesquelles est fondée la société?» (art.
131-5-1 du CP).
Comme pour les TIG, cette peine ne peut être prononcée
contre le prévenu qui la refuse ou qui est absent à
l’audience.
La durée du stage ne peut excéder un mois au total,
et pas plus de six heures par jours (art. R131-36 du CP).
Sursis et ajournement
L’exécution ou même le prononcé de la
peine peuvent être suspendus : le condamné est sous
la menace de cette peine, qui sera fonction de son comportement
ou de ses actes à venir.
Sursis simple
Une peine avec sursis est une peine que l’on n’exécute
pas tant que le sursis n’est pas révoqué (voir
ci-après le paragraphe «?Révocation du sursis?»).
Le sursis simple est surtout prononcé pour les délinquants
«?primaires?», c’est-à-dire ceux dont c’est
la première condamnation.
Le sursis simple peut porter sur l’emprisonnement, l’amende,
le jour-amende, certaines peines restrictives de droit et certaines
peines complémentaires. Il ne peut porter sur les TIG (art.
132-31 du CP).
Il peut être total ou partiel : partiel en portant sur certaines
peines et pas d’autres (exemple : prison avec sursis et amende
sans sursis) ou au sein de la même peine (exemple : deux mois
de prison ferme et trois avec sursis) (art. 132-31 du CP).
Le sursis ne peut pas être accordé pour une peine
totale de prison de plus de cinq ans : «?totale?» signifie
le cumul du ferme et du sursis (par exemple deux ans fermes et trois
avec sursis, mais pas trois ans fermes et trois avec sursis) (art.
132-31 du CP).
Le sursis n’est pas toujours possible quand on a déjà
été condamné auparavant. Si on a été
condamné à une peine de prison (avec ou sans sursis),
on ne peut plus avoir de sursis simple, mais on peut avoir une peine
de sursis avec mise à l’épreuve (art. 132-30
du CP).
Si on a été condamné à une autre peine
que la prison dans les cinq ans qui précèdent, on
peut avoir du sursis pour la prison, mais pas pour d’autres
peines (art. 132-31 du CP).
«?Révocation?» du sursis simple :
Lorsque le sursis est «?révoqué?», cela
signifie que la peine prévue doit être exécutée.
Le sursis pour une peine de prison est automatiquement révoqué
par une nouvelle condamnation à de la prison. Les deux peines
ne peuvent pas se confondre (art. 132-36 et 132-38 du CP). La condamnation
à une peine autre que la prison ne révoque pas le
sursis d’une peine de prison (art. 132-36 du CP).
Cependant, il est possible d’échapper à la
révocation du sursis. La juridiction qui prononce la nouvelle
condamnation peut, par une décision spéciale et motivée,
ordonner que le sursis ne soit pas révoqué ou qu’il
ne soit révoqué que partiellement (art. 132-38 du
CP). Le condamné peut aussi demander, après le jugement,
à ce que son sursis ne soit pas révoqué (art.
735 du CPP).
Le sursis court pendant cinq ans à partir du jugement définitif
(art. 132-35 du CP) mais il est suspendu pendant la durée
de l’incarcération si une partie de la peine est ferme
(Crim. 9 février 1988 : Bull. crim. no 65) : c’est-à-dire
qu’il prendra effet à partir de la sortie de prison.
Après ces cinq ans, on n’est plus menacé de
devoir exécuter la peine avec sursis.
Sursis avec mise à l’épreuve et sursis avec
TIG
Ce type de condamnation vise à forcer le condamné
à avoir une attitude ou une activité particulière,
sous la menace directe de la prison s’il ne s’y soumet
pas.
C’est déjà plus que l’«?avertissement?»
du sursis simple : le contrôle, exercé par le conseiller
d’insertion et de probation (CIP), porte sur les aspects les
plus divers de la vie (résidence, fréquentations,
activités, santé, etc.). C’est une peine à
part entière.
En 2003, les convocations devant le CIP ne se faisaient qu’une
fois tous les quatre mois en moyenne.
Sursis avec mise à l’épreuve
Le sursis avec mise à l’épreuve ne concerne
que l’emprisonnement à condition que la peine ne dépasse
pas cinq ans, ou dix ans en cas de récidive (art. 132-41
du CP).
Le sursis peut être révoqué non seulement par
une nouvelle condamnation de la personne, mais aussi en cas de «?manquement
aux mesures de contrôle et aux obligations particulières
qui lui sont imposées?» (art. 132-40 du CP).
Le délai d’épreuve est compris entre douze mois
et trois ans, mais peut monter jusqu’à cinq ou sept
ans pour un récidiviste (art. 132-42 du CP).
En cas de récidive, il y a des cas où le sursis avec
mise à l’épreuve ne peut être prononcé.
(art. 132-41 du CP).
Le «?contrôle?» est exercé par le CIP,
qui surveille les moyens d’existence, la résidence,
les déplacements à l’étranger ou de plus
de quinze jours, etc. (art. 132-44 du CP). Quant aux obligations,
elles sont fixées lors de la condamnation ou par le JAP (art.
739 du CPP). Elles peuvent être de toute nature : obligation
de formation ou de travail, obligation de soins, ne pas se livrer
à certaines activités, interdiction de paraître
dans certains lieux, etc. La liste est longue (art. 132-45 du CP).
La justice peut être paternaliste en prévoyant une
«?aide?» matérielle pour «?seconder les
efforts du condamné en vue de son reclassement social…?»
(art. 132-46 du CP).
Dans les faits, il suffit souvent de répondre aux convocations,
de montrer qu’on cherche du travail, d’insister sur
ses problèmes financiers… Il faut impérativement
se rendre aux convocations ou téléphoner pour s’excuser
si on ne peut pas.
Révocation du sursis avec mise à l’épreuve
En cas de nouvelle infraction, le sursis avec mise à l’épreuve
peut être révoqué (voir les art. 132-47 à
132-51 du CP).
Si le condamné ne satisfait pas aux obligations de la mise
à l’épreuve, le JAP peut décider de prolonger
le délai d’épreuve ou de révoquer totalement
ou partiel-lement le sursis (art. 742 du CPP).
Au bout d’un an de délai, si la conduite du condamné
a été considérée comme bonne, le JAP
peut mettre fin à la mise à l’épreuve
(art. 744 du CPP).
Sursis avec travaux d’intérêt général
Le sursis avec TIG suit la même logique que le sursis avec
mise à l’épreuve, mais les obligations sont
remplacées par un TIG de 40 à 210 heures (voir plus
haut «?Le sursis avec mise à l’épreuve?»).
Le contrôle est exercé comme pour la mise à
l’épreuve, et la révocation suit la même
règle. Comme pour les autres TIG, cette peine ne peut être
infligée sans l’accord du prévenu (art. 132-54
à 132-56 du CP).
Ajournement de la peine
L’ajournement de la peine consiste, pour le tribunal, à
déclarer le prévenu coupable sans fixer immédiatement
la peine. Le prévenu doit être présent à
l’audience pour qu’un ajournement soit possible. Le
tribunal annonce la date de l’audience où sera prononcée
la peine : le délai ne peut pas être de plus d’un
an. Un ajournement peut être renouvelé (art. 132-60
du CP).
L’ajournement peut être assorti de la mise à
l’épreuve : le principe est le même que pour
le sursis avec mise à l’épreuve et la peine
dépend, bien entendu, de l’attitude du condamné
(art. 132-63 à 132-65 du CP).
L’ajournement avec injonction oblige le condamné à
se soumettre à une loi, un règlement, une décision.
(art. 132-66 à 132-70 du CP). La crainte de la peine qui
sera prononcée à l’issue du délai de
l’ajournement doit servir à soumettre le condamné.
Sur le cas particulier de l’appel en cas d’ajournement,
voir dans le chapitre 10 «?L’appel du prévenu?»,
Aggravation des peines par la récidive
En cas de récidive, le maximum des peines encouru pour chaque
délit est doublé. Ainsi, le tribunal correctionnel,
qui peut infliger une peine de prison maximale de dix ans, peut
donner vingt ans en cas de récidive.
En matière correctionnelle, la récidive est le fait,
après avoir été condamné définitivement
pour un délit, de commettre le même délit ou
un «?délit assimilé?» dans les cinq ans
qui suivent l’exécution de la précédente
peine (art. 132-10 du CP).
Mais si le délit pour lequel on a été condamné
était punissable de dix ans de prison :
dans les cinq ans qui suivent l’exécution de la peine,
il y a récidive si on commet n’importe quel délit
punissable de plus d’un an de prison?; dans les dix ans qui
suivent l’exécution de la peine, il y a récidive
quand on commet n’importe quel délit punissable de
dix ans de prison (art. 132-9 du CP).
Exécution des peines de détention
Confusion des peines
Quand on est poursuivi pour des infractions différentes
dans des procédures séparées, les peines prononcées
s’exécutent «?cumulativement?», c’est-à-dire
que les peines de prison s’additionnent (trois ans + deux
ans = cinq ans). Cela est automatique si, alors qu’on a déjà
été définitivement condamné, on est
poursuivi dans une nouvelle procédure : on dit alors qu’il
y a «?réitération d’infraction?»
(art. 132-16-7 du CP).
Cependant, quand la nouvelle procédure débute alors
que la première n’a pas encore abouti à une
condamnation définitive, la dernière juridiction qui
se prononce peut décider de la «?confusion des peines?»,
totale ou partielle (art. 132-4 du CP). Dans ce cas, les deux peines
s’exécutent en même temps (trois ans + deux ans
= trois ans dans le cas d’une confusion totale des deux peines).
On est dans le cas du «?concours d’infraction?»
.La confusion des peines peut aussi être demandée
après le dernier procès en faisant un recours devant
le tribunal qui a prononcé la sentence (art. 710 du CPP).
Manière d’exécuter la peine
Suivant les cas, soit le tribunal soit le JAP peut fixer certaines
modalit és d’exécution des peines de lui-même
ou à la demande du condamné (voir les art. 723-1 à
723-13 du CPP).
Fractionnement de la peine
La peine peut être fractionnée pour des motifs «?graves?»
(médicaux, familiaux, professionnels ou sociaux). La peine
de prison, qui ne doit pas être supérieure à
un an, peut être exécutée par périodes
sur une durée de trois ans (art. 132-27 du CP).
Semi-liberté et placement à l’extérieur
Pour une peine de prison inférieure à un an, le condamné
peut se voir accorder la semi-liberté ou le placement à
l’extérieur pour des motifs professionnels, d’études
et de formation, familiaux ou médicaux. En semi-liberté,
le détenu sort de la prison seulement pour assurer ses obligations
extérieures (art. 132-25 et 132-26 du CP). C’est le
JAP qui détermine les horaires et les jours précis
de l’emprisonnement.
Le prisonnier en placement à l’extérieur est
«?employé en dehors d’un établissement
pénitentiaire à des travaux contrôlés
par l’administration?» (art. 132-26 du CP).
Le bénéfice de la semi-liberté ou de placement
à l’extérieur peut lui être retiré
par le JAP, entre autres, si «?le condamné ne satisfait
pas aux obligations qui lui sont imposées ou s’il fait
preuve de mauvaise conduite?» (art. 723-2 du CPP).
Bracelet électronique
Dans les mêmes cas que pour la semi-liberté et le
placement à l’extérieur, le condamné
peut être placé sous surveillance électronique
(art. 132-26-1 du CP).
Le détenu ne peut sortir de son domicile en dehors des heures
fixées par le JAP (art. 132-26-2 du CP). L’accord du
prévenu est obligatoire (art. 123-26-1 du CP).
Le placement sous bracelet électronique peut être
interrompu par le JAP pour différentes raisons, comme «?l’inconduite
notoire?» du condamné (art. 723-13 du CPP).
L’incarcération
Le prévenu qui comparaît alors qu’il est déjà
emprisonné accomplit sa peine de prison ferme dans la foulée
: la décision du tribunal de le maintenir en détention
est quasi automatique même si la loi exige une décision
«?spéciale et motivée?» (art. 464-1 du
CPP).
Pour les prévenus libres, deux cas de figure se présentent
: ils peuvent être arrêtés à l’audience,
ou laissés libres.
Prévenu arrêté à la barre
Le prévenu peut être arrêté à
l’audience dans trois cas :
lorsqu’il est condamné à une peine de prison
ferme d’au moins un an (art. 465 du CPP)?;
quand il y a récidive, quelle que soit la durée de
la peine prononcée (art. 465-1 du CPP)?;
quelle que soit la peine de prison ferme à laquelle il est
condamné s’il est dans une procédure de comparution
immédiate et qu’il a bénéficié
d’un report (art. 397-4 du CPP).
Dans ces cas, si le prévenu est absent au moment du rendu
du jugement, le tribunal peut délivrer un mandat d’arrêt.
Prévenu laissé libre à la barre
Si le prévenu n’a pas été arrêté
à l’audience, et qu’il n’y a pas de mandat
d’arrêt, la peine de prison ferme n’est exécutée
que lorsque le jugement est devenu définitif, c’est-à-dire
à l’expiration des délais d’appel (voir
chapitre 10, «?L’appel?»).
En cas de peine de prison ferme inférieure ou égale
à un an, depuis le 31 décembre 2006, le parquet a
l’obligation de remettre directement au condamné présent
à l’issue de l’audience une convocation chez
le juge d’application des peines (JAP) dans un délai
de dix à trente jours après le rendu (art. 474 et
D48-2 du CPP).
C’est lui qui doit déterminer les modalités
d’exécution de la peine «?en considération
de la situation personnelle?» du condamné (art. 723-15
du CPP). Le JAP peut accorder des mesures comme le placement à
l’extérieur, la semi-liberté, le bracelet électronique
ou le fractionnement de la peine d’emprisonnement, et il peut
aussi transformer une peine de prison ferme de moins de six mois
en peine de jours-amendes ou en sursis-TIG.
Si le condamné ne se rend pas à la convocation du
JAP, le parquet peut fixer une date d’incarcération.
Si le condamné se rend à la convocation mais refuse
une mesure d’aménagement de la peine proposée
par le JAP, celui-ci peut fixer une date d’incarcération
(art. 723-15 du CPP).
Si le condamné se fait à nouveau remarquer par la
police ou la justice, le parquet peut décider de son incarcération
sans le faire passer devant le JAP (art. 723-16 du CPP).
Si, au bout d’un an, la peine n’a pas été
mise à exécution, le condamné peut demander
à voir le JAP pour bénéficier d’une mesure
d’aménagement de la peine même si cela lui avait
été refusé auparavant. En attendant la décision
du JAP, le parquet ne peut pas le faire incarcérer (art.
723-17 du CPP).
Les grâces présidentielles
La grâce est un droit régalien détenu par le
président de la République, qui peut dispenser d’exécuter
n’importe quelle peine à partir du moment où
la condamnation est définitive (art. 133-7 du CP). La grâce
ne concerne pas les dommages et intérêts (art. 133-8
du CP).
Traditionnellement, tous les 14 juillet, le président de
la République accorde une grâce générale,
qui permet de désengorger les prisons.
Chaque année, le Président choisit d’exclure
de la grâce un certain nombre de délits : d’une
année sur l’autre, il peut très bien modifier
cette liste à son gré, mais, quasi systématiquement,
ne sont pas graciées les affaires de stups, de terrorisme
et les violences sur personnes dépositaires de la force publique.
L’intitulé précis du délit pour lequel
on a été condamné est donc déterminant
pour l’obtention ou non d’une grâce.
Pour la première fois, le 14 juillet 2006, les peines de
prison ferme définitives pour lesquelles le condamné
n’est pas encore emprisonné ont été exclues
de la grâce.
La possibilité de voir les courtes peines de prison purement
et simplement graciées avant d’avoir été
effectuées a disparu. Jusque-là, le condamné
qui n’avait pas été arrêté à
la barre avait intérêt à repousser le plus possible
la date de son incarcération pour bénéficier
au maximum d’une grâce, en jouant sur l’encombrement
des services judiciaires, en déménageant plusieurs
fois, etc.
On peut supposer qu’il en sera ainsi pour les grâces
présidentielles futures. La logique de la réforme
de l’application des peines introduite par la Loi Perben II
est d’éviter d’avoir à désengorger
les prisons en utilisant la grâce présidentielle :
la multiplication des peines de substitution à la prison
a pour but de s’assurer que toute condamnation sera exécutée
tout en tenant compte des contraintes que pose la surpopulation
carcérale.
-
10- L'appel
L’appel, c’est le fait de rejuger à la demande
d’une des parties qui n’est pas «satisfaite»
du résultat. Un procès d’appel se déroule
à peu près comme un procès de première
instance, devant une cour d’appel, si ce n’est que les
notes d’audience du premier jugement sont relues et qu’il
est difficile de revenir sur ce qu’on a dit tel que cela a
été noté.
La cour d’appel a tendance à alourdir les peines afin
de dissuader d’engorger les tribunaux et par solidarité
avec les collègues de première instance. En règle
générale, on fait appel quand on a pris le maximum
ou quand on peut apporter des éléments nouveaux (le
tribunal de première instance n’en ayant pas eu connaissance,
la cour d’appel n’a pas à le déjuger).
Qui peut faire appel ? (art. 497 du CPP)
- le prévenu;
- la partie civile;
- la personne civilement responsable;
- le procureur de la République;
- le procureur général près la cour d’appel.
Les délais
Le délai d’appel se compte à partir de la date
de la «signification du jugement». C’est le moment
où le prévenu ou la partie civile en a officiellement
connaissance, c’est-à-dire à l’audience
où le jugement est rendu, sauf si le prévenu a été
jugé en son absence (voir «Ne pas assister à
l’audience», chapitre 8) (art. 498 et 499 du CPP). Dans
ce cas, la signification peut être faite, comme la citation,
par exemple par un huissier (art. 550 du CPP), ou par un autre moyen
«quel qu’en soit le mode», par exemple quand on
est informé par les flics (art. 499 du CPP).
Le délai d’appel est de dix jours sauf pour l’appel
du jugement qui place le prévenu en détention provisoire,
qui est de vingt-quatre heures (voir «Recours contre la détention
provisoire», chapitre 7 ).
En cas d’appel d’une des parties, les autres ont alors
un délai supplémentaire de cinq jours pour elles aussi
faire appel (art. 500 du CPP).
À compter de l’appel, le prévenu ou la partie
civile ont un mois pour se désister, c’est-à-dire
pour renoncer à leur appel.
L’appel du parquet
Le procureur de la République peut faire appel dans les
dix jours, mais son supérieur, le procureur général,
dispose lui de deux mois.
Le parquet ne peut faire appel que sur la peine, et non sur les
dommages et intérêts. En cas d’appel du parquet,
la cour d’appel peut aggraver ou réduire la peine du
prévenu (art. 515 du CPP).
L’appel de la partie civile et de la «personne civilement
responsable»
La partie civile ne peut faire appel que sur les dommages et intérêts.
Elle ne peut pas demander davantage en appel que ce qu’elle
avait demandé en première instance, sauf pour un éventuel
préjudice causé pendant la période entre le
jugement et l’appel (art. 515 du CPP).
Si la partie civile fait appel d’un jugement où le
prévenu a été acquitté, et qu’il
n’y a pas d’appel du parquet, le prévenu ne peut
pas être condamné à une peine en appel. La cour
d’appel jugera seulement de la responsabilité civile
du prévenu.
La «personne civilement responsable» ne peut également
faire appel que sur les dommages et intérêts qu’elle
est condamnée à payer, et non sur la peine de l’accusé.
L’appel du prévenu
Le prévenu fait appel de sa peine et des dommages et intérêts.
Il peut cependant choisir de ne faire appel que de l’un ou
de l’autre, à condition de le préciser.
L’appel est individuel. Quand il y a plusieurs prévenus,
ne sont rejugés que ceux qui ont fait appel (sauf si, entre-temps,
le parquet a fait appel contre tous les prévenus).
Si la peine a été ajournée (voir «Ajournement
de la peine», chapitre 9), le prévenu doit faire appel
dans les dix jours s’il veut contester sa culpabilité.
S’il ne le fait pas et attend le prononcé de la peine
pour faire appel, il ne pourra contester que la sévérité
de la peine, mais pas le fait d’être coupable (Crim.
2 janvier 1980: Bull Crim n°2).
Le prévenu non détenu (comme la partie civile) fait
appel en s’adressant au greffe du tribunal soit personnellement,
soit par son avocat. Le prévenu détenu fait appel
auprès du directeur de la prison (art. 502 et 503 du CPP).
L’appel suspend l’exécution du jugement mais
pas la détention, si celle-ci a été ordonnée
par le tribunal du premier jugement (voir «Le rendu du jugement»,
chapitre 9) Le prévenu, s’il y a un appel, se trouve
en fait encore en détention provisoire : celle-ci ne peut
toutefois pas excéder la durée de la peine à
laquelle il a été condamné par le premier jugement
(art. 471 du CPP). Comme le détenu est considéré
comme étant toujours en détention provisoire, il est
possible de faire une demande de mise en liberté, qui sera
examinée dans un délai de deux mois par la cour d’appel
(art. 148-2 du CPP).
En revanche, si le prévenu n’est pas détenu,
sa peine sera suspendue jusqu’à la fin de l’appel.
La cour ne peut «aggraver le sort» du prévenu
s’il est seul à faire appel (art. 515 du CPP). Mais,
bien entendu, si le prévenu fait appel, le parquet peut lui
aussi faire appel, et le prévenu risque alors quand même
une peine supérieure.
L’appel incident
Si une partie a fait appel, une autre partie peut déclarer
que l’appel qu’elle forme à la suite est «incident»
: le désistement de l’appel principal annule automatiquement
l’appel incident. L’appel incident sert à faire
prendre un risque à celui qui demande l’appel, risque
qu’il peut éviter en renonçant à l’appel.
Par exemple, si la partie civile fait appel, le prévenu peut
former un appel incident limité à sa responsabilité
civile. La partie civile sait que si, dans un délai d’un
mois, elle renonce à son appel, l’appel du prévenu
sera automatiquement annulé.
On comprend donc que, quand une des parties fait appel, les autres
ont un intérêt quasi automatique à le faire
aussi.
La cassation
La cassation est un appel qui ne porte que sur la façon
dont est appliquée la loi (c’est-à-dire la procédure
et l’interprétation du droit). Elle se fait, après
le jugement en appel, devant une instance spéciale, la Cour
de cassation.
11- Le casier judiciaire
Le casier judiciaire est un dossier nominatif qui recense les condamnations
pénales définitives d’une personne (pour crime,
délit ou pour certaines contraventions). Certaines condamnations
à l’étranger, lorsqu’il existe des accords
internationaux avec la France, y sont répertoriées.
Il enregistre les « incapacités », c’est-à-dire
les interdictions d’exercer certaines fonctions ou la privation
de certains droits ainsi que les mandats d’arrêt et
avis de recherche et les arrêtés d’expulsion
pris contre les étrangers.
Seules les condamnations définitives sont portées
sur le casier judiciaire. À cause des pesanteurs bureaucratiques,
les délais d’inscription peuvent être lents :
en 2001, par exemple, il s’écoulait en moyenne sept
mois entre la date de la condamnation devant le tribunal correctionnel
et son inscription au casier. Un tribunal peut donc ne pas être
au courant d’une condamnation récente.
Destiné à : Contient:
Bulletin n° 1 intégral (B1)
Il a pour d’objet d’informer les magistrats dans le
cadre des procédures judiciaires.(condamnations antérieures,
sursis, bref le « pedigree » de la personne concernée...)
Réservé aux autorités judiciaires Toutes les
informations contenues dans le casier judiciaire
Bulletin n° 2 (B2)
Il sert à limiter l’accès à certaines
fonctions, emplois ou distinctions, à encadrer l’exercice
de certains droits, etc. Délivré directement aux administrations
publiques, collectivités locales, certaines autorités
et entreprises publiques... La longue liste des destinataires potentiels
du B2 est détaillée dans les art. 776 et R79 du CPP
Le B2 reprend seulement une partie des informations du B1. En effet,
n’y figurent pas certaines condamnations :
– soit parce qu’elles n’y sont jamais inscrites
par nature (exemple : les peines pour mineurs) ;
– soit parce qu’il a été décidé
qu’elles n’y seraient pas inscrites (voir ci-dessous)
;
– soit, pour les condamnations avec sursis, à partir
du moment ou le sursis ne peut plus être révoqué
(voir «Sursis et ajournement» chapitre 9)Bulletin n°
3 (B3)
Il sert à attester de l’absence de condamnation grave.
Délivré uniquement à la personne qu’il
concerne, qui peut ensuite le fournir à ceux qui le lui demandent
(employeurs, etc.) On n’y trouve que :
– les peines de prison ferme de plus de 2 ans (tant qu’elles
restent inscrites au B2) ;
– les peines de prison inférieures à deux ans
mais dont le tribunal a décidé l’inscription
au B3 (rare) ;
– les interdictions et déchéances pendant la
période où elles s’appliquent.
Le bulletin no 3, qui peut être exigé par un employeur,
exclut donc la plupart du temps les petites peines de prison. Le
fait d’avoir un bulletin no 3 vierge ne signifie donc pas
du tout que la personne «n’a pas de casier».
Des condamnations sont effacées du casier judiciaire, y compris
du bulletin n° 1, au bout d’un certain temps. La future
Loi sur la prévention de la délinquance a cependant
prévu de supprimer cet effacement.
La «réhabilitation» entraîne l’effacement
de la condamnation (art. 769 du CPP). Une personne peut être
réhabilitée soit automatiquement (on parle de «réhabilitation
légale») soit parce qu’elle en a fait la demande
(«réhabilitation judiciaire»). La réhabilitation
légale concerne les peines sans sursis et, pour les peines
d’emprisonnement, celles inférieures à dix ans.
Elle ne peut avoir lieu, suivant les cas, qu’entre trois et
dix ans après l’exécution de la peine, et à
la condition qu’il n’y ait eu aucune autre condamnation
entre-temps (art. 133-12 à 133-17 du CP). La réhabilitation
judiciaire concerne les peines de réclusion criminelle et
les condamnations multiples dont le total dépasse cinq ans
de prison : elle doit suivre une procédure précise
(art. 785 à 798 du CPP).
Les condamnations avec sursis sont effacées dans un délai
de trois à dix ans après le moment où le sursis
ne peut plus être révoqué.
Enfin, les condamnations qui n’ont pas fait l’objet
d’une réhabilitation sont effacées quarante
ans après leur prononcé, à condition qu’il
n’y ait pas eu la moindre nouvelle condamnation entre-temps.
Demande de non-inscription au bulletin no 2 (art 775-1 du CPP)
Le tribunal peut décider de la non-inscription d’une
peine qu’il prononce au bulletin no 2 : cela peut être
important pour certains types de travail (par exemple, pour les
fonctionnaires) ou d’activité (par exemple, inscrip-
tion au registre du commerce), et il est donc important que l’avocat
en fasse la demande au moment du procès.
Une fois la condamnation prononcée, cette demande peut également
être faite après un délai de six mois, devant
le tribunal où a eu lieu le procès (art. 702-1 du
CPP).
Accès au casier judiciaire
Toute personne peut avoir accès à son casier judiciaire.
Pour obtenir un «extrait de casier judiciaire», qui
est une copie du bulletin no 3, il suffit d’en faire la demande
et le bulletin est expédié gratuitement à la
personne concernée par la poste. Le plus simple est d’écrire
aux services du casier judiciaire ou de se connecter à l’adresse
suivante pour une demande en ligne.
Casier judiciaire national
44079 Nantes cedex
France
http://www.justice.gouv.fr/vosdroit/cerfa1.htm
Il est possible d’obtenir la lecture de son casier judiciaire
intégral, mais non une copie écrite. Il faut s’adresser
au procureur du tribunal de grande instance de son lieu d’habitation
(ou l’agent diplomatique compétent si on habite à
l’étranger), qui recevra la personne seule ou accompagnée
d’un avocat dans les locaux du tribunal et lui lira les informations
contenues sur les différents bulletins. Il n’est pas
possible de se faire communiquer le casier judiciaire de quelqu’un
d’autre, ou de déléguer quelqu’un pour
obtenir le sien : il faut se présenter en personne devant
le procureur.
Les autres types de fichier
Il existe de nombreux fichiers de police ou de justice, et il est
trop long de tous les détailler ici. Il ne sera question
que des principaux : le STIC-JUDEX, le FAED et le FNAEG.
Le Système de traitement des infractions constatées
(décret no 2001-583 du 5 juillet 2001)
Le fichier STIC a pour but de collecter et de rassembler tous les
renseignements sur les infractions, les victimes, les mis en cause,
les modes opératoires et les objets volés ou utilisés.
Quelqu’un qui a seulement été entendu comme
témoin ou qui a été suspecté mais jamais
poursuivi se retrouve dans ce fichier.
Le STIC est un fichier national : il est alimenté par les
procédures lancées dans toute la France. Il est consultable
par tous les services d’enquête : police, gendarmerie,
douanes, parquet et juridictions d’instruction.
Les informations nominatives sur les mis en cause sont conservées
vingt ans. Ce délai peut descendre à cinq ans pour
certaines infractions mineures, et monter à quarante ans
pour un grand nombre de crimes et délits. Les informations
concernant les personnes mineures sont gardées cinq, dix
ou vingt ans (art. 7 du décret). Les données concernant
les victimes sont conservées quinze ans prolongeables. Les
victimes, en s’adressant au procureur, peuvent s’opposer
au maintien des informations les concernant après que l’auteur
de l’infraction a été définitivement
condamné (art. 9 du décret)
Le procureur est chargé de contrôler le fichier et
de transmettre les informations judiciaires pour sa mise à
jour : condamnation, relaxe, non-lieu ou absence de poursuites.
En cas d’acquittement ou de relaxe, les données nominatives
doivent être effacées. En revanche, en cas de non-lieu
ou absence de poursuite, les informations nominatives sont conservées
sauf si le procureur décide de les faire effacer.
Dans tous les cas, la personne peut s’adresser au procureur,
directement ou par l’intermédiaire de la Commission
nationale Informatique et Liberté, pour s’assurer d’une
actualisation du fichier (art. 3 du décret). Elle peut également
lui demander un effacement en cas de non-lieu ou d’absence
de poursuites : mais il n’est pas obligé d’accepter.
Selon la presse, il y a beaucoup de retards et d’erreurs dans
la mise à jour du fichier, il est donc important de s’en
préoccuper.
Le STIC comprend aussi un répertoire photogra-hique avec
diverses informations permettant l’identification des personnes
(tatouages, etc.).
Le JUDEX est un fichier similaire au STIC, mais utilisé
par la gendarmerie.
Le Fichier automatisé des empreintes digitales (décret
no 87-249 du 8 avril 1987)
Le fichier FAED est composé de deux parties : l’une
regroupe les traces relevées au cours des enquêtes,
l’autre est constituée par le relevé des empreintes
des dix doigts des personnes fichées.
Se trouvent dans le fichier :
- les personnes identifiées contre lesquelles des «indices
graves et concordants» ont été réunis,
quel que soit le type d’enquête;
- les personnes «mises en cause dans une procédure
pénale dont l’identification certaine s’avère
nécessaire»;
- les détenus qui font l’objet d’une procédure
pour crime ou délit.
On y trouve également des traces et des empreintes transmises
par les services de police étrangers.
Les informations recueillies dans le fichier sont conservées
pendant vingt-cinq ans.
Est-on dans l’obligation de donner ses empreintes digitales?
Voir «Empreintes digitales et photos», chapitre 5
Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques
(art. 706-54 et 706-55 du CPP)
Les infractions concernées
Créé à l’origine soi-disant pour ne
traiter que des crimes sexuels, le FNAEG s’est très
rapidement étendu, au fil des lois sécuritaires, à
tous les types d’infraction.
Sont conservées dans le fichier les empreintes géné-tiques
des personnes condamnées ou simplement soupçonnées
des crimes ou délits suivants (art. 706-55 du CPP) :
- des infractions de nature sexuelles;
- des crimes et délits d’atteinte aux personnes : cela
va du crime contre l’humanité aux violences volontaires
ou même aux simples menaces de violence… On y trouve
aussi le trafic de stupéfiants, le proxénétisme,
etc.
- le vol, l’extorsion, l’escroquerie, la destruction,
la dégradation, la détérioration et la menace
d’atteinte aux biens. Il est à noter que le vol simple
(art. 311-1 du CP) fait partie de la liste, comme la simple dégradation
(casser une vitrine, faire un tag) ou la «menace» de
dégradation;
- terrorisme, fausse monnaie, association de malfaiteurs;
- la détention d’arme;
- le recel.
Des délits extrêmement courants comme les menaces,
les dégradations, les violences volontaires, tous les types
de vol ou le recel sont donc visés par le fichier.
Si la personne dont on a pris l’ADN est suspectée
d’un crime ou d’un délit qui n’est pas
mentionné dans la liste ci-dessus, la trace est seulement
comparée mais n’est pas conservée dans le fichier.
Dans tous les cas, c’est un délit que de refuser de
donner son empreinte (voir «Empreintes génétiques»,
chapitre 5).
En cas de recherche des causes «d’une disparition inquiétante
ou suspecte», l’ADN des descendants ou ascendants d’une
personne peut être prélevé avec leur consentement
recueilli sur procès-verbal et inscrit au fichier (art. R53-10
du CPP).
Comment faire effacer son empreinte du fichier
Les empreintes sont introduites dans le fichier sur la simple décision
des flics : le procureur peut les faire effacer lorsque «leur
conservation n’apparaît plus nécessaire compte
tenu de la finalité du fichier» (art. 706-54 du CPP).
Cette formulation très vague se garde bien d’affirmer
qu’il faut automatiquement effacer l’empreinte d’une
personne qui a été suspectée mais qui n’a
finalement pas été condamnée. Le but du FNAEG
est de ficher le maximum d’individus en conservant les empreintes
de personnes pourtant considérées comme innocentes
par la justice parce qu’elles ont bénéficié
d’une relaxe, d’un acquittement, d’un non-lieu
ou de l’abandon des poursuites.
Les empreintes sont conservées quarante ans dans le fichier.
Pour les personnes qui ont seulement été suspectées,
la conservation de la fiche ne peut excéder vingt-cinq ans,
sauf si la justice considère qu’ils souffrent de troubles
mentaux, auquel cas leur fiche est quand même conservée
quarante ans (art. R53-14 du CPP).
Il est quand même possible d’essayer de faire effacer
sa fiche avant la fin de ces délais extrêmement longs.
Il faut en faire la demande auprès du procureur de la République
compétent, ou auprès de celui du lieu du domicile
qui la transmettra. La demande doit être faite par lettre
recommandée avec accusé de réception ou par
déclaration au greffe : le procureur de la République
dispose de trois mois pour répondre (art. R53-13-1 et R53-13-2
du CPP).
Le procureur est tenu d’effacer la fiche de celui qui le
demande quand son ADN a été recueilli avec son consentement
parce qu’il est parent d’une personne disparue (cas
évoqué ci-dessus). Dans tous les autres cas, le procureur
décidera s’il faut effacer ou non la fiche.
En cas de refus du procureur, ou d’absence de réponse
au bout des trois mois de délai, la personne a dix jours
pour saisir le juge des libertés et de la détention
par lettre recommandée avec accusé de réception
ou par déclaration au greffe (art. R53-13-2 du CPP). Celui-ci
dispose de deux mois pour décider : il rend publique sa décision
en prenant une «ordonnance», laquelle est transmise
à l’intéressé par le biais du procureur
(art. R53-13-3 du CPP).
Si cette ordonnance refuse l’effacement du fichier, ou si
le juge des libertés n’a pas rendu sa décision
au bout du délai des deux mois, la personne dispose de dix
jours pour saisir le «président de la chambre d’instruction»
par lettre recommandée avec accusé de réception
ou par déclaration au greffe (art. R53-13-4 du CPP).
Si l’ordonnance du juge des libertés demande l’effacement
du fichier, le procureur peut lui aussi, dans un délai de
dix jours, la contester devant le président de la chambre
de l’instruction. Cette contestation suspend l’exécution
de la décision (art. R53-13-5 du CPP).
Le président de la chambre de l’instruction dispose
alors de trois mois pour décider, au final, si la fiche sera
effacée ou non. S’il y a une irrégularité
dans cette procédure, le pourvoi en cassation est possible.
Cette très longue procédure peut donc prendre de
huit à neuf mois, pour qu’au bout du compte l’effacement
du fichier soit éventuellement refusé sur des critères
que les magistrats sont libres de choisir comme ils le veulent.
Bref, toute personne inscrite dans le FNAEG devient une sorte de
suspect permanent..
Conclusion
Le tout-sécuritaire est devenu une idéologie mondiale
qui dépasse les clivages politiques. Toutes les «démocraties»
durcissent leur droit pénal. En France, la surenchère
entre la gauche et la droite permet d’étendre toujours
plus loin le champ d’application des lois répressives
et les entorses aux soi-disant principes constitutionnels de présomption
d’innocence ou d’impartialité des procès.
La Loi sur la sécurité quotidienne, adoptée
par la «gauche plurielle», était une «loi
d’exception» : son application devait être limitée
dans le temps. Elle a été, ensuite, prolongée
par le gouvernement de droite. Le Fichier national automatisé
des empreintes génétiques était censé
ne concerner que les crimes sexuels : il recense finalement les
délits de vol simple, les menaces, les dégradations
(tags), etc. Menée au nom de la «lutte contre la délinquance»,
la politique du tout-sécuritaire ne fait pourtant qu’en
créer davantage puisqu’elle institue sans cesse de
nouveaux délits pour criminaliser des comportements considérés
comme «asociaux».
La loi prétend fixer une norme, et le droit garantir l’égalité
entre les citoyens. La réalité de la pratique répressive
est tout à l’opposé : elle est celle d’un
traitement différencié suivant l’origine du
prévenu. Ce peut être l’impunité de fait
ou de droit reconnue à quelques-uns (ce qui est assez voyant
quand, en Italie ou en France, se faire élire est la meilleure
solution pour échapper aux juges), c’est beaucoup plus
encore des lois, des usages, des jugements qui répriment
en priorité les pratiques jugées dangereuses pour
la survie de la société telle qu’elle est.
Il ne s’agit pas de l’application viciée d’un
principe qui serait bon en lui-même. Quand des profils sociaux
sont visés explicitement (jeunes des cages d’escalier,
fraudeurs de trains, mendiants…), c’est avec des moyens
dont certains sont légaux et d’autres non : du discours
policé du juge à la matraque du keuf, il n’y
a qu’une différence de style, pas de fond. En ce sens,
la « bavure » policière n’existe pas, la
violence et l’arbitraire du pouvoir hors de la norme prétendument
fixée par la loi étant de toute manière un
élément nécessaire au maintien de l’État.
La justice est une justice de classe parce que la société
est une société de classe, sans qu’aucune réforme
fondée sur un prétendu respect généralisé
du droit ne puisse jamais rien y changer.
Ce guide n’imagine donc pas que la procédure pénale
soit une «garantie» pour ceux et celles qui se sont
fait arrêter. Mais si la machine répressive est arbitraire,
elle doit pourtant agir au nom du droit : connaître celui-ci,
c’est apprendre la langue de son ennemi, c’est décrypter
son idéologie pour pouvoir se repérer dans les méandres
de ses dispositifs de répression. Il devient parfois possible
d’échapper aux pièges les plus grossiers et
d’user de tous les moyens, même légaux, pour
s’en sortir «au mieux». Nous avons bien conscience
que la succession de plus en plus rapide des lois répressives
rend l’idée de «s’en sortir au mieux»
quelque peu illusoire. Il s’agit plutôt de limiter les
dégâts et, autant que possible, de ne pas se sentir
totalement dépassé par le fonctionnement de la machine
judiciaire.
-----
Version actualisée de février 2007
-----
Face à la police / Face à la justice est un livre
paru aux éditions L'Altiplano.
Plus d'informations sur www.laltiplano.fr
http://www.guidejuridique.net/
|