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Message Internet sur la liste Multitudes
Le 20 Novembre 2003
Le grondement de la bataille est accompagné d'illustrations,
mais pour les voir il faut telecharger le texte en entier. il est
disponible ici http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=1729,
à la fin du texte
Article présent sur IndyMédia Nantes
Mardi 18 novembre 2003 :
Mouvement FAC : encore un texte d'analyse
cette fois, un texte Nantais : le grondement de la bataille
Nous voulons ici apporté une contribution sur les réformes
de l'université en cours. Nous pensons que la réforme
Ferry n'est qu'une pierre de plus à l'edification de ce que
nous appelons avec d'autres "l'université productive".
Les logiques de ce qui se passe actuellement ont été
déja décrites par des enquetes, des romans, à
partir des années 70-80, en Europe : "On peut prévoir
que l'éducation sera de moins en moins un milieu clos, se
distinguant du milieu professionnel comme autre milieu clos, mais
que les deux disparaitront au profit d'une terrible formation permanente,
d'un controle continu s'exerçant sur l'ouvrier-lycéen,
ou le cadre-universitaire" (Gilles Deleuze, Futur anterieur
n°1, 1990). Cette réforme de l'université participe
au processus de dissolution des frontières entre formation
et travail. Se former c'est travailler et réciproquement.
L'un des buts est de mettre au travail la force productive de cette
partie de la jeunesse qui par les études échappait
aux pointeuses. Pour cela se mettent en place des dispositifs de
captation. Ceci par l'intermediaire de partenariats entre Universités
et collectivités locales et/ou entreprises. Cela a pour effet
d' ancrer l'université dans un bassin d'emploi régional.
La décentralisation c'est aussi cela. Nous mettons à
la suite de ces remarques le texte le grondement de la bataille
qui décrit ce processus et met en lumière ses enjeux.
Ainsi qu'un lien vers l'excellent texte « 10 thèses
sur l'Université productive » qui donne le cadre d'analyse
de ces transformations.
Le Grondement de la Bataille…
« La recherche d'une meilleure intégration du développement
universitaire dans le développement local et régional
ne doit pas faire oublier que les étudiants, les personnels,
les laboratoires sont engagés dans une compétition
mondiale. » Schéma de développement de l'Université
de Nantes, 1999-2004, p.32.
Si le système européen de crédit (ECTS) est
une réforme qui vise à rendre lisible les cursus étudiants
- c'est-à-dire les trajectoires de vie - et les diplômes
universitaires pour accentuer et rendre possible une mobilité
des formations dans les territoires européens de l'Empire,
elle est surtout et avant tout ce qui va permettre aux entreprises
inscrites dans l'espace d'une métropole régionale
de capter pour leurs seuls profits et besoins les forces sociales
productives qui sont notamment formées à l'université.
Depuis le mouvement contre la réforme Devaquet en 1986,
il est devenu plus ou moins rituel pour les syndicats de mobiliser
les étudiants sur « l'explosion du cadre national des
diplômes ». En effet, ceux-ci, par leur reconnaissance
dans les conventions collectives, garantissent à ceux qui
les possèdent un statut et un niveau de rémunération.
Les syndicats aiment aussi à évoquer la menace toujours
grandissante d'une privatisation des universités qui, on
ne peut que le reconnaître, mettrait fin à l'égalité
entre étudiants et instaurerait une disparité de financement
et de légitimité entre ces universités. Mais
à trop rester crisper sur ces discours ressassés,
ceux-ci finissent par manquer les véritables enjeux de ces
réformes que nous subissons. Loin de vouloir pointer les
insuffisances de qui que se soit, il nous semble important, si nous
voulons mettre en place des stratégies efficientes de résistances,
que chacun prenne bien la mesure des bouleversements en cours.
Cette analyse des transformations de l'université procède
par l'articulation de ce qui se trouve éparpiller, disperser
dans différents textes : le rapport Attali (1998), le schéma
de développement de l'Université de Nantes (1999-2004)
et la réforme ECTS de Lang-Ferry (2002). Ils constituent
le programme de notre avenir prochain. Sombre futur qui fait de
nos existences collectives et singulières de simples pièces
pour une machine d'asservissement économique. Entreprise
qui nous insère dans les rivalités inexpiables pour
la domination d'un monde simplement perçu comme vaste marché.
Ce qui suit entend donc dresser l'espace où cette bataille
se déroule, décrire rapidement ce qui déjà
n'est plus (l'université académique), esquisser ce
que nous ne sommes pas encore (université productive) et
proposer les moyens d'un devenir autre qui reste encore à
tracer…
L'Université « Académique » ou ce
que nous ne sommes déjà plus…
L'université fonctionnait, jusqu'à une période
récente, comme une institution relativement fermée.
Elle dispensait un savoir académique, distribuait des diplômes,
assignait des positions aux individus, les sanctionnait socialement.
L'extension de la durée moyenne des études, la massification
du secondaire puis du supérieur, les transformations générales
de l'organisation du travail (organisation « post-fordistes
») et la généralisation du système productif
à l'ensemble de la société, ont assigné
à l'Université une nouvelle place et de nouvelles
fonctions. L'ouverture de l'Université, comme celles d'autres
lieux d' « enfermement » (prison, hôpital, entreprise…),
a rendu caduque, et finalement stérile, toute analyse en
terme de secteur public et privé. Ce à quoi l'on assiste
n'est pas une privatisation de l'université mais la formation
d'un nouvel agencement entre les entreprises et l'Université
au travers de l'invention de nouveaux dispositifs où les
relations et les frontières respectives se recomposent.
L'Université Productive ou ce que nous sommes en train
de devenir…
On prend généralement le prétexte pour appuyer
la construction de ces nouveaux dispositifs l'anxiété,
réelle ou imaginaire, des étudiants ou de leurs parents
face à un avenir professionnel incertain et un chômage
avéré. La crise économique, avec les chocs
pétroliers de 1973 et 1979, aurait, d'une certaine manière,
entraîné l'université à avoir des «
dysfonctionnements d'orientation » et un enseignement de savoirs
inadaptés à son environnement économique et
social. La compétition internationale, plus âpre et
plus généralisée, ferait d'elle une extraordinaire
fabrique à chômeurs. Les étudiantes et les étudiants
voudraient donc être « professionnalisés »
pour éviter ce triste futur et commencer leur Plan Epargne
Logement, pour se marier et engendrer leur descendance. Les professeurs
de leur côté, oublieux de leurs intérêts
corporatistes et soucieux démocrates pour une fois, et une
fois seulement, seraient attentifs à ces demandes légitimes
et accompagneraient volontiers ces réformes essentielles.
On ne peut qu'être amusé en écoutant ces discours
comiques et impudents. On peut, en effet, trouver, au début
des années 1970, la trace d'analyses, en se donnant peu de
peine, qui annoncent la disparition concertée du «
plein-emploi » et de l'Etat social avant qu'une soi-disant
« crise » économique ne vienne ébranler
leurs fondements [1] Loin d'apaiser une sourde inquiétude,
ce qui se prépare et se met en place entends plutôt
nous plonger dans les affres de la « compétition mondiale
» et ceci sans attendre notre sortie de l'université.
La nouvelle mise au travail de la jeunesse
Tout le monde sait très bien qu'une grande majorité
des étudiants travaillent tout en suivant leurs études.
Mais cet état de fait reste la plupart du temps perçu
comme une conséquence du recul de l'Etat providence et de
la massification de la population étudiante (nombres d'étudiants
venant maintenant des couches moins aisées de la population
doivent travailler pour se payer leurs études). Si cela peut
préoccuper certains syndicats étudiants, cela est
rarement relié avec les transformations du système
productif et de l'université. On en parle souvent en terme
d'égalité des chances, de conditions d'études
etc. Mais rarement est mis en avant le fait que ce phénomène
ne peut s'analyser qu'au travers de transformations plus profondes.
Cette mise au travail des étudiants est un élément
central de la nouvelle fonction de l'université. Il faut
préciser que les différentes réformes participent
pleinement à ce processus. Le diplôme permettait de
sanctionner la sortie de l'université et constituait une
sorte de clef pour entrer dans le monde de l'entreprise. La mise
au travail de cette jeunesse qui avait accès à l'université
avait donc lieu à la sortie des études et était
quelque chose en quelque sorte de programmé . Or aujourd'hui,
notamment avec la porosité de l'université et des
entreprises, cette séquensisation en temps de formation/temps
de production ne peut plus s'effectuer et la sanction du diplôme
n'est plus la condition d'entrée dans le monde productif.
C'est ce que l'on appelle « la crise du diplôme ».
Cela ne veut pas dire que le diplôme ne servirait à
rien, ou n'aurait plus d'utilité mais plutôt qu'il
n'a plus la même fonction dans la configuration sociale actuelle.
Le dispositif d'employabilité
Il se met donc au sein de l'université un ensemble de dispositifs
ayant pour but de mettre la population étudiante au travail.
Contrairement à ce qu'il a été, cette mise
au travail ne se fait plus en « bout de chaîne »
de l'université mais aux différents moments et situations
de celle-ci. Les différentes réformes tendent à
segmenter le parcours universitaire selon cette logique où
des dispositifs d'employabilité sont développés
à chaque segment On peut alors regarder les réformes
successives de l'université à partir du problème
qui se pose au système actuel : comment mettre la population
étudiante au travail ? Quels dispositifs doit-on développer
afin de capturer cette intellectualité de masse potentiellement
si productive ? La nécessité d'inventer de nouvelles
machines n'est pas tant que cette population serait non-productive,
incompétente, mais bien plutôt quelle possède
une virtualité productive formidable qui ne correspond plus
aux anciens dispositifs, qui n'est pas « capturable »
par ces même agencements. Il faut alors développer,
inventer d'autres mécanismes qui permettent de trier les
individus selon les « compétences » dont le système
économique a besoin. Mais ces dispositifs n'interviennent
plus à la marge de l'université comme l'étaient
les diplômes. Le nouvel agencement entre l'université
et les entreprises fait que ces dispositifs traversent l'université
et opèrent en quelque sorte de l'intérieur. Cette
mise au travail s'organise de différentes manières.
On peut examiner de plus près ces trois niveaux de travail
en formation ou de formation mise au travail.
On peut désigner ainsi ces trois niveaux en partant de
l'organisation actuelle de l'Université :
a) le DEUG-Kiabi/Mac Do ;
b) le diplôme professionnel-Tefal/Renault (future licence
professionnelle ?) ;
c) la recherche innovante (futurs masters et doctorants ?).
a) Des entreprises, telles que Mc Do ou Décathlon, ont mis
en place des " contrats étudiants " à horaires
variables sur l'année qui requièrent une totale disponibilité
de l'étudiant, celui-ci devant se tenir au service de l'employeur.
Cela permet à l'entreprise de disposer d'un volant de main-d'œuvre
hyperflexible pour restructurer ses coûts productifs. L'étudiant
constitue alors une force de travail spécifique ayant une
place spécifique dans l'organisation de la production. Notons
que ce type d'emploi requiert une flexibilité similaire à
celle qu'impose l'organisation de l'étude en modules semestriels
qui existe déjà par endroits. Par exemple à
Rennes où, par la mise en place d'un système avec
disciplines " majeure " et " mineure", une réorientation
est possible en cours d'année sans " perte de temps
". Notons enfin que c'est pour l'étudiant l'occasion
de faire l'apprentissage du " savoir-être " désormais
indispensable : c'est en décors réels qu'il pourra
s'entraîner, sous l'œil de ses supérieurs, aux
nouveaux exercices des qualités immatérielles de la
force de travail : curiosité, aptitude à communiquer,
etc.
b) Le diplôme professionnel (préparé dans
les Instituts Universitaires Professionnels) fait apparaître
le caractère productif du travail fourni dans le cadre de
la formation elle-même. Non seulement, comme on le verra plus
loin pour les ECTS, les groupes d'entreprise participent à
l'élaboration des programmes et interviennent directement
dans l'enseignement, mais aussi, les entreprises bénéficient
des études de projets menées par les étudiants
qui, parce qu'elles sont pour eux partie prenante de la formation,
ne sont pas payées. La prise en charge par les étudiants
eux-mêmes de leur formation, alors même que pendant
ce temps ils produisent de la richesse, est un outil (matériel)
essentiel de maintien d'une domination dans le travail. Pour donner
un exemple de cette production de richesse non rémunérée
: à l'IUP d'Evry-Val d'Essonne, les étudiants en deuxième
année planchent en TD sur des " cas concrets "
; ainsi, on a pu leur faire réaliser une étude de
montage robotisé des serrures de portière Renault,
ainsi que la mise au point d'un système de pesage électronique
pour Tefal.
c) Enfin il faut évoquer les projets de recherche pris
en charge par les enseignants-chercheurs à l'université.
L'université Villeneuve d'Ascq développe plus de 65
% du potentiel scientifique régional. Quelques exemples d'"
innovations villeneuvoises ", à travers des projets
de transfert de technologies à dimension européenne
ou mondiale. Donc il y a bien une dissolution de la frontière
entre le monde du travail et l'université. La formation est
un temps de production et réciproquement. La distinction
entre travailleur et étudiant se brouille, s'estompe, sous
la montée de la sollicitation généralisée
de la disposition à l'apprentissage, à la formation
" tout au long de la vie "...
La mise en visibilité des parcours de formation
En ce sens il nous faut comprendre la mise en visibilité
et en lisibilité [2] de nos parcours de formation, et plus
généralement de nos trajectoires de vie, comme ce
qui va permettre aux entrepreneurs de capturer les forces productives
qui traversent notamment les étudiantes et les étudiants.
Se bâtir un « profil » c'est-à-dire un
ensemble de compétences constituées par une trajectoire,
un cursus lié à un style de vie, c'est somme toute
se construire en fonction des attentes des entreprises, suivant
les possibilités qu'offrent les bassins d'emploi. C'est cela
être employable. C'est pour cela que les entreprises ont besoin
de connaître précisément les trajectoires estudiantines.
C'est ce que leur permet effectivement les lois Lang-Ferry puisque
qu'aux diplômes sera ajouter « une annexe descriptive
dite "supplément au diplôme" afin d'assurer,
dans le cadre de la mobilité internationale, la lisibilité
des connaissances et aptitudes acquises [3] ». Cette logique
des compétences traverse les manières de se former.
En effet, le but est d'être sa propre entreprise et de se
vendre sur le marché du travail. On se doit de devenir le
produit qui doit trouver sa demande, c'est-à-dire incorporer
les attentes des entreprises. On voit donc se dégager un
mouvement circulaire entre l'intériorisation, par chacun,
de son orientation dans la formation comme " choix de vie "
et la lisibilité des contenus de savoir tournée vers
les besoins des entreprises. Il y a alors une complémentarité
entre cet auto-contrôle, qui nous traverse et nous divise,
et les dispositifs de filtrage chargés de rendre visibles
et lisibles les compétences cumulées. Nous voyons
cette logique à l'œuvre dans les réformes Lang-Ferry.
L'important n'est peu-être plus le diplôme, le niveau
atteint, mais plutôt le parcours, la singularité des
connaissances et aptitudes acquises et leurs valeurs possibles dans
un bassin d'emploi. Ainsi la réforme ECTS rend possible la
validation du trajet effectué sans que pour autant celui-ci
corresponde à un titre (diplôme national) ou à
un grade [4]. Ceci entérine le passage d'une organisation
du travail basée sur les qualifications, qui sont reconnues
par le droit du travail et les conventions collectives, à
celle en termes de compétences, qui évalue l'employabilité.
Par ailleurs, des formations interdisciplinaires sont préconisées
pour la constitution des filières de licences professionnelles
[5] dans les décrets et arrêtés de l'ECTS. Ceci
pour former les personnes à différentes activités
et postes dans les entreprises. Cette ouverture des filières
sur d'autres savoirs, bien loin de nous servir, de correspondre
à nos désirs, risquent bien plus de servir à
augmenter seulement les capacités productives attendues par
les entreprises. L'interdisciplinarité a cette fonction de
mélanger les savoirs pour ensuite les redistribuer en terme
de compétence. C'est le savoir lui-même qui se flexibilise
en vue d'une adaptation aux nouvelles dispositions productives requises
(polyvalence, initiative, motivation…)
La segmentation des formations
Cette lisibilité des parcours est accentuée notamment
par une segmentation des formations. En effet, cette segmentation
permet de saisir la cohérence des études. Elles seront
organisées en parcours types de formations [6] : Un premier
niveau de 180 crédits du système européen de
crédits correspondant au grade de licence professionnelle,
un deuxième niveau de 300 crédits au nom de master
qu'il est possible de poursuivre si on a le souhait et l'aptitude
mais surtout s'il y a cohérence avec le parcours déjà
suivi. Les mêmes grades et niveau de crédits sont attribués
pour la filière recherche (grade licence recherche pour 180
crédits. Grade master pour 300 crédits). Entre ces
deux types de cursus, professionnel et recherche, bien entendu il
est difficile, sinon impossible [7] de faire des passerelles, car
les suivis d'orientation et de réorientation seront là
pour assurer une traçabilité et cohérence forte
des parcours de formation [8].
D'autre part, « La demande d'habilitation (…) précise
en particulier les objectifs de formation, l'organisation des parcours
en crédits européens et l'articulation des unités
d'enseignement entre elles, leurs contenus, leurs modalités
pédagogiques, les volumes de formation correspondants aux
enseignements et à l'encadrement pédagogique, les
passerelles prévues, les modalités de validation des
parcours, le cas échéant les conditions spéciales
d'admission [9] . S'agissant des renouvellements d'habilitation,
la demande explicite les résultats obtenus, les réalisations
pédagogiques et les taux de réussite observés
» [10] . Nous voyons par-là que les formations, et
surtout leur pérennisation, sont conditionnées par
le taux de réussite et surtout l'intégration des étudiants
dans le monde du travail. D'autant plus que la prospection est primordiale
pour anticiper les mutations du marché du travail. Les formations
devront alors répondre à l'état à un
moment donné du marché du travail, à ses attentes
et besoins. C'est ainsi que « les représentants du
monde professionnel concernés par les objectifs de formation
des parcours sont associés à la procédure d'évaluation
» [11]. Le but recherché est de savoir si les formations
et les compétences développées chez les étudiants
correspondent bien aux attentes des entreprises. Si les perspectives
des entrepreneurs se modifient, cela entraînera une rectification
des savoirs dispensés dans ces formations. En ce sens, les
demandes de réhabilitation des filières de cette université
productive devront s'appuyer sur les suivis de cohortes et des enquêtes
d'insertion [12] que prônent les ECTS. On peut largement estimer
que ce qui s'opère dans ces orientations de traçabilité
des étudiants, c'est la programmation de l'existence de ces
multitudes, de leur devenir même, par le modelage continu
de leurs singularités en compétences. Ceci afin de
constituer les publics adéquats aux motivations attendues
des entreprises. Par ces quelques exemples, nous voyons alors que
les ECTS actualisent l' inscription de l'université dans
un bassin d'emploi dans une volonté de capter une part de
notre puissance productive en la modelant en vue d'une compétition
économique généralisée. En définitif,
nous pouvons dire que les ECTS concrétisent le processus
circulaire suivant : ouverture de l'université sur le monde
de l'entreprise et le bassin d'emploi dans lequel elle est implantée,
attention et vigilance des entreprises à l'intellectualité
de masse produite à l'intérieur de cette université
qui devient productive. La lisibilité accrue des parcours
est l'opération de mise en valeur des singularités
des étudiants. Cette opération permet la capture possible
des compétences en vue de leur asservissement au système
productif actuel. Ce qui fait de nous enfin de compte moins des
étudiants que des travailleurs précaires intellectuels.
Nous avons vu alors que les frontières entre formation et
temps d'études se dissolvent. La formation, en tant qu'elle
fait partie de la machine productive, est en elle-même productive.
Elle n'est plus un temps séparé, d'ailleurs les idées
de formation continue, « tout au long de la vie », sont
là pour nous en convaincre. Se former, pour ceux qui nous
gouvernent, c'est se remettre en phase avec leurs attentes. Ces
métamorphoses impliquent alors un renouvellement des axes
de luttes jusqu'alors envisagées.
1 - Il est vain de s'accrocher aux débris de l'université
des « Héritiers ». Mieux vaut aller, le couteau
entre les dents, à l'abordage de l'université productive
pour y prendre la salle des machines, et la dévier vers des
contrées plus rayonnantes. Nous avons par ces transformations
la possibilité historique et inédite de multiplier
nos forces par la jonction avec ceux qui subissent les mêmes
logiques et qui possèdent une puissance similaire : chômeurs,
précaires et salariés. Il est nécessaire de
lutter, dans un premier temps, pour la reconnaissance de notre appartenance
à la sphère productive.
2 - Il importe aussi de construire des stratégies contre
ce nouveau système de contrôle qui s'établit
par la mise en place d'un dispositif d'évaluation de compétences.
La productivité de ce travail immatériel ne se situe
pas dans la possession de compétences individuelles qui ne
sont que des potentialités. Cette puissance productive réside
dans leur mise en perspective et en réseau dans des collectifs.
Les compétences sans leur mise en relations ne sont rien.
Elles n'existent que collectivement. C'est en ce sens qu'il importe
de lutter contre l'ineptie de la notion de compétence, de
mérité individuel, pour promouvoir une intelligence
collective, un « intellect général »,
une coopération sociale qui passe à l'existant, qui
s'actualise en situation. Toute tentative de définition de
compétence acquise par l'entreprise ou l'université
vise et a pour effet de nous séparer de ce que l'on peut
en nous individualisant et de placer toute production, toute création
sous la surveillance et la vérification de cette figure hybride
qu'est l'université-entreprise.
3 - Comme il est impossible, dès lors, d'établir
la part de chacun dans le procès de production, il importe
de garantir un revenu pour toutes et tous. Pour que cesse cette
rivalité qui oppose les individus entre eux et traverse chacun,
le divisant en lui-même. Le revenu garanti est alors la conséquence
des axes de luttes précédemment citées et la
condition de leur effectuation.
Des précaires-etudiants
NB : Les analyses précédentes s'inspirent de différents
textes : Le rapport Attali, le schéma de développement
de l'Université de Nantes (1999-2004) et les textes concernant
les ECTS (le décret du 8 avril 2002 intitulé «
SANCTION DES ETUDES - Application au système français
d'enseignement supérieur de la construction de l'Espace européen
de l'enseignement supérieur », l'arrêté
du 23 avril 2002 intitulé « étude universitaires
conduisant au grade de licence », et l'arrêté
du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master), Dix
thèses sur l'université productive, Post-scriptum
sur les sociétés de contrôle de Deleuze (1990
L'autre Journal), et de nombreux documents nantais d'analyses sur
l'université : le rapport Attali et le schéma de développement
(1999), Pour une Université Libre (compte-rendu et analyse
d'une rencontre entre des entreprises et la filière LEA)
(2000), Transformations de l'Université (2000), La mise au
travail de la jeunesse (2001)… Pour celles et ceux qui s'intéressent
à ces questions vous pouvez vous rendre sur les sites suivants
: www.legifrance. gouv.fr
pour le droit, et pour nourrir la pensée : http://www.ecn.org/cqs/
; www.samizdat.net ; vacarme.eu.org
NB 2 : Pour ceux qui doutent de la réalité du processus
en cours, deux exemples nous ont été donné
par l'actualité récentes. Les futurs assistants d'éducation
pourront convertir leur experience en points ECTS. Travailler c'est
donc se former. On peut se référer aussi à
l'article du Monde du 10 mai 2003 intitulé, "L'université
de Valenciennes pionnère du régime LMD" qui donne
des exemples de cette dissolution des frontières de l'Université
et la mise au travail de la jeunesse.
Le lien d'origine : http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=1729
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