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Face à la police / Face à la justice
Version actualisée de fevrier 2007
Face à la police / Face à la justice est un livre paru aux éditions L'Altiplano.
Plus d'informations sur www.laltiplano.fr

Origine : http://www.guidejuridique.net/

SOMMAIRE :

Introduction

I - Brève présentation des institutions judiciaires française

II - Contrôle et vérification d’identité dans la rue (ou un espace public)

III - Perquisitions

IV - Fouilles

V - La Garde à vue

VI - De la garde à vue au procès

VII - Le plaider-coupable

VIII - Le procès devant le tribunal correctionnel

IX - Le rendu du jugement, les différentes peines et leur application

X - L’appel

XI - Le casier judiciaire et les fichiers

Conclusion



Avant-propos

L’objectif de ce traité de self-défense juridique est d’aider celles et ceux qui décident d’assurer collectivement leur défense face à la répression la plus courante, celle dont se sert massivement la justice pour faire régner l’ordre social.

La défense collective vise à se réapproprier les stratégies de défense, qui doivent être choisies par les accusés et ceux qui s’organisent avec eux, et non exclusivement par ces spécialistes du droit que sont les avocats. Elle permet de ne pas se cantonner à l’aspect juridique et légal de la défense : elle cherche à créer le rapport de force qui évite de laisser l’individu isolé face à la machine judiciaire.

La connaissance de la logique de fonctionnement du droit et des principes de la procédure pénale doit permettre de ne pas se focaliser sur celles-ci : maîtriser ces règles, c’est connaître leur force et leurs limites, c’est mieux évaluer quand et comment on peut (ou on ne peut pas) les contourner.

Dans ce guide figurent toutes les informations nécessaires sur les procédures rapides, qui représentent plus des deux tiers des affaires jugées par les tribunaux correctionnels : comparution immédiate, convocation par procès-verbal du procureur, convocation par procès-verbal de l’officier de police judiciaire. L’instruction n’est évoquée que pour éviter les confusions avec les procédures plus simples.

Ce traité est loin d’être complet : il faudrait y ajouter les lois sur les mineurs, les sans-papiers, et détailler les procédures d’exception (stups, terrorisme, etc.) ainsi que l’harmonisation du droit européen dans le sens le plus répressif (délit d’intentionnalité, etc.). Il faudrait aussi décrire l’extension du fichage judiciaire et policier, etc.

Ces dernières années, le droit pénal n’a cessé d’évoluer dans un sens plus répressif : les tentatives pour donner du droit une image plus conforme à ce qu’il devrait être dans l’idéologie des droits de l’Homme n’y ont rien changé. Les réformes, petites ou grandes, sont incessantes : l’exception devient la règle et les lois provisoires deviennent permanentes.

Les versions successives de ce traité sont donc identifiées par leur date. Plus on s’éloigne de cette date, plus il est nécessaire de tenir compte des textes de loi récents. Ce guide sera régulièrement actualisé par le biais de pages téléchargeables depuis le site www.actujuridique.com

Par exemple, la future Loi sur la prévention de la délinquance entend modifier les règles d’effacement des condamnations au bulletin no 1 du casier judiciaire : l’actualisation de ce guide sera disponible sur Internet au jour où ces nouvelles dispositions entreront en vigueur.

Les sources de ce guide sont, principalement, le Code de procédure pénale (CPP) et le Code pénal (CP). Le Code pénal définit les infractions et donne les fourchettes de peine encourues. Le Code de procédure pénale explique comment doit se dérouler l’enquête et le jugement. Les articles de loi tirés de ces Codes sont identifiés par leur simple numéro. Lorsqu’il s’agit d’un article tiré d’un décret, il est précédé d’un «D» majuscule (exemple : art. D.48 du CPP). Lorsqu’il s’agit d’une circulaire, la référence est citée intégralement. Les circulaires expliquent et précisent la loi en montrant comment elle doit être interprétée : cependant, elles n’ont qu’une valeur indicative.

La loi est complétée par ce que l’on appelle la «jurisprudence». La jurisprudence est constituée des jugements de tribunaux qui montrent comment un article de loi particulier a été interprété pour être appliqué : les décisions les plus importantes sont celles de la Cour de cassation, parce que ses décisions sont connues de tous les juges (voir «La cassation», chapitre 10). Les tribunaux qui jugent suivant une loi ne sont pas obligés de suivre la jurisprudence, c’est-à-dire les décisions antérieures : mais le plus souvent, ils le font.

Certaines décisions de jurisprudence sont donc évoquées dans ce guide, et, dans ce cas, la référence la plus complète est donnée. C’est le plus souvent un extrait du Bulletin criminel (Bull. crim.), recueil des arrêts de la Cour de cassation (désignés par l’abréviation Crim. suivie de la date de l’arrêt). Le Bulletin des arrêts de la Cour de cassation n’est pas un document facile d’accès, mais les décisions les plus importantes sont publiées dans les Codes.

Dans ce guide, le mot «flic» désigne indifféremment tout type de gendarme ou de policier quel que soit leur grade ou leur qualité d’officier de police judiciaire (OPJ), d’agent de police judiciaire (APJ) ou d’agent de police judiciaire adjoint (APJA). Les OPJ ont des pouvoirs judiciaires et ont seuls le droit de procéder à certains actes, comme de décider du début d’une garde à vue. Ils peuvent déléguer une grande partie de leurs pouvoirs à des APJ ou des APJA. Dans les faits, il est difficile de savoir à qui l’on a affaire.

Les enquêtes sont supposées être impartiales, c’est-à-dire ni en faveur ni en défaveur des suspects (en termes de juristes, on parle de procédure inquisitoire, par opposition à la procédure accusatoire des pays anglo-saxons).

Les enquêteurs doivent chercher aussi bien des preuves de culpabilité que de non-culpabilité. Dans le cas de la garde à vue et de l’enquête préliminaire, c’est souvent faux : la méthode des flics, c’est de chercher à coincer ceux qui sont présumés coupables jusqu’à preuve du contraire.

Ce système d’enquête a une conséquence redoutable : la défense n’est pas censée ramener des éléments, et même si elle a le droit de le faire, il n’est jamais prévu de temps ou de facilités pour le lui permettre. Or, si on fait le choix de se défendre, il faut pouvoir apporter des documents, y compris des «?garanties de représentation?» (voir «?Tenter d’éviter la détention provisoire?», chapitre 6) ou trouver des témoins, travail dont l’avocat ne se chargera pas lui-même.

Se défendre juridiquement en comparution immédiate suppose donc une organisation collective et une aide de l’extérieur.

1 - Brève présentation des institutions judiciaires françaises

Les différentes justices

Les prud’hommes règlent les conflits du travail. Les tribunaux administratifs se prononcent sur la légalité des décisions de l’administration : par exemple, on peut attaquer un arrêté de reconduite à la frontière pour un sans-papiers. La justice civile tranche les litiges entre les personnes (conflits familiaux, dettes, conflits de consommation…). La justice pénale est répressive : elle condamne à de la prison ou à d’autres types de peines.

La justice civile et la justice pénale sont liées : il y a souvent une partie de justice civile dans un procès pénal, pour fixer des «?dommages et intérêts?» (somme à payer supposée réparer le tort causé à autrui).

Les infractions

Il existe trois sortes d’infractions pénales :

-la contravention, pour laquelle on ne risque pas la prison, et qui fait l’objet d’un jugement par le tribunal de police (qui, contrairement à ce que son nom indique, n’est pas tenu par la police, mais par un juge)?

;-le délit, pour lequel on risque jusqu’à dix ans de prison maximum (vingt en cas de récidive) et qui est jugé par le tribunal correctionnel?;

-le crime, pour lequel on peut risquer la perpétuité avec les diverses «?périodes de sûreté?» (maximum : trente ans), jugé par la Cour d’assises.

La magistrature

En matière pénale, la magistrature est divisée en deux grands groupes.

Le premier groupe s’appelle le «?parquet?» et ses membres sont les «?procureurs?» (dans l’ordre hiérarchique, on trouve : le procureur général, le procureur de la République, le substitut du procureur).Ces magistrats, exécutant les consignes du gouvernement, sont chargés de la mise en œuvre des poursuites pénales et de soutenir l’accusation : ce sont eux qui, la plupart du temps, décident de qui passera directement au tribunal, ou devra subir une enquête, ou verra son affaire classée sans suite.Au cours du procès, le procureur, censé représenter les intérêts de la société, se charge de soutenir les arguments de l’accusation et généralement réclame une peine.

Le second groupe est composé des «?magistrats du siège?» : ce sont les présidents de tribunaux et leurs assesseurs mais aussi les juges spécialisés (juge d’instruction, juge d’application des peines, juge des libertés et de la détention, juge pour enfants, etc.).Ils sont supposés être totalement indépendants du pouvoir exécutif, même s’ils sont recrutés et payés par le ministère de la Justice.

Les trois sortes d’enquêtes

En matière pénale, les trois sortes d’enquêtes sont : l’enquête en flagrant délit, l’enquête préliminaire et l’instruction.

Un crime ou un délit est flagrant quand il «?se commet actuellement, ou vient de se commettre?».La définition de ce qui est flagrant est essentiellement temporelle :

- l’enquête «?de flagrance?» est commencée immédiatement après l’infraction. Elle est supervisée par le procureur et laisse aux flics une grande marge de manœuvre (art. 53 du CPP).lle dure huit jours?; elle peut être prolongée de huit jours supplémentaires pour les crimes et délits punissables de cinq ans de prison ou plus.

-L’enquête préliminaire est décidée soit par les flics, soit par le procureur : elle peut concerner des crimes comme des délits, et elle échappe au contrôle d’un juge d’instruction (art. 75, 75-1 et 75-2 du CPP). Elle donne en principe moins de pouvoir aux enquêteurs que la flagrance ou l’instruction, surtout pour les perquisitions (voir «?Perquisitions?», chapitre 3), mais son intérêt pour le parquet est qu’elle est sous son contrôle, sans l’intervention d’un juge d’instruction, supposé plus indépendant. Elle peut conduire directement à un procès correctionnel.

La Loi Perben II a étendu considérablement les possibilités des enquêteurs dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire. Les flics peuvent obtenir de toute personne ou de toute administration ou établissement publics ou privés qu’ils fournissent toutes les informations et tous les documents «?intéressants l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives?». On ne peut y opposer le secret professionnel qu’avec un «?motif légitime?» et on risque une amende si on ne répond pas (art. 60-1 et 77-1-1 du CPP).

-L’instruction est une enquête longue, qui concerne soit les affaires complexes quand il s’agit de délit, soit les crimes. En cas de crime, il y a forcément instruction. En cas de délit, le plus souvent (il y a des exceptions), c’est le procureur qui décide s’il y a lieu ou non de mener une instruction. L’instruction est menée par le juge d’instruction, magistrat en principe indépendant et impartial (ce n’est qu’un principe) et qui a des pouvoirs étendus. Souvent, il confie l’exécution de l’enquête à des flics dont on dit alors qu’ils agissent sur «?commission rogatoire?» (art. 151 et 152 du CPP). La procédure de l’instruction est compliquée et, pour les raisons déjà évoquées, nous ne la développerons pas dans ce guide.

L’avocat

L’avocat doit demeurer un «?conseil?» (terme dont on se sert parfois pour désigner un avocat).

Le système est conçu de manière à rendre difficile le fait de se passer d’un avocat. Pas seulement parce qu’il est un spécialiste du droit, mais aussi parce qu’il a des facilités qui sont refusées à l’accusé. L’accès au dossier, par exemple, qui devrait être en principe un droit du prévenu, est dans la pratique très compliqué lorsque l’on n’a pas d’avocat, même si depuis longtemps déjà certains essayent de faire valoir ce droit. C’est cette situation qui conduit trop souvent les accusés à laisser les avocats faire tous les choix de défense. Cependant, sauf dans certaines procédures comme la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il n’est pas légalement obligatoire d’avoir un avocat.

Certains prévenus, pour garder une totale maîtrise de ce qu’ils laisseront apparaître d’eux-mêmes et de leur affaire, choisissent de se passer d’avocat au moment du procès. Dans ce cas, il faut éviter de s’aventurer sur le terrain juridique car, par corporatisme, les juges n’apprécient pas que les simples citoyens se prennent pour des spécialistes du droit.

Lorsqu’il y a plusieurs prévenus, ils peuvent être défendus par le même avocat, ou par des avocats différents. Un seul prévenu peut être défendu par plusieurs avocats, s’il en a les moyens.

L’avocat peut être choisi par le prévenu ou être commis d’office.
Les avocats commis d’office sont réservés à ceux qui ne connaissent pas d’avocat ou qui n’ont pas pu joindre le leur. Ils sont désignés par l’ordre local des avocats (ce qu’on appelle le «?barreau?») et ils sont gratuits pour le prévenu.
Bien entendu, on ne choisit pas l’avocat commis d’office, et l’on ne sait jamais sur qui l’on va tomber. L’avocat commis d’office qui est appelé pour assister une personne en garde à vue ne peut pas intervenir lors du procès de cette même personne.

Lorsqu’on est à l’extérieur, ou que l’on en connaît déjà un, on peut choisir son avocat. Les «?honoraires?» sont librement fixés par l’avocat : le prix peut varier dans des proportions énormes.
Pour ceux qui ont de faibles ressources, il est possible de faire appel à une aide juridictionnelle – dont le montant varie en fonction du revenu – si l’avocat que l’on a choisi l’accepte et peut la recevoir (il faut qu’il soit inscrit au barreau de la même ville que le tribunal qui juge l’affaire).
Pour l’aide juridictionnelle, il faut remplir un dossier que l’on retire au bureau d’aide juridictionnelle du tribunal devant lequel on est convoqué, et attendre un certain délai (souvent deux semaines) pour la réponse.
L’aide juridictionnelle est un forfait qui couvre les honoraires mais aussi les frais de défense (par exemple, payer les huissiers pour faire citer un témoin) : elle est souvent très faible, et il n’est pas impossible que l’avocat demande un complément. Pour la demande d’aide juridictionnelle par Internet :

http://www.justice.gouv.fr/publicat/aidejuridi.htm

Dans le cadre de la défense collective, on peut passer des accords avec un ou plusieurs avocats sur des tarifs et des pratiques communes. Les collectifs de défense peuvent aussi distribuer des numéros d’avocats qui acceptent, à certaines occasions, d’être appelés pour intervenir en garde à vue

Selon l’article 803 du CPP, «nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit susceptible de tenter de prendre la fuite».
Ces appréciations sont très subjectives et donc de fait soumises au bon vouloir des flics.

Il est obligatoire de se soumettre à un contrôle d’identité : «Toute personne se trouvant sur le territoire national
doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité effectué […] par les autorités de police […]» (art. 78-1 du CPP).
Cependant, il n’est pas illégal de ne pas avoir ses papiers d’identité sur soi : ce qui est obligatoire, c’est de fournir une identité, c’est-à-dire de donner un nom, un prénom, une date et un lieu de naissance, un domicile (on peut cependant être SDF, habiter chez ses parents, être hébergé chez quelqu’un) et éventuellement les nom et prénoms des parents.
Il n’est pas nécessaire, pour justifier de son identité, de répondre à d’autres questions. La personne en contrôle d’identité n’est pas obligée de répondre aux questions diverses que les flics lui posent sur ce qu’elle faisait, sur ce qu’elle a vu ou pas, etc. Il n’est pas non plus obligatoire de signer un quelconque document.
Il est important de préciser ceci parce qu’il peut arriver que les flics, en jouant sur le flou de la situation, interrogent une personne en contrôle d’identité pour recueillir son témoignage et le consigner sur un procès-verbal. Du statut de personne en contrôle d’identité, on passe subrepticement au statut de témoin (voir «Les témoins»)

2 - Contrôle et vérification d’identité dans la rue ou un espace public

(art. 78-1 à 6 du Code de procédure pénale)

Quand les flics peuvent-ils contrôler une identité (art. 78-2 du CPP) ?

En théorie, au nom du respect des «libertés individuelles», les flics n’ont pas le droit de contrôler l’identité de n’importe qui, n’importe quand; mais le Code de procédure pénale prévoit tellement d’exceptions qu’en pratique les flics peuvent réaliser un contrôle quasiment quand ils le veulent, en trouvant le prétexte qui le rendra légal.

En simplifiant, on peut toutefois relever qu’il existe deux sortes de contrôles :

- le contrôle est en principe lié à la recherche de l’auteur d’une infraction. Les flics peuvent contrôler l’identité de toute personne suspectée d’être l’auteur d’une infraction, de se préparer à en commettre une, de fournir des renseignements sur une infraction ou de toute personne dont ils pensent qu’elle pourrait être recherchée;

- le contrôle n’est pas lié à l’attitude de la personne contrôlée. C’est le principe de la rafle, contrôler un maximum de gens pour en choper quelques-uns.

Ce contrôle peut avoir lieu :
- de manière permanente, dans certaines zones réper-toriées, comme les ports, les aéroports, les gares routières et ferroviaires internationales situées à moins de 20 kilomètres d’une frontière, etc.;
- lorsque le procureur a donné des instructions écrites
- pour faire des contrôles d’identité dans certains lieux et à la recherche de certaines infractions. Mais si le contrôle révèle d’autres infractions que celles qui sont officiellement recherchées, cela n’invalide pas les poursuites qui seront engagées;
- pour prévenir une «atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens», une personne peut être contrôlée «quel que soit son comportement».

Les moyens de vérifier une identité (art. 78-3 du CPP)

«Si l’intéressé refuse ou se trouve dans l’impossibi-lité de justifier de son identité», il peut être retenu sur place ou conduit dans le local de police pour «le temps strictement exigé par l’établissement de son identité». La durée de cette vérification est limitée à un maximum de quatre heures.

Ce sont les flics qui estiment s’il y a besoin ou non de faire des vérifications poussées. On peut très bien ne pas avoir ses papiers et repartir au bout de cinq minutes, comme les avoir et passer quatre heures au poste.

Une fois au poste, un flic (un officier de police judiciaire, voir Introduction) est chargé d’établir l’identité de la personne retenue. Il doit l’informer de son droit «de faire aviser le procureur de la République» et «de prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix». «Si des circonstances particulières l’exigent, l’officier de police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne choisie» (art. 78-3 du CPP).

Il faut remarquer cependant que les flics respectent rarement ces règles.

Le droit de prévenir ou de faire prévenir la personne de son choix est plus large dans le cas du contrôle d’identité que dans celui de la garde à vue (voir «Avertir les proches», chapitre 5). Dans le cas d’un contrôle d’identité qui se poursuit en garde à vue, il aura donc été judicieux d’utiliser cette possibilité au début, à condition d’avoir réussi à obtenir des flics qu’ils respectent ce droit.

Sur autorisation du procureur, il est possible de prendre des photographies et les empreintes digitales de la personne retenue si celle-ci «maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d’identité manifestement inexacts» et que c’est «l’unique moyen d’établir [son] identité» (voir «Fouilles et empreintes», chapitre 5). Si elle refuse, la personne risque jusqu’à trois mois de prison et 3750 euros d’amende (art. 78-5 du CPP).

Le flic établit un procès-verbal du contrôle d’identité qui mentionne :
- les motifs qui justifient le contrôle;
- les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui;
- le fait qu’elle ait été informée de ses droits;
- les jours et heures de début et de fin du contrôle, ainsi que sa durée;
- éventuellement, les justifications pour la prise d’empreintes ou de photos.C

e procès-verbal est présenté à la signature de l’intéressé. Si ce dernier refuse, mention est faite «du refus et des motifs de celui-ci».

Si le contrôle d’identité ne débouche sur aucune suite judiciaire, il ne peut donner lieu à «une mise en mémoire sur fichier» et le procès-verbal est détruit dans un délai de six mois (voir néanmoins «Le Système de traitement des infractions constatées», chapitre 11).

L’usage que font parfois les flics de la rétention pour vérification d’identité

Le fait de pouvoir amener quelqu’un au poste et de pouvoir le retenir quatre heures pour vérification d’identité est un moyen couramment utilisé par les flics pour d’autres motifs que la seule vérification d’une identité. Cela leur permet de disposer d’un délai pour garder des gens sans avoir à remplir les paperasses d’une procédure de garde à vue.

Par exemple, on a souvent vu des manifestants arrêtés retenus pendant ces quatre heures, le temps de leur poser des questions, de faire un tri, de réunir des éléments contre certains (sur l’attitude à adopter dans ce cas, voir encadré ci-dessous). Au bout de ce laps de temps, les personnes arrêtées doivent soit être relâchées, soit être mises en garde à vue (voir «Durée de la garde à vue», chapitre 5).

Quand on sait qu’une personne a été arrêtée et emmenée au poste, on doit attendre quatre heures pour être certain, si elle n’a pas été relâchée, qu’elle a été placée en garde à vue (voir «Que faire si on a des proches en garde à vue», chapitre 5).

Illégalité du contrôle d’identité

Si le contrôle d’identité ne suit pas les règles exposées dans les paragraphes précédents, il peut en principe être contesté et reconnu illégal.

Mais attention : la reconnaissance de l’illégalité du contrôle n’aura d’effets pratiques que si ce contrôle a eu des suites judiciaires ou administratives; un contrôle d’identité ne sera illégal que si le flic qui rédige le procès-verbal qui détaille ce contrôle est assez stupide pour ne pas trouver un des nombreux prétextes disponibles pour légaliser tout contrôle, même le plus parfaitement arbitraire.

3- Perquisitions

La loi ne précise pas ce qu’est une perquisition, mais un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation (qui donne une interprétation de la loi) la définit comme «?la recherche, à l’intérieur d’un lieu normalement clos, notamment au domicile d’un particulier, d’indices permettant d’établir l’existence d’une infraction ou d’en déterminer l’auteur?» (Crim. 29 mars 1994 :Bull. crim. no 118).

Pour les perquisitions, la loi protège particulièrement les «?domiciles?», en y interdisant (sauf exceptions) les perquisitions la nuit.

La notion de domicile est large : il s’agit de tout lieu de résidence possible (par exemple une chambre d’hôtel ou un bureau), où la personne, «?qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux?»(Crim. 31 janv 1914).

Ne sont en revanche pas des domiciles : une voiture, un atelier artisanal ou industriel, un local réservé à la vente…

Les perquisitions chez les avocats, médecins, notaire, avoués, huissier et dans les locaux de presse sont soumises à des règles particulières (art. 56-1 à 56-3 du CPP).

Suivant les types d’enquête

Les perquisitions sont soumises à un régime très différent suivant les trois types d’enquête :

flagrant délit (art. 56 du CPP).
Les flics peuvent perquisitionner les domiciles des personnes «?qui paraissent avoir participé?» au crime ou au délit flagrant, sans leur assentiment.

Il y a deux cas courants :

une personne en garde à vue et soupçonnée d’un flagrant délit chez qui les flics font une perquisition?;

un lieu avec des signes extérieurs qui laissent penser qu’un flagrant délit est commis à l’intérieur (exemple : des plants de cannabis sur le rebord d’une fenêtre).

enquête préliminaire (art. 76 du CPP).

Pour les délits punis d’une peine inférieure à cinq ans de prison, les perquisitions ne peuvent être effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. Cet accord doit être donné par écrit.

Pour les crimes et les délits punis de cinq ans de prison ou plus, quand un juge des libertés et de la détention l’a autorisé par écrit, la perquisition est possible sans l’assentiment de la personne.

instruction (art. 92 à 97 du CPP).

En principe, le juge d’instruction devrait se déplacer avec son greffier pour faire la perquisition «?dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité?» (art. 94 du CPP). Cela peut donc être chez quelqu’un qui n’est pas mis en examen.

Dans les faits, le juge d’instruction se déplace rarement lui-même, mais charge les flics de le faire à sa place dans le cadre d’une commission rogatoire.

Règles applicables à toutes les perquisitions

La personne chez qui la perquisition a lieu doit être présente : à défaut, elle peut désigner un représentant. Si elle ne l’a pas fait, l’OPJ doit requérir deux témoins «?en dehors des personnes relevant de son autorité?» pour y assister (art. 57 du CPP).

«?Si elles sont susceptibles de fournir des renseignements sur les objets, documents et données informatiques saisies, les personnes présentes lors de la perquisition peuvent être retenues sur place par l’OPJ le temps strictement nécessaire à l’accomplissement de ces opérations.?» (art. 56 du CPP).

Comme pour tous types de témoin, il n’est pas obligatoire de répondre aux questions des flics (voir «?Les témoins?», chapitre 4).

Les objets et documents saisis sont répertoriés et placés sous scellés en présence des personnes ou des témoins, qui signent le procès-verbal de la perquisition. Comme pour la garde à vue, il n’est pas obligatoire de signer : le refus sera alors mentionné sur le procès-verbal. Il sera plus facile d’annuler la perquisition pour des raisons de procédure si on a refusé de signer le procès-verbal.

Les perquisitions à domicile ne peuvent «?commencer?» avant 6 heures du matin et après 21 heures le soir (art. 59 du CPP). En dehors des domiciles, ces règles d’heures ne s’appliquent pas.

Cependant, pour une longue liste de crimes ou de délits définis par l’article 706-73 du CPP (bande organisée, trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme aggravé, fausse monnaie…), les perquisitions sont autorisées à n’importe quelle heure du jour et de la nuit dans les trois types d’enquête.

Pour ces perquisitions de nuit, une autorisation particulière d’un juge d’instruction ou d’un juge des libertés et de la détention est nécessaire (art. 706-89 à 706-94 du CPP).

Dans n’importe quelle perquisition, les objets illicites (armes, stupéfiants, faux papiers, etc.) peuvent être saisis immédiatement : il s’agit de la découverte d’un crime ou d’un délit flagrant. Les poursuites engagées à leur sujet sont valables même si la perquisition n’avait aucun rapport, à l’origine, avec eux (Crim. 11 juin 1985 : Bull. crim. no 227 et art. 706-93 du CPP).

D’après une certaine jurisprudence, la fouille à corps est assimilable à une perquisition. Les règles de la perquisition s’appliqueraient donc. Dans le cas d’une enquête préliminaire, il faudrait le consentement de la personne fouillée (Crim. 22 janv 1953 : Bull. crim. no 24).

4- Fouilles

Les textes de loi n’ont pas prévu, à l’origine, de réglementer véritablement les fouilles. Ce sont donc essentiellement les pratiques, puis les interprétations de la loi ainsi que certaines lois récentes qui permettent de comprendre le cadre légal dans lequel elles se font.

Nous ne verrons ici que les fouilles opérées par les flics. Nous ne traiterons pas du cas des vigiles de sociétés privées.

Fouilles de personnes

Palpation de sécurité

C’est la pratique la plus courante et qui s’effectue n’importe où. Elle n’est pas évoquée dans les textes de loi, mais elle a été reconnue par la jurisprudence. Elle vise en principe à prévenir tout danger pour les flics en recherchant des armes, mais elle permet bien sûr de découvrir d’autres choses illégales, comme la drogue.

Les flics font vider ses poches et palpent la personne pour voir au toucher si elle cache quelque chose. La palpation est effectuée par une personne du même sexe que la personne fouillée.
En principe, les flics ne devraient pas pouvoir obliger quelqu’un à ouvrir son sac dans le cadre d’une palpation de sécurité : dans les faits, ils le font souvent. Il arrive qu’ils demandent à la personne fouillée d’ouvrir elle-même le sac et qu’ils se contentent d’y jeter un coup d’œil, de manière à pouvoir éventuellement prétendre que celle-ci a donné son consentement à la fouille.

Fouille à corps

La «fouille à corps» peut être très minutieuse et facilement conduire la personne fouillée à se retrouver nue, parfois même devant plusieurs flics, dans une situation humiliante. Les sacs et bagages portés par la personne sont fouillés de la même manière, par les flics eux-mêmes.

Les «investigations corporelles internes» (doigt dans l’anus, dans le vagin) doivent être faites par un médecin (art. 63-5 du CPP). Celui-ci peut aussi choisir de faire une radio.

Fouilles de véhicule

La Loi sur la sécurité intérieure (LSI) du 18 mars 2003 a étendu les possibilités de fouilles de véhicules par les flics en introduisant de nouveaux articles dans le Code de procédure pénale.

Un véhicule n’est pas un domicile : la fouille d’un véhicule ne s’assimile donc pas à une perquisition domiciliaire et les restrictions (d’heure par exemple) qui sont apportées aux perquisitions ne jouent pas. Il y a cependant une exception : «La visite des véhicules spécialement aménagés à usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires» (art. 78-2-2 du CPP). (Voir le chapitre 3, «Perquisitions»)

En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, les flics peuvent fouiller un véhicule s’il y a «une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner» que le conducteur ou un passager a commis ou tenté de commettre une infraction, comme auteur ou comme complice (art. 78-2-3 du CPP).

Dans le cadre des contrôles d’identité autorisés par le procureur de la République pour certaines infractions (armes, stups, terrorisme) et dans certains lieux (voir «Contrôles et vérifications d’identité», chapitre 2), la «visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant» est autorisée. Si le véhicule circule, il ne peut être immobilisé que le temps de la fouille, qui a lieu en présence du conducteur. Pour les véhicules à l’arrêt, la visite se déroule en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule, ou d’un témoin. La présence du témoin n’est toutefois pas indispensable «si la visite comporte des risques graves pour la sécurité des personnes et des biens» (art. 78-2-2 du CPP). Si d’autres infractions, sans rapport avec le prétexte de la fouille, sont découvertes, des poursuites peuvent être engagées.

«Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens» (formulation assez vague qui va sûrement permettre de couvrir bien des cas), les flics peuvent procéder à la visite des véhicules «circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique» à condition d’avoir l’accord du conducteur. S’ils n’ont pas l’accord du conducteur (parce qu’il refuse ou parce qu’il n’est pas là), ils doivent demander l’autorisation de fouiller le véhicule au procureur de la République. Dans l’attente de cette autorisation, les flics peuvent retenir le véhicule pour une durée de trente minutes au maximum (art. 78-2-4 du CPP).

En dehors de ces cas, pour jeter un œil sur ce qu’il y a dans un coffre, les flics peuvent ruser en utilisant leurs pouvoirs de police routière : exiger de voir la roue de secours, par exemple.

Cas particuliers des douanes

Les douaniers, pour la recherche des infractions douanières (donc stups, contrefaçons, taxes sur les marchandises…) «peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes» (art. 60 du Code des douanes). Autrement dit, la fouille des personnes et des véhicules est totalement légale à tout moment pour les douaniers.

Les témoins lors de l’enquête (art. 62, 78, 153 du CPP)

On se retrouve comme témoin soit parce que l’on a été amené au poste par les flics, soit parce que l’on a été convoqué.
Dans tous les types d’enquête, il est en principe obligatoire de se rendre à une convocation pour témoignage. Mais dans l’enquête préliminaire et de flagrance, il n’y a aucune sanction de prévue, autre que d’être conduit devant les flics par la force (art. 62 et 78 du CPP). Les flics ont aussi la possibilité de venir chercher un témoin sans même l’avoir convoqué s’ils peuvent «?craindre?» qu’il ne réponde pas à cette convocation (art. 62 et 78 du CPP). Dans le cas de l’instruction, si on ne répond pas à une convocation pour témoignage, on risque une amende (art. 153 du CPP).

Les convocations reçues dans la boîte aux lettres ne précisent pas toujours la raison pour laquelle on est convoqué : la formule «?pour affaire vous concernant?» peut aussi bien correspondre à une mise en cause qu’à un témoignage. Dans tous les cas, il ne peut pas y avoir de poursuites pénales simplement parce qu’on ne s’est pas rendu à une telle convocation.

Une fois au poste, les flics peuvent retenir le témoin pour «?le temps strictement nécessaire à son audition?» (art. 62 du CPP). Concrètement, selon une circulaire (Circulaire criminelle du 4 décembre 2000, citée après l’art. 62 du CPP), il doit s’agir d’un interrogatoire unique, d’une durée globale de quatre heures maximum, et qui ne peut pas être fractionné en plusieurs périodes entre lesquelles le témoin est retenu au commissariat.

Ce peut être une stratégie policière que de mettre les témoins en garde à vue – ou de les en menacer – pour les inciter à parler. La loi précise que le témoin ne peut pas être placé en garde à vue s’il n’est pas soupçonné d’avoir participé à l’infraction : mais un témoin peut très bien se voir notifier une garde à vue à la suite de son audition, ou pendant, si les flics estiment avoir des «?raisons plausibles?» pour le faire…
Dans le cas de l’enquête de flagrance et de l’enquête préliminaire, un témoin a parfaitement le droit de se taire : il est seulement tenu de «?comparaître?», non de «?déposer?» (art. 62 du CPP). Il a aussi la possibilité de ne pas répondre aux questions, mais de faire des déclarations (sur la différence entre les déclarations et les réponses aux questions : voir le paragraphe «?Les auditions?» dans ce chapitre). «?Les personnes entendues procèdent elles-mêmes?» à la lecture du procès-verbal. Elles «?peuvent y consigner leurs observations et y apposer leur signature?» (art. 62 du CPP).
Ce n’est pas le cas pour l’instruction, mais il existe là un statut particulier de témoin (le «?témoin assisté?» par un avocat).

Sur les relevés d’empreintes susceptibles d’êtres appliqués aux témoins : voir le paragraphe «?Fouilles et empreintes?» dans ce chapitre.

«?Nous avons les moyens de vous faire parler…?»

Pour obtenir des informations, les flics bluffent souvent. Ils peuvent mentir sur tout : sur ce qu’ils savent ou ne savent pas, sur les preuves qu’ils pourraient détenir, sur les dénonciations, sur ce que l’on risque pénalement, sur la suite de la procédure… Ils traquent les contradictions, les incohérences ou les affirmations qui sont contraires à ce qu’ils savent déjà.

Répondre à une première question, même anodine, amène souvent une autre question, elle aussi en apparence anodine : mais, de fil en aiguille, on est entraîné dans le jeu des questions et des réponses. On a vu, par exemple, un flic commencer un interrogatoire en demandant à une personne de lui parler des circonstances
de son interpellation : viendra ensuite ce que la personne faisait là, comment elle y est arrivée, etc. Toutes ces informations paraîtront peut-être peu compromettantes à la personne qui les aura fournies : elles serviront en fait à coincer quelqu’un d’autre ou à donner des faits une vision qui correspond à ce que veut la police.
La seule manière réellement efficace de bloquer la machine est de ne répondre à aucune question et de s’en tenir à une éventuelle déclaration.

Témoignage sur la manière dont les flics
ne respectent pas toujours la procédure sur le moment,
mais la régularisent ensuite

«Parce que je fais pousser des pieds de beu sur mon balcon, six flics en civil sont venus frapper à ma porte un après-midi. Je les ai laissé entrer avant de comprendre de qui il s’agissait : ils en ont profité, par la suite, pour expliquer que j’avais accepté une perquisition à mon domicile.
En fait de perquisition, ils se sont contentés de fouiller vaguement mon appartement. Puis ils m’ont emmenée au poste, en embarquant aussi la beu.
Je n’ai pas été mise en cellule, mais je suis passée de bureaux en bureaux et l’on m’a interrogée à plusieurs reprises. Ils m’ont posé plein de questions, dont certaines avaient peu de rapport avec ce qu’ils me reprochaient (le numéro de ma carte bancaire, des choses comme cela…). Puis, ils m’ont fait signer mes déclarations, et m’ont relâchée au bout de deux heures.
J’avais fait une trentaine de mètres dans la rue, et je m’étais arrêtée à une cabine téléphonique, quand ils sont revenus me chercher pour me ramener au commissariat. Ils s’étaient aperçus qu’ils n’avaient pas fait les choses dans les règles. À aucun moment, ils ne m’avaient annoncé que j’étais en garde à vue, ni dit mes droits (comme celui de voir un avocat), etc. Ils se sont cependant mis à cinq ou six pour rédiger un procès-verbal qui affirmait le contraire. Comme ils n’étaient pas sûrs des indications d’horaire qu’il fallait mettre pour que cela soit légal (ils se disputaient sur le sujet), ils ont laissé les heures en blanc. Pour qu’ils me laissent tranquille, j’ai signé.
Ensuite, ils m’ont emmenée dans un plus grand commissariat pour que je voie un médecin, puis ils m’ont relâchée, définitivement cette fois.»
A., Marseill
Dans ce cas, la nullité de la garde à vue n’a pas été soulevée, parce que A. n’est pas passée en jugement, mais n’a subi qu’un rappel à la loi.

Se rassembler devant un poste de police pour exiger la libération d’une ou plusieurs personnes retenues est souvent un moyen de pression efficace à condition d’être suffisamment nombreux.

5- La Garde à Vue

Généralités

Définition

La garde à vue (GAV) est une mesure décidée par les flics, «?sous le contrôle?» du procureur, ou du juge d’instruction en cas d’instruction.
Les flics peuvent mettre en garde à vue une personne contre laquelle existent «?une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction?» (art. 63 et 77 du CPP). Les «?raisons plausibles?» sont des termes suffisamment vagues pour permettre aux flics de coller qui ils veulent en garde à vue.

Les quelques articles de loi qui détaillent la garde à vue sont précis en ce qui concerne la procédure, mais très évasifs pour les conditions réelles de détention : celles-ci varient donc considérablement. Une circulaire du 11 mars 2003 donne certaines consignes pour «?améliorer?» le traitement réservé aux personnes gardées à vue, mais une circulaire n’a pas force de loi, et les flics pourront toujours invoquer des difficultés matérielles ou de sécurité pour ne pas les appliquer.

Les trois cas dans lesquels sont prévues les gardes à vue

Les GAV sont utilisées dans les trois sortes d’enquêtes (flagrant délit ou crime flagrant, enquête préliminaire, instruction).

Dans les deux premiers cas, la GAV est sous le contrôle du procureur, dans le dernier sous celui du juge d’instruction qui a délivré la commission rogatoire. Ces trois cas changent peu de chose pour le déroulement lui-même de la garde à vue, mais modifient son issue : dans les deux premiers cas, la garde à vue peut déboucher directement sur un procès en comparution immédiate.

Dans la suite de ce chapitre, nous utiliserons uniquement le terme de «?procureur?» : en cas de commission rogatoire, il faut le remplacer par celui de «?juge d’instruction?

.Légalement, les flics ne décident seuls que du début d’une garde à vue : ensuite, le maintien, la prolongation et les suites sont décidés par le procureur (ou son assistant, appelé «?substitut du procureur?»). Cependant, comme cela se passe la plupart du temps par téléphone, le procureur ne juge de la situation qu’à travers ce que lui en disent les flics.

Durée de la garde à vue (art. 63, 77 et 154 du CPP)

La garde à vue est décidée par les flics pour une durée de vingt-quatre heures (elle peut durer moins).
Si elle a été précédée par une vérification d’identité (voir «?Contrôle et vérification d’identité?», chapitre 2), on considère que la GAV démarre à partir de ce contrôle (art. 78-4 du CPP).

Son renouvellement pour vingt-quatre heures supplémentaires se fait sur décision du procureur ou du juge d’instruction, parfois après qu’il a eu un entretien avec la personne gardée à vue. Elle peut donc durer quarante-huit heures au total pour le régime ordinaire.

Pour certains crimes et délits (terrorisme, trafic de stupéfiants, bande organisée, etc.), la GAV peut être prolongée bien d’avantage encore : elle peut passer à quatre jours, voire à six, soit 144 heures (art. 706-73 et 706-88 du CPP).

La prolongation de la GAV au-delà des quarante-huit heures est décidée par le procureur, un juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention (JLD). Avant de décider de la prolongation, il doit impérativement avoir un entretien avec la personne gardée à vue.

À ce stade, le magistrat peut décider d’une prolongation de 24 heures renouvelable une fois, ou directement d’une prolongation de 48 heures.

Pour les infractions liées au terrorisme avec un «?risque sérieux d’imminence d’action terroriste?», le JLD peut encore prolonger la GAV, après la 96e heure, pour deux périodes de 24 heures (art/ 706-88 du CPP).

Déroulement de la garde à vue

Les flics sont tenus de faire un certain nombre de choses dès le début de la GAV et au plus tard dans les trois heures : informer le procureur, dire ses droits à la personne, faire prévenir ses proches, le médecin et l’avocat si elle le demande.

Ces obligations (et en particulier la notification des droits) peuvent être différées, en cas de «?circonstances insurmontables?», au-delà des trois heures (ébriété de la personne, encerclement du commissariat par des manifestations…).

Notifier les droits (art. 63-1 du CPP)

«?Notifier?» les droits, c’est informer la personne d’un certain nombre de choses la nature des faits reprochés (attention, il s’agit de leur qualification juridique, c’est-à-dire de la manière dont ils sont appelés dans le Code pénal)?;

rappel du droit de faire prévenir avocat et famille, du droit à voir un médecin?;

rappel de la durée de la garde à vue.

Cette information se fait par oral ou par écrit. Elle est portée au procès-verbal et sur le registre des gardes à vue. Il est demandé à la personne gardée à vue de signer, et en cas de refus de signature, cela est mentionné.

Sur l’opportunité de signer : voir plus bas «?Les documents que les flics peuvent faire signer?».

La notification doit être donnée à la personne «?dans une langue qu’elle comprend?», donc éventuellement avec un interprète ou à l’aide d’un formulaire.

Les prolongations doivent également être notifiées à la personne gardée à vue.

Avertir les proches (art. 63-2 du CCP)

On peut demander dans les trois premières heures à ce que soit avertis par téléphone (c’est le flic qui appelle) :

toute personne avec qui l’on vit habituellement?;

un parent en ligne directe (père, mère, grands-parents, enfants)?;

un frère ou une sœur?;

son employeur.

Le flic peut refuser «?pour les nécessités de l’enquête?», mais il doit pour cela obtenir 1’autorisation du procureur.

En cas de prolongation pour terrorisme, la personne peut demander à faire prévenir ses proches à la 96e heure à la condition qu’on lui ait refusé ce droit au début de la GAV.

Examen médical (art. 63-3 du CPP)

II peut être demandé par la personne gardée à vue, par les flics ou par la famille. La personne peut le demander dans les trois premières heures, et, en cas de prolongation, elle peut obtenir un deuxième examen médical.

Dans les cas de garde à vue de plus de 48 heures, des examens médicaux obligatoires sont prévus. La personne peut toutefois exiger de voir à nouveau le médecin pour un second examen (art. 706-88 du CPP).

De son côté, la famille peut exiger un examen médical si celui-ci n’a pas déjà eu lieu.

L’examen médical a en principe pour but de vérifier que l’état de santé de la personne est compatible avec la GAV, mais il faut aussi s’en servir pour faire constater des brutalités policières. On doit exiger du médecin qu’il examine toutes les marques de coups et, s’il n’y en a pas, qu’il le précise noir sur blanc (c’est utile si on subit les violences policières ensuite). Ne pas hésiter à vérifier le contenu du certificat médical.

Suivant les commissariats et les horaires, le médecin peut se déplacer ou, au contraire, la personne peut être conduite à l’hôpital. L’examen médical peut donc être l’occasion de sortir un peu des locaux de la garde à vue.

L’avocat (art. 63-4 du CPP)

La visite d’un avocat est obligatoirement proposée:

au début de la garde à vue (dans les trois premières heures)?

;au début de la prolongation éventuelle de la garde à vue.

Les possibilités de voir un avocat à la vingtième heure et, en cas de prolongation, à la trente-sixième heure ont été supprimées par la Loi Perben II.
Dans certains cas dont la liste est donnée dans l’article 706-73 du CPP, l’avocat ne peut pas être vu avant la 48e ou la 72e heure de la GAV.

Si la personne connaît les coordonnées d’un avocat, les flics ne peuvent pas refuser de l’appeler.

Si la personne n’en connaît pas, elle peut choisir de demander un «?commis d’office?» : ces avocats payés par l’État ne font pas toujours un boulot très soigné, et parfois on ne peut pas leur faire confiance.

Pour prévenir l’avocat, les flics sont tenus à une «?obligation de moyens?», mais pas de «?résultats?» : c’est-à-dire qu’ils doivent appeler l’avocat qu’aura choisi la personne gardée à vue, mais ils ne sont pas responsables si cet avocat n’est pas joignable ou s’il ne veut pas se déplacer. Dans ce cas, il est toujours possible de faire appel à un commis d’office. On peut toujours refuser de voir un avocat, même commis d’office.

L’entretien avec l’avocat est confidentiel (les flics n’y assistent pas) et ne peut pas durer plus de trente minutes. À l’exception du médecin, l’avocat est la seule personne venue de l’extérieur du commissariat que la personne gardée à vue peut rencontrer et de qui elle peut recevoir des conseils.

L’avocat n’est pas censé donner la moindre information à autrui sur la garde à vue (art. 63-4 du CPP, 5e alinéa).

À ce stade, l’avocat n’a pas accès au dossier, et il n’a d’autres informations sur l’enquête que ce que lui dit la personne gardée à vue. Il peut contrôler les conditions du déroulement de la GAV et faire des observations écrites qui seront jointes à la procédure (voir le paragraphe «?Nullité de garde à vu50).

Fouilles et empreintes

Fouilles

Dans le cadre d’une garde à vue, les flics peuvent procéder à une «?fouille à corps?» (voir «?Fouilles à corp», chapitre 4).

Ils ne se contentent pas de chercher des indices ou des objets illégaux, mais ils gardent aussi un certain nombre d’effets personnels pour la durée de la garde à vue : ce peut être la ceinture, les lacets, certains vêtements, les sacs, les bijoux, les briquets, etc. L’argent doit être compté et mis à part.

Les affaires que les flics gardent font l’objet d’un inventaire qui est signé.

En cas d’«?investigation corporelle interne?» (doigt dans l’anus ou dans le vagin, pour parler plus clairement), il est obligatoire pour les flics d’avoir recours à un médecin (art. 63-5 du CCP).

Empreintes digitales et photos

En cas de crime ou de délit, les flics peuvent prendre des empreintes digitales et palmaires ainsi que des photographies de «?toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction?» mais aussi de «?toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause?», c’est-à-dire de simples témoins (art. 55-1 du CPP). Cela est possible dans tous les types d’enquête : de flagrance, préliminaire (art. 76-2 du CPP) et sur commission rogatoire (art. 154-1 du CPP).

Pour un suspect, c’est-à-dire «?une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction?», c’est un délit que de refuser de se soumettre à ces prélèvements, punissable «?d’un an de prison et de 15?000 euros d’amende?» (art. 55-1 du CPP). Pour les simples témoins, c’est-à-dire «?toute personne susceptible de fournir des renseignements?», il n’y a pas de peine prévue : il est donc possible de refuser.

Ces empreintes ou ces photos seront comparées à celles conservées dans les différents fichiers et aux prélèvements effectués sur les lieux du crime ou du délit. Elles pourront être intégrées aux fichiers (sur ce point, voir le chapitre 11, «?Le casier judiciaire et les fichiers?»).

Empreintes génétiques (art. 706-54 à 706-56 du CPP)

«?Toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit?» et qui refuse de se soumettre à un prélèvement génétique encourt une peine d’un an de prison et 15?000 euros d’amende. Il s’agit bien de tout type de crime ou de délit : la loi autorise les flics à comparer l’empreinte ADN de la personne suspectée avec les traces recueillies dans le fichier FNAEG ou sur les lieux de l’infraction.

Pour un certain nombre de crimes et de délits, l’empreinte génétique peut être conservée dans le fichier (et non plus seulement comparée) : comme certaines infractions de nature sexuelles ou d’atteinte aux personnes, trafic de stupéfiant, proxénétisme, vol, escroquerie, extorsion, destructions, dégradations, détériorations, menaces, terrorisme, association de malfaiteurs, fausse monnaie, détention d’armes, recel… (art. 706-55 du CPP, voir dans le chapitre 11 «?Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques?»).

L’ADN est aussi prélevé de manière systématique dans les prisons : en effet, les personnes définitivement condamnées pour les délits de la liste ci-dessus encourent la même peine, et pour les crimes, la peine maximum est portée à deux ans et 30?000 euros d’amende.

Ces peines se cumulent sans possibilité de confusion avec celles prononcées pour l’affaire qui a motivé les prélèvements (voir «?Confusion des peines?», chapitre 9).

Pour les personnes déjà condamnées, le refus entraîne l’annulation des réductions de peine. Enfin, tenter de substituer son matériel génétique par celui de quelqu’un d’autre est punissable de trois ans de prison et 45?000 euros d’amende.

Le prélèvement ADN se fait en crachant sur un buvard.

En cas de refus, ou si la personne est en fuite, «?l’identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps de l’intéressé?» : brosse à dent, mégot, cheveu, etc.

Enfin, sur ordre du procureur, s’il s’agit «?d’une personne condamnée pour crime ou pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l’accord de l’intéressé?» par exemple en le forçant à ouvrir la bouche pour y introduire un coton-tige.

Cela n’empêchera pas la personne d’être poursuivie pour refus de se soumettre au prélèvement.

Dans les autres cas, le prélèvement ADN ne peut se faire qu’avec le consentement de la personne. Par exemple, si les flics cherchent à identifier une personne en utilisant l’ADN d’un membre de sa famille, ce dernier peut refuser de se prêter au prélèvement.

Les conditions de vie en garde à vue

Comme on l’a déjà précisé, les conditions d’une garde à vue peuvent varier considérablement. La loi ne précise pas comment les personnes gardées à vue doivent être nourries, de quels temps de repos elles peuvent bénéficier, ni de la manière dont doivent être aménagées les cellules.

Si la personne a de l’argent sur elle, les flics peuvent accepter d’aller lui acheter de la nourriture. La circulaire du 11 mars 2003 donne pour consigne de distribuer des plats chauds aux heures des repas.

Pendant la garde à vue, on n’a pas la possibilité de se laver, même si des sanitaires sont parfois prévus à cet effet, ou de changer de vêtement.

Les cellules sont souvent sales.

Il arrive que des personnes arrêtées en même temps se retrouvent isolées, ou qu’on leur interdise de communiquer entre elles.

Certaines gardes à vue se résument à de brefs interrogatoires et à de longues heures d’attente dans une cage. D’autres seront plus intenses, avec de longues auditions, des perquisitions, etc.

Dans tous les cas, le manque d’hygiène, la fatigue et l’ignorance dans lesquelles on se trouve du déroulement de la garde à vue et de ses suites ont un effet perturbant.

La pression psychologique

La garde à vue est en soi une pression psychologique : longue, incertaine quant à sa durée, son issue et son déroulement.
Ce stress est voulu et entretenu par les flics dans le but de déstabiliser les suspects : c’est pourquoi ils peuvent aussi chercher à augmenter la pression à tout moment pendant la garde à vue. Les coups ou les brimades physiques sont possibles. Les menaces, réflexions, intimidations en tout genre sont encore plus courantes.

Les auditions

C’est le moment où les flics posent des questions et notent tout ce qu’on dit sur un papier appelé «?procès-verbal d’audition?». Lors de ces interrogatoires, il n’y a aucune obligation de parler.

La seule question à laquelle il est obligatoire de répondre concerne l’identité : nom, prénom, date et lieu de naissance, nom des parents. Rien n’oblige en revanche à répondre à des questions sur le permis de conduire, la profession, le salaire ou le domicile.

La personne a le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de se taire : ceci est toujours valable même si depuis la Loi sur la sécurité intérieure (LSI) du 18 mars 2003 les flics ne sont plus obligés de le rappeler au moment de la notification des droits.

Tout ce qui est dit est porté sur le procès-verbal et peut servir à condamner la personne interrogée ou quelqu’un d’autre lors d’un éventuel procès. Il est donc indispensable de ne parler que si on a l’intelligence de la situation, c’est-à-dire si on sait précisément ce qu’on peut dire sans que cela soit défavorable à soi-même ou à d’autres.

En cas d’arrestation en groupe – ou si l’affaire concerne d’autres personnes – parler, c’est risquer d’être en contradiction avec les autres, c’est aussi les «?mouiller?» parfois involontairement. Il est alors indispensable de se taire, sauf si l’on s’est au préalable bien mis d’accord sur une version identique.
Les conséquences du silence (indisposer la machine judiciaire, passer quelques heures de plus au commissariat) sont toujours moins graves que celles d’avoir trop parlé.

Ce n’est pas le flic qui a le pouvoir d’inculper, mais le procureur : de même, c’est lui également qui pourra proposer une procédure de «?plaider-coupable?», et non le flic qui ne peut que transmettre la proposition du procureur (voir «?Le “plaider-coupable”?», chapitre 7).

L’enjeu n’est donc pas d’être crédible ou sympathique devant les flics. Ce qui compte après un interrogatoire, ce n’est pas l’avis des flics, mais ce qui est écrit sur le procès-verbal d’audition et s’il a été signé ou non.

Si la personne choisit de se taire, il faut alors qu’elle dise : «?Je n’ai rien à déclarer?» (et non pas «?je ne sais rien?», ce qui revient à déclarer quelque chose), et cela doit être noté tel quel sur le procès-verbal. Il peut arriver que les flics s’acharnent à poser malgré tout une série de questions auxquelles il faudra à chaque fois répondre «?je n’ai rien à déclarer?».

La personne peut aussi choisir de faire des déclarations, ce qui n’a rien à voir avec répondre aux questions des flics. Dans ce cas, c’est elle qui choisit ce dont elle veut parler : elle peut faire état de violences policières, par exemple, même si les flics préféreraient écarter la question. La personne doit imposer au flic de noter ce qu’elle a dit, même s’il y est réticent, et ne pas hésiter à faire réécrire ce qui n’a pas été fidèlement retranscrit. La personne peut terminer sa déclaration en affirmant «?je n’ai rien d’autre à déclarer?» pour bien montrer qu’elle ne veut pas rentrer dans le jeu des questions et des réponses.

Les documents que les flics peuvent faire signer

notification des droits?;

inventaire de la fouille?;

rendu de la fouille?;

procès-verbal d’audition?;

notification de fin de garde à vue (voir plus bas «?Notification de fin de garde à vue?») (art. 64 du CPP)?;

le registre des gardes à vue tenu par le commissariat (art. 65 du CPP)?;

lorsqu’une convocation en justice est délivrée à la fin de la garde à vue, les flics la font signer (voir le chapitre 6 «?De la garde à vue au procès?»).

Certains de ces documents sont réunis sur une même feuille quand ils sont présentés à la signature.

Quoi qu’on signe, signer signifie que l’on reconnaît tout ce que le document dit. Il faut donc tout lire très attentivement avant une quelconque signature, que ce soit les déclarations, la fouille, les notifications, etc.

Ne pas hésiter à faire rectifier tout ce qui n’est pas correct, même le plus petit détail, et à refuser de signer si on n’est pas d’accord. Signer au plus près du texte écrit pour éviter les ajouts.

Refus de signature : il n’est jamais obligatoire de signer, quelle que soit la pression que les flics exercent à ce sujet, et quoi qu’ils disent. On refuse de signer si le document porte des mentions avec lesquelles on n’est pas d’accord, ou s’il ne contient pas quelque chose qu’on a dit et que les flics refusent de le modifier. On peut aussi parfaitement refuser de signer si, tout compte fait, on n’est pas satisfait de ce qu’on a dit.

On peut aussi refuser de signer par principe : tout ce qui n’est pas signé sera plus facile à contester lors du procès. Il n’y a pas que la déposition qui peut être un document piège : la notification de fin de garde à vue l’est également (voir ci-après).

Il est très important de lire le procès-verbal de l’audition dans tous les cas, même si la personne n’a pas l’intention de le signer. Il est donc préférable qu’elle ne précise pas d’emblée qu’elle ne signera pas, mais qu’elle se fasse remettre le procès-verbal pour le rendre ensuite sans le signer.

La notification de fin de garde à vue (art. 64 du CPP)

La fin de garde à vue ne signifie pas forcément qu’on est libre : il peut y avoir un «?déferrement au parquet?» ou une présentation au juge d’instruction, et la machine judiciaire ne fait alors que s’enclencher.

Le procès-verbal de notification de fin de garde à vue est donc un document important : il décrit le déroulement de la GAV en reprenant les heures de début et de fin (avec ou sans prolongation), les heures d’alimentation, les heures et la durée des interrogatoires et des repos, l’heure de la notification des droits, les motifs de la GAV, les passages de l’avocat, du médecin, etc. Les mêmes informations sont portées sur le registre de la garde à vue du commissariat.

Signer ces documents, c’est reconnaître que la garde à vue s’est déroulée comme elle est décrite. En général, cela empêche l’avocat, ensuite, d’obtenir une nullité de procédure pour une garde à vue irrégulière.

Comme expliqué ci-dessus, on peut bien sûr refuser de le signer, ainsi que le registre des gardes à vue, qui porte souvent les mêmes informations.

Nullité de garde à vue

Une nullité dans la garde à vue est une rare mais bonne nouvelle, car toute la procédure qui en découle peut devenir caduque.
Comme on le voit dans un des exemples, il peut arriver que les flics ne respectent pas les règles de la garde à vue.

Cela ne signifie pas pour autant que la procédure sera annulée : en effet, ce qui fait foi, ce sont les procès-verbaux, et les flics peuvent les rédiger de manière à ce qu’ils soient conformes aux lois.

Bien sûr, on peut refuser de les signer, mais cela ne suffira pas pour prouver les irrégularités devant le tribunal.

Que faire si on a des proches en garde à vue ?

On peut soit avoir assisté à l’interpellation d’un proche (dans le cadre d’une manifestation par exemple), soit avoir été averti par un coup de fil du commissariat.

essayer de s’informer du lieu de la garde à vue. Les flics ne sont pas tenus de dire où les personnes gardées à vue se trouvent. Cependant, rien n’interdit de téléphoner ou de passer dans les divers commissariats autant de fois qu’on l’estime nécessaire?

;une fois la personne localisée, on peut toujours essayer de lui faire parvenir de la nourriture, de la boisson ou des clopes par l’intermédiaire des flics. Il est de plus en plus rare qu’ils acceptent, et quand ils le font c’est parfois pour les garder pour eux.

si la personne gardée à vue n’a pas sur elle le nom ou les coordonnées d’un avocat, on peut essayer de les lui faire parvenir. Il est cependant rare que les flics acceptent de faire passer des informations.

Autre possibilité, qui ne marche pas à tous les coups : charger un avocat que l’on connaît de se rendre au commissariat pour tenter de voir la personne gardée à vue?;
un «?membre de la famille?» peut demander à ce que la personne gardée à vue voie un médecin (art. 63-3 du CPP).

Témoignage sur le rôle purement formel du juge des libertés et de la détention

«Après l’entretien avec le procureur, qui m’a annoncé qu’il demandait ma mise en détention provisoire jusqu’à mon procès en comparution immédiate, j’ai été traduite devant une juge des libertés et de la détention.

J’ai dit à la juge que je possédais un chéquier qui pouvait prouver ma domiciliation et que j’avais des garanties de représentation. Elle m’a gentiment interrompue et m’a dit que ce n’était pas la peine que je me fatigue : la décision de me maintenir en détention, moi et mes coïnculpés, était déjà prise.

Puis elle a signé le papier et s’est tournée vers l’avocate commise d’office en lui demandant si elle avait quelque chose à dire. Celle-ci a répondu que non.»

A., Strasbourg

En faveur du report :

lors d’une comparution immédiate, le prévenu ne comparaît pas libre : s’il est condamné à de la prison ferme, il part directement en cellule.

S’il demande le report, il a le risque de passer de deux à quatre mois en détention provisoire, mais il a aussi une chance d’être libéré et de comparaître libre?;
le dossier constitué par les flics est presque toujours exclusivement à charge : on y trouve seulement les éléments défavorables au prévenu.

Un report donne davantage de temps pour trouver des témoins ou des éléments qui vont à l’encontre de la version des flics.

Depuis la Loi Perben II, le prévenu ou son avocat ont la possibilité de demander au tribunal «?d’ordonner tout acte d’information qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité relatif aux faits reprochés ou à la personnalité de l’intéressé?» (art. 397-1 du CPP). Le tribunal doit motiver son éventuel refus.

En faveur d’un jugement immédiat :

On peut choisir d’être jugé immédiatement si on a la certitude de ne pas pouvoir échapper à la détention provisoire : il semble en effet que l’habitude de certains tribunaux soit de placer systématiquement en détention provisoire les prévenus qui demandent un report de leur procès en comparution immédiate.

De même, pendant les révoltes de novembre 2005 ou durant le mouvement anti-CPE, les procureurs avaient pour instruction de requérir la détention provisoire.

Le prévenu va être conduit en détention avec les seules affaires qu’il avait sur lui au moment de son arrestation. Les proches peuvent lui faire parvenir des vêtements, des chaussures ou des livres et lui envoyer un mandat, car l’argent est important en prison.

Pour les modalités pratiques, il existe de nombreux guides du détenu consultables sur Internet (par exemple sur le site de l’association Ban Public :

http://prison.eu.org).

Le «?rappel à la loi?» (art. 41-1 du CPP)

L’objectif affiché est d’«?assurer la réparation du dommage causé à la victime?», et de faire «?cesser le trouble
résultant de l’infraction?».

Le procureur va donc lui-même, ou par une personne qu’il aura désignée (un médiateur, un délégué du procureur, un flic), rappeler la loi, demander à l’auteur des faits de régulariser sa situation et éventuellement lui demander de réparer les dommages causés à la victime. En gros, il s’agit d’une sorte de sermon assorti parfois de quelques obligations.

Le «?rappel à la loi?» peut se faire à la fin d’une garde à vue ou après une convocation devant le procureur ou son représentant. Ce n’est pas une condamnation et il n’y a pas d’inscription au casier judiciaire.

Le procureur dispose dans tous les cas de trois ans pour engager des poursuites avant la prescription du délit : c’est pourquoi le «?rappel à la loi?» s’accompagne souvent d’un commentaire menaçant qui laisse entendre que la personne sera forcément poursuivie dans cette affaire si elle se fait de nouveau remarquer au cours de ces trois ans.

6- De la garde à vue au procès

La sortie de garde à vue (dans le cas d’un flagrant délit ou d’une enquête préliminaire)

Le procureur, par téléphone, décide de la suite à donner à la garde à vue et de la qualification juridique précise des faits. Celle-ci est importante (s’agit-il par exemple d’un «?vol simple?» ou d’un «?vol en réunion?», etc.) car elle modifie la gravité des peines encourues et peut conduire à la comparution immédiate.

Sur décision du procureur, les suites de la garde à vue peuvent être les suivantes :

a- sortie sans poursuites?

b- sortie avec une convocation qui «?vaut citation à comparaître?», comprenant la date, l’heure et le lieu du procès, ainsi que les faits reprochés à la personne et les articles de loi correspondant à ces délits.La citation précise que le prévenu doit venir avec des justificatifs de ses revenus. Avant de laisser sortir la personne, les flics lui demandent de signer cette convocation. Signer ou ne pas signer ne changera rien dans ce cas (art. 390-1 du CPP).

Le procès a souvent lieu des mois après les faits (suivant l’encombrement des tribunaux). En attendant, le prévenu est libre et n’est pas soumis à un contrôle particulier.
La convocation pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) peut également être remise à la sortie de garde à vue (voir « Les documents que les flics peuvent faire signer », chapitre 5)?;

c- sortie sans convocation, mais celle-ci est adressée plus tard par huissier. Autrement dit, on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise tant que le délai de prescription du délit, trois ans dans la plupart des cas, n’est pas passé (art. 8 du CPP). Cette citation à comparaître reprend les termes exposés au point b (art. 390, 550 et 551 du CPP).
La convocation pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) peut arriver par courrier (voir «?La convocation ou le déferrement devant le procureur?», chapitre 7) ;

d- sortie sans poursuite judiciaire mais avec un «?rappel à la loi?» (voir plus bas «?Le rappel à la loi?») ;

;e- déferrement au parquet, c’est-à-dire passage devant le procureur?;
C’est mauvais signe, car c’est le début d’une procédure qui peut aboutir à la comparution immédiate, ou à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)?;

f- présentation à un juge d’instruction. En cas de poursuites pour crime, passible de la cour d’assises, la présentation à un juge d’instruction est automatique.
Dans le cas d’un délit, le procureur renvoie devant un juge d’instruction les affaires compliquées ou mettant en cause un grand nombre de personnes. Dans ce cas, il n’y a pas de comparution immédiate possible, mais des possibilités de détention provisoire si la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans. Ce type de procédure n’est pas envisagé dans ce guide.

Le déferrement au parquet et ses suites

Le déferrement et l’entretien avec le procureur (art. 393 du CPP)

Le «?déferrement au parquet?» est un transfert de la personne du commissariat vers le palais de justice pour voir le procureur.

En principe, la personne déferrée doit être présentée le jour même de la fin de sa garde à vue devant le procureur (art. 803-2 du CPP). Il en va de même pour la présentation à un juge d’instruction.
Cependant la Loi Perben II a prévu un délai supplémentaire de vingt heures maximum «?en cas de nécessité?» entre l’heure de la fin de la garde à vue et la présentation au magistrat (art. 803-3 du CPP). Durant ces vingt heures, la loi précise que la personne «?doit avoir la possibilité de s’alimenter?».
Elle dispose de certains des droits qu’elle a en garde à vue : faire prévenir un proche, voir un médecin et s’entretenir «?à tout moment?» avec un avocat (qui n’a toujours pas eu accès au dossier). Cependant, à la différence de la garde à vue, la personne n’est pas supposée être interrogée.
La loi précise que cette rétention doit se faire dans un local de police ou de gendarmerie sous le contrôle du procureur. Cela peut donc être dans un commissariat ou au dépôt (la prison interne du palais de justice).

Au bout de ces vingt heures, si la personne n’a pas été présentée au procureur, elle doit être remise d’office en liberté (art. 803-3 du CPP).
Au cours de l’entretien, le procureur doit constater l’identité de la personne. Il lui fait connaître les faits qui lui sont reprochés et éventuellement recueille ses déclarations (si la personne le demande).
Cet entretien peut être purement formel ou au contraire, déterminant, suivant les cas. Le procureur a toujours la possibilité, à ce stade, de classer l’affaire sans suite, de décider d’une médiation ou composition pénale, et en cas de renvoi devant le tribunal, la comparution n’est pas toujours immédiate (voir le paragraphe suivant).

Les déclarations de la personne déférée peuvent donc jouer un rôle dans la décision du procureur : il faut rappeler qu’à ce stade, la personne n’a toujours pas accès à son dossier par l’intermédiaire de son avocat, et ignore quels sont les éléments et les témoignages recueillis pas les flics.

Renvoi devant le tribunal (art. 393 du CPP)

S’il décide un renvoi devant le tribunal, le procureur informe le prévenu qu’il a droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. À la différence de la garde à vue, l’avocat peut consulter le dossier et communiquer librement avec le prévenu. Le prévenu sait donc, à partir de ce moment, ce qu’il y a précisément dans le dossier. Pour un renvoi devant le tribunal, le procureur peut décider d’une comparution différée, ou immédiate.

La comparution différée (art. 394 du CPP)

Elle est assez rapide, dans un délai compris entre dix jours et deux mois (moins si le prévenu et son avocat acceptent de réduire ce délai).
Le procureur remet au prévenu un procès-verbal qui vaut citation à comparaître avec les faits retenus, le lieu, la date et l’heure de l’audience.
Il n’y a pas de détention provisoire possible mais éventuellement un contrôle judiciaire, qui n’est pas décidé par le procureur mais par le juge des libertés et de la détention, après avoir entendu le prévenu et son avocat (voir plus loin «?Contrôle judiciaire?»).

La comparution immédiate (art. 395 du CPP)

En cas de flagrant délit, la comparution immédiate est possible pour tous les délits punis de plus de six mois d’emprisonnement. S’il ne s’agit pas d’un flagrant délit, on ne peut passer en comparution immédiate que pour les délits dont la peine prévue est égale ou supérieure à deux ans. Dans tous les cas, il n’y a plus de limite supérieure : on peut être condamné en comparution immédiate pour le maximum de la peine prévue pour un délit, c’est-à-dire dix ans fermes doublés en cas de récidive, soit vingt ans (voir dans le chapitre 9 «Aggravation des peines par la récidive»).

Le rôle de ceux qui sont à l’extérieur

Deux cas peuvent se présenter :

soit les proches ont réussi à nouer un contact avec l’avocat du prévenu. Ils sont alors informés par celui-ci de la décision du procureur, et savent s’il y a besoin de réunir les pièces nécessaires en vue du procès (voir plus loin «?Tenter d’éviter la détention provisoire?»)?;

s’il n’y a pas de contact avec l’avocat, en revanche, les choses sont plus compliquées. D’abord, on ne sait pas forcément qu’il y a eu un déferrement devant le parquet : parfois, on le déduit simplement du fait que la personne n’est pas libérée après le temps légal de garde à vue.

Il faut alors se renseigner au greffe du tribunal pour connaître les jours et les heures de procès de comparution immédiate, et ne pas hésiter à s’y rendre avec tous les documents possibles (voir «Le déroulement du procès» au chapitre 8) pour les remettre à l’avocat commis d’office au moment de l’audience.

En attente de la comparution immédiate

Si le tribunal correctionnel peut se réunir le jour même, le prévenu attend sa comparution au dépôt. Pour les moins de 21 ans, il y a un entretien avec un travailleur social (art. 41 du CPP). Attention, ceux-ci sont employés par le ministère de la Justice et vont répéter tout ce qu’ils peuvent apprendre.

Si le tribunal correctionnel ne peut pas se réunir le jour même, le procureur peut demander au juge des libertés et de la détention que le prévenu soit placé en détention provisoire jusqu’au jour où le tribunal se réunit : cette détention ne peut durer que jusqu’au «?troisième jour ouvrable suivant?», donc peut aller par exemple du samedi au mercredi.

Si la détention provisoire est refusée par le juge des libertés et de la détention, le prévenu est libre, mais il peut être placé sous contrôle judiciaire. Il est convoqué dans les dix jours à deux mois suivants (art. 396 du CPP).

Report du procès

Lorsqu’il y a comparution immédiate, le tribunal ou le prévenu peuvent demander le report du procès.
le tribunal, s’il estime qu’il n’y a pas assez d’éléments dans le dossier, peut désigner un de ses juges pour enquêter, désigner un juge d’instruction, renvoyer l’affaire au procureur ou reporter le procès à plus tard, et éventuellement mettre le prévenu en détention provisoire (art. 397-1 et 397-2 du CPP)?;

le prévenu peut refuser d’être jugé immédiatement. Le président du tribunal correctionnel doit poser la question au prévenu en début d’audience : l’accord du prévenu ne peut être recueilli qu’en présence de son avocat (art. 397 du CPP). Nous examinerons dans les paragraphes suivants («?Contrôle judiciaire?» et «?Détention provisoire?») les avantages et les inconvénients du report.

En cas de report, qu’il soit demandé par les juges ou par le prévenu, le tribunal correctionnel peut placer ou maintenir le prévenu en détention provisoire. Il le fait après avoir entendu le prévenu et son avocat.

C’est un premier jugement qui porte uniquement sur la question de la détention provisoire et qui n’aborde pas l’affaire en elle-même : il se fait dans les mêmes formes que les autres jugements (voir plus bas «?Détention provisoire?», et, pour les formes générales du procès, le chapitre 8, «?Le procès devant le tribunal correctionnel?». Comme tout jugement, il est susceptible d’appel (voir plus loin «?Recours contre la détention provisoire?»).

En cas de détention provisoire, le procès doit avoir lieu dans un délai de deux mois au maximum. Ce délai est porté à quatre mois au maximum et ne peut être inférieur à deux mois si la peine encourue est supérieure à sept ans (art. 397-3 du CPP).
À l’expiration de ces délais (soit deux mois, soit quatre mois selon le type de peine encourue), si l’audience n’a pas eu lieu, le prévenu est remis en liberté d’office, et il comparaît libre.

Si le tribunal décide de ne pas mettre le détenu en détention provisoire, l’audience est fixée dans un délai de deux à six semaines, sauf pour les délits punis de plus de sept ans d’emprisonnement, auquel cas ce délai est compris entre deux et quatre mois (art. 397-1 du CPP). Le plus souvent, le tribunal décide au moins de placer le prévenu sous contrôle judiciaire.

Contrôle judiciaire

Le contrôle judiciaire consiste en une série de contraintes imposées au prévenu laissé libre en attente de son procès. Ces contraintes sont fixées par le juge, qui les choisit dans une liste assez large prévue par la loi (art. 138 du CPP). Ces choix s’expliquent par la personnalité du prévenu, les caractéristiques de l’affaire, bref, ils sont à la tête du client.

Parmi les contraintes possibles, on peut relever l’interdiction de sortir sans autorisation de certaines limites territoriales (pays, ville, voire logement…), l’obligation de se présenter périodiquement aux autorités, ou le fait de payer une caution dont le montant est fixé par le juge.

Si le prévenu ne se soumet pas aux obligations du contrôle judiciaire, il risque d’être placé en détention provisoire (alinéa 2 de l’art. 141-2 du CPP).

Détention provisoire

L’enjeu

En France, la détention provisoire est courante et elle est assez déterminante pour la suite des événements.
Déjà, le prévenu qui ne comparaît pas libre est entouré de flics, parfois menotté en rentrant dans la salle, et placé dans le box des accusés – traitement qui est épargné à celui qui comparaît libre.

De plus, pour celui qui a passé quelques semaines en détention provisoire, le tribunal va être tenté de couvrir cette période par une condamnation équivalente.

Surtout, en cas de condamnation à de la prison ferme, le prévenu déjà en détention est sûr de faire au moins une partie de son temps d’emprisonnement : celui qui comparaît libre, en revanche, s’il n’est pas placé sous mandat de dépôt à l’audience, a davantage de possibilités d’y échapper (voir «?Le rendu du jugement?», chapitre 9).

Demander ou non un report

C’est le choix déterminant qui est laissé au prévenu dans la procédure de comparution immédiate : être jugé immédiatement ou demander un report du procès. Il est particulièrement important de pouvoir peser le pour et le contre.
Dans tous les cas, choisir le report suppose que l’on se donne les meilleurs moyens pour tenter d’éviter la détention provisoire.

Tenter d’éviter la détention provisoire

Ces conseils sont valables aussi bien devant le tribunal, quand on a demandé le report, que devant le juge des libertés.

La détention provisoire a comme prétextes officiels, entre autres, le fait de «?garantir le maintien [du prévenu] à la disposition de la justice?», «?de mettre fin à l’infraction ou de prévenir de son renouvellement?», ou de mettre fin «?à un trouble exceptionnel ou persistant à l’ordre public?» (art. 144 du CPP).

Autrement dit, le plus souvent, il faut convaincre le ou les juges du fait que l’on sera présent au procès et que l’infraction ne va pas être renouvelée.

Pour la présence au procès, il faut amener ce que la justice appelle des «?garanties de représentation?» : c’est tout ce qui peut prouver que l’on est bien inséré socia-lement et que par conséquent on est «?fiable?». Il faut bien comprendre que dans l’esprit des juges un notable est plus fiable qu’un érémiste, un riche qu’un pauvre, un flic qu’un anarchiste… N’oublions pas qu’il s’agit d’une justice de classe. Il faut donc savoir faire bonne figure.

Le type de document à fournir peut être de toute nature et de toute origine : contrat de travail ou de stage, certificat d’employeur ou de professeur, carte d’étudiant, justificatifs de domicile, etc. Comme il s’agit d’une comparution immédiate, les proches du prévenu ne disposent que de quelques heures pour les réunir et les faire parvenir à l’avocat. Si on n’a pas le temps de les réunir pour cette audience, ils peuvent servir pour le recours contre la détention provisoire (voir le paragraphe suivant).

La présence de membres de la famille à l’audience peut aussi être considérée par le tribunal comme une forme de garantie de représentation.

Concrètement, les juges n’ont guère le temps et les moyens de vérifier certaines affirmations de ceux qui passent en comparution immédiate, pas plus que les documents apportés par ceux qui sont à l’extérieur. Cependant, il faut absolument éviter toute contradiction afin de rester crédible.

Quant au renouvellement de l’infraction, elle est souvent évaluée d’après les antécédents. Le prévenu n’est pas obligé de rappeler tout son pedigree, s’il en a un, d’autant que les délais d’inscription de ses peines précédentes au casier judiciaire peuvent jouer en sa faveur (voir «?Le casier judiciaire?», chapitre 11).

Les «?primaires?» (ceux qui n’ont jamais été condamnés) auront intérêt à insister sur ce point. Les déclarations du prévenu ont aussi leur importance : si le prévenu a reconnu les faits, il ne doit pas hésiter à dire que l’acte est occasionnel et qu’il ne se renouvellera pas.

En revanche, le jugement sur la détention provisoire ne se prononce pas sur le «?fond?» de l’affaire : si on nie les faits, les juges n’en tiendront pas forcément compte.

Recours contre la détention provisoire

Même si le prévenu a eu la malchance de partir en détention provisoire après avoir demandé son report, il ne doit pas pour autant renoncer à essayer de sortir de taule avant son véritable procès, d’abord pour les raisons exposées dans le premier paragraphe (voir plus haut «?L’enjeu?»).

Il y a deux recours possibles :

l’appel du jugement qui a placé le prévenu en détention provisoire. L’appel se fait devant un autre tribunal, la cour d’appel (voir «?L’appel?», chapitre 10)?;

la demande de mise en liberté (art. 148-1 du CPP). Elle peut se faire à tout moment, en s’adressant directement au directeur de la prison (art. 148-7 du CPP). On peut en faire autant de fois que l’on veut. C’est le tribunal correctionnel qui a décidé une première fois de la mise en détention provisoire qui statue (art. 148-1 du CPP).L’audience doit avoir lieu dans un délai de dix jours après la demande (art. 148-2 du CPP). Il est recommandé de fournir davantage de documents (garanties de représentation) que lors de la première audience, en arguant de la difficulté pour les réunir, car si le tribunal dispose seulement des mêmes pièces, il rejugera la situation de la même manière.

En cas de refus de mise en liberté, on peut faire appel de cette décision dans un délai de vingt-quatre heures (art. 501 du CPP) : la cour d’appel doit se prononcer dans les vingt jours. Si ce délai n’est pas respecté, la personne sort de prison (art. 148-2 du CPP).
La demande de mise en liberté peut même se faire après une condamnation devant le tribunal correctionnel, quand on a fait appel (sur ce point, voir «?L’ appel?», chapitre 10).

7- Le «plaider-coupable»

La «composition pénale» et la «comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité» (CRPC) relèvent de la même logique : reconnaître sa culpabilité en échange d’une peine qu’on espère allégée et accélérer la procédure en court-circuitant le procès.

L’expression «plaider-coupable» n’existe pas en droit français : c’est en s’inspirant du modèle anglo-saxon, très différent de la culture judiciaire française, que la composition pénale et la CRPC ont été introduites dans la procédure pénale.

C’est le représentant de l’accusation, donc le procureur, qui fixe la peine, et non pas le juge comme dans un procès ordinaire. Le rôle de ce dernier est réduit à une sorte de droit de veto final : il ne peut qu’accepter ou refuser en bloc les peines envisagées.

L’objectif affiché du «plaider-coupable» est de désengorger les tribunaux tout en donnant une réponse pénale rapide à tout acte délictueux.

Ce type de procédure est toujours une forme de chantage. Que l’on soit ou non l’auteur des faits dont on est accusé, on est confronté au même dilemme : pouvoir être fixé rapidement sur son sort, ou devoir affronter les délais et les incertitudes d’un procès.

La composition pénale (art. 41-2 du CPP)

La composition pénale est possible pour tous délits punis d’une peine de prison inférieure ou égale à cinq ans. Le procureur de la République propose directement ou par l’intermédiaire d’une «personne habilitée», par exemple un flic ou un «délégué» du procureur, une peine à la personne qui reconnaît sa culpabilité. La personne peut accepter ou refuser la proposition de peine et demander un délai de dix jours pour faire connaître sa décision (art. R15-33-39 du CPP).«La personne à qui est proposée une composition pénale est informée qu’elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du procureur de la République.» Il est important de prendre l’avis d’un avocat avant d’accepter, car contrairement aux apparences, la composition pénale n’est pas toujours avantageuse.

C’est une véritable condamnation inscrite au casier judiciaire mais qui, contrairement à la CRPC, ne peut pas conduire à une peine d’emprisonnement. Elle peut comprendre des amendes, un «travail non rémunéré» d’un maximum de soixante heures à effectuer sur une période de six mois, un «stage de citoyenneté», une série d’obligations ou d’interdictions fixées par le procureur…

Une fois la proposition acceptée, elle doit être validée par le président du tribunal qui peut procéder à l’audition du prévenu, de la victime et de leurs avocats.

Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de composition pénale, ainsi que dans le cas où la personne refuse la composition pénale ou, après l’avoir acceptée, «n’exécute pas intégralement les mesures décidées», il peut y avoir procès. Le prévenu est alors mal parti, puisqu’il a déjà reconnu sa culpabilité…

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou CRPC (art. 495-7 à 495-16 du CPP)

Entrée en application en 2004, la CRPC est une nouveauté dans le droit français. Sa création a été accompagnée d’une circulaire, datée du 2 septembre 2004, adressée aux parquets, qui permet de comprendre dans quel esprit la loi doit être appliquée (voir la circulaire). Alors que la loi fixe ce qui est incontournable, la circulaire précise comment les choses peuvent se passer, sans que ce qu’elle conseille soit pour autant obligatoire.

Cette circulaire insiste sur ce qu’elle appelle «les manières différenciées selon lesquelles cette procédure pourra être appliquée». La CRPC sera adaptée en fonction des choix des parquets et des besoins locaux (soulager les tribunaux dans les grandes agglomérations par exemple).

Dans quels cas la CRPC peut-elle s’appliquer ?

Ce que dit la loi

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité s’applique lorsque la «personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés» pour des délits punis d’amende ou d’une peine de prison inférieure ou égale à cinq ans (art. 495-7 du CPP).

Le «plaider-coupable» ne peut s’appliquer «ni aux mineurs de moins de dix-huit ans, ni aux délits de presse, ni aux délits d’homicides involontaires, de délits politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale» (art. 495-16 du CPP).

Ce que dit la circulaire

La circulaire précise que la personne doit non seulement, comme l’exige la loi, «reconnaître les faits», mais aussi accepter leur qualification pénale et se trouver dans «un état d’esprit d’acceptation de sa responsabilité pénale lui permettant d’adhérer à une sanction».

L’affaire doit être simple et «en état d’être jugée» : comme dans la comparution immédiate, si l’affaire est simple, c’est bien parce que les flics n’ont cherché que des éléments qui vont dans un seul sens, celui de l’accusation.

La circulaire précise que s’il faut «en principe» éviter de recourir à la CRPC quand il y a plusieurs personnes impliquées dont une partie ne reconnaît pas sa culpabilité, il est possible «dans des situations exceptionnelles» de dissocier les procédures, c’est-à-dire de proposer une CRPC à certains et de traduire les autres devant le tribunal.

Qui peut décider de recourir à cette procédure ?

C’est le procureur qui décide de recourir à cette procédure, de lui-même ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat (art. 495-7 du CPP). La proposition du procureur est acceptée ou refusée par la personne poursuivie et enfin validée ou non par un juge du tribunal.

À quel moment la CRPC peut-elle intervenir ?

Durant la garde à vue

La circulaire recommande que la CRPC soit proposée aux personnes qui ont avoué en garde à vue, même si la loi ne demande de reconnaître formellement sa culpabilité que devant le procureur.

Or, les aveux passés durant la garde à vue resteront au dossier quoi qu’il arrive.

Les flics ont déjà pour habitude de tenter de faire croire qu’avouer devant eux conduira à plus d’indulgence. La procédure de reconnaissance préalable de culpabilité va leur donner un nouvel argument : dorénavant, les aveux pourront effectivement conduire à ce que le procureur propose une peine plus légère. Mais rien n’oblige le procureur à recourir à cette procédure : s’il refuse de proposer la CRPC, ou même s’il décide de l’utiliser mais que celle-ci échoue, les aveux passés durant la garde à vue resteront et seront utilisés lors du procès.

La circulaire se fonde sur le fait que de nombreuses personnes avouent en garde à vue, et qu’il y a probablement parmi elles des personnes qui sont prêtes à accepter une CRPC. Elle recommande que les flics demandent à la personne concernée si elle serait d’accord pour une CRPC et l’informent de l’obligation d’avoir un avocat. Dans certains cas, la circulaire précise que les flics peuvent même aller jusqu’à dire à la personne quelles sont les peines envisagées par le procureur «afin de vérifier si l’intéressé est susceptible d’accepter cette procédure».

La convocation ou le déferrement devant le procureur

La loi exige qu’il y ait au moins un entretien avec le procureur en présence de l’avocat.

On peut être convié à cet entretien de différentes manières :

- à la suite d’un déferrement au parquet après la garde à vue, dans le cadre de la procédure de comparution immédiate. La circulaire recommande dans ce cas d’effectuer une enquête de personnalité, qui pourra être confiée aux flics, pour déterminer les ressources de la personne, ses charges de famille, etc. Cette enquête permet d’évaluer le montant de l’amende ou d’envisager les aménagements de peine que proposera le procureur;
- par une convocation remise par les flics, à la fin de la garde à vue ou plus tard. La circulaire précise que les flics pourront remettre à la personne en même temps et pour la même affaire deux convocations : une devant le procureur et une devant le tribunal à une date ultérieure aux cas où la personne ne se rendrait pas à la première convocation ou si la CRPC échouait;

- par une convocation transmise par courrier simple;

- par une convocation remise directement par le procureur lui-même, ou par son délégué

Cas où la personne demande au procureur l’application de la CRPC

Quand une personne est citée à comparaître devant un tribunal correctionnel, elle peut demander l’application de cette procédure. Elle doit envoyer une lettre recommandée au procureur dans laquelle elle reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Cette disposition n’est pas applicable «aux personnes renvoyées devant un tribunal correctionnel par le juge d’instruction» (art. 495-15 du CPP).

Si la procédure de «plaider-coupable» échoue, le procès initial est maintenu, soit à la même date, soit à une date ultérieure s’il reste moins de dix jours avant le procès. La circulaire ordonne aux procureurs de n’accepter la demande de la personne que si elle est formulée suffisamment longtemps avant le procès pour que la procédure puisse avoir lieu en son entier sans avoir à repousser l’audience initialement prévue (sur les délais, voir plus loin).

Attention, le procureur, s’il décide de ne pas appliquer la procédure, n’est «pas tenu d’en aviser le prévenu ou son avocat» (art. 495-15 du CPP).

La circulaire envisage aussi l’hypothèse ou la personne, sans être déjà convoquée devant un tribunal, demanderait d’elle-même ou par l’intermédiaire de son avocat le recours à la CRPC, «demande sans laquelle le parquet n’aurait peut-être pas envisagé de recourir à cette procédure». Cette demande peut se faire, par exemple, par l’intermédiaire de l’avocat qui intervient pendant la garde à vue. La personne peut aussi en parler aux flics ou même directement au procureur si elle est déferrée devant lui.

Attention, la circulaire n’envisage pas de négociation sur la culpabilité. Il n’est pas prévu que la personne dise : «J’accepte d’avouer si je peux bénéficier en échange du “plaider-coupable”.» La personne est censée avouer d’abord, et suggérer ensuite au procureur le recours à une CRPC. Le procureur reste libre d’utiliser ou non cette possibilité.

L’entretien avec le procureur

Lors de l’entretien avec le procureur exigé par la loi, les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies sur un procès-verbal, et la proposition de peine est faite par le procureur, en présence de l’avocat de l’intéressé. L’avocat doit pouvoir consulter sur le champ le dossier (art. 495-8 du CPP). La personne ne peut pas renoncer à avoir un avocat : refuser un avocat équivaut à refuser la procédure.

La proposition du procureur (art 495-8 du CPP)

La peine d’emprisonnement proposée ne peut être en aucun cas supérieure à un an et ne peut excéder la moitié de la peine encourue par la personne, en tenant compte du fait que les peines maximales sont doublées pour les récidivistes. Le procureur peut proposer du ferme ou du sursis, et en cas de ferme des aménagements de peine (semi-liberté, placement sous surveillance électronique, etc.). Il précise si la peine d’emprisonnement ferme sera effectuée immédiatement ou si la personne sera convoquée ultérieurement devant un juge d’application des peines.

La peine d’amende peut être égale au montant maximum encouru. Le procureur peut également proposer une peine complémentaire ou de substitution prévue dans le cas du délit pour lequel la personne est poursuivie (voir «les peines» chapitre 9).

Est-il possible de négocier en partie la peine que proposera le procureur? La marge de manœuvre de la personne et de son avocat est très étroite. La culpabilité étant acquise, c’est seulement sur le montant ou les modalités de la peine que portera l’éventuelle discussion. À la fin de l’entretien, le procureur fera une proposition à laquelle la personne et son avocat ne pourront répondre que par oui ou par non, sachant que le non fait perdre tout le «bénéfice» de la CRPC…

Attention, au moment d’accepter sa proposition, il ne faut pas oublier que le procureur ne s’occupe que de la partie pénale : prison, amende, etc. Il ne compte pas les éventuels dommages et intérêts réclamés par la partie civile (voir plus loin «En cas d’acceptation de la proposition», p. 84).

Délai de réflexion (art. 495-10 du CPP)

Une fois la proposition faite, la personne peut s’entretenir seule avec son avocat. Elle peut choisir d’accepter ou de refuser immédiatement la proposition du procureur, ou de demander un délai de réflexion supplémentaire de dix jours.

Si la personne souhaite bénéficier du délai de réflexion, et quelle que soit la peine proposée, le procureur peut demander au juge des libertés et de la détention un contrôle judiciaire. Mais si la peine proposée est égale ou supérieure à deux mois de prison ferme et que le procureur a demandé son exécution immédiate, il peut solliciter auprès de ce même juge le placement en détention provisoire. La détention provisoire et le contrôle judiciaire ne peuvent durer plus de vingt jours.

Il n’existera pas dans les faits de possibilité de recours contre la décision de placement en détention provisoire. La circulaire précise que la demande de mise en liberté se fait devant «la chambre de l’instruction» mais que les délais sont trop courts pour que celle-ci ait le temps de se prononcer.

En cas d’acceptation de la proposition par la personne poursuivie

Si la personne, immédiatement ou après le délai, accepte en présence de son avocat la proposition de peine du procureur, elle est «aussitôt» présentée devant un juge du tribunal qui entend la personne et son avocat. Cette «audience d’homologation» a lieu le jour même. Elle est publique. La personne doit à nouveau reconnaître les faits qui lui sont reprochés et assurer qu’elle accepte la peine proposée. Le juge décide le jour même d’homologuer ou non la peine : il ne peut que l’accepter ou la refuser, mais pas la modifier.

Le juge devra également vérifier la régularité de la procédure et refuser l’homologation s’il constate une nullité (art. 495-9 du CPP).

Les peines sont inscrites au casier judiciaire et il est possible de faire appel (voir le chapitre 10 «L’appel»).

Les «victimes» peuvent se constituer partie civile à l’audience d’homologation, ou par lettre, exactement comme lors d’un procès ordinaire (voir le chapitre 8 «Le procès»). Le juge qui homologue la peine peut fixer des dommages et intérêts immédiatement, ou le faire à une audience ultérieure. Le montant des dommages et intérêts n’est pas soumis à l’acceptation du prévenu : mais il est possible de faire appel sur ce point seulement. La victime peut s’exprimer et le juge peut éventuellement tenir compte de ses propos pour refuser l’homologation.

À noter que si la victime n’a pu être prévenue à temps, elle peut demander une audience du tribunal pour statuer sur les intérêts civils après l’audience d’homologation : il y aura donc une audience civile ultérieure.

Dans le cas d’un refus de la proposition du procureur par la personne ou d’un refus d’homologation par le juge

Dans ce cas, le procureur renvoie la personne devant le tribunal ou devant un juge d’instruction : il ne peut pas renoncer aux poursuites et classer l’affaire. S’il s’agissait à l’origine d’un déferrement après une garde à vue, le procureur peut renvoyer la personne en comparution immédiate, le jour même ou après l’avoir retenue le temps nécessaire (voir "La comparution immédiate", chapitre 8).

Un certain nombre de pièces doivent alors être retirées du dossier. Le procès-verbal qui a été dressé lors de l’entretien avec le procureur, et sur lequel la personne reconnaît sa culpabilité, ne peut pas «être transmis à la juridiction d’instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure» (art. 495-14 du CPP). Il en va de même pour les pièces annexées à ce procès-verbal, comme la lettre recommandée qui demande au procureur de recourir à une CRPC. En revanche, «l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné le placement en détention provisoire de la personne ayant demandé un délai de réflexion», de même que l’enquête rapide de personnalité, doivent rester au dossier. Resteront au dossier également, cela va sans dire, les procès-verbaux établis durant la garde à vue.

Autrement dit, en cas de refus de la proposition ou de non-homologation par le juge, le tribunal correctionnel n’est pas censé utiliser les aveux passés devant le procureur. Pourtant, la circulaire reconnaît elle-même qu’il serait illusoire «d’empêcher la juridiction de savoir qu’il a été procédé à une procédure de CRPC ni que celle-ci n’a pu aboutir». C’est d’autant plus illusoire que cela peut très bien être le même juge qui refuse l’homologation et qui ensuite juge l’affaire…

De plus, même si durant le procès il est en principe interdit de faire référence aux pièces qui ont été retirées du dossier, la circulaire indique comment le tribunal peut contourner le droit : «Aucune nullité ne saurait résulter du fait que la partie civile […] fasse état de l’acceptation de sa culpabilité par un prévenu qui se déclare innocent devant le tribunal.» La seule condition pour éviter cette nullité sera que le tribunal ne fasse pas état «de telles déclarations dans la motivation de sa décision».

Bref, on l’aura compris, en cas d’échec d’une CRPC, que cet échec soit dû au refus de la personne ou au refus du juge de l’homologation, il sera concrètement impossible de plaider son innocence : le prévenu sera jugé alors que sa culpabilité est considérée à l’avance comme acquise.e.

Comme l’audience est publique, il est possible de venir soutenir un prévenu en se rendant en nombre à son procès. Dans certains cas, ce sera parce que l’audience est utilisée par le prévenu comme une tribune pour défendre ses convictions?; dans d’autres, simplement pour montrer aux magistrats que la personne n’est pas isolée et que beaucoup de gens se sentent concernés par l’affaire.

Certaines stratégies de défense, au contraire, imposeront qu’il n’y ait pas de soutien visible à l’audience.

Bien souvent, les autorités policières et judiciaires essaient de limiter le nombre des soutiens dans la salle même. Il est quand même utile de rester devant la salle ou devant le palais de justice.

La citation directe et la comparution dite «?volontaire?»

Ces deux cas sont cités à titre d’information, pour être complet sur toutes les possibilités de comparution devant un tribunal correctionnel.

Citation directe par la partie civile

La citation directe permet à la partie civile de faire convoquer directement devant le tribunal une personne qu’elle considère comme l’auteur d’une infraction dont elle est la victime.
La citation se fait par l’intermédiaire d’un huissier, suivant la même procédure que la citation des témoins (art. 550 à 566 du CPP).

Dans le cadre d’affaires qui ont fait l’objet d’une enquête préliminaire ou d’une instruction, la citation directe permet souvent de faire comparaître des personnes que le parquet ou le juge d’instruction n’avaient pas jugé bon de poursuivre. Toutefois, elle est sérieusement encadrée par la jurisprudence puisqu’il n’est pas possible de faire comparaître les personnes qui ont été déjà impliquées dans la procédure (même en qualité de simples témoins) ou qui ont été dénoncées dans la plainte initiale (Crim. 7 oct 1986 ; Bull. crim. no 273).

Le tribunal demande à la partie civile qui fait une citation directe de déposer au greffe une «?consignation?», c’est-à-dire une somme d’argent. Cet argent sert à payer l’amende que la partie civile devra éventuellement payer en cas de relaxe du prévenu qui a comparu sur citation directe (art. 392-1 du CPP).

Le prévenu relaxé peut également demander à la fin de l’audience des dommages et intérêts à la partie civile pour abus de citation directe (art. 472 du CPP).

Comparution dite «?volontaire?»

Ce type de comparution intervient par exemple quand le prévenu est présent au tribunal sans avoir été convoqué régulièrement, et permet de régulariser la procédure. Le désir du prévenu de comparaître volontairement doit être expressément constaté (art. 389 du CPP).

Sur l’impossibilité de contrôler ce que le greffier note pendant le procès

«J’ai été témoin dans un procès où des jeunes gens étaient accusés d’outrage et de rébellion contre des flics. J’avais vu le comportement des flics, extrêmement violents, et je voulais le dire devant le tribunal, mais la présidente du tribunal ne me laissait pas parler. Elle m’interrompait quand je voulais aborder ce point, en me demandant de me contenter de répondre à ses questions. Quand j’ai réussi à glisser une observation sur la violence policière, elle a repris mes propos pour être sûre que le greffier noterait la version qu’elle désirait.»

D., Paris

8- Le procès devant le tribunal correctionnel

Un procès devant le tribunal correctionnel se déroule à peu près de la même manière, qu’il s’agisse d’une comparution immédiate ou d’un procès à la suite d’une convocation. Le déroulement formel varie peu suivant que la personne poursuivie (qui, dans un procès correctionnel, est appelé le «?prévenu?») est déjà en prison ou qu’elle comparaît libre, même si, sur le fond, la justice est plus dure pour ceux qui sont déjà détenus.

Ne pas assister à l’audience

Renvoi de l’audience (art. 410 du CPP)

Lorsque le prévenu ne peut pas assister à l’audience, il doit fournir une excuse «?reconnue valable?» par le tribunal. Les juges ont toute liberté pour considérer cette excuse comme valable ou non : il faut donc l’étayer le plus possible, en fournissant par exemple un certificat médical s’il s’agit d’un problème de santé. Attention, si l’excuse n’est pas reconnue comme valable, le prévenu sera jugé en son absence (voir ci-dessous : «?Jugement contradictoire?»). Si l’excuse est valable, le prévenu est convoqué pour une audience ultérieure.

Jugement par défaut ou contradictoire

Jugement par défaut

Il peut arriver que quelqu’un soit convoqué devant un tribunal sans en avoir connaissance. Il est alors «?jugé par défaut?», c’est-à-dire sans qu’il le sache (art. 412 du CPP).

Quand la personne apprend qu’elle a été condamnée (que ce soit par voie d’huissier, ou par son arrestation au cours d’un banal contrôle de flics…), elle peut contester ce jugement. On dit alors qu’elle «?forme opposition au jugement?», qui est déclaré nul et «?non avenu?». L’affaire est rejugée (art. 487 à 494-1 du CPP). Dans l’attente de ce nouveau procès, le prévenu peut être placé en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire en cas de condamnation à plus d’un an ferme assortie d’un mandat d’arrêt (art. 465 et 135-2 du CPP).

La loi précise que le prévenu est considéré comme n’ayant pas eu connaissance de son procès si «?la citation n’a pas été délivrée à la personne du prévenu, et s’il n’est pas établi qu’il ait eu connaissance de cette citation?» (art. 412 du CPP)

.La convocation se fait par voie d’huissier qui se déplace ou envoie un recommandé, ou bien elle est donnée directement à la personne par les flics, par exemple à la fin de la garde à vue : dans ces cas, le prévenu ne peut pas prétendre ne pas avoir eu connaissance de la citation.

Si un avocat se présente pour défendre le prévenu, il est autorisé à plaider. Le jugement n’est alors plus «?par défaut?» mais «?contradictoire?» (art. 412 du CPP).

Jugement contradictoire

Si la personne est considérée comme ayant eu connaissance de sa convocation et qu’elle n’a pas fourni d’excuse «?valable?», elle ne peut pas prétendre être jugée «?par défaut?» même si elle est absente le jour de son procès. On dit que son jugement est «?contradictoire?». Elle ne peut pas faire opposition. Toutefois, en cas d’absence, elle a toujours le droit de faire appel, comme si elle avait été présente. Le délai d’appel de dix jours commence à la date de «?signification?» du jugement, c’est-à-dire au moment où elle en a officiellement connaissance (voir chapitre 9 «?Le rendu du jugement?», et chapitre 10 « L'appel?»).

Si la peine prononcée est au moins égale à un an d’emprisonnement sans sursis, le tribunal peut délivrer un mandat d’arrêt : les flics ont ordre de rechercher la personne pour l’emprisonner (art. 465 du CPP).

Même en étant absent, le prévenu peut être défendu par son avocat. Il peut demander par une lettre au président du tribunal à être représenté par son avocat ou un avocat commis d’office. (art. 411 du CPP). Il peut aussi envoyer directement son avocat à l’audience (art. 410 du CPP).

Le tribunal peut considérer que la présence du prévenu est indispensable et reporter le procès en le convoquant de nouveau (art. 411 du CPP). Dans ce cas, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans, le tribunal peut délivrer un mandat d’amener ou d’arrêt à son rencontre (art. 410-1).

Nullités de procédure

Dans le cas où il n’y a pas eu d’instruction, avant même de commencer le procès, les questions concernant les nullités de procédure sont posées par le parquet, la partie civile ou la défense, sous la forme de «?conclusions?» déposées au début de l’audience (art. 385 et 459 du CPP). Les nullités de procédure doivent le plus souvent être impérativement soulevées en première instance, car, sauf exception, elles ne pourront pas l’être en appel.

L’examen de ces questions est souvent «?joint au fond?», c’est-à-dire que le tribunal le renvoie après le procès, et que sa décision sera prise durant son délibéré.
Le tribunal est souverain pour décider si les irrégularités de procédure ont lésé ou non les droits de la défense.

Le déroulement du procès

La salle d’audience

Les audiences sont publiques sauf pour les mineurs. Elles peuvent avoir lieu à huis clos pour des raisons d’ordre public, sur décision motivée de la cour : mais le jugement doit être rendu en audience publique (art. 400 du CPP).

Le président a le pouvoir de faire régner l’ordre dans la salle. Il peut ordonner l’expulsion d’un membre de l’assistance. Si ce dernier résiste à cette expulsion et «?cause du tumulte?», il peut être placé sous mandat de dépôt sur-le-champ et condamné à deux ans de prison (art. 404 du CPP).

Le prévenu lui-même peut être expulsé de la salle d’audience, mais le jugement doit être rendu en sa présence (art. 405 du CPP).

Le début de l’audience

Au moment de l’arrivée des juges dans la salle d’audience, l’assistance est censée se lever (mais ce n’est pas une raison pour le faire).

Dans un tribunal correctionnel, il n’y a pas de jurés : le tribunal est composé, le plus souvent, de trois juges professionnels, dont l’un est le président et les deux autres des assesseurs. Il peut n’y avoir qu’un seul juge : les cas où ce tribunal à juge unique peut fonctionner sont répertoriés par la loi (art. 398, 398-1, 398-2 du CPP).

Le président constate d’abord l’identité du prévenu, et «?donne connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal?» (art. 406 du CPP), c’est-à-dire qu’il fait un bref rappel des faits. Il vérifie la présence de la partie civile, des témoins, des experts, des interprètes…

Après qu’aient été éventuellement soulevées les nullités, le procès débute par l’interrogatoire du prévenu, qui est interrogé par le président ou un assesseur (art. 442 du CPP). Le prévenu peut être ensuite questionné par la partie civile, le procureur et son avocat.

On voit souvent les juges ou les procureurs varier leur ton ou leur attitude dans le but de déstabiliser le prévenu. Par exemple, le président peut très bien couper la parole au prévenu, faire mine de ne pas comprendre, répéter ce qui vient d’être dit en le modifiant (et ce sera cela que le greffier notera). Il est très difficile pour le prévenu de revenir sur sa première version des faits, car le juge lui rappelle sans cesse ses déclarations faites devant les flics sur procès-verbal.

Le prévenu a intérêt à s’en tenir à une version crédible des faits sans se laisser impressionner par les interruptions et les commentaires du juge ou du procureur.

On a parfois le sentiment de ne pas avoir pu s’exprimer complètement. Il est toujours possible de rajouter
quelque chose à la fin des débats, le prévenu ayant la parole en dernier.

L’interrogatoire ne porte pas que sur les faits, mais aussi sur la personnalité du prévenu. Comme toujours, le SDF sans emploi apparaît sous un jour moins favorable que le notable chargé de famille. Il est conseillé de s’inventer un projet professionnel crédible ou une activité socialement reconnue même quand on n’en a pas.

La partie civile

La personne qui s’estime victime de l’infraction peut «?se constituer partie civile?» jusqu’au moment de l’audience pour demander «?des dommages et intérêts correspondant au préjudice qui lui a été causé?». Il n’est pas légalement nécessaire d’être assisté d’un avocat pour se porter partie civile (art. 418 du CPP).

L’existence de la partie civile lors du procès ajoute un élément de justice civile dans la justice pénale. En plus de la peine prononcée pour avoir violé la loi, le jugement impose de réparer le tort causé à une personne physique ou morale. Dans certains cas, le jugement dit «?civil?» peut être renvoyé à une autre audience

.Par exemple, un prévenu jugé pour violence à agent pourra être condamné à une peine de prison et à une peine d’amende auxquelles s’ajouteront des dommages et intérêts pour le flic «?victime?» ainsi que pour le syndicat de flics qui, en tant que personne morale, aura lui aussi le droit de se constituer partie civile.

Il peut arriver que «?la personne civilement responsable?» ne soit pas le prévenu, dans le cas de mineurs par exemple. Dans ce cas, c’est cette personne civilement responsable qui devra payer les dommages et intérêts.
La personne qui s’est portée partie civile ne prête pas serment quand elle dépose et peut assister à tous les débats.

Les témoins au procès

Quand il n’y a pas eu d’instruction, les témoins sont convoqués sur citation du parquet, de la partie civile ou de la défense.
Les témoins témoignent soit sur les faits, soit sur la «?personnalité?» ou la «?moralité?» du prévenu.
Quand ils témoignent sur les faits, les témoins cités par la défense servent à contredire la version de l’accusation.

Les témoins de moralité cités par la défense servent à présenter le prévenu sous un jour favorable aux yeux des juges : ils doivent eux-mêmes être irréprochables pour la justice et avoir, si possible, une position sociale qui donne du poids à leur témoignage (professeur, notable, etc.).

L’avocat n’est pas supposé avoir rencontré les témoins avant le procès.

La citation des témoins se fait par voie d’huissier au moins dix jours avant l’audience (art. 435 et 550 et suivants du CPP). Les frais d’huissier sont à la charge de ceux qui font citer les témoins : les tarifs sont variables (ils dépendent des huissiers) mais il faut compter plusieurs dizaines voire centaines d’euros par témoin.

Le témoin cité est tenu de comparaître, de prêter serment et de déposer, sous peine d’amende (art. 437 et 438 du CPP). Le tribunal peut même ordonner aux flics d’amener un témoin par la force (art. 439 du CPP).

La défense peut présenter des témoins même quand elle n’a pas eu le temps de les faire citer régulièrement ou qu’elle n’a pas voulu payer pour cela : en effet, avec l’autorisation du tribunal, «?les personnes proposées par les parties qui sont présentes à l’ouverture des débats sans avoir été régulièrement citées?» peuvent être admises à témoigner (art. 444 du CPP).

Attention cependant, dans ce cas, le président du tribunal n’est pas obligé de les accepter.

En cas de comparution immédiate, les témoins peuvent être cités «?sans délai et par tout moyen?», c’est-à-dire sans avoir à passer par un huissier (art. 397-5 du CPP).

Une fois que leur identité a été vérifiée, les témoins sont conduits dans une pièce à part et n’assistent pas à l’audience avant leur déposition. Ils ne sont pas supposés parler entre eux.
Les témoins déposent les uns après les autres, en principe d’abord les témoins des parties civiles et du parquet, ensuite les témoins de la défense, sauf si le président en a décidé autrement.

À la demande du président, les témoins commencent par dire leurs nom, prénom, âge, profession et domicile, et leurs liens de parenté, professionnels ou amicaux avec le prévenu ou la partie civile (art. 445 du CPP). Puis ils jurent de dire «?toute la vérité, rien que la vérité?» (art. 446 du CPP). Les témoins déposent oralement, et ne peuvent s’aider de documents qu’avec l’autorisation du président (art. 452 du CPP). Ils répondent aux questions du président ou d’un assesseur, puis ils peuvent être interrogés par l’avocat de la partie civile, le procureur et l’avocat de la défense. «?Le prévenu et la partie civile peuvent également poser des questions par l’intermédiaire du président?» (art. 442.1 du CPP).

Après la déposition, le témoin peut assister aux débats, sauf si l’une des parties ou le président décident
qu’il doit ressortir momentanément de la salle d’audience pour être réentendu après d’autres dépositions, et éventuellement confronté à d’autres témoins.

Les enfants en dessous de seize ans et les parents proches du prévenu (père, mère, frère, sœurs, enfants, grands-parents, époux même divorcés) témoignent sans prêter serment. Ils pourront toutefois être autorisés à prêter serment s’il y a accord de toutes les parties (art. 447 à 449 du CPP).

En cas de faux témoignage avéré, ce qui n’est pas facile à prouver, le président peut ordonner au témoin de demeurer à la disposition du tribunal et le faire garder par la force publique, puis après la lecture du jugement le présenter au parquet pour d’éventuelles poursuites (art. 457 du CPP).

Les notes d’audience

Le greffier, «?sous la direction du président?», prend les débats en note, en particulier les déclarations des témoins et les réponses du prévenu. Les notes d’audience sont signées par le greffier et le président (art. 453 du CPP).

Contrairement à un procès-verbal, les notes d’audience ne sont pas signées par les personnes interrogées à la barre.
Les notes d’audience servent en principe pour informer les juges de la cour d’appel de la teneur des débats de première instance.
Elles peuvent servir de base pour des poursuites ultérieures, par exemple si un délit a été mentionné par des déclarations au cours de l’audience. En cas de suspicion de faux témoignage, ce sont les notes d’audience qui font foi pour établir précisément les déclarations du témoin suspecté.

Réquisitoire, plaidoirie et rendu du jugement

À la fin des débats, les avocats des parties civiles interviennent et demandent des dommages et intérêts, puis le procureur fait son réquisitoire, c’est-à-dire que souvent il charge la personne au maximum.

Le procureur va le plus souvent demander une peine, mais le tribunal n’est pas obligé de le suivre (il peut donner une peine plus ou moins élevée que ce qui est demandé).

Les avocats de la défense font leur plaidoirie en dernier. La partie civile ou le procureur peuvent répliquer. Le prévenu ou son avocat auront toujours la parole en dernier. (art. 460 du CPP). À la fin de l’audience, le président demande toujours au prévenu s’il a quelque chose à ajoute.


Exemple :

Une peine principale de deux ans de prison et 30?000 euros d’amende est prévue pour la «?destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui?» (art. 322-1 du CP).

Une ou plusieurs peines complémentaires sont possibles : privation des droits civiques, interdiction professionnelle, interdiction de séjour pour les étrangers, etc. (art. 322-15 du CP).

Elles peuvent se rajouter à la prison ou à l’amende, ou les remplacer : la peine complémentaire devient alors la peine principale et le prévenu n’est condamné ni à la prison ni à une amende mais, par exemple, à la privation de ses droits civiques et à l’interdiction d’exercer certaines professions.

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9- Le rendu du jugement, les différentes peines et leur application

Le rendu du jugement

Le jugement peut être rendu le jour même, ou à une audience ultérieure. Dans ce cas, le président doit informer de la date où le jugement sera rendu (art. 462 du CPP).

Le jugement comprend la peine et les dommages et intérêts pour la partie civile. Il arrive que ces derniers ne soient pas fixés immédiatement. Dans ce cas, des dommages et intérêts provisoires peuvent être ordonnés, et l’évaluation des dommages et intérêts renvoyée à une autre audience uniquement civile (art. 464 du CPP).

Le tribunal a toujours la possibilité, même après les débats, de ne pas rendre de jugement. S’il considère qu’il n’y a pas assez d’éléments pour juger, il ordonne un «?supplément d’information?» et renvoie l’affaire devant le procureur, qui peut désigner un juge d’instruction. Très rarement, il désigne un de ses membres pour agir comme un juge d’instruction (art. 463 du CPP). Si l’infraction lui paraît être un crime (qui devrait passer devant la cour d’assises), il renvoie l’affaire devant le procureur. En revanche, si c’est une contravention (qui devrait passer devant le tribunal de police), il peut prononcer la peine lui-même (art. 466 et 469 du CPP).

Un jugement du tribunal correctionnel doit expliquer les raisons qui ont entraîné la décision des juges (art. 485 du CPP). Cette partie du jugement expose parfois de manière très formelle les «?motifs?» de la décision. Les juges décident de ce qui vaut comme preuve d’après «?leur intime conviction?» (art. 427 du CPP).

La deuxième partie du jugement énonce «?les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables, ainsi que la peine, les textes de loi appliqués et les condamnations civiles?» (art. 485 du CPP).

À l’audience, le président peut se contenter de ne lire que les peines, mais le jugement complet, appelé «?la minute?», est déposé au greffe du tribunal dans les trois jours (art. 486 du CPP). Ce jugement, supposé être public, est difficile à obtenir si on ne passe pas par un avocat.

Le jugement se prononce sur la culpabilité du prévenu. Il peut décider de relaxer le prévenu, soit parce qu’il y a un doute sur l’auteur des faits, soit parce que les faits ne sont pas établis, soit parce que les faits ne constituent pas précisément une infraction. Il faut que tous les éléments qui caractérisent l’infraction, tels qu’ils sont décrits dans le Code pénal, soient présents (art. 470 du CPP).

Il n’y a pas non plus de culpabilité dans un certain nombre de cas répertoriés par le Code pénal (art. 122-1
à 122-7 du CP) : en particulier les troubles psychiques avec «?abolition du discernement?» (uniquement reconnus par un psychiatre expert, art. 122-1 du CP), les agissements sous contrainte (art. 122-2 du CP), la légitime défense (art. 122-5 et 122-6 du CP), «?l’état de nécessité?» (voir l’art. 122-7 du CP pour les détails)… Ces cas sont admis de manière très restrictive.

De plus, «?il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre?» (art. 121-3 du CP).

Il y a des cas où la loi a prévu qu’une simple imprudence ou un manquement à une obligation de sécurité entraîne une responsabilité pénale.

Le prévenu non coupable peut néanmoins être responsable civilement. S’il en juge ainsi, le tribunal correctionnel peut donc n’infliger aucune peine mais fixer le montant des dommages et intérêts dus à la partie civile. Il peut aussi renvoyer l’affaire devant un tribunal civil (art. 470-1 du CPP).

Le jugement peut reconnaître le prévenu coupable, mais accorder une «?exemption?» de peine lorsque celle-ci est prévue par le Code : il s’agit en général de récompenser la délation.
Il est possible aussi d’accorder une «?dispense?» de peine, différente de l’exemption : la dispense de peine peut être accordée si «?le reclassement du coupable est acquis, le dommage causé est réparé et le trouble résultant de l’infraction a cessé?» (art. 132-59 du CP).

On est souvent poursuivi dans une seule et même procédure pour plusieurs infractions de même nature commises en même temps. Dans ce cas, lorsque plusieurs peines similaires sont encourues (par exemple la prison), il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature avec comme limite le maximum le plus élevé des différentes infractions. Par exemple, si on risque pour deux délits six mois de prison pour l’un, et un an pour l’autre, on pourra faire au maximum un an de prison, et non un an et demi. Chaque peine prononcée est considérée comme commune aux différentes infractions (art. 132-2 et 132-3 du CP).

Mais attention : dans certains cas, le fait de faire deux choses illégales en même temps ne signifie pas qu’on sera poursuivi pour deux infractions, mais éventuellement pour une seule, «?aggravée?» par la seconde : et là, le maximum des peines augmente. Par exemple, le vol simple est puni de trois ans de prison. Les violences simples (n’ayant pas entraîné une infirmité mais avec interruption temporaire de travail (ITT) de plus de huit jours) sont punies de trois ans de prison. Mais la violence est une circonstance aggravante du vol : un vol avec violence ayant entraîné une ITT de plus de huit jours est puni de sept ans de prison.

Pour chaque type de délit, une liste de «?circonstances aggravantes?» est définie par le Code pénal, ainsi que l’augmentation de la peine encourue.

Depuis le 31 décembre 2006, au moment du rendu du jugement, si le prévenu assiste à l’audience, le tribunal doit lui remettre une convocation devant le juge d’application des peines, en cas de peine de prison ferme inférieure ou égale à un an, ou devant le conseiller d’insertion et de probation, pour le sursis avec mise à l’épreuve, le sursis-TIG, et les TIG (travail d’intérêt général) (art. 474 du CPP, pour plus de détails voir ci-dessous).

Les peines

Les principes de l’application des peines

Le prononcé de la peine n’est pas la dernière étape du circuit judiciaire, mais un pas supplémentaire. La peine fixe en effet un cadre général, mais ce qui sera subi concrètement par le condamné n’est pas déterminé dans ses moindres détails : la peine peut être «?aménagée en cours d’exécution?» (art. 707 du CPP)

.Ces aménagements dépendent de «?l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné?», c’est-à-dire de sa soumission aux autorités et de sa condition sociale. L’aménagement des peines a aussi pour but de garder les condamnés sous le contrôle de la justice le plus longtemps possible : toute libération anticipée devrait en principe être accompagnée d’une forme de suivi judiciaire (art. 707 du CPP).

Les aménagements de peines «?non privatives de liberté?», comme l’amende ou le retrait de permis de conduire, peuvent être accordés pour des motifs médicaux, familiaux, professionnels ou sociaux par le parquet ou par le tribunal (art. 708 du CPP). Par exemple, la peine d’amende, de jour-amende ou de suspension de permis de conduire peut être fractionnée (art. 132-28 du CP).

Les aménagements de peines «?privatives de liberté?» dépendent du tribunal qui a prononcé la sentence ou de magistrats spécialisés, appelés «?juges de l’application des peines?» (JAP). Ces juges disposent d’un pouvoir considérable : de leurs décisions va dépendre le temps que le condamné va réellement passer en prison ou les modalités d’exécution des autres peines privatives de liberté. Suivant les cas, le JAP décide seul, ou en présidant une «?commission d’application des peines?», ou en formant avec deux autres juges un «?tribunal d’application des peines?». Les décisions des juges d’application des peines sont successibles d’appel dans un délai de 24 heures à dix jours suivant les cas (art. 712-1 à 712- 22 du CPP).

Le JAP est secondé par des conseillers d’insertion et de probation (CIP) : c’est à eux que les condamnés ont le plus souvent affaire, et leurs rapports destinés au JAP sont en général déterminants. Autant dire que l’opinion que le CIP se fait de la personnalité du condamné compte beaucoup dans les modalités réelles de la peine.

Pour ceux qui sont à l’extérieur, on peut développer différentes stratégies pour obtenir des modalités d’exécution de la peine en fournissant des attestations de travail ou de stage, de charges familiales, etc.

On peut toujours espérer que l’encombrement des services administratifs dans les grandes villes et en région parisienne empêche l’exécution de certaines peines, comme les travaux d’intérêts généraux : il arrive qu’il y ait beaucoup plus de condamnés que de places disponibles, et que certains ne reçoivent jamais leur affectation. Tout est question de chance et de situation locale.

Si la relation avec le CIP est ou devient difficile, et qu’on sent qu’on n’obtiendra pas ou plus grand-chose, on peut toujours «?officiellement?» déménager en changeant de département : le JAP compétent, qui est celui du domicile de la personne condamnée, peut alors transmettre le dossier (mais il n’est pas obligé de le faire) au JAP du tribunal proche du nouveau domicile (art. 712-10 du CPP). Le condamné dépendra alors d’un nouveau service d’insertion et de probation. Il ne faut pas «?disparaître?», mais déménager en signalant par écrit sa nouvelle adresse.

Le transfert administratif des dossiers est assez long, surtout dans les grandes villes, ce qui peut permettre de gagner du temps. Il n’y a rien d’illégal à déménager plusieurs fois de suite.

Pour ceux qui sont en détention, en revanche, il n’y a guère de marges de manœuvre : le JAP et le CIP vont s’inspirer des rapports des matons, et bien sûr le détenu ne «?déménage?» pas comme il le veut.

Les différents types de peine

Peine principale

Actuellement, pour chaque délit, le Code pénal prévoit une peine, appelée «?principale?», de prison, d’amende ou des deux, et fixe un maximum pour chacune de ces peines. Le tribunal ne peut pas donner davantage que le maximum prévu par le Code, mais il peut donner moins : à ce jour, il n’y a pas encore de limite minimale au temps d’emprisonnement et au montant de l’amende.

L’élément répressif central du système judiciaire français est la prison. Il existe beaucoup d’alternatives à la prison ou de possibilités de libération anticipée : mais la prison reste la menace permanente sauf pour les contraventions et les rares délits punis seulement d’une peine d’amende. Les peines qui peuvent remplacer la prison ou le sursis et l’ajournement sont utilisées par les tribunaux et les juges d’application des peines dans la perspective d’inspirer ou d’entretenir la peur de la prison, qu’on évite de peu ou qu’on garde comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête. La question complexe de l’exécution des peines de détention est traitée plus loin ( dans le paragraphe «?Exécution des peines de détention »).

L’amende est une somme d’argent à payer au Trésor public : il ne faut pas la confondre avec les dommages et intérêts qui ne sont pas une peine mais une «?réparation?» accordée à la partie civile, ni avec les «?frais de justice?» que le prévenu peut être condamné à rembourser à la partie civile.

C’est le Trésor public qui est chargé de recouvrer l’amende. En cas de paiement dans le mois qui suit la condamnation, l’amende est réduite de 20?% avec un maximum de réduction de 1?500 euros (art. 707-2 du CPP). Le Trésor public peut autoriser le condamné, en fonction de ses ressources, à payer en plusieurs fois tout en bénéficiant quand même de la réduction de 20?% (art. 707-4 du CPP).

En cas de non-paiement «?volontaire?» d’une amende prononcée pour un crime ou un délit pour lequel on encourait une peine de prison, le JAP peut ordonner une mesure de «?contrainte judiciaire?» : c’est-à-dire un emprisonnement d’une durée de vingt jours à trois mois suivant le montant de l’amende (art. 749 et 750 du CPP). Cette mesure ne peut pas être prise dans certains cas : mineurs, plus de 65 ans, mari et femme simultanément (art. 751 et 753 du CPP).

Le JAP peut «?décider d’accorder des délais de paiement au condamné si la situation personnelle de ce dernier le justifie?» (art. 754 du CPP). «?La contrainte judiciaire ne peut être prononcée contre les condamnés qui, par tout moyen, justifient de leur insolvabilité?» (art. 752 du CPP). On peut faire appel de la décision du JAP dans un délai de dix jours (art. 754 du CPP).

Peine complémentaire

Certains délits peuvent également être sanctionnés par des peines complémentaires qui peuvent s’ajouter à la peine principale ou la remplacer, suivant la décision du tribunal (art. 131-10 et 131-11 du CP). Dans chaque cas, le Code pénal prévoit quelle peine complémentaire est possible pour chaque crime ou délit.

Parmi ces peines complémentaires, certaines constituent ce qu’on appelle communément la «?double peine?» : c’est «?l’interdiction du territoire français?» qui peut être prononcée contre les étrangers (art. 131-30 du CP). Elle peut très bien s’effectuer sous la forme d’une reconduite à la frontière à la fin de la période de détention.

Une peine complémentaire pour certains crimes ou délits est ce qu’on appelle le «?suivi socio-judiciaire?», qui suppose un certain nombre d’obligations (comme celle de suivre un traitement médical) ou d’interdictions, et comporte un risque de prison si on ne s’y soumet pas (art. 131-36-1 à 131-36-8 du CP et 763-1 à 763-9 du CPP).

Le placement sous bracelet électronique mobile est réservé aux condamnés à plus de sept ans de prison ferme qui présentent une «?dangerosité?» particulière (art. 131-36-9 à 131-36-13 du CP). Il permet de s’assurer que certaines obligations du suivi socio-judiciaire, comme l’interdiction de fréquenter certains lieux, sont effectivement respectées.

Le suivi socio-judiciaire permet à la justice de prolonger le contrôle qu’elle exerce sur les condamnés bien au-delà de leur sortie de prison.

Autres peines correctionnelles

Bien que ce ne soit pas précisé à chaque fois dans le Code pénal, le tribunal correctionnel a toujours la possibilité de remplacer l’emprisonnement par d’autres peines : le travail d’intérêt général (TIG), la «?peine privative ou restrictive de droits?», les «?jours-amendes?» et le «?stage de citoyenneté?» (art. 131-5, 131-5-1, 131-6, et 131-8 du CP).

La Loi sur la prévention de la délinquance veut créer une peine nouvelle dite de «?sanction-réparation?». Cette peine sera détaillée dans les fiches d’actualisation de ce guide lorsqu’elle sera applicable.

Le tribunal peut également prononcer certaines de ces peines en plus de l’emprisonnement.
Pour les délits qui sont punis seulement d’une peine d’amende, le tribunal peut remplacer l’amende par une peine restrictive de droit (art. 131-7 du CP).

Le JAP peut aussi transformer une peine de prison ferme de moins de six mois en peine de jours-amendes ou en sursis-TIG (art. 132-57 du CP) et une peine de TIG en peine de jours-amendes (art. 733-1 du CPP).

En fonction de chaque délit, le Code pénal prévoit un temps maximum de prison et un montant maximum d’amende, mais il ne le fait pas pour les autres peines correctionnelles.

Ces peines semblent intéressantes puisqu’elles peuvent permettre d’éviter la prison. Pourtant, elles peuvent être contraignantes et ne sont pas l’objet de grâces, contrairement aux peines de prison ferme. De plus, il paraît de plus en plus difficile de ne pas les accomplir, car les lois récentes ont institué un dispositif contraignant pour veiller à leur exécution.

En effet, le tribunal peut décider d’une durée maximum d’emprisonnement et d’un montant maximum d’amende que le JAP sera autorisé à infliger au condamné si celui-ci ne respecte pas les obligations et les interdictions fixées par sa peine : le président en informe le condamné au moment du rendu du jugement (art. 131-9 du CP).

De plus, ne pas respecter certaines décisions de justice (par exemple, conduire après une annulation ou suspension de permis) est un délit puni de deux ans de prison et 30?000 euros d’amende (art. 434-41 du CP).

Le travail d’intérêt général

C’est un travail (non rémunéré) qui est censé, selon les parlementaires, «?ajouter aux vertus dissuasives de la peine les effets socialisants du travail?» : nettoyer des graffitis, jardiner, faire le larbin dans une administration… Les TIG sont à effectuer dans un délai fixé par le tribunal et qui ne peut dépasser les douze mois.

Les TIG sont d’une durée, fixée par le tribunal, comprise entre quarante et deux cent dix heures. Le type de travail, le lieu et l’emploi du temps des TIG sont choisis par le JAP : ce peut être une association agréée. Si le condamné a déjà un emploi, son temps de travail hebdomadaire en comptant les TIG ne peut excéder de douze heures la durée légale du travail (art. R131-25 du CP).

Avant de rendre le jugement, le président du tribunal doit demander au prévenu s’il accepte des TIG. Si le prévenu est absent à l’audience, il ne peut pas être condamné à des TIG (art. 131-8 du CP).

C’est une décision à laquelle il est préférable de réfléchir à l’avance. Refuser les TIG ne veut pas forcément dire aller en prison : souvent, mais pas toujours, le prévenu sans antécédents judiciaires qui a refusé les TIG sera condamné à du sursis. Cependant, quand on a déjà eu affaire à la police ou la justice, il peut être préférable de les accepter, même si accepter les TIG équivaut, d’une certaine manière, à reconnaître sa culpabilité.

Les peines restrictives de droits

Ces peines sont énumérées par le Code pénal (art. 131-6 du CP). On y trouve entre autres la suspension ou la suppression du permis de conduire, la confiscation de véhicules, l’interdiction d’émettre des chèques, l’interdiction professionnelle «?dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre une infraction?», l’interdiction de fréquenter certains lieux ou certaines personnes…

Le tribunal peut donner une ou plusieurs de ces peines à la place de la prison ou même à la place d’une amende quand seule celle-ci est prévue par le Code (art. 131-7 du CP).

Les jours-amendes

Le tribunal fixe un nombre de jours-amendes et un montant quotidien de l’amende : par exemple, 60 jours-amendes à 30 euros la journée (art. 131-5 du CP).

La somme totale de l’amende à payer est, dans cet exemple, égale à 60 fois 30, soit 1?800 euros. Cette amende est à payer à la fin du délai fixé par le nombre de jours-amendes infligés : 60 jours dans notre exemple.«?Le défaut total ou partiel de paiement de ce montant entraîne l’incarcération du condamné pour une durée qui correspond au nombre de jours-amendes impayés?» (art. 131-25 du CP), soit soixante jours dans notre exemple si la personne n’a rien payé.

Le montant quotidien de l’amende doit être fixé en fonction des ressources du prévenu et de ne pas dépasser
1?000 euros. Le nombre total de jours-amendes ne peut pas dépasser trois cent soixante (art. 131-5 du CP).

En cas d’emprisonnement prononcé en plus des jours-amendes, le délai de paiement n’est pas augmenté.
La peine de jours-amendes peut être fractionnée pour «?motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social?» (art. 132-28 du CP).

Stage de citoyenneté

Un stage, dont le montant peut être aux frais du condamné, a pour but de lui rappeler «?les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société?» (art. 131-5-1 du CP).

Comme pour les TIG, cette peine ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou qui est absent à l’audience.
La durée du stage ne peut excéder un mois au total, et pas plus de six heures par jours (art. R131-36 du CP).

Sursis et ajournement

L’exécution ou même le prononcé de la peine peuvent être suspendus : le condamné est sous la menace de cette peine, qui sera fonction de son comportement ou de ses actes à venir.

Sursis simple

Une peine avec sursis est une peine que l’on n’exécute pas tant que le sursis n’est pas révoqué (voir ci-après le paragraphe «?Révocation du sursis?»).

Le sursis simple est surtout prononcé pour les délinquants «?primaires?», c’est-à-dire ceux dont c’est la première condamnation.
Le sursis simple peut porter sur l’emprisonnement, l’amende, le jour-amende, certaines peines restrictives de droit et certaines peines complémentaires. Il ne peut porter sur les TIG (art. 132-31 du CP).

Il peut être total ou partiel : partiel en portant sur certaines peines et pas d’autres (exemple : prison avec sursis et amende sans sursis) ou au sein de la même peine (exemple : deux mois de prison ferme et trois avec sursis) (art. 132-31 du CP).

Le sursis ne peut pas être accordé pour une peine totale de prison de plus de cinq ans : «?totale?» signifie le cumul du ferme et du sursis (par exemple deux ans fermes et trois avec sursis, mais pas trois ans fermes et trois avec sursis) (art. 132-31 du CP).

Le sursis n’est pas toujours possible quand on a déjà été condamné auparavant. Si on a été condamné à une peine de prison (avec ou sans sursis), on ne peut plus avoir de sursis simple, mais on peut avoir une peine de sursis avec mise à l’épreuve (art. 132-30 du CP).

Si on a été condamné à une autre peine que la prison dans les cinq ans qui précèdent, on peut avoir du sursis pour la prison, mais pas pour d’autres peines (art. 132-31 du CP).

«?Révocation?» du sursis simple :

Lorsque le sursis est «?révoqué?», cela signifie que la peine prévue doit être exécutée.
Le sursis pour une peine de prison est automatiquement révoqué par une nouvelle condamnation à de la prison. Les deux peines ne peuvent pas se confondre (art. 132-36 et 132-38 du CP). La condamnation à une peine autre que la prison ne révoque pas le sursis d’une peine de prison (art. 132-36 du CP).

Cependant, il est possible d’échapper à la révocation du sursis. La juridiction qui prononce la nouvelle condamnation peut, par une décision spéciale et motivée, ordonner que le sursis ne soit pas révoqué ou qu’il ne soit révoqué que partiellement (art. 132-38 du CP). Le condamné peut aussi demander, après le jugement, à ce que son sursis ne soit pas révoqué (art. 735 du CPP).

Le sursis court pendant cinq ans à partir du jugement définitif (art. 132-35 du CP) mais il est suspendu pendant la durée de l’incarcération si une partie de la peine est ferme (Crim. 9 février 1988 : Bull. crim. no 65) : c’est-à-dire qu’il prendra effet à partir de la sortie de prison. Après ces cinq ans, on n’est plus menacé de devoir exécuter la peine avec sursis.

Sursis avec mise à l’épreuve et sursis avec TIG

Ce type de condamnation vise à forcer le condamné à avoir une attitude ou une activité particulière, sous la menace directe de la prison s’il ne s’y soumet pas.

C’est déjà plus que l’«?avertissement?» du sursis simple : le contrôle, exercé par le conseiller d’insertion et de probation (CIP), porte sur les aspects les plus divers de la vie (résidence, fréquentations, activités, santé, etc.). C’est une peine à part entière.

En 2003, les convocations devant le CIP ne se faisaient qu’une fois tous les quatre mois en moyenne.

Sursis avec mise à l’épreuve

Le sursis avec mise à l’épreuve ne concerne que l’emprisonnement à condition que la peine ne dépasse pas cinq ans, ou dix ans en cas de récidive (art. 132-41 du CP).

Le sursis peut être révoqué non seulement par une nouvelle condamnation de la personne, mais aussi en cas de «?manquement aux mesures de contrôle et aux obligations particulières qui lui sont imposées?» (art. 132-40 du CP).
Le délai d’épreuve est compris entre douze mois et trois ans, mais peut monter jusqu’à cinq ou sept ans pour un récidiviste (art. 132-42 du CP).

En cas de récidive, il y a des cas où le sursis avec mise à l’épreuve ne peut être prononcé. (art. 132-41 du CP).

Le «?contrôle?» est exercé par le CIP, qui surveille les moyens d’existence, la résidence, les déplacements à l’étranger ou de plus de quinze jours, etc. (art. 132-44 du CP). Quant aux obligations, elles sont fixées lors de la condamnation ou par le JAP (art. 739 du CPP). Elles peuvent être de toute nature : obligation de formation ou de travail, obligation de soins, ne pas se livrer à certaines activités, interdiction de paraître dans certains lieux, etc. La liste est longue (art. 132-45 du CP).

La justice peut être paternaliste en prévoyant une «?aide?» matérielle pour «?seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social…?» (art. 132-46 du CP).
Dans les faits, il suffit souvent de répondre aux convocations, de montrer qu’on cherche du travail, d’insister sur ses problèmes financiers… Il faut impérativement se rendre aux convocations ou téléphoner pour s’excuser si on ne peut pas.

Révocation du sursis avec mise à l’épreuve

En cas de nouvelle infraction, le sursis avec mise à l’épreuve peut être révoqué (voir les art. 132-47 à 132-51 du CP).
Si le condamné ne satisfait pas aux obligations de la mise à l’épreuve, le JAP peut décider de prolonger le délai d’épreuve ou de révoquer totalement ou partiel-lement le sursis (art. 742 du CPP).

Au bout d’un an de délai, si la conduite du condamné a été considérée comme bonne, le JAP peut mettre fin à la mise à l’épreuve (art. 744 du CPP).

Sursis avec travaux d’intérêt général

Le sursis avec TIG suit la même logique que le sursis avec mise à l’épreuve, mais les obligations sont remplacées par un TIG de 40 à 210 heures (voir plus haut «?Le sursis avec mise à l’épreuve?»). Le contrôle est exercé comme pour la mise à l’épreuve, et la révocation suit la même règle. Comme pour les autres TIG, cette peine ne peut être infligée sans l’accord du prévenu (art. 132-54 à 132-56 du CP).

Ajournement de la peine

L’ajournement de la peine consiste, pour le tribunal, à déclarer le prévenu coupable sans fixer immédiatement la peine. Le prévenu doit être présent à l’audience pour qu’un ajournement soit possible. Le tribunal annonce la date de l’audience où sera prononcée la peine : le délai ne peut pas être de plus d’un an. Un ajournement peut être renouvelé (art. 132-60 du CP).

L’ajournement peut être assorti de la mise à l’épreuve : le principe est le même que pour le sursis avec mise à l’épreuve et la peine dépend, bien entendu, de l’attitude du condamné (art. 132-63 à 132-65 du CP).

L’ajournement avec injonction oblige le condamné à se soumettre à une loi, un règlement, une décision. (art. 132-66 à 132-70 du CP). La crainte de la peine qui sera prononcée à l’issue du délai de l’ajournement doit servir à soumettre le condamné.
Sur le cas particulier de l’appel en cas d’ajournement, voir dans le chapitre 10 «?L’appel du prévenu?»,

Aggravation des peines par la récidive

En cas de récidive, le maximum des peines encouru pour chaque délit est doublé. Ainsi, le tribunal correctionnel, qui peut infliger une peine de prison maximale de dix ans, peut donner vingt ans en cas de récidive.

En matière correctionnelle, la récidive est le fait, après avoir été condamné définitivement pour un délit, de commettre le même délit ou un «?délit assimilé?» dans les cinq ans qui suivent l’exécution de la précédente peine (art. 132-10 du CP).

Mais si le délit pour lequel on a été condamné était punissable de dix ans de prison :
dans les cinq ans qui suivent l’exécution de la peine, il y a récidive si on commet n’importe quel délit punissable de plus d’un an de prison?; dans les dix ans qui suivent l’exécution de la peine, il y a récidive quand on commet n’importe quel délit punissable de dix ans de prison (art. 132-9 du CP).

Exécution des peines de détention

Confusion des peines

Quand on est poursuivi pour des infractions différentes dans des procédures séparées, les peines prononcées s’exécutent «?cumulativement?», c’est-à-dire que les peines de prison s’additionnent (trois ans + deux ans = cinq ans). Cela est automatique si, alors qu’on a déjà été définitivement condamné, on est poursuivi dans une nouvelle procédure : on dit alors qu’il y a «?réitération d’infraction?» (art. 132-16-7 du CP).

Cependant, quand la nouvelle procédure débute alors que la première n’a pas encore abouti à une condamnation définitive, la dernière juridiction qui se prononce peut décider de la «?confusion des peines?», totale ou partielle (art. 132-4 du CP). Dans ce cas, les deux peines s’exécutent en même temps (trois ans + deux ans = trois ans dans le cas d’une confusion totale des deux peines). On est dans le cas du «?concours d’infraction?»

.La confusion des peines peut aussi être demandée après le dernier procès en faisant un recours devant le tribunal qui a prononcé la sentence (art. 710 du CPP).

Manière d’exécuter la peine

Suivant les cas, soit le tribunal soit le JAP peut fixer certaines modalit és d’exécution des peines de lui-même ou à la demande du condamné (voir les art. 723-1 à 723-13 du CPP).

Fractionnement de la peine

La peine peut être fractionnée pour des motifs «?graves?» (médicaux, familiaux, professionnels ou sociaux). La peine de prison, qui ne doit pas être supérieure à un an, peut être exécutée par périodes sur une durée de trois ans (art. 132-27 du CP).

Semi-liberté et placement à l’extérieur

Pour une peine de prison inférieure à un an, le condamné peut se voir accorder la semi-liberté ou le placement à l’extérieur pour des motifs professionnels, d’études et de formation, familiaux ou médicaux. En semi-liberté, le détenu sort de la prison seulement pour assurer ses obligations extérieures (art. 132-25 et 132-26 du CP). C’est le JAP qui détermine les horaires et les jours précis de l’emprisonnement.

Le prisonnier en placement à l’extérieur est «?employé en dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l’administration?» (art. 132-26 du CP).
Le bénéfice de la semi-liberté ou de placement à l’extérieur peut lui être retiré par le JAP, entre autres, si «?le condamné ne satisfait pas aux obligations qui lui sont imposées ou s’il fait preuve de mauvaise conduite?» (art. 723-2 du CPP).

Bracelet électronique

Dans les mêmes cas que pour la semi-liberté et le placement à l’extérieur, le condamné peut être placé sous surveillance électronique (art. 132-26-1 du CP).

Le détenu ne peut sortir de son domicile en dehors des heures fixées par le JAP (art. 132-26-2 du CP). L’accord du prévenu est obligatoire (art. 123-26-1 du CP).

Le placement sous bracelet électronique peut être interrompu par le JAP pour différentes raisons, comme «?l’inconduite notoire?» du condamné (art. 723-13 du CPP).

L’incarcération

Le prévenu qui comparaît alors qu’il est déjà emprisonné accomplit sa peine de prison ferme dans la foulée : la décision du tribunal de le maintenir en détention est quasi automatique même si la loi exige une décision «?spéciale et motivée?» (art. 464-1 du CPP).

Pour les prévenus libres, deux cas de figure se présentent : ils peuvent être arrêtés à l’audience, ou laissés libres.

Prévenu arrêté à la barre

Le prévenu peut être arrêté à l’audience dans trois cas :

lorsqu’il est condamné à une peine de prison ferme d’au moins un an (art. 465 du CPP)?;

quand il y a récidive, quelle que soit la durée de la peine prononcée (art. 465-1 du CPP)?;

quelle que soit la peine de prison ferme à laquelle il est condamné s’il est dans une procédure de comparution immédiate et qu’il a bénéficié d’un report (art. 397-4 du CPP).

Dans ces cas, si le prévenu est absent au moment du rendu du jugement, le tribunal peut délivrer un mandat d’arrêt.

Prévenu laissé libre à la barre

Si le prévenu n’a pas été arrêté à l’audience, et qu’il n’y a pas de mandat d’arrêt, la peine de prison ferme n’est exécutée que lorsque le jugement est devenu définitif, c’est-à-dire à l’expiration des délais d’appel (voir chapitre 10, «?L’appel?»).

En cas de peine de prison ferme inférieure ou égale à un an, depuis le 31 décembre 2006, le parquet a l’obligation de remettre directement au condamné présent à l’issue de l’audience une convocation chez le juge d’application des peines (JAP) dans un délai de dix à trente jours après le rendu (art. 474 et D48-2 du CPP).

C’est lui qui doit déterminer les modalités d’exécution de la peine «?en considération de la situation personnelle?» du condamné (art. 723-15 du CPP). Le JAP peut accorder des mesures comme le placement à l’extérieur, la semi-liberté, le bracelet électronique ou le fractionnement de la peine d’emprisonnement, et il peut aussi transformer une peine de prison ferme de moins de six mois en peine de jours-amendes ou en sursis-TIG.

Si le condamné ne se rend pas à la convocation du JAP, le parquet peut fixer une date d’incarcération. Si le condamné se rend à la convocation mais refuse une mesure d’aménagement de la peine proposée par le JAP, celui-ci peut fixer une date d’incarcération (art. 723-15 du CPP).

Si le condamné se fait à nouveau remarquer par la police ou la justice, le parquet peut décider de son incarcération sans le faire passer devant le JAP (art. 723-16 du CPP).

Si, au bout d’un an, la peine n’a pas été mise à exécution, le condamné peut demander à voir le JAP pour bénéficier d’une mesure d’aménagement de la peine même si cela lui avait été refusé auparavant. En attendant la décision du JAP, le parquet ne peut pas le faire incarcérer (art. 723-17 du CPP).

Les grâces présidentielles

La grâce est un droit régalien détenu par le président de la République, qui peut dispenser d’exécuter n’importe quelle peine à partir du moment où la condamnation est définitive (art. 133-7 du CP). La grâce ne concerne pas les dommages et intérêts (art. 133-8 du CP).

Traditionnellement, tous les 14 juillet, le président de la République accorde une grâce générale, qui permet de désengorger les prisons.

Chaque année, le Président choisit d’exclure de la grâce un certain nombre de délits : d’une année sur l’autre, il peut très bien modifier cette liste à son gré, mais, quasi systématiquement, ne sont pas graciées les affaires de stups, de terrorisme et les violences sur personnes dépositaires de la force publique.

L’intitulé précis du délit pour lequel on a été condamné est donc déterminant pour l’obtention ou non d’une grâce.

Pour la première fois, le 14 juillet 2006, les peines de prison ferme définitives pour lesquelles le condamné n’est pas encore emprisonné ont été exclues de la grâce.

La possibilité de voir les courtes peines de prison purement et simplement graciées avant d’avoir été effectuées a disparu. Jusque-là, le condamné qui n’avait pas été arrêté à la barre avait intérêt à repousser le plus possible la date de son incarcération pour bénéficier au maximum d’une grâce, en jouant sur l’encombrement des services judiciaires, en déménageant plusieurs fois, etc.

On peut supposer qu’il en sera ainsi pour les grâces présidentielles futures. La logique de la réforme de l’application des peines introduite par la Loi Perben II est d’éviter d’avoir à désengorger les prisons en utilisant la grâce présidentielle : la multiplication des peines de substitution à la prison a pour but de s’assurer que toute condamnation sera exécutée tout en tenant compte des contraintes que pose la surpopulation carcérale.

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10- L'appel

L’appel, c’est le fait de rejuger à la demande d’une des parties qui n’est pas «satisfaite» du résultat. Un procès d’appel se déroule à peu près comme un procès de première instance, devant une cour d’appel, si ce n’est que les notes d’audience du premier jugement sont relues et qu’il est difficile de revenir sur ce qu’on a dit tel que cela a été noté.
La cour d’appel a tendance à alourdir les peines afin de dissuader d’engorger les tribunaux et par solidarité avec les collègues de première instance. En règle générale, on fait appel quand on a pris le maximum ou quand on peut apporter des éléments nouveaux (le tribunal de première instance n’en ayant pas eu connaissance, la cour d’appel n’a pas à le déjuger).

Qui peut faire appel ? (art. 497 du CPP)

- le prévenu;

- la partie civile;

- la personne civilement responsable;

- le procureur de la République;

- le procureur général près la cour d’appel.

Les délais

Le délai d’appel se compte à partir de la date de la «signification du jugement». C’est le moment où le prévenu ou la partie civile en a officiellement connaissance, c’est-à-dire à l’audience où le jugement est rendu, sauf si le prévenu a été jugé en son absence (voir «Ne pas assister à l’audience», chapitre 8) (art. 498 et 499 du CPP). Dans ce cas, la signification peut être faite, comme la citation, par exemple par un huissier (art. 550 du CPP), ou par un autre moyen «quel qu’en soit le mode», par exemple quand on est informé par les flics (art. 499 du CPP).
Le délai d’appel est de dix jours sauf pour l’appel du jugement qui place le prévenu en détention provisoire, qui est de vingt-quatre heures (voir «Recours contre la détention provisoire», chapitre 7 ).
En cas d’appel d’une des parties, les autres ont alors un délai supplémentaire de cinq jours pour elles aussi faire appel (art. 500 du CPP).
À compter de l’appel, le prévenu ou la partie civile ont un mois pour se désister, c’est-à-dire pour renoncer à leur appel.

L’appel du parquet

Le procureur de la République peut faire appel dans les dix jours, mais son supérieur, le procureur général, dispose lui de deux mois.
Le parquet ne peut faire appel que sur la peine, et non sur les dommages et intérêts. En cas d’appel du parquet, la cour d’appel peut aggraver ou réduire la peine du prévenu (art. 515 du CPP).

L’appel de la partie civile et de la «personne civilement responsable»

La partie civile ne peut faire appel que sur les dommages et intérêts. Elle ne peut pas demander davantage en appel que ce qu’elle avait demandé en première instance, sauf pour un éventuel préjudice causé pendant la période entre le jugement et l’appel (art. 515 du CPP).
Si la partie civile fait appel d’un jugement où le prévenu a été acquitté, et qu’il n’y a pas d’appel du parquet, le prévenu ne peut pas être condamné à une peine en appel. La cour d’appel jugera seulement de la responsabilité civile du prévenu.
La «personne civilement responsable» ne peut également faire appel que sur les dommages et intérêts qu’elle est condamnée à payer, et non sur la peine de l’accusé.

L’appel du prévenu

Le prévenu fait appel de sa peine et des dommages et intérêts. Il peut cependant choisir de ne faire appel que de l’un ou de l’autre, à condition de le préciser.
L’appel est individuel. Quand il y a plusieurs prévenus, ne sont rejugés que ceux qui ont fait appel (sauf si, entre-temps, le parquet a fait appel contre tous les prévenus).
Si la peine a été ajournée (voir «Ajournement de la peine», chapitre 9), le prévenu doit faire appel dans les dix jours s’il veut contester sa culpabilité. S’il ne le fait pas et attend le prononcé de la peine pour faire appel, il ne pourra contester que la sévérité de la peine, mais pas le fait d’être coupable (Crim. 2 janvier 1980: Bull Crim n°2).
Le prévenu non détenu (comme la partie civile) fait appel en s’adressant au greffe du tribunal soit personnellement, soit par son avocat. Le prévenu détenu fait appel auprès du directeur de la prison (art. 502 et 503 du CPP).
L’appel suspend l’exécution du jugement mais pas la détention, si celle-ci a été ordonnée par le tribunal du premier jugement (voir «Le rendu du jugement», chapitre 9) Le prévenu, s’il y a un appel, se trouve en fait encore en détention provisoire : celle-ci ne peut toutefois pas excéder la durée de la peine à laquelle il a été condamné par le premier jugement (art. 471 du CPP). Comme le détenu est considéré comme étant toujours en détention provisoire, il est possible de faire une demande de mise en liberté, qui sera examinée dans un délai de deux mois par la cour d’appel (art. 148-2 du CPP).
En revanche, si le prévenu n’est pas détenu, sa peine sera suspendue jusqu’à la fin de l’appel.
La cour ne peut «aggraver le sort» du prévenu s’il est seul à faire appel (art. 515 du CPP). Mais, bien entendu, si le prévenu fait appel, le parquet peut lui aussi faire appel, et le prévenu risque alors quand même une peine supérieure.

L’appel incident

Si une partie a fait appel, une autre partie peut déclarer que l’appel qu’elle forme à la suite est «incident» : le désistement de l’appel principal annule automatiquement l’appel incident. L’appel incident sert à faire prendre un risque à celui qui demande l’appel, risque qu’il peut éviter en renonçant à l’appel.
Par exemple, si la partie civile fait appel, le prévenu peut former un appel incident limité à sa responsabilité civile. La partie civile sait que si, dans un délai d’un mois, elle renonce à son appel, l’appel du prévenu sera automatiquement annulé.
On comprend donc que, quand une des parties fait appel, les autres ont un intérêt quasi automatique à le faire aussi.

La cassation

La cassation est un appel qui ne porte que sur la façon dont est appliquée la loi (c’est-à-dire la procédure et l’interprétation du droit). Elle se fait, après le jugement en appel, devant une instance spéciale, la Cour de cassation.

11- Le casier judiciaire

Le casier judiciaire est un dossier nominatif qui recense les condamnations pénales définitives d’une personne (pour crime, délit ou pour certaines contraventions). Certaines condamnations à l’étranger, lorsqu’il existe des accords internationaux avec la France, y sont répertoriées. Il enregistre les « incapacités », c’est-à-dire les interdictions d’exercer certaines fonctions ou la privation de certains droits ainsi que les mandats d’arrêt et avis de recherche et les arrêtés d’expulsion pris contre les étrangers.

Seules les condamnations définitives sont portées sur le casier judiciaire. À cause des pesanteurs bureaucratiques, les délais d’inscription peuvent être lents : en 2001, par exemple, il s’écoulait en moyenne sept mois entre la date de la condamnation devant le tribunal correctionnel et son inscription au casier. Un tribunal peut donc ne pas être au courant d’une condamnation récente.

Destiné à : Contient:
Bulletin n° 1 intégral (B1)
Il a pour d’objet d’informer les magistrats dans le cadre des procédures judiciaires.(condamnations antérieures, sursis, bref le « pedigree » de la personne concernée...)


Réservé aux autorités judiciaires Toutes les informations contenues dans le casier judiciaire
Bulletin n° 2 (B2)

Il sert à limiter l’accès à certaines fonctions, emplois ou distinctions, à encadrer l’exercice de certains droits, etc. Délivré directement aux administrations publiques, collectivités locales, certaines autorités et entreprises publiques... La longue liste des destinataires potentiels du B2 est détaillée dans les art. 776 et R79 du CPP Le B2 reprend seulement une partie des informations du B1. En effet, n’y figurent pas certaines condamnations :
– soit parce qu’elles n’y sont jamais inscrites par nature (exemple : les peines pour mineurs) ;
– soit parce qu’il a été décidé qu’elles n’y seraient pas inscrites (voir ci-dessous) ;
– soit, pour les condamnations avec sursis, à partir du moment ou le sursis ne peut plus être révoqué (voir «Sursis et ajournement» chapitre 9)Bulletin n° 3 (B3)
Il sert à attester de l’absence de condamnation grave.
Délivré uniquement à la personne qu’il concerne, qui peut ensuite le fournir à ceux qui le lui demandent (employeurs, etc.) On n’y trouve que :
– les peines de prison ferme de plus de 2 ans (tant qu’elles restent inscrites au B2) ;
– les peines de prison inférieures à deux ans mais dont le tribunal a décidé l’inscription au B3 (rare) ;
– les interdictions et déchéances pendant la période où elles s’appliquent.

Le bulletin no 3, qui peut être exigé par un employeur, exclut donc la plupart du temps les petites peines de prison. Le fait d’avoir un bulletin no 3 vierge ne signifie donc pas du tout que la personne «n’a pas de casier».

Des condamnations sont effacées du casier judiciaire, y compris du bulletin n° 1, au bout d’un certain temps. La future Loi sur la prévention de la délinquance a cependant prévu de supprimer cet effacement.
La «réhabilitation» entraîne l’effacement de la condamnation (art. 769 du CPP). Une personne peut être réhabilitée soit automatiquement (on parle de «réhabilitation légale») soit parce qu’elle en a fait la demande («réhabilitation judiciaire»). La réhabilitation légale concerne les peines sans sursis et, pour les peines d’emprisonnement, celles inférieures à dix ans. Elle ne peut avoir lieu, suivant les cas, qu’entre trois et dix ans après l’exécution de la peine, et à la condition qu’il n’y ait eu aucune autre condamnation entre-temps (art. 133-12 à 133-17 du CP). La réhabilitation judiciaire concerne les peines de réclusion criminelle et les condamnations multiples dont le total dépasse cinq ans de prison : elle doit suivre une procédure précise (art. 785 à 798 du CPP).
Les condamnations avec sursis sont effacées dans un délai de trois à dix ans après le moment où le sursis ne peut plus être révoqué.
Enfin, les condamnations qui n’ont pas fait l’objet d’une réhabilitation sont effacées quarante ans après leur prononcé, à condition qu’il n’y ait pas eu la moindre nouvelle condamnation entre-temps.

Demande de non-inscription au bulletin no 2 (art 775-1 du CPP)

Le tribunal peut décider de la non-inscription d’une peine qu’il prononce au bulletin no 2 : cela peut être important pour certains types de travail (par exemple, pour les fonctionnaires) ou d’activité (par exemple, inscrip-
tion au registre du commerce), et il est donc important que l’avocat en fasse la demande au moment du procès.
Une fois la condamnation prononcée, cette demande peut également être faite après un délai de six mois, devant le tribunal où a eu lieu le procès (art. 702-1 du CPP).

Accès au casier judiciaire

Toute personne peut avoir accès à son casier judiciaire.
Pour obtenir un «extrait de casier judiciaire», qui est une copie du bulletin no 3, il suffit d’en faire la demande et le bulletin est expédié gratuitement à la personne concernée par la poste. Le plus simple est d’écrire aux services du casier judiciaire ou de se connecter à l’adresse suivante pour une demande en ligne.

Casier judiciaire national
44079 Nantes cedex
France

http://www.justice.gouv.fr/vosdroit/cerfa1.htm

Il est possible d’obtenir la lecture de son casier judiciaire intégral, mais non une copie écrite. Il faut s’adresser au procureur du tribunal de grande instance de son lieu d’habitation (ou l’agent diplomatique compétent si on habite à l’étranger), qui recevra la personne seule ou accompagnée d’un avocat dans les locaux du tribunal et lui lira les informations contenues sur les différents bulletins. Il n’est pas possible de se faire communiquer le casier judiciaire de quelqu’un d’autre, ou de déléguer quelqu’un pour obtenir le sien : il faut se présenter en personne devant le procureur.

Les autres types de fichier
Il existe de nombreux fichiers de police ou de justice, et il est trop long de tous les détailler ici. Il ne sera question que des principaux : le STIC-JUDEX, le FAED et le FNAEG.

Le Système de traitement des infractions constatées (décret no 2001-583 du 5 juillet 2001)

Le fichier STIC a pour but de collecter et de rassembler tous les renseignements sur les infractions, les victimes, les mis en cause, les modes opératoires et les objets volés ou utilisés. Quelqu’un qui a seulement été entendu comme témoin ou qui a été suspecté mais jamais poursuivi se retrouve dans ce fichier.

Le STIC est un fichier national : il est alimenté par les procédures lancées dans toute la France. Il est consultable par tous les services d’enquête : police, gendarmerie, douanes, parquet et juridictions d’instruction.

Les informations nominatives sur les mis en cause sont conservées vingt ans. Ce délai peut descendre à cinq ans pour certaines infractions mineures, et monter à quarante ans pour un grand nombre de crimes et délits. Les informations concernant les personnes mineures sont gardées cinq, dix ou vingt ans (art. 7 du décret). Les données concernant les victimes sont conservées quinze ans prolongeables. Les victimes, en s’adressant au procureur, peuvent s’opposer au maintien des informations les concernant après que l’auteur de l’infraction a été définitivement condamné (art. 9 du décret)

Le procureur est chargé de contrôler le fichier et de transmettre les informations judiciaires pour sa mise à jour : condamnation, relaxe, non-lieu ou absence de poursuites. En cas d’acquittement ou de relaxe, les données nominatives doivent être effacées. En revanche, en cas de non-lieu ou absence de poursuite, les informations nominatives sont conservées sauf si le procureur décide de les faire effacer.

Dans tous les cas, la personne peut s’adresser au procureur, directement ou par l’intermédiaire de la Commission nationale Informatique et Liberté, pour s’assurer d’une actualisation du fichier (art. 3 du décret). Elle peut également lui demander un effacement en cas de non-lieu ou d’absence de poursuites : mais il n’est pas obligé d’accepter. Selon la presse, il y a beaucoup de retards et d’erreurs dans la mise à jour du fichier, il est donc important de s’en préoccuper.

Le STIC comprend aussi un répertoire photogra-hique avec diverses informations permettant l’identification des personnes (tatouages, etc.).

Le JUDEX est un fichier similaire au STIC, mais utilisé par la gendarmerie.

Le Fichier automatisé des empreintes digitales (décret no 87-249 du 8 avril 1987)

Le fichier FAED est composé de deux parties : l’une regroupe les traces relevées au cours des enquêtes, l’autre est constituée par le relevé des empreintes des dix doigts des personnes fichées.

Se trouvent dans le fichier :
- les personnes identifiées contre lesquelles des «indices graves et concordants» ont été réunis, quel que soit le type d’enquête;
- les personnes «mises en cause dans une procédure pénale dont l’identification certaine s’avère nécessaire»;
- les détenus qui font l’objet d’une procédure pour crime ou délit.

On y trouve également des traces et des empreintes transmises par les services de police étrangers.

Les informations recueillies dans le fichier sont conservées pendant vingt-cinq ans.

Est-on dans l’obligation de donner ses empreintes digitales? Voir «Empreintes digitales et photos», chapitre 5

Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (art. 706-54 et 706-55 du CPP)

Les infractions concernées

Créé à l’origine soi-disant pour ne traiter que des crimes sexuels, le FNAEG s’est très rapidement étendu, au fil des lois sécuritaires, à tous les types d’infraction.

Sont conservées dans le fichier les empreintes géné-tiques des personnes condamnées ou simplement soupçonnées des crimes ou délits suivants (art. 706-55 du CPP) :
- des infractions de nature sexuelles;
- des crimes et délits d’atteinte aux personnes : cela va du crime contre l’humanité aux violences volontaires ou même aux simples menaces de violence… On y trouve aussi le trafic de stupéfiants, le proxénétisme, etc.
- le vol, l’extorsion, l’escroquerie, la destruction, la dégradation, la détérioration et la menace d’atteinte aux biens. Il est à noter que le vol simple (art. 311-1 du CP) fait partie de la liste, comme la simple dégradation (casser une vitrine, faire un tag) ou la «menace» de dégradation;
- terrorisme, fausse monnaie, association de malfaiteurs;
- la détention d’arme;
- le recel.

Des délits extrêmement courants comme les menaces, les dégradations, les violences volontaires, tous les types de vol ou le recel sont donc visés par le fichier.

Si la personne dont on a pris l’ADN est suspectée d’un crime ou d’un délit qui n’est pas mentionné dans la liste ci-dessus, la trace est seulement comparée mais n’est pas conservée dans le fichier.

Dans tous les cas, c’est un délit que de refuser de donner son empreinte (voir «Empreintes génétiques», chapitre 5).

En cas de recherche des causes «d’une disparition inquiétante ou suspecte», l’ADN des descendants ou ascendants d’une personne peut être prélevé avec leur consentement recueilli sur procès-verbal et inscrit au fichier (art. R53-10 du CPP).

Comment faire effacer son empreinte du fichier

Les empreintes sont introduites dans le fichier sur la simple décision des flics : le procureur peut les faire effacer lorsque «leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier» (art. 706-54 du CPP). Cette formulation très vague se garde bien d’affirmer qu’il faut automatiquement effacer l’empreinte d’une personne qui a été suspectée mais qui n’a finalement pas été condamnée. Le but du FNAEG est de ficher le maximum d’individus en conservant les empreintes de personnes pourtant considérées comme innocentes par la justice parce qu’elles ont bénéficié d’une relaxe, d’un acquittement, d’un non-lieu ou de l’abandon des poursuites.

Les empreintes sont conservées quarante ans dans le fichier. Pour les personnes qui ont seulement été suspectées, la conservation de la fiche ne peut excéder vingt-cinq ans, sauf si la justice considère qu’ils souffrent de troubles mentaux, auquel cas leur fiche est quand même conservée quarante ans (art. R53-14 du CPP).
Il est quand même possible d’essayer de faire effacer sa fiche avant la fin de ces délais extrêmement longs. Il faut en faire la demande auprès du procureur de la République compétent, ou auprès de celui du lieu du domicile qui la transmettra. La demande doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par déclaration au greffe : le procureur de la République dispose de trois mois pour répondre (art. R53-13-1 et R53-13-2 du CPP).

Le procureur est tenu d’effacer la fiche de celui qui le demande quand son ADN a été recueilli avec son consentement parce qu’il est parent d’une personne disparue (cas évoqué ci-dessus). Dans tous les autres cas, le procureur décidera s’il faut effacer ou non la fiche.

En cas de refus du procureur, ou d’absence de réponse au bout des trois mois de délai, la personne a dix jours pour saisir le juge des libertés et de la détention par lettre recommandée avec accusé de réception ou par déclaration au greffe (art. R53-13-2 du CPP). Celui-ci dispose de deux mois pour décider : il rend publique sa décision en prenant une «ordonnance», laquelle est transmise à l’intéressé par le biais du procureur (art. R53-13-3 du CPP).

Si cette ordonnance refuse l’effacement du fichier, ou si le juge des libertés n’a pas rendu sa décision au bout du délai des deux mois, la personne dispose de dix jours pour saisir le «président de la chambre d’instruction» par lettre recommandée avec accusé de réception ou par déclaration au greffe (art. R53-13-4 du CPP).

Si l’ordonnance du juge des libertés demande l’effacement du fichier, le procureur peut lui aussi, dans un délai de dix jours, la contester devant le président de la chambre de l’instruction. Cette contestation suspend l’exécution de la décision (art. R53-13-5 du CPP).

Le président de la chambre de l’instruction dispose alors de trois mois pour décider, au final, si la fiche sera effacée ou non. S’il y a une irrégularité dans cette procédure, le pourvoi en cassation est possible.

Cette très longue procédure peut donc prendre de huit à neuf mois, pour qu’au bout du compte l’effacement du fichier soit éventuellement refusé sur des critères que les magistrats sont libres de choisir comme ils le veulent. Bref, toute personne inscrite dans le FNAEG devient une sorte de suspect permanent..

Conclusion

Le tout-sécuritaire est devenu une idéologie mondiale qui dépasse les clivages politiques. Toutes les «démocraties» durcissent leur droit pénal. En France, la surenchère entre la gauche et la droite permet d’étendre toujours plus loin le champ d’application des lois répressives et les entorses aux soi-disant principes constitutionnels de présomption d’innocence ou d’impartialité des procès. La Loi sur la sécurité quotidienne, adoptée par la «gauche plurielle», était une «loi d’exception» : son application devait être limitée dans le temps. Elle a été, ensuite, prolongée par le gouvernement de droite. Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques était censé ne concerner que les crimes sexuels : il recense finalement les délits de vol simple, les menaces, les dégradations (tags), etc. Menée au nom de la «lutte contre la délinquance», la politique du tout-sécuritaire ne fait pourtant qu’en créer davantage puisqu’elle institue sans cesse de nouveaux délits pour criminaliser des comportements considérés comme «asociaux».

La loi prétend fixer une norme, et le droit garantir l’égalité entre les citoyens. La réalité de la pratique répressive est tout à l’opposé : elle est celle d’un traitement différencié suivant l’origine du prévenu. Ce peut être l’impunité de fait ou de droit reconnue à quelques-uns (ce qui est assez voyant quand, en Italie ou en France, se faire élire est la meilleure solution pour échapper aux juges), c’est beaucoup plus encore des lois, des usages, des jugements qui répriment en priorité les pratiques jugées dangereuses pour la survie de la société telle qu’elle est.

Il ne s’agit pas de l’application viciée d’un principe qui serait bon en lui-même. Quand des profils sociaux sont visés explicitement (jeunes des cages d’escalier, fraudeurs de trains, mendiants…), c’est avec des moyens dont certains sont légaux et d’autres non : du discours policé du juge à la matraque du keuf, il n’y a qu’une différence de style, pas de fond. En ce sens, la « bavure » policière n’existe pas, la violence et l’arbitraire du pouvoir hors de la norme prétendument fixée par la loi étant de toute manière un élément nécessaire au maintien de l’État. La justice est une justice de classe parce que la société est une société de classe, sans qu’aucune réforme fondée sur un prétendu respect généralisé du droit ne puisse jamais rien y changer.

Ce guide n’imagine donc pas que la procédure pénale soit une «garantie» pour ceux et celles qui se sont fait arrêter. Mais si la machine répressive est arbitraire, elle doit pourtant agir au nom du droit : connaître celui-ci, c’est apprendre la langue de son ennemi, c’est décrypter son idéologie pour pouvoir se repérer dans les méandres de ses dispositifs de répression. Il devient parfois possible d’échapper aux pièges les plus grossiers et d’user de tous les moyens, même légaux, pour s’en sortir «au mieux». Nous avons bien conscience que la succession de plus en plus rapide des lois répressives rend l’idée de «s’en sortir au mieux» quelque peu illusoire. Il s’agit plutôt de limiter les dégâts et, autant que possible, de ne pas se sentir totalement dépassé par le fonctionnement de la machine judiciaire.

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Version actualisée de février 2007
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Face à la police / Face à la justice est un livre paru aux éditions L'Altiplano.
Plus d'informations sur www.laltiplano.fr

http://www.guidejuridique.net/