Félix Guattari : Je suis toujours un peu pris par la pression
de M. qui demande, aussi fréquemment que possible, des exemples. Dun autre côté, mon souci serait plutôt
dessayer dapprofondir un certain nombre de thèmes théoriques. Je vais essayer de conjuguer
les choses : partir dun point dapplication de catégorisation que je propose sur les agencements, pour, ensuite,
lire un texte déjà écrit qui sera une petite introduction ; puis commenter, et peut-être
proposer dautres exemples.
On pourrait, à partir des quatre dimensions (1) des agencements,
simplement évoquées la dernière
fois, avoir comme perspective la délimitation de quatre types
dinconscients (2) :
linconscient subjectif
linconscient matériel
linconscient territorial
linconscient machinique.
1 / Linconscient subjectif
Cest celui du sujet personnel de lindividuation de lagencement
dénonciation (ou éventuellement,
dun agencement collectif sujet dénonciation). Dans
le type de catégorisation que je proposerai,
on verra que, à chacune de ces dimensions, il y a plusieurs éventualités,
plusieurs types
de projections machiniques : une éventualité trou noir,
éventualité dabolition, de collapsus sémiotique ; des éventualités diagrammatiques,
cest-à-dire de modes de fonctionnement, de composantes de passage ; puis, un autre statut quon définira après.
Linconscient subjectif peut basculer dans un type de trou noir
névrotique, dipien, etc., mais plus spécifiquement, on en trouvera une illustration avec la
névrose obsessionnelle comme formation de reterritorialisation, en réponse à une perte de consistance
dexpression.
Dans cette première dimension des agencements appliquée
au champ de linconscient, au niveau de la composante dexpression, on aura un système de territorialisation
des signes qui, éventuellement, pourrait aussi déboucher sur les névroses hystériques,
comme autre mode de rabat de ces trous noirs dexpression sur des champs territorialisés.
Le premier rabat serait sur un certain type de structure linguistique structure de fonctionnement de la langue
en tant que telle ; et dans lautre cas, ce serait plutôt létablissement,
non pas dun métalangage, mais de ce quil faudrait appeler un protolangage, incluant des éléments de toute
nature, à la fois somatiques mais aussi
situationnels, transférentiels, dimage, de rapports familiaux,
etc..
Cette première dimension dexpression de lagencement
dans le champ inconscient peut, donc, passer dans un registre de trou noir, mais peut aussi passer dans un
registre diagrammatique : il y a possibilité de le modifier en tant que tel, cest-à-dire
de modifier le mode de sémiotisation particulier de lagencement, ou le mode de codage (ou de ce qui en est léquivalent).
Et cest là quon peut avoir un certain travail de lagencement au niveau de sa composante
dexpression. Je prends un exemple qui mest le plus familier, celui de Kafka, avec ses
techniques déloignement ou de grossissement sémiotique, daccélération ou
de ralentissement, de corporéisation, dincarnation,
dentrée dans des devenirs, en particulier dans des devenir-animaux
: toute une politique de possibilisation des agencements.
Dans cette dimension de linconscient, soit subjectif, soit engagé
dans ces devenirs de modes de subjectivation différents, il y a, sur un versant, une potentialité
dentrer dans des systèmes névrotiques, des systèmes de trou noir ; sur un autre versant, des possibilités
de créationnisme au niveau de la composante dexpression (quon trouvera, évidemment,
dans la création littéraire, artistique, etc.) qui, tout naturellement, auront un certain rapport avec les formations
psychopathologiques, névrotiques. Elles pourront coexister. Ce nest pas tout
ou rien. On peut très bien avoir un processus diagrammatique dans un processus névrotique, et vice-versa.
2 / Linconscient matériel
La deuxième dimension de lagencement projetée sur
une théorie de linconscient, cest linconscient matériel. Il engage différentes composantes, susceptibles
de proliférer en tant que telles, de prendre leur autonomie ou dengendrer des alliances inédites.
On se rapproche beaucoup, cette
fois, dune possibilité de lecture de linconscient
psychotique, en ce sens que, tout simplement,
certaines composantes (nétant plus, ici, dans la situation
de la composante dexpression en tant
que clef de lagencement qui métabolise lensemble
des autres composantes) se mettent à travailler à leur propre compte. Dans ce registre, on peut tout imaginer,
quil sagisse de composantes délaboration fantasmatique ou de composantes perceptives,
qui se mettent à proliférer en
tant que telles (3).
Là, on a affaire à une sorte dinconscient processuel
schizo par rapport à linconscient représentatif,
qui était celui de linconscient subjectif, au moins dans
sa tangente, dans son option trou noir.
3 / Linconscient territorial (ou corporel)
Cest celui de la corporéisation des champs, des territoires,
des ritournelles, des paysages, des constellations micro-sociales, intra-familiales, des réseaux
Sur le versant des entités trou noir, il bascule du côté,
suivant le domaine de références considéré, par exemple, des objets partiels. Et là, on retrouve une série
dintuitions autour desquelles Lacan a longtemps tourné : le Phallus est en même temps
un trou noir, le regard autre est un trou
noir, pour le narcissisme, etc.. On pourrait donc indexer tous les systèmes
dobjets partiels de cette perspective de trou noir, considérer que toute la théorie
de lobjet a de Lacan comme tentative de dépassement des objets partiels tend vers quelque chose
qui est point dabolition ; mais
point dabolition de quoi ?
Justement, dune certaine dimension dun agencement. Cela
impliquerait de se détacher complètement
des théories de létayage. Lobjet partiel nest
pas partiel par rapport à une totalité qui serait celle du corps, ou celle de toute une topique libidinale, mais
il est objet partiel dune dimension dun agencement qui comprend toutes les autres, et déjà
pour commencer, celles que jai énumérées précédemment (4).
Donc, mise au premier plan dun certain type de problématique,
par exemple celle des objets partiels, qui ne destitue en rien le fonctionnement des autres dimensions de linconscient
; indexer,à chaque fois, voir en quoi un objet partiel implique toujours une certaine
décompensation, une certaine politique de collapsus sémiotique. Il ne fonctionne jamais en
tant que tel, en tant quobjet total ou partiel, mais en tant quil indique une cessation dun
processus. Et si on était amenés à
refaire une phénoménologie des objets partiels avec ces
critères de territorialité, et sans doute
aussi avec des critères éthologiques (ce serait absolument
nécessaire), on narriverait certainement
pas à une ordination psychogénétique des objets
partiels, telle celle avancée par Freud. En
particulier, sur un problème précis : le sein, pour être
beaucoup plus éloigné dun machinisme trou
noir, apparaîtrait comme objet partiel beaucoup moins «
régressif » que le Phallus. Lobjet anal,
sans doute aussi, serait dans une position « beaucoup moins régressive
», si on prenait strictement
des critères de territorialité, puisque, précisément,
la restitution, soit comme substitut, soit dans
une situation réelle, dune territorialité à
partir dune fixation au sein maternel est, certainement,
dune tout autre nature du point de vue de cette politique
de leffondrement des territoires, des
phénomènes de trou noir, ou de catastrophe, territoriaux
que ce qui peut se passer dans une fixation
anale, ou dans une fixation de castration phallique.
À mon avis, cest une indication à suivre, parce
que, en particulier, pour en revenir à la question
de la névrose obsessionnelle et de lhystérie, cela
nous amènerait très certainement à considérer
que la névrose obsessionnelle est, par définition, beaucoup
plus proche dun processus psychotique,
donc des dimensions de linconscient que jévoquais
précédemment, celui du contenu.
Alors quune névrose hystérique est peut-être
dune nature radicalement différente. Il faudrait
faire, peut-être, une carte des différentes névroses
; il faudrait reprendre tout, les phobies, etc., et
même en inventer dautres, pour essayer de se libérer
de cette espèce darrière-pensée psychogénétique
néo-freudienne, qui tend à nous donner une datation (comme
on va dater le Carbone
14
) des objets partiels.
Jai parlé des objets partiels, mais jaurais pu parler
des ritournelles, des traits de visagéité, des
traits de paysage, etc., qui sont, aussi, susceptibles de connaître
des phénomènes de trou noir. Et,
puisquon évoquait tout à lheure le cas de
Francis Bacon ou de Turner, voilà des peintures où le
trou noir nest pas à chercher, il est tout de suite là
: chez Francis Bacon, il est dans le support
même de toutes ses peintures, support-trou noir sur lequel, toujours,
les personnages sont plantés,
sans quon sache comment ils surnagent dans le tableau ; et dans
les tableaux de Turner, toujours
cette fente centrale où sengouffrent, non seulement le
contenu du tableau, mais aussi toute lexpression
: à certains moments, le tableau fuit, littéralement,
de lintérieur
4 / Linconscient machinique
Ce serait celui des champs possibilistes, celui des micro-politiques
moléculaires, et aussi puisquon
ne se gêne pas, ici dans les formules à lemporte-pièce
linconscient loin des équilibres
stratifiés. Ce en quoi il diffère des autres : le premier
inconscient, lié aux structures dexpression,
cherche un certain type déquilibre, dexpression,
de mode de sémiotisation, doù ses affinités
avec les structures névrotiques ; le deuxième inconscient,
tourné plutôt vers les dimensions de
contenu, et de composantes hétérogènes que jai
baptisées de psychotiques, est, quelque part, en
contre-dépendance de linconscient névrotique ; linconscient
territorial, celui de la famille, des
champs territoriaux, des corps, des objets partiels, des rapports systémiques
de famille, etc., est
aussi, quelque part, à la recherche dune pseudo-identité,
même si cette identité est déterritorialisée
à bien des égards, ne serait-ce que dans son fonctionnement
systémique.
Tandis que linconscient machinique na pas de clef sémiotique
en tant que telle ; il nest pas
hanté non plus par une sorte de paradis perdu, qui serait celui
de linconscient psychotique, ni par
des territoires. Il est fait de lensemble des possibles qui peuvent
habiter toutes les dimensions de
lagencement.
Si vous voulez, par exemple, pour ceux qui ont lu lAnti-dipe
ce serait une dissociation de la
notion dinconscient schizo. Avec Gilles, on sest débattu
pendant des années, pour dissiper des
malentendus terribles : « Quand on parle dune entité
schizophrénirque ou dun schizophrène
dhôpital, cest différent du processus schizo
», répétions-nous. On nous disait : « Ouais,
vous
avez découvert une nouvelle race de révolutionnaires,
les schizophrènes dhôpital, vous nous
faites bien rigoler, ce sont des gens qui sont malheureux comme les
pierres ! ». Nous disions :
« Oui, oui, on sait bien », mais ça tournait toujours
assez mal.
Linconscient psychotique est celui du deuxième niveau dont
jai parlé, celui de la dimension de
contenu des agencements.
Tandis que le quatrième, linconscient machinique, est linconscient
schizo, en tant quinconscient
processuel.
Il y a la même possibilité, là aussi, dune
politique trou noir. Par exemple, on pourra trouver un
certain type dinconscient machinique, ayant un possible de trou
noir dune portée quasiment infinie.
Linconscient machinique du Christianisme primitif porte un trou
noir qui sappelle le
Capitalisme ; cest la possibilité de cumuler tous les phénomènes
de trou noir dans les domaines
les plus hétérogènes. Il y a certaines clefs comme
ça, certaines problématiques possibilistes qui
se nouent dans des registres les plus différents qui soient.
À mon avis, cette quatrième dimension de linconscient
est absolument nécessaire si, précisément,
on ne veut pas que cette théorie des agencements inconscients
se referme sur une nouvelle
problématique systémique dans le cas de linconscient
territorial sur une nouvelle problématique
revue et corrigée par madame Pankow ou je-ne-sais-qui, et puis
une schizoanalyse de rechange
pour linconscient névrotique !
Il ny a aucune sorte de priorité : il sagit de quatre
dimensions (5) des agencements qui, de toutes
façons, sont toujours, en tant que dimensions, articulées
les unes aux autres. Mais, effectivement,
dans une cartographie donnée, cest tel type de dimension,
tel type de trou noir dans telle dimension,
qui mènera la danse, qui prendra le contrôle de la politique
de lagencement (6) ; à linverse
donc, dun trou noir de type religieux, politique ou social, car
il ny a pas que cette dimension
sociale dans linconscient machinique, il y a aussi, justement,
tout ce qui relève des sémiotiques
machiniques, des sémiotiques a-signifiantes (quil sagisse
de la musique, de la religion, des
mathématiques, des sciences, etc.), et qui est porteur de dimensions
de linconscient ; qui peut
donc sappliquer à nimporte quel autre type dagencement.
En opposition à ce type de trou noir, des dimensions comme celles
de nomadisme, dembranchement,
de créativité, de rhizome machiniques, peuvent apporter
des retournements de situations,
en particulier dans celles que nous connaissons, ayant affaire à
des névroses, à des problèmes
familiaux, et autres
On voit bien que les gens navaient
plus la même névrose, ni familiale, ni
individuelle, en mai 68, par exemple, ou pendant la révolution
doctobre. Et là, cest bien lincidence
de linconscient machinique qui intervient comme telle, ce nest
pas parce que lon a fait
un transfert sur papa-Lénine ou sur Jésus-Christ-D. Cohn-Bendit,
sûrement pas ! Ce nest pas une
identification, ni rien de cette nature.
Après ce point dapplication, je vais maintenant en venir
à la notion générale dagencement, et
reprendre ces différentes catégories, non plus en les
appliquant à linconscient, mais en en donnant
une formule qui nous servira aussi bien à des problèmes
très différents, des problèmes
économiques
(Fin dune bande)
Un exemple économique, cest celui de mon départ
au Mexique, voilà, pour prendre des choses
très différentes, voir si ce genre de notions peut servir
comme instruments dexploration.
Comment est-ce que je me représente, explicitement ou implicitement,
les agencements ? Cela
correspond-il à la réalité des choses ? Y a-t-il
un parallélisme des « tableaux » (7) ? Comme lorsquon
contrôle sur un écran vidéo les opérations
de téléguidage ? Par exemple, quand on fait des
manipulations génétiques avec un appareillage téléguidé,
et quon en contrôle sur un écran vidéo
les opérations, il y a un certain type de projection diagrammatique
une expression dun certain
agencement. Peut-on parler de parallélisme ? Je laisse la question
en suspens
En tous cas, il y
a un rapport entre ce qui se passe sur lécran vidéo
et ce qui se passe dans la manipulation génétique.
Mais quel est ce type de rapport ?
Cela dit, même dans ce cas là, il faut bien quil
y ait quelque part une sorte de prise directe, un
passage : il faut bien que quelque chose passe. Et ce que je mets en
cause, cest lindépendance
dans la linguistique classique, du registre dexpression linguistique
et du référent. La linguistique
Saussurienne la plus élémentaire, cest que : si
je dis le mot T.A.B.L.E. ou les deux phonèmes
TA-BLE, cela na rien à voir avec la table ; il y a donc
une coupure, il y a un mur. Oui.
Mais, ce que jopère sur mon écran de lecture vidéo,
ce nest pas du tout comme le mot TA-BLE
et la table : il faut bien quil y ait quelque chose qui soit en
interaction, dune façon ou dune autre,
avec lopération qui se fait effectivement à tripatouiller
les gènes dune souris (ou de je-ne-saispas-
trop-qui, maintenant !).
Ce passage seffectue nécessairement entre des niveaux hétérogènes,
cela va de soi. Alors, que
peuvent être des niveaux hétérogènes ? Dans
mon exemple, une surface de représentation formelle
ou formalisée, un processus mécanique ou électro-mécanique,
et ce qui se passe au niveau
dun objet particulier.
Il y a quelque chose qui passe. Il y a quelque chose qui se passe entre
ce niveau de la représentation
diagrammatique et le référent lui-même (ou : la
chose elle-même).Cest le fait que quelque
chose se passe entre ces niveaux hétérogènes, que
jappellerai : la matrice machinique.
La matrice machinique implique que quelque chose de cette matrice appartienne
à chacun des
niveaux hétérogènes considérés ;
ceux-ci ne sont pas, dailleurs, en rapports dopposition,
ou distinctifs
(contenu/expression), parce que, là, dans lexemple que
jai pris, il y a au moins quatre ou
cinq niveaux (il y a aussi ce qui se passe dans la tête de lopérateur
).
La matrice machinique
implique que ces niveaux, justement, soient hétérogène,
parce que, sinon, ce que je raconte na
aucun sens.
X : Sinon, cest un dictionnaire !
F : Sinon, cest un codage, un décodage, du type phénomène
dictionnaire ! Lidée dhétérogénéité
est corrélative de lidée de composante de passage
ou de matrice machinique. Si on veut être
tout à fait vicieux, on voit quon a des niveaux hétérogènes
; on a quelque chose qui traverse ces
niveaux hétérogènes, qui est, disons, un mécanisme
dexpression. Maintenant, je vais lappeler
ainsi : la composante dexpression, cest la première
composante dont jai parlé précédemment,
dans mon application. La deuxième, cest lexistence
déléments componants : ce sera un inconscient
componentiel.
Cest lexistence de composantes hétérogènes
et qui, quelque part, sont hétérogénéisées
par
lexistence de la composante dexpression car, en tant
que telles, elles ne sont ni hétérogènes ni
rien du tout : elles ne sont rien du tout.
Et il y a lincidence de cette opération dhétérogénéisation
sur chaque composante elle-même.
Cest-à-dire que ce nest pas en vain que les différentes
composantes sont prises dans une matrice
machinique.
On a déjà, là, trois degrés de déterritorialisation
: la déterritorialisation entre lexpression et le
contenu ; quelque chose qui constitue des composantes comme contenu
; le degré de déterritorialisation
qui est le rapport entre ce contenu et chacune de ces composantes.
On a déjà deux couples de déterritorialisation
: un couple expressif comme phénomène de liaison
entre les composantes substantielles ; et un couple machinique comme
phénomène de promotion
dentité machinique dune autre nature que celle des
composantes discursivables.
En effet, lexistence dune composante dexpression,
rapportant les unes aux autres les composantes
substantielles, implique celle dun fait de passage, ou entité
de passage (8).
Cette expression passage délimite un champ spécifique
defficience : ce rabat-là détermine une
sorte de clivage à lintérieur de chaque composante,
puisquil ny a quune partie de chaque composante
qui est composée par ce fait de passage. Pour reprendre lexemple
précédent, ce nest pas
tout lopérateur qui est pris dans le processus de matrice
machinique, mais seulement un certain
nombre de neurones, de montages perceptifs, dieu sait quoi ! Par ailleurs,
il peut rêvasser, penser
à autre chose, faire ce quil veut. Une partie de la composante
nest pas prise dans la matrice
machinique. Il me vient à lesprit que cest la même
chose pour les chaînes dA.D.N. : les chercheurs
ont découvert, récemment (cf. article du Monde) que seulement
une partie de la chaîne
fonctionne pour le codage. Quant à lautre partie, ils sarrachent
les cheveux : à quoi sert-elle ?
Et ils sont en train de faire lhypothèse la plus fantastique,
la plus audacieuse ! Peut-être, cela ne
sert à rien. Ce nest pas une découverte, cest
une révolution !
Donc, une sous-ensemblisation délimite une déterritorialisation
particulière, qui va déboucher sur
des coordonnées spatio-temporelles intrinsèques, comme
territorialités (des territorialités de
toutes natures) :
Quest-ce qui, dans le visage, fonctionnera comme trait de visagéité
? Évidemment, pas tout le
visage. Certains traits de visagéité seront pris dans
la composante matricielle (par exemple : dans
un agencement névrotique, ou autre). Il y a donc un rapport de
déterritorialisation qui se rabat sur
le visage : je constitue certains de tes traits de visagéité,
malgré toi, par-devers toi, dans cette opération
matricielle. Avant que tu ne me rencontres, tu navais pas ce trait
de visagéité ; mais, depuis
que nous avons fait un agencement transférentiel, eh bien ! que
tu le veuilles non, je tai collé des
traits de visagéité, je tai arraché des traits
de visagéité, et depuis, ni toi ni rien ne pourra faire
quil ny ait pas eu cette extraction ! Cest ce que
jappelle une territorialité qui est, en fin de
compte, une déterritorialisation (9). Cette extraction des traits
de visagéité crée une nouvelle territorialité.
Jusquà quel point tes traits de visagéité
vont fonctionner dans ce champ dune autre territorialité
dagencement ?
Si jamais je prends ta photo, puis que jécarte trop loin
tes sourcils, peut-être cela ne fonctionnera
plus ? Il y a des seuils. Là, ça va encore. Je pourrai
changer le grain de la photo et puis ça ira
encore mieux ; et puis, à un moment, ça nira plus
du tout. À un moment, il y aura un phénomène
de trou noir et la territorialité seffondrera (là,
on peut renvoyer à Proust, Un amour de Swann
en particulier à ce que jai essayé de trouver sur
ces rapports de visagéité et de ritournelle).
La territorialité de lagencement le fait que ce
soit applicable dans un territoire donné, jusque
là, et pas au-delà, ou suivant tel rythme ou telle ritournelle
est liée aux autres composantes.
Cest, peut-on dire, le champ defficience inter-agencements.
Cest ce que jappelle déterritorialisation
dinter-action, et on retrouvera cela quand on prendra des exemples
de thérapie familiale,
ou des choses de ce genre. Les inter-actions de la thérapie familiale
(javais déjà attiré lattention
de M. là-dessus), là il faut faire très attention
: ce nest pas le fait quil y a le père et la mère
ce qui na, littéralement, aucun sens mais
certains types de traits de singularité de sousensembles
de ce quon appelle, par ailleurs, le père, la mère,
et puis peut-être dautres choses
(ce peut être le rictus du patron qui sest collé
sur le visage du père, en quelque sorte) qui interviennent
dans une inter-action systémique. Et ne jamais croire que cest
la personne en tant que
telle, qui intervient dans les inter-actions, ou lagressivité
de la personne en tant que telle.
Justement, la question est de savoir : quest-ce qui intervient
quand, effectivement, quelque chose
se passe ? Il sagit des phénomènes de champs, des
phénomènes dinter-action. Cet inconscient
on pourrait, donc, le dire : inconscient inter-action, car les autres
dimensions ne fonctionnent pas
sur le registre de linter-action.
Parallèlement à cette déterritorialisation actuelle
de lagencement, le territoire, la ritournelle, le
champ dinter-action doit considérer une déterritorialisation
virtuelle.
Les trois déterritorialisations précédentes peuvent
être dites onto-génétiques. Cest comme si
elles
nous donnaient trois dimensions dexistence de lagencement
:
ce qui permet de le sémiotiser (10), de dire : il y a
sémiotisation spécifique, ou codage, ou quelque
chose qui fait quon peut parler dun agencement.
des composantes sont prises là-dedans, avec des choses
qui échappent de ces composantes, avec
des résidus de singularité qui pourraient (re-)passer
le bout du nez et psychotiser lagencement,
avec le fait que lhétérogénéité
peut perdre plus ou moins de substance.
un certain champ dapplication : les agencements, cest
comme tout, ça dure le temps que ça
dure, et puis après cest mort, ou avant ce nest pas
né ; et cela marche dans un espace donné, audelà
cela ne marche pas.
Ce sont les trois catégories onto-génétiques des
agencements.
La quatrième catégorie, elle, peut être dite phylogénétique
: elle pose la question des phylum
machiniques, des phylum possibilistes, en rapport avec lagencement
considéré ; du champ des
possibles passés et futurs, à savoir quil peut y
avoir un lissage rétroactif et prospectif des temps.
Lagencement Christianisme primitif, quelque part, modifie toutes
les religions antérieures, il
reprend le problème autrement. Ce mode de mutation dagencement
nest pas pris dans un temps
discursif : il a ses propres ritournelles, ses propres temps. Mais le
jour où lon découvre une nouvelle
formule mathématique pour rendre compte de la surface du cercle,
ce sont tous les cercles
antérieurs qui se trouvent, dun seul coup, avoir «
attrapé » la formule p R2 (11), tout ce quil y a
pu
avoir comme cercles et cerclages dans lhumanité avant la
formule de Pythagore, sen trouve
affecté. La formule déterritorialisée se colle,
surgit : il y a un lissage rétroactif de la formule
sémiotique.
Le champ des possibilités actuelles, des déterminations
en acte est « doublé ».On a, ainsi, une
causalité qui est près de léquilibre des
différentes dimensions onto-génétiques et opposée
à une
causalité loin de léquilibre, cest-à-dire
loin des stratifications. Cest que (12), une découverte,
un
agent technologique nouveau, modifie le champ actuel des possibilités
technologiques de son
phylum (par exemple, un microprocesseur). On naura pas les mêmes
types dinstruments, cela
va faire une révolution, là, dans un temps immédiatement
calculable. Mais, cela fera aussi une
révolution dans lensemble des possibles à venir,
cest-à-dire des choses qui ne sont pas en acte,
dont on ne peut pas avoir une représentation immédiate.
Cest un arbre dimplications possibilistes
virtuelles sur le futur, mais aussi sur le passé : des formules
antérieures de sémiotisation
dautres agencements sont aussi remises en question.
Cette déterritorialisation phylogénétique, ou machinique,
implique, elle aussi, dêtre prise en
compte par les entités machiniques nouées au sein des
machines abstraites : en effet, ce qui relie
ces quatre dimensions de lagencement dexpression,
de contenu, de territoire, de déterritorialisation
, cest le même système machinique. Un certain
type de machine abstraite est porteur
des quatre dimensions de lagencement, sous toutes ses modalités,
aussi bien ses modalités trou
noir que ses modalités diagrammatique. Bien entendu, je le répète
: il sagit de quatre dimensions,
il ne sagit pas de quatre agencements séparés.
Quel est le statut de ces entités machiniques abstraites qui,
au sein du noyau abstrait de lagencement,
« doublent » ces dimensions concrètes ? Justement,
pas celui du double : les machinismes
abstraits ne constituent nullement des mondes parallèles aux
agencements concrets. Il nexiste pas
de co-rres-pon-dance dinter-action entre les abstraits machiniques
et les concrets manifestes. On
parlera plutôt, ici, de système de projection.
Divers types de projections vont être distingués (13) :
des projections machiniques
des projections diagrammatiques
des projections représentatives.
Les projections ne sont pas à sens unique, elles peuvent aller
dans le sens de lincarnation dun
machinisme abstrait vers des agencements concrets, ou dans le sens de
la déterritorialisation possibiliste
des agencements concrets vers les machinismes abstraits. Ce ne sont
pas des entités plantées
dans le ciel des idées, comme les idées platoniciennes.
X : Cest dialectique.
F : On verra que ce nest dialectique que dans un cas particulier,
justement !
Mais cest que lon
travaille ces machinismes abstraits comme on travaille des composantes,
comme on travaille telle
ou telle dimension dagencement. Les machines abstraites, ce nest
pas un mystère du Saint-
Esprit, hein ! Cest un instrument comme un autre.
Les projections représentatives et les projections diagrammatiques
introduisent des niveaux intermédiaires,
des media, entre les machines abstraites et les agencements contingents.
Ce qui différencie
les projections représentatives des projections diagrammatiques,
cest que les premières
engagent des media signifiants passifs (par exemple, des icônes,
ou des systèmes de redondance
renvoyant à des paradigmes abstraits non-machiniques, des systèmes
de signes iconiques, digitaux
)
et les secondes (projections diagrammatiques), des media a-signifiants
actifs : opposition,
donc, media signifiants passifs/media a-signifiants actifs (du type
informatique, par exemple, ou
écran vidéo de téléguidage ; lordinateur
est un media en tant quordinateur directement en
tant que machine de signes incarnés, mais un media a-signifiant
actif.)
Les projections machiniques procèdent par une mise en acte directe,
sans recours à un media, des
quanta machiniques abstraits inscrits sur le plan de consistance, au
sein des dimensions de lagencement.
Cest le troisième type de projections. Donc on le
verra certaines de ces dimensionslà
sont issues dun machinisme abstrait, à partir de différents
types de projections projection
étant opposée à inter-action ; en effet, dès
quil y a inter-action, il y a opposition de lun, du multiple,
du sujet, de lautre, etc. ; il y a une discursivité, du
temps, de lespace, toutes sortes de catégories.
Le machinisme abstrait est immanent aux différentes dimensions
de lagencement ce qui
ne veut pas dire que, par ailleurs, il ny ait pas un accès
transcendant à ces différentes dimensions :
un accès dialectique, représentatif.
Des machinismes abstraits sincarnent dans des dimensions de lagencement,
ou inversement, des
agencements transforment des machinismes abstraits, les font muter :
cela marche dans les deux
sens. Cela donne :
La mise en uvre des faits intensifs propres aux composantes
(faits intensifs : donc, dans le
registre des composantes de contenu).
La mise en uvre darticulations machiniques inter-composantes
et de calculs systémiques relatifs
à la dimension dexpression.
Des effets de champs, de territorialités, dinteractions
entre les agencements (dimension de territoire).
Une prospective possibiliste.
En fait, les trois systèmes de projections sont étayés
les uns sur les autres. Les projections représentatives,
pour autant quelles peuvent avoir des incidences pragmatiques,
impliquent lexistence
des projections diagrammatiques ; elles-mêmes impliquent la mise
en uvre des projections
machiniques.
Les projections représentatives et les projections diagrammatiques
sont des variantes, animales,
humaines, de systèmes dagencements vivants beaucoup plus
larges : le fait quil y ait représentativité,
expression, système passif de signes, cest une variante
de systèmes dexpression qui peuvent
fonctionner par des modes sémiotiques, des modes diagrammatiques,
sans le détachement de
systèmes de signes qui. représentent un alourdissement
considérable (cf. lInconscient machinique)
; mais qui peuvent, aussi, représenter des possibilités
de déterritorialisation, de lancement
de systèmes de signes dune autre nature.
Le fait quelles conduisent à des agencements dénonciation
donc, une sorte de stérilisation,
quelque part, du diagrammatisme a pour conséquence
(Fin dune bande)
Y : ... et une autre territorialité, dipianisée
depuis toujours, où quelque chose est, aussi, analytique.
Je me demande comment ça passe de lune à lautre,
avec, en plus, un effet thymique déplorable,
conduisant à la seule hypothèse de pouvoir, elle-même,
en terminer avec elle-même, si la
place que toi, tu occupes pour elle, nest pas plus déterminée
que cela : quand tu as pris la place
de tous les éléments qui sadditionnaient les uns
aux autres, quelque chose aboutit à une impasse
pour elle.
Z : Ah oui ! Absolument.
Y : Et je me demandais, surtout, comment tous les agencements étaient-ils
reliés entre eux, pour
quau bout dun certain temps
(inaudible) En fait ce
ne sont pas les agencements eux-mêmes qui
sont foutus, mais comment ils sarticulent dans le discours quelle
te rapporte ; comment ils sont
reliés entre eux et qui fait que quelque chose, ne passe plus,
est complètement éculé. Cest sa perception
à elle en fait, qui est éculée, et qui vient se
rapporter, là, sur le divan ; à mon avis, cest
lié, probablement, au fait quon ne comprend pas du tout
pourquoi elle passait de lun à lautre,
ni comment ça pouvait marcher comme ça. Cest peut-être
là que les grilles de Félix pourraient
enrichir ta question danalyse qui est
F : en somme, définir des critères de productivité.
Y : Sinon, cela fait un rabattement analytique classique, quasiment
névrotique, où elle rêve de son
analyste, et tu vas être embringué dans cette analyse de
rêve, de production dipienne, qui, apparemment,
marche moins bien dans ce que tu as envie de faire avec elle.
M : ... Au fond, il serait intéressant de prendre une situation
qui, brusquement, fonctionne ; et
ensuite, parallèlement, une situation de thérapie rituelle
danalyse ou de thérapie familiale au
moment même où les choses bougent, étudier : quest-ce
qui fait proliférer ?
Dans nos réunions de staff, cest la même chose :
on se fait chier, on parle on parle, on tourne en
rond, on craque, on crame, et puis
Paf ! quelque chose démarre
! Quest-ce qui la fait démarrer
? Quest-ce quétaient ces croisements multiples ?
F : Mais ce nest pas le « quest-ce que » ! À
mon avis, il faudrait formuler autrement le critère
de productivité. On peut le formuler ici, pour nous-mêmes,
maintenant : on ne se réunit que pour
autant tous, à un degré ou à un autre
quon est engagés dans une productivité ; de quoi
? Là,
justement, il y a toutes sortes de registres de productivité
: ce peut être une productivité de
plaisir
pourquoi pas ? une productivité intellectuelle
(moi, la dernière fois, cela ma stimulé à
réfléchir dans lintervalle), X registres sont possibles.
La règle (analytique) serait quil y ait des signaux, des
clignotants pour dire : « Non, là, ça ne produit
pas. » À ce moment, on serait, alors, renvoyés à
la constitution du noyau dagencement
dénonciation : « mais je mexcuse, il ny
a rien, ce que vous dites, je vois bien que cest très intéressant,
enfin je suis cultivé, je sais bien ces choses là, cest
très passionnant, mais CEST RIEN.
Alors quest-ce quon fait ? il faut voir : peut-être
est-ce au-delà, il faut peut-être que vous discutiez
avec quelquun dautre quavec moi
je nen
sais rien » ; ou : « moi, je préférerais parler
de
tel sujet, mais je sens bien que vous, ça ne vous paraît
pas important de parler de ça
alors ? ».
Mettre sur le tapis linstrument de production comme tel, avec
la possibilité toujours, soit dun
remaniement, soit dune cessation, etc.. Sinon, on crée,
effectivement, une situation qui est une
moulinette à fromage, les choses intéressantes deviennent
con, et puis les choses non-intéressantes,
on fait comme si elles étaient intéressantes, cest
affreux
Y : Cela mévoque complètement ce qui sest
passé hier, avec la réunion du Collectif de Patients,
où il y a eu une situation de ce genre. On préparait
ça avance un peu concrètement
il y a un
local ; il fallait faire une réunion pour en causer un peu. Cette
réunion, moi en tous cas, jen attendais
beaucoup. Avec D. on en avait parlé, on sétait même
dit que, pour la première fois, il faudrait,
pour que ça marche, tel type de personnes et pas tel autre. Et
hier, on saperçoit quon na
pas du tout maîtrisé ça : en fait, tous les gens,
dont nous pensions que ça ne serait pas tellement
bien quils soient là, sont venus. Du coup ! On ne sait
pas par où ; depuis hier soir, on se demande
: mais comment sont-ils venus ? (rires) On avait essayé dêtre
moins de dix, en se disant que
davantage, on ny arriverait jamais. En fait, ils devaient être
vingt. Effectivement, au bout du
compte, on a assisté passivement à un truc, mais qui a
foiré. Donner des informations qui permettent
que les gens soient au courant, après tout, on peut leur téléphoner
pour faire ça pas besoin
de se faire chier trois heures à vingt ! Cétait
vraiment une perte totale de
Eh bien ! On na toujours
pas découvert lélément qui permette de ne
pas se retrouver, à chaque réunion future, dans
ce piège à fromage comme tu disais avec
vingt personnes autour. On na même pas pu métaboliser,
non plus, au sein de ce groupe de gens qui venaient pour la même
chose, qui venaient tous
avec un intérêt là-dessus, un truc qui fasse avancer,
y comprendre quelque chose, quon va travailler
! Et puis, on se retrouve là
Z : Je suis moins pessimiste que toi, moi je lai perçu
autrement
Je mexcuse, on fait référence
à quelque chose
F : Non, jai connu cette cuisine avec toi, au moment du Grand
Groupe, il y avait le même type
de problèmes, quel cocktail on avait monté !
Z : Exactement ! Hier, jai eu limpression que cétait
très réussi, dun certain point de vue, cette
réunion : il y avait des gens qui avaient envie de tenir la place,
tout de suite, là, des psychiatrisés,
des patients, des usagers, et de commencer, tout de suite à fonctionner.
Untel, nommément, est
arrivé, a fait son numéro hyperparano, associatif, interprétatif,
provocatoire
et a réussi, plus ou
moins, à paralyser, à relancer, etc.. Mais cétait
ça, on était dans le boulot, ça commençait.
À mon
avis, cétait cela quil voulait, avec son biais :
« Mais commençons tout de suite, quoi ! » Une
espèce davidité de nous faire manger avec lui, damener
sa femme, son gosse, et puis dêtre « le
premier cas ». Alors, je nai pas trouvé ça
tellement négatif, car jai limpression, en plus (rires),
que les réunions quon va se payer
vont être
tout à fait comme ça !
Y : La conclusion quon en a tiré, cest que : cétait
la première réunion du Collectif de Patients.
On est daccord ?
Z : Absolument. Cest parti, là !
Y : De ce côté là, cest vrai, peut-être
faut-il dire que cétait bien, mais nempêche
quon navait
pas du tout prévu de faire cela au départ !
Z : Je crois que ce qui est très important, cest léclectisme
; ce que tu disais sur le choix, le repérage
bon ! Quest-ce que veut dire analyser dans le vrai ? À
la « Fatras », si tu veux
M : ... Ce gars qui a présenté sa femme et son gosse,
et offert toute une série daxes dans lesquels
il estimait quil était légitime de vous accrocher,
crée en fin de compte une sorte de méthodologie
implicite
travailler avec lui
Ce nest pas si simple
que ça ! Vous proposez quelque chose,
et puis les gens proposent des choses qui recoupent certaines de leurs
attentes
Et la difficulté,
cest darriver à voir comment travailler avec des
cultures différentes.
Golo et Franck sont des gens qui font des bandes dessinées remarquables
dans Charlie mensuel.
Dans le numéro de ce mois-ci, cest lhistoire dun
Nord-Africain saoul qui est dans un bus bloqué
par un embouteillage. Et le Nord-Africain se promène dans le
bus, en disant quil est français,
en montrant sa carte, et comme il est rond, il sécroule
sur une femme enceinte
Il y a aussi
une vieille bouchère, il veut acheter sa vie pour 500 Francs
« Ta vie ! Ta vie ! », elle le renvoie,
alors il lui dit quaprès tout, elle nest quune
esclave depuis que le monde est monde !
Ce gars est, apparemment, complètement délirant, mais
il y a toute une série de pouvoirs extrêmement
clairs, sur lesquels il offre la définition dune relation
avec lui, et de ce que cette relation
peut devenir.
Jusquau moment où le conducteur du bus en a assez et lui
dit : « Mais foutez le camp dici ! ».
Lautre, dune petite voix aiguë lui répond :
« Mais nous ne sommes pas à larrêt »
; larrêt est à
trois pas et sil descend ici, en cas daccident (rires),
la Sécurité Sociale ne remboursera rien. Le
conducteur de lautobus est fou de rage quil y ait cet embouteillage
: attendre 1/4 dheure pour
arriver à larrêt qui est à trois pas, et pendant
ce temps là
Lintérêt de cette bande dessinée, ce sont
les lignes que propose le Nord-Africain saoul : lignes
qui, toutes, et dans tous les sens, font proliférer des machines
mortifères. À un point tel que,
même Golo et Franck nont rien pu trouver qui puisse les
tirer vers autre chose ! Tous les fantasmes
de viol, dassassinat, de mort et dexplosion
Cest comme de proposer un duel ? Ce nest pas faux, sans
doute. Je pense, effectivement, en
termes de cycles et de courbes où les gens te proposent des voies
autres. Et très fréquemment, les
voies quon propose dans les deux sens sont du même type
de groupe épistémologique. Elles
coincent et lun et lautre. Cest là où,
très fréquemment, le début dune relation
avec un contexte
qui puisse être un contexte qui fonctionne et qui produit, cest
de changer vraiment et radicalement
tout le cadre et les codes de référence. Évidemment,
ceci nous fait perdre la richesse des
différentes possibilités, des différents niveaux
et strates, quon propose. Mais dans un second
temps, après tout ce ménage, cela fonctionne.
Notes
1. Par rapport au texte antérieur, jai inversé lordre
(qui a peut-être, malgré tout, son importance) des deux
premières
dimensions.
2. Évidemment, je fais toutes les réserves possibles et
imaginables sur la notion dInconscient, mais cela importe
peu : finalement, cest une sorte de mot, comme ça, global,
qui a lintérêt de cerner à peu près
dans quel champ
on se situe. Étant donné que, par ailleurs jessayerai
de proposer des points dapplication de cette théorie des
agencements sur le domaine économique, quand je parlerai, par
exemple, de la notion dagencement économique,
de marché ou des villes, je ne définirai pas plus ce que
sont les marchés ou la ville. Mais, en tous cas, il suffira
de le dire pour voir quon parle dautre chose ! Cela na
pas dautre prétention.
3. Cela impliquerait, dailleurs, une définition extrêmement
large de la psychose, en ce sens que des phénomènes
comme ceux auxquels on a affaire dans une manie sont de ce type. Alors,
doit-on rattacher la manie à une psychose
? Peut-être
Mais je ne rentre pas du tout dans ce type de
débat !
4. Voir aussi, dans ces dimensions, le mode dabolition fécal.
5. Je dis : de quatre inconscients, mais linconscient
ça
nexiste pas ! (cf. J. Prévert, N.D.L.C.)
6. Ou deux, ou trois : cest justement là que le problème
de la cartographie se pose.
7. Notion de tableau, en référence à Wittgenstein.
8. Introduire, peut-être, ici le face à face aristotélicien
entre la substance et ses accidents sauf quici, la substance
na pas de priorité sur les accidents.
9. Là, il y a une petite difficulté : il faudra inventer
dautres termes.
10. Et pas du tout à partir des catégories kantiennes
universelles et a-priori.
11. De même pour ce que je disais sur le visage.
12. On le verra peut-être plus spécialement dans le domaine
économique.
13. Au niveau de ce texte, jen distingue trois, mais ultérieurement,
je les regrouperai en deux catégories.
Le lien origine : http://www.revue-chimeres.org/pdf/810113.pdf
La revue Chimères et les textes de F Guattari :
http://www.revue-chimeres.org/guattari/artde/divers.html#chim
La revue Chimères :
http://www.revue-chimeres.org/
Le séminaire de F. Guattari sur le site de la Revue Chimères
http://www.revue-chimeres.org/guattari/semin/semi.html
|