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Comment réagir face aux agressions sexuelles et au viol au sein de nos espaces "libérés"?
Une proposition de "guide de réaction face aux agressions sexuelles"

Origine : Liste atsx   
Date: , 12 Août 2004
Objet: [atsx] -FW: [Sans-titre-diffusion] une proposition de "guide de réaction face aux agressions sexuelles"

Comment réagir face aux agressions sexuelles et au viol au sein de nos espaces "libérés" ?

Voici une proposition de démarche

Ce texte est adapté à partir d'un texte produit, revu et réadapté au sein de l'Anti-Fascist Action de Stockholm (suède), puis lors d'un séminaire sur la thématique des genres dans le collectif anarchiste d'Escanda en Espagne, puis lors de la conférence de l'Action Mondiale des Peuples en Europe (Belgrade, juillet 2004)... Il est ici "librement" repris et traduit à l'arrache en français, afin d'être utilisable et discuté, en particulier en vue de la TAZ No Border Rivesaltes en août 2004.

Même dans "nos" espaces, le sexisme et les comportements sexistes sont trop facilement acceptés, et la lutte contre le sexisme n'a pas été considérée comme une priorité, nous devons changer ça !

Créer des environnements non-sexistes devrait être une priorité, et ce processus anti-agression s'inscrit dans cette démarche : en mettant explicitement en évidence, dans les plate-formes d'organisation de nos évènements ou de nos espaces, des principes et des processus anti-sexistes clairs, on montre que le problème des comportements sexistes et du harcèlement sexuel est pris au sérieux.
Ceci permet aussi que le reste de l'activité du collectif continue tandis qu'une démarche de réaction à une agression est entamée, et peut aussi éviter beaucoup de confusion, de peurs et de colère, qui surviennent toujours lorsque des cas d'agression ou de viol sont rendus publics dans nos milieux. Ceci rendra nos espaces plus ouverts et sûrs.

La responsabilité de créer des espaces non-sexistes est partagée par le collectif dans son ensemble. Nous voulons créer un environnement où quiconque a vécu un cas de comportement sexiste ou d'agression sexuelle ait la force de venir parler à quelqu'un/e de ce qui s'est passé, en sachant qu'il/elle sera pris/e au sérieux.

Notre but avec cette proposition est de trouver des moyens de réagir aux agressions sexuelles et viols dans tous nos espaces.
Ceci dit, les opportunités d'enclencher un réel processus seront différentes si un cas se produit dans nos milieux locaux, où les gens se connaissent et peuvent réagir et réfléchir à plus long terme, ou si cela se produit lors d'un rassemblement qui ne dure que quelques jours. Il faudra adapter ces propositions aux circonstances variées, mais ça peut être une bonne idée, lors de rassemblements plus larges, de désigner une personne ou groupe à qui tout le monde peut s'adresser en cas de comportement sexiste et en cas d'agression sexuelle ou viol. C'est dans ce cas-là son rôle de mettre cette procédure en place le plus vite possible et de rendre compte des informations à propos du processus en assemblée générale. Ceci permet de minimiser les ragots et malentendus à propos de ces questions très émotionnelles.

Nous reconnaissons qu'il est important d'avoir un processus ouvert et transparent afin que les conflits "genrés" (= conflits liés à la division sociale selon le "sexe biologique") ne soient pas réglés derrière des portes fermées, comme ça a été le cas pendant si longtemps. Malgré tout, nous devons respecter le caractère privé et confidentiel de la victime et trouver un équilibre entre ces deux buts.

Dans cette proposition, nous avons choisi d'utiliser un langage neutre en ce qui concerne le masculin / féminin, car nous réalisons que n'importe qui peut devenir victime d'agression sexuelle. Ceci dit nous savons que la plus grande majorité des victimes d'agression sont des femmes, et qu'une encore plus grosse majorité des agresseurs/euses sont des hommes.

Voici donc un ensemble d'outils suggérés, pas un dogme, ce n'est pas le seul moyen de réagir aux agressions, harcèlements, viols, et d'autres chemins pourraient aussi être explorés, et aussi en dehors de "nos" espaces. Aussi, aucun processus pour réagir à des tels problèmes ne peut être parfait : chaque manière sera un compromis entre des idéaux importants comme la justice, l'autonomie...

Nous suggérons donc quelques étapes à suivre pour réagir en cas d'agression sexuelle ou de viol, sans impliquer les autorités étatiques.
Ceci est basé sur l'a-priori selon lequel la victime définit toujours ce qui est une agression sexuelle ou un viol - et sera toujours crue.

1 Quand une personne parle d'une agression commise contre elle, ou quand des rumeurs commencent à circuler sur quelque chose qui se serait passé, la mise en place de groupes devrait commencer le plus vite possible. Un groupe peut être formé de deux personnes ou plus. Pendant que ce processus est en cours, l'agresseur/euse n'est pas bienvenu/e dans les activités et les espaces de l'organisation, ou, selon les cas, dans le rassemblement au sein duquel l'évènement s'est produit.

2 Organisez une assemblée générale, si la victime le veut. Diffusez-y l'information et créez-y les groupes.
Sinon, faites ceci de manière informelle.

3 Mettez en place un groupe qui parle avec la victime.
C'est mieux si ce sont des personnes en lesquelles la victime a confiance et qui sont proches d'elle. Le but est de : -entendre ce qu'il ou elle a à dire - lui donner du soutien -voir si il ou elle a une quelconque opinion à propos de comment régler la question ou s'il ou elle a des demandes particulières.

4 Mettez en place un groupe qui parle avec l'agresseur/euse. C'est mieux si ce sont des gens qui le/la connaissent et en qui il/elle a confiance, mais qui peuvent réagir en le /la critiquant. Le but est de :
-entendre sa version
-confronter cette version avec ce que la victime a dit. Faire en sorte que l'agresseur/euse prenne du recul et essaie de comprendre pourquoi la victime a ressenti les choses comme telles.
-souvenez-vous que ça peut être difficile dans nos milieux politisés d'admettre qu'on a commis une agression sexuelle, donc un certain degré de confidentialité est important ici pour permette à l'agresseur/euse d'assumer ses actions. Quoi qu'il en soit, il est important de rapporter au collectif en général des informations à propos de ce processus, dans le but de limiter les rumeurs.

5 Le groupe de soutien à la victime et le groupe de contact avec l'agresseur/euse (et la victime, s'ille veut s'y impliquer) développent un plan de travail.
Faut-il exclure l'agresseur/euse? Pourra-t-ille continuer à s'impliquer dans le milieu, à condition que ce soit hors des groupes dans lesquels la victime est impliquée? Sera-t-ille autorisé/e à revenir s'ille se remet en question à ce sujet? Le but est de créer une base pour que l'agresseur/euse comprenne ce qui s'est passé, afin qu'il ou elle ne le refasse plus.
Pendant ce processus, le groupe de soutien reste en contact avec la victime et lui raconte ce qui est en train de se passer, et se renseigne sur ce qu'ille ressent. Lorsque le problème est rendu visible et amené au grand jour, la souffrance peut souvent revenir, et il ou elle a besoin d'encore plus de soutien. Le but est d'aider la victime à mettre en mots ce qui s'est passé, et renforcer sa confiance en soi.

6 Le groupe de soutien à la victime et le groupe de contact avec l'agresseur/euse (et la victime, s'ille veut s'y impliquer) jugent si l'agresseur/euse est bienvenu/e de nouveau dans le groupe, ou si le contact avec lui/elle n'a produit aucun résultat. Au cas où l'agresseur/euse ne veut pas participer au processus et agit de manière arrogante, alors il n'y bien sûr aucune raison de continuer. Ca ne sert à rien de perdre toute l'énergie d'un groupe politique dans le but de réagir aux attitudes d'un/e agresseur/euse s'ille ne veut pas coopérer. Alors il vaut mieux exclure l'agresseur/euse et se concentrer sur la victime qui a été agressée.

Pour finir : Tout d'abord, une idée principale de cette démarche devrait être la reconnaissance du fait que la plupart des gens sont capables de changer leurs comportement et attitudes sexistes, que l'exclusion immédiate et définitive n'est pas la solution parfaite. La réintégration et la réhabilitation de l'agresseur/euse dans nos espaces peut être un but.

Ensuite, souvenez-vous que peu d'entre nous ont véritablement les compétences pour conseiller une victime de viol ou un violeur. Un conseil professionnel peut être une nécessité.
Il a été suggéré lors de la conférence de l'AMP à Belgrade que l'on entame un travail de fond collectif, que des expériences soient partagées avec des personnes qui ont déjà travaillé et réfléchi sur la question, fait face en pratique à ce genre de situation, afin que de fil en aiguille, de partage d'expérience en partage d'expérience, nous n'ayons plus besoin de nous adresser à des professionnel-le-s.

Le but serait que lors de chacun de ces gros rassemblements par exemple, une équipe de résolution des agressions sexuelles soit formée et commence à réfléchir à l'avance, composée de personnes ayant déjà des expériences en la matière. Ces expériences partagées de fil en aiguille pourraient nous permettre de créer une réelle compétence collective pour réagir aux agressions sexuelles et viols sans recours aux mécanismes d'un système que nous rejetons (police, justice, prison, psychiatrie, exclusions...).