PAR GENEVIEVE GRIMM-GOBAT

Le Forum social européen qui se tenait la semaine dernière à Paris s'est ouvert par la mise à feu d'un énorme monstre, symbole de la mondialisation, et s'est clôt par une marche de République à Nation.

Ces deux actions, bien peu originales, ne viendront pas enrichir le répertoire des nouvelles formes de luttes anticapitalistes recensées par Morjane Baba dans «Guerilla Kit».

Ce nouveau «guide militant» ne se veut pas un livre, mais «une trousse à outils à utiliser pour bricoler ses propres armes». Il fournit un panorama des techniques de contestation, des méthodes de désobéissance et des stratagèmes de subversion mis en œuvre au fil des combats, de Seattle à Evian, en passant par Gênes ou Porto Alegre.

Un avertissement est imprimé en caractères gras: l'auteur n'a pas toujours mentionné les peines encourues pour des actions réprimées par le Code pénal. En feuilletant l'ouvrage, depuis «abstention» jusqu'à «zap», le lecteur découvre une sorte d'inventaire à la Prévert des modes d'action altermondialistes.

En voici un petit aperçu. Les «avions en papiers» renvoient au 5 janvier 2000. Ce jour-là, la force aérienne zapatiste a attaqué le campement de l'armée fédérale mexicaine avec des avions de papier. Le «cacerolazo» est un concert de casseroles devenu depuis décembre 2001 le mode de contestation et de reconnaissance des membres des assemblées de quartier en Argentine.

La «catapulte à ours» date d'avril 2002 lors du sommet des Amériques à Québec. Les forces de l'ordre avaient été attaquées à coups d'ours en peluche. Le «kiss-in» est une action voluptueuse contre l'homophobie qui consiste à s'embrasser en public, les garçons avec les garçons et les filles avec les filles. Le «nuage de papillons» est une tactique d'action de rue dont le but est de se rendre insaisissable.

Mais que vient faire ici la samba? Elle est présentée comme l'arme absolue. Elle doit être dégoupillée dans les situations critiques pour s'armer de courage et ne pas perdre le rythme. Nettement moins sympathique, le «vomit-in»: il s'agit de se faire vomir pour crier son dégoût. Il a été pratiqué le 20 février 2003 par 300 pacifistes américains qui ont organisé un vomit-in contre la guerre en Irak devant un bâtiment fédéral à San Francisco.

Morjane Baba (qui se cache donc derrière ce pseudonyme?) se veut aussi hétéroclite que son répertoire. Elle aurait été femme de ménage, fée, magicienne, voleuse, pirate, navigatrice au long cours...

Elle a oublié «bricoleuse». Car de véritables fiches-bricolage composent la moitié de son «guerilla kit». Comment faire ses autocollants, ses badges, ses t-shirts soi-même? Les recettes paraissent accessibles au moins doués. Comment perturber une assemblée générale d'actionnaires, empêcher l'expulsion d'un sans-papiers, bloquer une route?

Des explications précises et un schéma permettent de fabriquer un spray de peinture téléguidé. Pour supprimer un champ d'OGM, il est préférable de savoir manier la faux.

Enfin, n'hésitez pas à cloner José Bové. Découpez minutieusement, en suivant le pointillé, le patron (en page 235 du «kit») de sa célèbre moustache, collez par-dessus un morceau de manteau de fourrure acheté aux puces puis démontez un McDo ou fauchez du colza transgénique.

Morjane Baba et son éditeur, en sortant de presse ce «kit» à la veille d'un événement réunissant des milliers de clients potentiels, ne renient pas le b.a ba du marketing. Combien de militants sont repartis de Paris le guide dans leur sac à dos pour mieux monter à l'assaut des sommets?

D'ici le prochain grand rassemblement, ce manuel du parfait petit agitateur pourrait bien trouver des lecteurs tout aussi curieux du côté policier.

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Morjane Baba, «Guerilla Kit», édition La Découverte.