On se frotte les yeux en regardant la date de publication de son livre.
Mais non, on a bien lu: avril 1995. Et pourtant, on n’a pas assez
de doigts pour compter les idées, les valeurs, les combats aujourd’hui
portés par les mouvements sociaux, et que Jean-Louis Sagot-Duvauroux avait
cernés ou pressentis longtemps avant qu’ils n’émergent. Du
coup, Pour la gratuité (aux éditions Desclée de Brouwer) se retrouve
pile synchrone, et offre une grille de lecture idéale pour comprendre
et renforcer la cohérence de luttes dont on souligne assez – lors
des manifestations des "altermondialistes", notamment – l’apparente
disparité. La gratuité, dit lui-même Sagot-Duvauroux, le combat pour "améliorer
ou étendre la part gratuite de la vie", peut servir de "boussole
pour des combats apparemment dépareillés".
"Tracer la géographie du continent "gratuité", écrit-il, fait
surgir à la conscience des images et des perspectives inattendues: les
flots de la mer y côtoient la sécurité sociale; le temps libre, celui
que nous ne sommes pas contraints de vendre pour gagner notre vie, s’ouvre
sur l’invendable amour comme sur le studieux murmure de la bibliothèque
municipale… Réconfortante mise en lumière: l’argent et ses
lois n’ont pas pris le pouvoir partout; la vie humaine n’est
pas forcément vouée au culte de la marchandise; même si elle reste un
parti pris, la gratuité n’est pas une illusion." Pour conjurer
le défaitisme et les intimidations menaçant toute personne qui, aujourd’hui,
continue à rêver de transformation sociale, il prend appui sur du tangible,
sur de l’irréfutable. Il y a les gratuités premières, comme la lumière
du soleil, qui se répand sur la Terre "sans faire acception des comptes
en banque": ainsi, "ce que Staline voulait construire en caserne
et par la trique, le rêve antique du communisme, s’accomplit chaque
matin dans la profusion, de préférence au mois d’août, et à la joie
d’une forte majorité des bénéficiaires". Et il y a les gratuités
construites: "L’école est toujours à peu près gratuite. Malgré
les attaques dont elle est l’objet, l’assurance-maladie rembourse
le pauvre comme le riche. Ce chemin n’a pas été facile à tracer.
Il est menacé. Il n’est pas fermé."
Sagot-Duvauroux propose de cartographier l’archipel d’"authentiques
îlots de vraie gratuité – de communisme" qui, malgré "la
mer montante des rapports marchands", émergent encore dans nos vies,
de travailler à les renforcer et à en créer d’autres. Il faut, dit-il,
"répertorier tous les espaces de gratuité qui subsistent et que la
nomenclature habituelle de nos représentations éparpille sous des rubriques
différentes. Cela permettrait sans doute de faire apparaître un territoire
beaucoup plus imposant qu’on ne l’imagine au premier abord,
un rapport de forces beaucoup plus disputé entre le gratuit et le marchand,
prise de conscience qui constitue en elle-même un puissant encouragement
à combattre le règne de l’argent. Affirmer la pertinence de la notion
de gratuité, contribuer à mettre en évidence le découpage et la forme
qu’elle imprime à la réalité, c’est déjà un acte politique
de rassemblement contre les puissances du marché".
"Le mythe du paradis terrestre est, depuis des milliers
d’années, un symptôme du profond désir de gratuité"
Notion simple, la gratuité peut constituer un levier de changement efficace,
parce qu’elle est enracinée au plus profond de l’histoire
et de la conscience humaines: "La Genèse met en scène la souveraine
gratuité de la Création, la vie gratuitement offerte à l’homme et
à la femme, les herbes portant semences, les arbres couverts de fruits
(…). Le mythe du paradis terrestre est, depuis des milliers d’années,
un symptôme du profond désir de gratuité. (…) La résonance
émotionnelle et poétique de cet archétype, la pensée qu’il exprime
trouvent un écho répété dans les nostalgies des hommes et dans leurs espérances."
Ailleurs, Sagot-Duvauroux évoque encore "ce qu’ont déposé en
nous, pêle-mêle, le bon sauvage de Rousseau et la communauté chrétienne
des temps apostoliques, l’extase de la jouissance partagée et les
vieilles franchises communales, la cueillette des champignons, l’air
iodé sur un paysage marin, la bande dessinée gratuitement lue et remise
dans son rayon, le communisme primitif, le sein maternel…"
Aujourd’hui, dans le désert laissé par la "fin des idéologies",
il estime que la gratuité "offre un champ d’analyse propice à
la réflexion sur une transformation sociale possible, aboutie, non totalitaire
et non dictatoriale". Comme Miguel Benasayag dans Du contre-pouvoir
(2001), il affirme la nécessité d’abandonner le mythe d’une
transformation politique qui interviendrait à la faveur d’un "grand
soir" (nous devons "cesser d’attendre Godot", dit quant à
lui Benasayag). Ainsi, la gratuité le séduit parce qu’elle permet
d’envisager "une vraie transformation sans messianisme politique".
Ancien militant communiste, il récuse l’idée d’un changement
"par le haut", grâce à une élite éclairée qui prendrait en charge tous
les aspects de l’existence des masses, et contrôlerait de A à Z
le processus d’évolution historique. Il énumère les erreurs commises
par le "progressisme totalitaire": "foi scientiste dans la capacité
à analyser, à prévoir, à intervenir, hypertrophie du rôle dévolu au pouvoir
d’Etat, surestimation de sa capacité à jouer sur les rapports de
forces qui traversent la société dans ses profondeurs". Il ironise
sur cette obsession du contrôle rationnel: "A gauche, notamment chez
les communistes, celui qui pense bien est programmé politiquement conscient:
sacré appel aux vengeances de l’inconscient!" Le totalitarisme,
dit-il, "croit à l’utopie comme les enfants croient au Père Noël
(…). Il invoque un salut global, brutal, figuré par le grand
soir tant attendu. Il emporte dans la vague de son espérance la complexité
de la vie humaine (…). Il en oublie que, pour le plus ardent
révolutionnaire, le grand soir sera le jour du malheur si cette nuit-là,
par accident, sa compagne bien-aimée passe sous un autobus".
"Un indice très riche des limites que connaît tout
pouvoir politique quel qu’il soit"
Cette prise en compte du "niveau du sol" appelle une nouvelle manière
de faire de la politique: la gratuité, souligne Sagot-Duvauroux, ne tient
pas "grâce au pouvoir, mais à côté du pouvoir, souvent en dépit du
pouvoir, parce qu’elle est endossée par la société qui ne s’imagine
plus vivre sans elle. C’est un indice très riche des limites que
connaît tout pouvoir politique quel qu’il soit, qui tient à des
rapports de force ancrés dans les profondeurs de la vie sociale, peut-être
même dans les profondeurs de la vie tout court, et sur lesquels les joutes
et les succès électoraux interviennent beaucoup moins que ne le croient
ceux qui s’y adonnent". Là aussi, la comparaison s’impose
avec Miguel Benasayag, qui récuse les formes traditionnelles de l’engagement
politique – des militants rangés en bon ordre derrière un programme
et une avant-garde visant la prise du pouvoir. Benasayag est persuadé
que le véritable changement ne peut venir que de la base, et que l’actuel
mouvement altermondialiste doit absolument avoir le courage de conserver
son caractère désordonné.
Pas plus que lui, Sagot-Duvauroux n’imagine le changement comme
une rupture temporelle faisant table rase de tout ce qui existe. Il est
persuadé qu’"une gratuité socialement organisée, même quand elle
est bornée par des rapports marchands qui en effet l’assiègent et
tentent de la récupérer, va infiniment plus loin dans ses effets transformateurs
pour la vie des hommes que le marché socialiste mis en place par les régimes
communistes". Paradoxalement, la radicalité passerait par la mixité:
"La cohabitation entre le marché capitaliste et des zones de gratuité
libère réellement, durablement certains domaines de la vie humaine, tout
en laissant sa part au feu, en abandonnant à la nature des choses,
c’est-à-dire aux brutales régulations marchandes, ce que l’état
profond des rapports de forces ne permettrait pas de gérer efficacement
d’une manière moins inconsciente (plus civilisée).
(…) La mixité de l’économie, non comme un saupoudrage
de normes sociales, d’ailleurs indispensables, dans les pratiques
marchandes, (…) mais comme la constitution d’un espace
non marchand – gratuit –, suffisamment solide et bien identifié
pour produire, dans les faits et dans les têtes, un rapport de forces
capable de tenir le marché capitaliste en respect, ses appétits,
sa propagande."
"L’hyper-conscience des rapports d’exploitation
empêche d'utiliser politiquement, et même de discerner
les innombrables failles"
Mais les anciens schémas révolutionnaires ont la vie dure. L’attitude
globalisante et uniformisante héritée du totalitarisme, observe Jean-Louis
Sagot-Duvauroux, a profondément influencé le discours des opposants au
capitalisme. Il décèle chez beaucoup d’entre eux une "grave dépression
de la pensée dialectique" qui a pour effet de bloquer toute action:
"L’hyper-conscience des rapports d’exploitation comme trait
dominant de la vie sociale empêche bien souvent d’utiliser politiquement,
et même de discerner les innombrables failles et fractures héritées de
l’histoire ou de la nature humaine." Lorsqu’on
ne perçoit le monde que sous l’angle des rapports d’exploitation,
la gratuité elle-même devient suspecte: "L’école gratuite est
interprétée, dénoncée par certains cercles révolutionnaires de l’époque
comme une manœuvre de la bourgeoisie industrielle en quête de main-d’œuvre
plus qualifiée." Une vision un peu courte, selon lui: "Les besoins
du capitalisme industriel ont joué en faveur du développement de l’instruction,
mais le fait que ce développement ait historiquement – et localement
– pris la forme d’une gratuité submerge en quelque sorte les
calculs qui présidèrent aux rassemblements de forces suffisants pour l’emporter."
Autrement dit, ce n’est que si on renonce aux grilles de lecture
politiques trop rigides et si on prend en compte l’humain, l’imprévu,
"les profondeurs de l’histoire et des individus", que l’on
peut espérer agir sur les choses et modifier le rapport de forces. Sagot-Duvauroux
fustige cet intégrisme nihiliste qui "nourrit une inquiétude paranoïde
face à une société oppressive où tout se dresserait avec une malveillance
à peu près égale devant les artisans de la justice, les soldats des luttes
de classe".
Or justement, "la fenêtre que la gratuité ouvre sur la réalité humaine
fait apparaître une ligne de fracture qui traverse l’esprit de chacun,
où qu’il soit placé dans l’échelle sociale. Elle révèle, non
l’inexistence des antagonismes nés du procès de production des richesses,
mais leur profonde imbrication dialectique avec des strates antérieures
de l’histoire collective et de l’aventure individuelle, ces
strates qui sont elles-mêmes le produit dialectique de la nature et de
l’histoire, du reçu et du vivant. Et cette fois encore, il s’agit
d’une bonne nouvelle. Car de ces sédiments, de ce terreau que nous
ne maîtrisons pas, dont la fécondité ne nous est que partiellement connue
et ne se révèle qu’en même temps que l’histoire se fait, on
peut attendre autre chose que les sinistres prévisions orwelliennes, autre
chose que les chants inquiétants de lendemains programmés".
"Avancer vers la gratuité des transports est un moyen
d’enrayer la dégradation de la vie en ville, d’humaniser
les relations sociales"
L’une des revendications de gratuité précises qui sont apparues
ces dernières années concerne les transports; elle est portée par des
mouvements de chômeurs et de précaires dans toute l’Europe –
en France, par l’Association pour l’emploi, l’information
et la solidarité (Apeis), par Agir ensemble contre le chômage (AC!), par
le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) et par la plupart
des acteurs des mouvements sociaux (voir leur appel sur le site de la
revue Vacarme). Déplorant la baisse du financement public de la
Régie autonome des transports parisiens (RATP), qui tend à transformer
toujours plus l’usager en client, Sagot-Duvauroux fait remarquer
que pourtant, l’utilité sociale des équipements de transports publics
"dépasse très largement la réponse aux besoins de déplacements individuels:
comment intégrer au financement des transports en commun la plus-value
qu’apporte au propriétaire d’un appartement, au commerçant
ou à l’industriel le prolongement d’une ligne de métro? Comment
calculer l’économie que représentent les transports en commun en
matière d’environnement? Comment l’agglomération parisienne
pourrait-elle assumer correctement sa fonction de capitale et son rayonnement
sans un tel réseau?"
Il souligne aussi que la politique tarifaire de la RATP – plus on
vit loin du centre, plus on paie cher – tend à renforcer la marginalisation
des habitants des banlieues. Comme les chômeurs, obligés de se déplacer
beaucoup pour rechercher un emploi, ils n’ont d’autre choix
que la fraude. Les dégradations des équipements de transports publics
en banlieue sont sans doute, pointe Sagot-Duvauroux, une réaction désordonnée
à ces "déprimantes injustices". Et il affirme: "Rétablir, élargir,
renforcer le caractère semi-gratuit des transports en commun, avancer
vers la gratuité est un des moyens dont dispose la collectivité pour enrayer
la très inquiétante dégradation de la vie en ville, pour adoucir les relations
sociales, pour les humaniser". Dommage qu’en ce moment, alors
que l’insécurité est le grand thème de la campagne présidentielle
française, aucun candidat ne fasse ce genre de proposition. La plupart
préfèrent parler d’enfermement, d’"éloignement" des
mineurs délinquants – c’est tout juste s’ils prennent
quelques précautions oratoires en évoquant une vague "prévention"
à laquelle seraient, "bien sûr", couplées ces mesures ultra-répressives,
plus propres à transformer les villes en véritables jungles qu’à
les pacifier.
Construire une "culture de la gratuité"
Le premier réflexe face à ce genre de revendications serait d’objecter
de manière irréfléchie: "Mais il n’y a pas d’argent!"
Et pourtant, si: "Jamais de toute son histoire, la France n’a
été aussi riche", rappelle Sagot-Duvauroux. Il y a de l’argent,
mais l’économie, fonctionnant de plus en plus en circuit fermé,
exclut de la redistribution des richesses un nombre croissant d’individus.
C’est pourquoi il n’y a décidément aucun scrupule à avoir
à réclamer qu’on étende le champ des gratuités: "Le combat de
la gratuité (…) dégage un horizon à l’aventure collective
des hommes. Il donne de l’oxygène aux perspectives ouvertes par
la révolution scientifique et technique, et la socialisation accélérée
qu’elle entraîne. En permettant de circonscrire le champ de bataille
à des besoins humains chaque fois délimités, il rend possible le regroupement
de forces suffisantes pour emporter des victoires partielles mais solides."
Mais, plus que par le manque supposé de moyens pour la réaliser, les réticences
face à la gratuité s’expliquent peut-être par sa "mauvaise réputation",
que Jean-Louis Sagot-Duvauroux détaille dans l’entretien qu’il
nous a accordé. Dans son livre, il reconnaît l’existence des "abus
de gratuité", bien réels même s’ils ont sur les esprits un impact
"parfois disproportionné, toujours influencé par la propagande agressive
du marché". C’est pourquoi il prône "un accompagnement quasi
affectif des gratuités socialement construites", la constitution et
l’entretien constant d’une véritable "culture de la gratuité".
Pour cela, il juge que tous les moyens sont bons: il faut "puiser à
toutes les sources de la pensée, de l’engagement militant, de la
communication, de l’art ou de la vie spirituelle". Un exemple:
"Quand une collectivité territoriale met en place des transports gratuits
(ça arrive!), ne serait-il pas judicieux de marquer le caractère social
et acquis de ce droit en le soumettant à la présentation d’un
titre de transport non-payant, mais régulièrement et volontairement retiré
à l’administration chargée de gérer la cotisation?"
Le Collectif sans ticket : "Usagers responsables
plutôt que clients solvables"
C’est un peu ce qu’ont ébauché, en Belgique, les Collectifs
sans ticket, nés en écho aux grands mouvements des chômeurs français,
fin 1997. Ils éditent une "carte de droit aux transports" qu’ils
présentent en lieu et place du ticket payant réglementaire. "L’acte
posé par l’emploi de cette carte affirme en situation qu’une
autre logique est possible et sollicite concrètement les premiers intéressés
dans l’organisation des transports, les passagers et le personnel",
écrivent-ils. Ils organisent également des "opérations free zone":
vêtus de blanc, sur le modèle des tute bianche – les "tuniques
blanches" – italiennes, ils font irruption dans le métro bruxellois
en se présentant comme "les anti-contrôleurs du Collectif Sans Ticket".
Ils diffusent leur carte, expliquant que celle-ci "donne à tout le
monde l’occasion d’adopter une position d’usager responsable
plutôt que de client solvable". Communiquant par téléphone portable
avec leurs camarades (dans le métro bruxellois, les mobiles fonctionnent!),
ils avertissent les passagers que des contrôleurs les attendent deux stations
plus loin, et que, s’ils n’ont pas de titre de transport valable,
il vaut mieux descendre au prochain arrêt… Enfin, ils ont aussi
constitué une "assemblée mensuelle des usagers": autant de pratiques
qui préfigurent cette "culture de la gratuité" qu’appelle
de ses vœux Jean-Louis Sagot-Duvauroux.
Mais pour que cette culture puisse exister, une autre condition doit être
remplie: il faut que la distance séparant la cotisation et les droits
auxquels elle ouvre soit la plus grande possible. "La vraie gratuité
ne fait pas acception des personnes." Quand elle le fait, elle se
transforme en aumône, en stigmatisation pour ses bénéficiaires défavorisés:
"Le développement de la solution humanitaire n’est-il pas, d’ailleurs,
un aboutissement de la dégradation progressive des gratuités? Au droit
d’être loger, de manger, d’apprendre, de se soigner, elle
substitue la générosité d’un groupe médiatiquement identifié envers
des pauvres préalablement mis en spectacle et qui paieront de leur soumission
au sort la gratuité momentanée d’une station de métro ou d’une
tartine que beurrent les surplus européens."
Une chaîne trop courte empêche toute production de sens et induit, chez
les cotisants, les comportements individualistes: "Plus la cotisation
est générale, abstraite, socialement étendue, plus la gratuité est ressentie
et défendue comme telle par les consciences individuelles. A l’inverse,
plus le groupe des cotisants est étroit et l’objet de la cotisation
défini, plus le consommateur perce sous l’usager." C’est
ainsi que l’idée d’étendre le financement local de l’enseignement,
chaque ville ou département recrutant et salariant ses enseignants, par
exemple, non seulement aggraverait les disparités, mais empêcherait tout
débat national sur l’éducation. "Une telle évolution s’attaque
à tout ce que la gratuité de l’enseignement a construit de valeurs
spécifiques dans les consciences, de solidarité naturelle, de cohésion
nationale, de point de vue collectif sur la formation des jeunes."
De la même manière, l’assurance privée, qui tient compte de l’âge
et de l’état de santé de chacun pour fixer le montant des cotisations,
menace aujourd’hui la solidarité instaurée par la Sécurité sociale
et par le mutualisme.
"La diminution du temps de travail est le seul critère
intéressant du progrès"
Les transports mis à part, Sagot-Duvauroux évoque un autre domaine dans
lequel il serait pertinent de réclamer la gratuité: le logement social.
Il a lui-même détaillé cette proposition, malheureusement peu reprise,
dans quelques tribunes parues dans L’Humanité. Cependant,
le plus grand chantier qui s’offre aux partisans de la gratuité
aujourd’hui, c’est, estime-t-il, la lutte pour libérer le
temps, sur lequel s’exerce l’un des plus grands empires de
la logique marchande, chacun étant obligé de le vendre pour assurer sa
subsistance. "La diminution du temps de travail, le droit à la jouissance,
à l’activité gratuite et délibérée, à l’amour des siens, à
l’autonomie, au temps donné, le droit à prendre du bon temps sont
le seul critère intéressant du progrès, écrit-il. Le temps libre
provoque dans les consciences les mêmes effets que les autres gratuités.
On s’y attache avec force. On le considère rapidement comme naturel.
C’est un acquis sur lequel il est fort difficile de revenir."
De fait, le désir d’une plus grande part de temps libre s’est
exprimé de manière de plus en plus perceptible au cours des dernières
années. Les tentatives de soulever la chape de plomb que fait peser sur
nos sociétés l’idéologie du travail se multiplient. On dénonce les
souffrances toujours plus grandes liées au travail – ou à l’absence
de travail et à la culpabilisation qui en découle (Le Monde du
6 février nous apprenait que "les suicides sont de plus en plus souvent
liés à la vie professionnelle": restructurations, compétitivité, licenciements,
harcèlement moral…). Il y a eu le livre de Christophe Dejours, Souffrance
en France, celui de François Emmanuel, La question humaine,
ou encore celui d’Yves Pagès, Petites natures mortes au travail,
et plus récemment le film magistral et bien nommé de Laurent Cantet: L’Emploi
du temps. Parmi ceux qu’on appelle les "intellos précaires",
certains tentent de retourner une situation d’exploitation subie
pour la transformer en moyen d’exploration de nouveaux modes de
vie. Des penseurs comme André Gorz ou Dominique Méda théorisent la nécessité
d’une diminution de la place du travail dans nos vies, et ébauchent
d’autres modes de fonctionnement possibles.
Dans sa définition du "temps libre", Sagot-Duvauroux n’inclut
pas celui qui sert à récupérer de l’activité salariée: "Faire
en sorte que le temps hors travail soit strictement utilisé à reposer
de la fatigue et de la vacuité du temps vendu est un enjeu majeur pour
le marché capitaliste, car ainsi, il reste partout le maître du temps,
et maîtriser le temps d’autrui est la source du profit." Ce
qui intéresse notre auteur, c’est donc tout ce qui peut se produire
quand un individu trouve le moyen d’échapper à la télévision, aux
parcs de loisirs, au surf sur les sites commerciaux, au shopping, aux
clubs de rencontres…, à tout ce que le marché a prévu pour le garder
sous sa coupe. Ce temps libre n’est pas facile à conquérir: "Ce
qu’il perd d’une main, le marché cherche toujours à le reprendre
de l’autre, et lorsque le citoyen est momentanément libéré du pacte
salarial à travers lequel il vend son temps de vie, il est puissamment
sollicité, en tant que consommateur, à se maintenir dans le cycle de la
marchandise, ses tentations, ses frustrations, sa mise en scène du bonheur."
Des activités d’utilité sociale "qui peuvent ressembler
au travail, mais qui s’en différencient absolument"
Il n’empêche… Il reste possible de se mettre hors d’atteinte
de cette idéologie. Sagot-Duvauroux pointe du doigt ces "nombreuses
activités qui peuvent ressembler au travail, mais qui s’en différencient
absolument par l’absence de contraintes, de nécessité et de paiement,
activités individuelles ou associatives qui prêtent de réels services
et fournissent de véritables biens, élargissent leur territoire en marge
du monde marchand". Ces activités, Internet leur a donné une ampleur
et une portée nouvelles. Même si elle n’existait guère à l’époque
où Sagot-Duvauroux a écrit son livre, la possibilité pour chacun de créer
et d’alimenter un site est un exemple non négligeable de ces "activités
qui peuvent ressembler au travail". La gestion d’un site est
un "loisir", mais pas un loisir innocent; une activité privée, mais avec
de fortes répercussions sur la sphère publique: elle met à la disposition
d’autres utilisateurs – nombreux ou pas – une information,
pointue ou généraliste, qui leur est utile ou agréable. Le plus souvent,
cette information, produite pour le simple plaisir du partage, est gratuite.
Ce mode de fonctionnement d’Internet est un héritage de l’université,
où chaque chercheur met le résultat de ses recherches à la disposition
des autres: Internet popularise en cela le "communisme scientifique"
qui – selon la définition donnée par le sociologue Robert Merton
– régit le monde universitaire.
Parmi les valeurs attachées à la gratuité, Jean-Louis Sagot-Duvauroux
cite le don. Or Richard Barbrook, dans L’économie du don high
tech, a souligné la nature intrinsèquement "anarcho-communiste"
du réseau. Voici ce qu’il écrit: "Le Net reste avant tout
une économie du don, même si le système s'étend désormais bien au-delà
des universités. Des scientifiques au grand public en passant par les
amateurs, le cercle enchanté des utilisateurs s'est lentement élargi
(…). Le fait de donner et de recevoir des informations sans payer
n'est presque jamais remis en question. Même des raisons égoïstes encouragent
les gens à devenir anarcho-communistes dans le cyberespace. (…)
Chacun retire du Net beaucoup plus que ce qu'il pourra jamais donner
en tant qu'individu. La plupart des politiciens et des chefs de grandes
entreprises du monde développé croient que l'avenir du capitalisme réside
dans la marchandisation de l'information. Au cours des dernières décennies,
les droits de propriété intellectuelle ont été sévèrement étendus par
la promulgation de nouvelles lois nationales et de nouveaux accords internationaux.
Même le patrimoine génétique humain peut désormais être breveté. Pourtant,
dans les "marges" de la société de l'information naissante, les relations
marchandes jouent un rôle secondaire par rapport à celles qui résultent
de la forme réellement existante d'anarcho-communisme."
Au passage, Barbrook constate que sur le Net, l’anarcho-communisme
cohabite avec le capitalisme traditionnel. Les deux systèmes, dit-il,
se livrent une guerre qui peut être féroce, mais l’un n’a
pas vocation à se substituer à l’autre: ils sont condamnés à cohabiter
et à faire tous deux des compromis. On retrouve ici la "mixité"
que prône Jean-Louis Sagot-Duvauroux, et qu’il juge bien plus apte
à transformer la société qu’une rupture brutale avec le système
existant.
Le Net, laboratoire de l’affrontement entre logique marchande
et logique de gratuité
"Mixité", il le souligne à plusieurs reprises, ne signifie pas
absence d’affrontement. Et le Net constitue un bon laboratoire de
cet affrontement. Le réseau est l’un des terrains de prédilection
de la gratuité marchande, cette gratuité qui, écrit Jean-Louis Sagot-Duvauroux,
"mitonne ses cadeaux comme le pêcheur à la ligne plante un asticot
sur son hameçon". En France, l’irruption, début février –
à Paris et à Marseille –, des quotidiens gratuits, entièrement payés
par la publicité, a suscité un émoi justifié. Début 2000, pourtant, les
portails d’"information" ouverts par les start-up fraîchement
écloses ne fonctionnaient pas sur un autre modèle – même si leur
emballage high tech, singeant la contre-culture Internet, les faisait
alors passer pour de décoiffantes innovations. Comme le soulignent les
tenants du Libre, l’économie des biens immatériels tend naturellement
à la gratuité. Autant cette gratuité, sur Internet, peut ouvrir de formidables
perspectives d’évolution sociale quand elle s’inscrit hors
de la logique marchande, autant elle devient calamiteuse lorsqu’on
se met en tête de transformer le réseau en nouvelle poule aux œufs
d’or. Fort logiquement, les start-up, placées devant l’impossibilité
ou la difficulté de faire payer le contenu par l’utilisateur, s’étaient
tournées vers la publicité. Ce modèle, comme on le sait, n’a pas
fonctionné: mais on aurait bien aimé qu’il suscite la même levée
de boucliers que les quotidiens gratuits aujourd’hui…
Affrontement entre la logique gratuite et la logique marchande, encore,
à travers la question de la propriété artistique et littéraire, qui, avec
l’essor d’Internet, s’est posée avec une acuité inédite.
Sagot-Duvauroux s’y arrêtait déjà, et il raisonnait en théoricien
du Libre qui s’ignorait: "Un livre est une marchandise, mais
le texte lui-même en est-il une? La fluidité des idées, leur destination
même, les processus par lesquels l’esprit se les approprie rendent
spécieux les termes de propriété. Il est possible, sans problème et sans
délit, de consommer un livre ou un film dont on n’est pas propriétaire.
Tentez la même expérience avec une côte d’agneau!" On peut rapprocher
cette ébauche de réflexion sur le caractère singulier des œuvres
de l’esprit de celle de l’éditeur Michel Valensi dans son
"Petit traité plié en dix sur le Lyber". Sagot-Duvauroux s’inquiète
d’un durcissement de la notion de propriété artistique ou littéraire:
ce durcissement est aujourd’hui une réalité, puisque la numérisation
et les possibilités qu’elle offre ont radicalisé l’antagonisme
entre les multinationales de la culture et les usagers désireux d’accéder
aux œuvres et de les échanger librement. Comme l’écrit Richard
Barbrook, "sur le Net, renforcer les droits de reproduction revient
à imposer la rareté à un système technique conçu pour maximiser la diffusion
de l'information". Mais à l’époque, c’était la directive
européenne mettant en cause le prêt gratuit en bibliothèque qui alarmait
Jean-Louis Sagot-Duvauroux: "Si l’on suit cette logique, il faudra
un jour interdire aux enfants d’apprendre des poésies par cœur
et de les réciter à leurs parents, taxer les correspondances amoureuses
quand elles s’enrichissent de grandes confidences laissées par les
écrivains, renoncer aux soirées chantantes!" (En 2000, le "prêt
payant" en bibliothèque allait susciter en France un débat sanglant.)
Parmi les nombreux textes du Libre dénonçant eux aussi cette logique,
on peut citer celui de Richard Stallman, "Le droit de lire". Au
chapitre paradoxal de la propriété intellectuelle, Sagot-Duvauroux évoque
aussi les médicaments anti-sida, et la "répugnante course au profit"
qui montre bien "tout ce que l’humanité perd en ne sauvegardant
pas une certaine gratuité du savoir".
"La gratuité nous invite à aimer ce qu’elle offre
pour ce que c’est, non pour ce que ça vaut"
Mais il ne se contente pas d’énumérer les domaines dans lesquels
la gratuité apparaît comme une notion à sauvegarder ou à promouvoir: il
analyse aussi les valeurs spécifiques dont elle est porteuse. Le don,
on l’a déjà vu, mais aussi la singularité, l’unité et l’autonomie.
Singularité: "Selon l’évangile [du pouvoir économique], le bonheur
est interchangeable, il a des billets de banque pour équivalence, il se
gagne à la Bourse ou bien au loto. La gratuité dit le contraire; pour
elle, rien ne se ressemble; chaque chose a son goût, chaque être, chaque
moment." Unité: "Le marché découpe l’homme en tranches et
pour chaque rondelle d’existence, il met à l’étal du bonheur
la marchandise prétendument idoine; la gratuité se propose à nous tout
entiers, tout entière; elle nous invite à aimer ce qu’elle
offre, à l’aimer pour ce que c’est, non pour ce que ça vaut,
à le réunir à nous." On retrouve là encore une idée chère à
Miguel Benasayag: "La séparation est à la base du capitalisme, qui
commence par séparer l’ouvrier du produit de son travail; et Debord
définit la société du spectacle comme la séparation de l’être humain
et de sa vie. (…) Tout dépend du point de vue duquel on se
place: est-ce qu’on raisonne en termes d’intérêts personnels,
ou en termes globaux, en termes de relations? Est-ce qu’on considère
la nature comme une entité extérieure qu’il s’agit d’exploiter
pour le profit, ou est-ce qu’on la considère depuis ce rapport,
beaucoup plus riche et puissant, qui inclut la nature et nous? La notion
de "pollueur-payeur" ou de "protection de l’environnement"
devient alors absurde, puisque l’environnement, c’est nous.
Et ce n’est pas imaginaire! L’imaginaire consiste au contraire
à croire qu’on serait séparés de la nature, comme le capitalisme
nous en donne l’illusion." (Interview dans Charlie Hebdo,
18 juillet 2001.) Mais on pense aussi aux travaux du géographe Augustin
Berque, qui étudie le rapport de l’être humain à son milieu et montre
la nécessité de raisonner non pas en termes d’entités séparées,
mais de relations.
Enfin, l’autonomie. "La problématique ouverte par la gratuité,
écrit Sagot-Duvauroux, permet d’envisager l’action politique
comme un moyen non plus de prendre le pouvoir, mais de le rendre progressivement
inutile, d’élargir la part autonome de la vie, de la part de la
vie libre de pouvoirs. Profonde aspiration: vivre en adulte, sur d’autres
motivations que la crainte d’être puni, vivre responsable et libre
de ses actes, de leurs intentions, de leurs visées, de leurs conséquences."
Bien sûr, le libéralisme s’appuie sur cette aspiration; sauf que
l’autonomie qu’il fait miroiter est illusoire: il remplace
l’intervention de l’Etat par "la tyrannie des inhumaines
lois du marché", et signifie donc dans les faits "une contrainte
plus grande pour l’immense majorité de la population". Il implique
aussi "l’aggravation de la fonction la plus contraignante dont
la puissance publique soit en charge: la répression". En somme, il
se traduit par "l’expression la plus crue et l’impétueuse
croissance de ce qu’il y a d’inhumain dans le pouvoir".
A l’inverse, la gratuité rétablit l’autonomie de l’individu
"en vérité, en profondeur, par rapport à tous les pouvoirs". Elle
crée une zone "dans laquelle les pouvoirs ne s’exercent plus,
ou s’exercent moins, un domaine où leur utilité sociale dépérit".
Le rôle dévolu à l’Etat est alors de jouer le "garde-frontière
des zones de non-pouvoir", de protéger les espaces de gratuité ainsi
conquis sans y intervenir. Une "version nouvelle, étendue, de l’inspiration
contenue dans la déclaration des droits de l’Homme lorsqu’elle
déclare: "Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être
empêché."" Cette analyse éclaire parfaitement les revendications des usagers
d’Internet: les défenseurs de l’autopublication en ligne se
sont toujours opposés avec virulence à la "régulation des contenus"
que rumine de façon récurrente un pouvoir inquiet de cette ébullition
incontrôlable (après tout, n’est-ce pas infesté de nazis et de pédophiles,
par là-dedans?…). Ils estimaient que le Net, espace d’autonomie,
se régulait très bien tout seul – la "nétiquette" en est une illustration
parmi d’autres –, et ce, depuis une époque où l’essentiel
du personnel politique ignorait encore jusqu’à son existence. En
revanche, ils réclamaient que l’Etat s’occupe plutôt de brider
les appétits mercantiles qui menaçaient la vocation première du réseau;
en vain, puisque le pouvoir politique semblait avoir intégré une fois
pour toutes l’idée – pourtant fausse – que le Net était
uniquement voué au commerce. Inaudible, ce second volet de leurs revendications
est donc resté complètement ignoré: on n’a retenu de leur discours
que leur opposition à la régulation, et, puisqu’ils refusaient l’intervention
de l’Etat, on les a rangés, de manière aussi inepte qu’abusive,
sous l’étiquette – le cliché – "libéraux/libertaires".
Un malentendu ou une mauvaise foi bien ironiques, puisque ce sont plutôt
les adversaires de la publication en ligne – les Alain Finkielkraut,
les Philippe Val – qui, en jetant le discrédit sur un espace de
gratuité précieux, et ce pour de basses raisons d’intérêt personnel,
se font les complices du libéralisme… A cet égard comme à beaucoup
d’autres, le livre de Jean-Louis Sagot-Duvauroux permet de clarifier
et de raffermir une argumentation qui reste parfois encore tâtonnante,
sans jamais enfermer les combats qu’il évoque dans un schéma réducteur.
Le texte intégral de Pour
la gratuité de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, aujourd'hui libre de droit
et gratuitement diffusable
Pour la gratuité du
logement social, interventions dans L'Humanité
Entretien avec Jean-Louis Sagot-Duvauroux
Liens dans le site Périphéries :
* Entretien avec Miguel
Benasayag, janvier 2001
* Lecture d'Augustin Berque
et entretien, juin
2001
* Entretien avec Yves Pagès autour de son livre Petites natures mortes
au travail , avril 2000
* " Nous ne sommes pas
en trop, nous sommes en plus ": avec l'APEIS et Ne Pas Plier, mars
2001
* "Le bonheur n’a pas de prix? Allons donc! Il est en vente chez
nous." Le paradis, c'est par
où?, édito, novembre 2000
* Dans le carnet (janvier 2000): le CARGO (Collectif
d'agitation pour un revenu garanti optimal)
Liens et références sur d'autres sites
* Sur le site de l'Université tangente,
le Centre de recherches sur la gratuité
* Sur le site du Syndicat potentiel, plusieurs textes autour de la
gratuité
* Sur le site de la revue Vacarme : l'appel pour
la gratuité des transports et l'article du Collectif Sans Ticket,
" Les transports, en commun "
* Le site du Collectif Sans
Ticket
* Sur la libre circulation de l'information: Libres enfants
du savoir numérique , l'anthologie publiée aux éditions de l'Eclat
par Olivier Blondeau et Florent Latrive, où on lira notamment " L'économie du don high tech " de Richard Barbrook,
" Le droit de lire " de Richard Stallman et " Petit traité plié en dix sur le Lyber " de Michel
Valensi
* Sur l'accès aux médicaments anti-sida, voir le dossier du Monde diplomatique
, " Après Pretoria, quelle politique contre le sida? "
* Sur le site de la revue Le Passant ordinaire : entretien avec Laurent Cantet pour son film L'Emploi du temps
* En kiosque: L'Oeil électrique propose dans son numéro de février
2002 un entretien avec Agnès Varda, dont le dernier film, Les glaneurs
et la glaneuse, traite (magnifiquement) de cet espace de gratuité
que constitue le droit de glanage.
Cet article a été publié sur le site Périphéries
en mars 2002
Le lien d'origine : http://www.peripheries.net/g-sagot2.htm
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