Mon propos est de vous donner à voir un aspect du mouvement
des femmes en Amérique latine, celui du mouvement populaire animé
et dit par les femmes. Cette vision, c'est évidemment la mienne;
je l'ai construite essentiellement à partir de sources secondaires
que j'ai interrogées à travers des catégories centrales
à la réflexion que nous menons ici, c'est-à-dire
le concept de la division sexuelle du travail et la problématique
des rapports sociaux de sexe. Le but est de toute évidence la
constitution d'un savoir stratégique: comment penser le changement.
Où se situent les invariants, où et comment se créent
des brèches de discontinuité? Or ce sont fondamentalement
les luttes qui peuvent à la fois ouvrir des perspectives de transformation,
même si ce ne sont souvent que les contours d'un possible qu'elles
dessinent, et susciter des avancées théoriques. En France,
le grand mouvement féminisé qu'a été la
Coordination Infirmière a permis, grâce à l'analyse
qu'en a fait Danièle Kergoat, de faire la démonstration
expérimentée que dans certaines conditions des changements
fondamentaux peuvent s'opérer. Et une de ces conditions est la
mixité des acteurs, une catégorie politique et non mathématique
puisqu'il a fallu que ce mouvement soit sous hégémonie
féminine pour que cette nouvelle configuration apparaisse puis
fasse naître un changement important, la poursuite d'objectifs
qui soient communs aux hommes et aux femmes, dans le souci de toujours
tenir les deux bouts de la chaîne. Quelle innovation!
Alors que sur notre continent, de telles manifestations sont rares,
dans tous les pays de l'Amérique latine, des femmes se sont mobilisées,
ou ont été organisées, sur des fronts multiples.
Et avec une certaine reconnaissance sociale puisqu'à Bogotá
par exemple, le comité des citoyens qui a pour fonction de faire
une évaluation des plans de la mairie a une représentation
élue du mouvement des femmes. Elles se sont battues et continuent
à se battre pour la défense des droits humains comme les
"folles de la Place de Mai" à Buenos Aires mais aussi
les armes à la main comme au Salvador et dans les divers groupes
"révolutionnaires". Elles se manifestent en tant qu'indiennes,
noires, pauvres et minoritairement aussi sous l'étiquette du
féminisme; leurs luttes se déroulent dans une dynamique
qui favorise les convergences ou accentue les contradictions. Dans cet
ensemble hétérogène, les organisations des femmes
des secteurs populaires occupent une place particulièrement importante
sur le plan de la politique locale et nationale, au niveau de l'économie
des familles comme des Etats, à l'intérieur d'une stratégie
féministe, certes, mais aussi d'une multitude d'agents externes.
La conjugaison particulière et consciente de leur appartenance
de classe et de sexe donne à leurs actes et leurs dires, malgré
la distance qui nous en sépare, un contenu qui ne peut qu'enrichir
notre propre expérience.
La fin des grandes luttes révolutionnaires et l'amorce du processus
de démocratisation a libéré des forces militantes
qui, à défaut de prendre le pouvoir par les armes, s'investissent
dans la reconstruction de la société civile et surtout
dans l'organisation des secteurs populaires. En effet, ces mouvements
revendicatifs urbains visant l'accès à la ville, à
son sol comme à ses services, ces organisations communautaires
qui gèrent le quartier dans ses différentes phases d'implantation
sont l'enjeu d'intérêts multiples car, s'ils sont bien
l'expression des exclus du système économique et de ces
espaces urbains, il est important de les intégrer, si ce n'est
à la ville, du moins à des systèmes de référence
et parfois à des perspectives stratégiques. Depuis l'Eglise,
ou certains secteurs de l'Eglise dans le courant institutionnellement
rénovateur de la théologie de la libération -qui
lie son utopie, la construction d'une société juste selon
les principes divins, à la transformation sociale de la situation
des pauvres-, en passant par les partis politiques de droite et de gauche
jusqu'aux nombreuses ONG et au mouvement féministe lui-même
qui ne peut se penser que dans l'articulation avec le mouvement des
femmes dans les campagnes mais surtout dans les villes. Cette articulation
se pense, parfois, sous la notion de féminisme populaire, mais
surtout se met concrètement en oeuvre au travers de micro-projets,
d'ateliers, de séminaires de réflexion à l'échelle
internationale, mais aussi dans des luttes sociales comme le mouvement
pour les crèches au Brésil ou la lutte des couturières
au Mexique. La recherche féministe universitaire est aussi un
lieu de rencontre où se construit la parole des femmes qui luttent
sur leur terrain de vie.
Cette convergence d'éléments historiques, politiques,
économiques dans une conjoncture de crise peut expliquer cette
dynamique sociale particulière, cette apparition de ce que l'on
a appelé les nouveaux mouvements sociaux, qui sont souvent majoritairement
féminins ou exclusivement féminins. Sans pallier totalement
les tactiques manipulatrices des différents agents, leur multiplicité
autorise une certaine flexibilité de choix dictés, il
faut le reconnaître, par la nécessité: les stratégies
de survie familiale ne coïncident pas forcément avec les
stratégies de reproduction des divers groupes...
Les études sur ces "nouveaux mouvements sociaux" sont
maintenant nombreuses. C'est donc un matériau très hétéroclite
tant d'un point de vue géographique que méthodologique
que j'ai voulu lire, moi aussi, pour avancer dans mes propres questionnements
de féministe "occidentale". La difficulté à
systématiser des données fragmentées et les inconvénients,
d'un point de vue scientifique, d'une activité mentale plus apparentée
à une construction d'opinions qu'à une argumentation intellectuelle,
prennent justement une importance relative quand on replace ces propos
dans le fil des autres discours élaborés autour des mouvements
sociaux urbains d'Amérique latine. Ceci est moins une présentation
analysée de ces mouvements que le désir de partage d'une
nouvelle "découverte", dans un autre temps sous un
autre regard.
La ville populaire et les mouvements de femmes
Dans cette présentation générale de la ville périphérique
et des femmes des secteurs populaires comme groupe défini par
le sexe et la classe, je me situe à l'échelle du continent
latino-américain dans son ensemble, par une sorte de processus
de dénationalisation en quelque sorte. Cette position, qui semble
contrevenir aux exigences d'inscription des études dans l'histoire
spécifique des pays se légitime par le fait que c'est
justement la quasi absence de l'Etat et des services publics qui impose
des stratégies au niveau des familles ou des quartiers. C'est
ainsi que les organisations des femmes dans la périphérie
des villes, qui s'insèrent dans une dynamique de production de
la ville en dehors de l'Etat, présentent entre elles de fortes
similitudes.
Le développement de l'Amérique Latine basée sur
la modernisation accélérée de certains secteurs
de l'économie sous l'action prédominante de l'Etat a entraîné,
avec la centralisation du capital et la concentration des revenus, une
forme particulière d'urbanisation à deux visages, d'une
ville fragmentée, une partie étant servie par l'Etat et
consommée par ses habitants, l'autre produite dans l'illégalité
et l'effort collectif par des migrants des campagnes qui, par millions,
se battent à main nue pour donner corps à leur droit de
cité. Cet accès illégal à la terre se fait
sous des formes variées selon les pays, mais toujours dans des
zones inhospitalières. Sur ces sols rocailleux, marécageux
ou sableux, s'amorce un lent processus collectif d'urbanisation qui
comprend d'une part la transformation physique de ces espaces dénudés,
l'accès à l'eau, l'ouverture de routes, la consolidation
du logement, tout cela par étapes et d'autre part, les luttes,
d'abord pour empêcher le déguerpissement puis pour obtenir
de l'Etat la légalisation de leur propriété (par
achat) et l'amélioration des services.
Cette urbanisation populaire, fruit d'un travail qu'on pourrait appeler
ouvrier dans ce sens qu'il est manuel et exige des formes collectives
d'organisation, est un processus complexe, hétérogène,
contradictoire dans la mesure où avec la valorisation du sol
il crée de nouveaux mécanismes d'exclusion et de spéculation,
mais c'est surtout un processus extrêmement lent et chaotique
(i.e. la durée moyenne de construction d'une maison en dur est
de l4 ans) dans lequel doivent s'inscrire nécessairement et efficacement
les gestes quotidiens1 des stratégies de survie des unités
familiales, des stratégies qui reposent fondamentalement sur
le corps et le savoir-faire des femmes, la gestion invisible des villes
a-t-on écrit: "Entre cet élément de départ.
et le logement terminé dans un quartier équipé
de services publics et sociaux, il passera un temps équivalent
au moins à une génération ou plus. Les carences
en équipements et confort minimum seront compensées durant
tout le processus par un travail supplémentaire des femmes. Si
l'eau n'arrive pas jusqu'au domicile, si l'électricité
est interrompue, si les rues sont embourbées, si le combustible
pour la cuisine manque, s'il n'y a pas de dispensaire et pas d'égouts
ni de ramassage des ordures, les femmes devront fournir un effort supplémentaire
pour faire le pont entre ces services depuis le lieu où ils existent,
jusqu'à la maison"2. Après l'obtention d'un toit,
c'est l'accès à l'eau qui est l'élément
le plus important, le plus angoissant. Car dit cette même chercheuse,
il n'est pas juste de parler de maison sans eau, toutes les maisons
ont de l'eau mais selon quels modes d'accès? Dans son étude,
près de la moitié des familles ont recours à plus
d'une source, ce qui suppose des queues, de longues marches partagées
avec les enfants, des réserves (pratique qui diminue la qualité
de l'eau). Une fois de plus, il faut transformer un approvisionnement
discontinu en un service régulier. Presque toutes les femmes
reconnaissent que ce problème de l'eau les angoisse et désorganise
leur temps (38% disent se lever la nuit pour recueillir l'eau dans des
citernes).
A l'époque actuelle, les périphéries urbaines,
plus stabilisées, mieux desservies, disposant d'un tissu social
complexifié ont remplacé les luttes frontales contre l'Etat
ou les propriétaires des terres par des actions collectives imposées
par la gestion de la pauvreté (le "raccommodage de la pauvreté"
selon le titre d'un livre argentin). En effet, depuis la deuxième
moitié des années 80, le contexte socio-politique de la
plupart des pays est l'aboutissement de plusieurs facteurs convergents:
la démocratisation qui conduit à la diversification des
expressions politiques et des luttes dans le champ de la représentation,
la décentralisation qui délègue aux municipalités
la sous-traitance, sans les moyens, de la gestion des besoins, et les
programmes imposés d'ajustement structurel qui ont des retombées
dramatiques sur les conditions de vie d'une grande partie des habitants
et particulièrement celles des femmes des secteurs populaires:
elles doivent, en effet, par leur force de travail, leur énergie
créatrice, leurs organisations, et même leurs propres ressources,
mettre en oeuvre les politiques compensatoires gouvernementales, en
quelque sorte ajuster structurellement la permanence de leurs besoins
et la variabilité des moyens. Toujours donc produire la continuité
exigée par l'entretien de la vie à partir de la discontinuité.
Avec l'accentuation de la crise, les familles populaires sont de moins
en moins capables de résoudre isolément les problèmes
que pose la simple survie élémentaire, en particulier,
le problème alimentaire. Les carences de l'Etat empêchent
le processus libéral d'individuation des femmes qui en tant que
mères ne peuvent développer que des pratiques collectives,
des pratiques qui, à travers le collectif, engendreront des individues
femmes. D'où la prolifération du nombre et de la variété
des organisations populaires, car le nombre de pauvres augmente et le
développement périphérique de la ville éloigne
de plus en plus d'habitants de la ville servie par l'Etat.
Les femmes des secteurs populaires
On a comparé ces territoires durement défrichés
et lentement appropriés par leurs habitants à des sociétés
de chasse et de cueillette ne disposant pour survivre que de leurs propres
ressources. Mais surtout, comme dans ces sociétés sans
Etat, on peut dire que la division sexuelle du travail est l'élément
fondamental de structuration de l'espace social, d'abord et surtout
au niveau des représentations, car si le modèle familial
repose sur une conception rigide des normes sexuelles (l'homme appartient
à la rue et la femme à la maison... et au mari), la précarité
des conditions de vie, leur situation de classe, imposent de douloureuses
distorsions aux deux sexes. Les hommes ne sont pas toujours en mesure
d'exercer une autorité à la hauteur des exigences sociales
mais ils peuvent toujours trouver une issue à cette contradiction
soit en adoptant une stratégie de survie individualiste, l'abandon
provisoire ou définitif de leur famille pour un travail éloigné
ou pour une autre femme, soit en l'exprimant dans l'alcoolisme et la
brutalité domestique; tandis que les femmes gérant une
stratégie collective sont obligées de vivre ces contradictions
de genre et de classe, souvent dans l'angoisse et la peur, en mettant
en oeuvre des pratiques variées pour que survive ce corps familial
qu'elles engendrent chaque jour, pour produire un quotidien cohérent,
continu à partir d'éléments contradictoires ou
d'une réalité fragmentée.
C'est ainsi que les femmes des secteurs populaires urbains sont considérées
comme constituant un groupe social concret tant d'un point de vue objectif,
leurs pratiques qui les différencient des hommes de leur classe
et des femmes des autres classes, que d'un point de vue subjectif, un
sentiment fort, verbalement explicité, concrètement exprimé,
d'appartenance à leur classe de femmes, un sentiment douloureux
d'ailleurs ("Nous femmes pauvres" mais aussi "nous pauvres
femmes" qui s'oppose à un "eux les hommes"). Conscience
et pratique d'une séparation claire et "naturelle"
des groupes sexués et de la domination affirmée et reconnue
de l'un sur l'autre (i.e. l'évocation du machisme par les femmes
est très courante).
La gestion de ce territoire domestiqué par les impératifs
de la division sexuelle du travail, s'étend ou se rétracte
en fonction des ressources disponibles dans une unité familiale
souvent précaire, que les femmes ne contrôlent pas; d'abord
parce que les hommes peuvent la briser fréquemment par leur départ.
Plus d'1/3 des femmes sont chefs de familles dans les secteurs populaires
(elles seraient l0% dans les autres couches sociales selon une enquête
menée en Colombie), or l'homme est le pourvoyeur de la majeure
partie des ressources monétaires et du travail non rémunéré
dans les activités d'auto-construction (d'où l'intensité
du désir des femmes d'avoir un logement à elles sans loyer,
qui ne dépende plus des hommes). C'est pourquoi ce sont souvent
les femmes qui poussent leurs conjoints vers ces zones en friche malgré
l'aggravation des conditions de leur travail domestique et leur plus
grand éloignement des lieux où elles pourraient exercer
une activité rémunérée3. C'est donc dans
l'instabilité, la précarité, dans des contradictions
aggravées par la ségrégation spatiale et la crise
économique que les femmes, dans la permanence des gestes quotidiens
et la continuité des jours, tissent des stratégies cohérentes.
Pour ce faire les femmes doivent démultiplier la valeur quantitative
des revenus monétaires des hommes pour en faire un véritable
revenu familial grâce à:
un travail domestique étendu (des activités ménagères
à l'auto-construction);
des activités faiblement rémunérées et peu
diversifiées essentiellement dans le secteur informel, où
la majorité d'entre elles gagnent moins qu'un SMIG;
le recours à des réseaux de solidarité qui structurent
d'abord la parenté féminine de la lignée maternelle,
plus difficilement du conjoint, puis du voisinage à travers lesquels
circulent des flux de biens et de services variés (les hommes
ont aussi leurs propres réseaux). Mais pour y avoir accès,
il faut le mériter par une conduite respectable (du point de
vue des hommes mais contrôlée par les femmes) et qui ne
suscite pas la jalousie;
un travail communautaire c'est à dire la participation aux organisations
du quartier pour la mise en place collective puis de gestion des services
depuis l'accès à l'eau, la revendication principale après
la terre, jusqu'à la construction des écoles, ce qui suppose
un travail physique lourd comme de multiples activités pour la
collecte de fonds (loterie, kermesse, ventes de gâteaux et autres
produits alimentaires). Beaucoup de ces organisations sont féminines
comme les clubs de mères ou majoritairement féminines
comme les Ceb's, mais, dans les organisations mixtes, les hommes bien
entendu se chargent des postes de direction tandis que les femmes constituent
souvent le gros de la base exécutante en particulier dans les
comités spécifiques qu'on leur délègue volontiers
(santé, écoles, etc.);
enfin la participation aux luttes urbaines qui se déclenchent
pour obtenir de l'Etat, à l'échelle municipale ou centrale,
la légalisation de leurs terres ou l'accès aux services
urbains. Il faut reconnaître que seule une minorité de
femmes (+/- 15%) se montre active au niveau organisationnel mais elles
sont par contre et souvent majoritaires par rapport aux hommes et leur
engagement est plus intense4.
Il y a un continuum entre ces différentes activités:
on ne peut comprendre les stratégies de survie dans les quartiers
populaires que si on les considère dans leur intégralité
et on ne peut que mal interpréter la nature des luttes si on
ne les replace pas à l'intérieur de la division sexuelle
du travail. Il ne semblerait donc pas que la participation déterminante
des femmes aux luttes urbaines ait produit une transformation des termes
de la division sexuelle du travail: on peut parler plutôt d'une
extension de son territoire et d'une variation dans les modalités
par une collectivisation conjoncturelle des pratiques. En s'organisant
et se mobilisant pour la reconnaissance de leurs droits, leurs droits
à l'obtention des moyens nécessaires à la réalisation
de leur fonction domestique, de leur rôle maternel, les femmes
n'en subvertissent pas les règles mais les consolident. Beaucoup
de ces femmes qui s'engagent dans l'action communautaire sont souvent
membres de groupes comme les clubs de mères ou les Ceb's, les
organismes de base de la nouvelle Eglise, des groupes où sont
développées les valeurs traditionnellement attribuées
aux femmes, femmes-mères, femmes-épouses. Une étude
réalisée à Mexico comparant les femmes non organisées
et organisées dans les Ceb's et les groupes communautaires démontrent
que les membres des Ceb's qui rejoignent le militantisme communautaire
sont celles qui dans leur trajectoire familiale ont dû lutter
pour conquérir leur place de "maîtresse de maison"
et donc la valorise particulièrement. Ce sont donc des mères
qui se mettent en mouvement et souvent malgré le mari5.
Si les limites de la division sexuelle du travail semblent immuables,
n'y aurait-il pas un certain brouillage du rapport social entre les
sexes? Qu'ils soient publics ou privés, qu'ils soient circonscrits
à l'espace de la maison ou élargis à l'espace communautaire,
puisqu'il s'agit, du point de vue des femmes, du même territoire
domestique avec de nouvelles modalités, on pourrait en déduire
qu'avec le maintien de la division sexuelle du travail, les rapports
sociaux de sexe fonctionnent à l'identique dans tous les champs.
Il est certain qu'il y a permanence de traits fondamentaux comme l'invisibilité
du travail des femmes, la captation du pouvoir par les hommes, la participation
des femmes sous contrôle. D'une part elle ne doit pas porter préjudice
au service domestique au sens restreint, c'est-à-dire d'abord
le service de l'homme (i.e. "les repas prêts à l'heure")
et d'autre part elle ne doit pas déroger aux lois de la respectabilité
ni aux exigences de la morale collective (i.e. une femme ne pouvant
avoir d'ambitions personnelles, son engagement ne se justifie aux yeux
de tous qu'au nom de ses enfants)6.
Pourtant il semblerait que dans ce processus d'extension, les frontières
de la ségrégation sexuelle clairement délimitée
à l'intérieur de la structure familiale perdent de leur
netteté, autorisant une certaine forme de mixité d'où
émergerait chez certaines femmes une conscience de genre. Dans
la famille, l'idéologie des rôles sexuels ainsi que le
critère même de la valeur d'une vie d'homme, d'une vie
de femme, sont ressentis comme justifiés et naturels par les
deux sexes; dans le travail communautaire, même domestiqué,
les rôles ne sont plus toujours perçus, ou tout simplement
praticables, dans une situation dynamique qui n'a pas été
élaborée par le système traditionnel. En expérimentant
une sorte de mixité à la faveur d'un "désordre"
social, d'un monde physiquement chaotique, les femmes reliées
aux hommes dans l'action, découvrent dans un même mouvement
la valorisation d'elles-mêmes en tant que femmes agissantes et
l'illégitimité du pouvoir des hommes dont elles dénoncent
l'irresponsabilité, la faiblesse, la timidité, la paresse...7
Ne peut-on pas dire alors que s'il y a une permanence de la division
sexuelle du travail, il se crée une rupture à un autre
niveau du rapport social entre les sexes?
Cette double prise de conscience est clairement exprimée dans
les discours des femmes militant dans des luttes globales du quartier.
Il faudrait des recherches plus approfondies pour les comparer aux discours
des femmes participant à des organisations exclusivement féminines
qui mettraient davantage l'accent sur les valeurs positives de "nous
les femmes" et sur leurs acquis personnels en expérimentant
une nouvelle forme de socialisation dans des sphères séparées,
dans une valorisation de l'autonomie8. Conscience de genre et/ou conscience
d'être positivement femme sont deux modalités de modification
des rapports de sexe au niveau des représentations dans l'espace
maintenu de la division sexuelle du travail qui serait, elle, partiellement
transgressée par les femmes leaders, relativement nombreuses
dans les luttes populaires.
Les différentes études sur les luttes de quartier ou plus
précisément sur les femmes qui s'imposent par leur tempérament,
leur capacité à investir leur temps et leurs forces dans
l'action -grâce à l'absence de maris ou à l'appui
négocié de compagnons- ont montré qu'elles ne peuvent
accéder à des niveaux reconnus de pouvoir sans passer
par les partis, ou les organisations issus des partis. Pour Caroline
Moser, dans leur tentative d'intégrer l'espace masculin du pouvoir,
elles se trouveraient dans une impasse: jalousées par les femmes
de leur classe, mal acceptées et instrumentalisées par
les hommes de toutes les classes et dans l'incapacité de faire
alliance avec les femmes des autres classes. Cette impasse s'expliquerait
peut-être par l'impossibilité de porter à un niveau
politique, au sens précis du terme, c'est-à-dire du pouvoir
politique, autrement dit du pouvoir dominant masculin, les intérêts
des femmes en tant que groupe, ce qu'expérimentent, d'ailleurs,
tous les groupes dominés comme les communautés indiennes
en Amérique Latine. Les mécanismes de leur exclusion et
ceux de la représentation semblent aller de pair au point que
l'on pourrait dire que c'est leur mise en place qui marque l'entrée
dans la sphère du politique. Plutôt qu'une "autre
manière de faire de la politique", plutôt que leur
entrée dans l'espace public donc masculin, ce que les mères
rendent publiques en fait ce sont leurs pratiques domestiques.
Légitimité et universalité
Et pourtant peut-on se limiter à dire que c'est leur seule fonction
maternelle qui pousse ces femmes à s'organiser dans des luttes
pour obtenir des instances politiques locales et nationales les ressources
que cette fonction requiert, peut-on faire de la maternité le
fondement ultime d'actions collectives et de transformations individuelles?
Certes, si ce sont des mères qui se mettent en mouvement, ce
sont des personnes à part entière qui se découvrent
des droits, des êtres femmes qui se fondent sur un principe de
légitimité et c'est en dernier ressort ce processus d'auto-légitimation
construit en dehors de la vision dominante qui opère une brèche,
si éphémère soit-elle, dans la logique enfermante
et donc répétitive des rapports sociaux. Mères
et femmes, elles produisent une double vision de la réalité,
une dualité d'un vécu qui échapperait à
la pensée binaire, ce support symbolique de la domination. Ici
une comparaison va jouer, il me semble, le rôle heuristique propre
à ce type de raisonnement. Ce n'est pas seulement parce que la
maternité leur offre un territoire dont elles auraient le monopole
que ces femmes d'Amérique latine subvertissent la circularité
des représentations et des pratiques, mais bien parce qu'elles
ont, en luttant publiquement et collectivement, inscrit leur maternité
dans de nouvelles conditions définies par elles. Une fois encore
la comparaison avec la coordination infirmière montre bien que
c'est ce sentiment de légitimité qui a été
transformateur, et non le sentiment maternel en lui-même; en effet
c'est pour faire reconnaître leurs droits de travailleuses, de
salariées à part entière que les infirmières
se sont reconnues la légitimité de prendre le pouvoir
dans le mouvement et "cet accès au pouvoir a servi à
irriguer l'action des femmes elles-mêmes, à permettre l'existence
de cette action; du même coup, il leur a permis la sortie du relatif
(i.e. se penser par rapport aux hommes) et, par là même,
leur accès à l'universel". En introduisant ainsi
l'horizon de l'universalité dans la pensée des rapports
sociaux de sexe, Danièle Kergoat met en évidence un élément
important de la "subversion cognitive", pour reprendre l'expression
de Bourdieu.
Il est un deuxième enseignement, du point de vue de l'élaboration
d'un savoir stratégique, que l'on peut retirer de l'analyse de
ces deux mouvements féminisés: les contradictions ne peuvent
pas se vivre dans la lutte sur une forme cumulative mais dissociée.
Un constat qui semblerait démontrer l'impossibilité de
mener une lutte féministe conjointement à une autre lutte
sociale, l'impossibilité de faire vivre ensemble dans une lutte
deux rapports sociaux. Si la "coextensivité des rapports
sociaux" dont parle Danièle Kergoat (l'un ne pouvant pas
être plus vivant que l'autre, et donc l'un ne pouvant pas être
subordonné à l'autre), est au niveau de l'analyse une
formulation qui a considérablement enrichi cette problématique,
au niveau de l'action, il n'est pas d'exemple à ma connaissance
où des mouvements ont pu intégrer des pratiques cumulatives
(femme et noire, femme et ouvrière, femme et infirmière
par exemple). Les femmes des secteurs populaires, comme celles des mouvements
noirs ou indiens ne peuvent pas se dissocier des hommes de leur classe
ou de leur groupe ethnique dans les luttes globales. Selon Leila Gonzalez,
une militante du mouvement noir brésilien qui a critiqué
le mouvement féministe d'avoir attendu plusieurs années
pour intégrer la question du racisme dans les formes d'oppression
des femmes (il est certain que la direction de ce mouvement reste blanche
et bourgeoise), le combat contre le racisme est prioritaire et la lutte
féministe ne pourra jamais l'écarter de ses frères
et compagnons. Une étude de M.T. Vidiani sur les Indiens Zenue
en Colombie, met en évidence que les femmes ont constitué
des comités de femmes au niveau du village y compris avec, dit-elle,
une stratégie de pouvoir interne, donc un "nous les femmes",
doivent élaborer un consensus, donc l'élimination de la
contradiction homme-femme, "un nous les Indiens" autour de
l'absolue nécessité de lutter ensemble, hommes et femmes,
contre l'oppression extérieure.
Les infirmières dans leur lutte pour la reconnaissance de leur
identité professionnelle, pour la reconnaissance de leurs qualifications,
qu'il faut donc rémunérer, pouvaient-elles nommer le groupe
social hommes, c'est-à-dire le pouvoir médical masculin
de la structure hospitalière, comme leur adversaire, autrement
dit d'y intégrer explicitement les rapports sociaux de sexe et
donc de devenir aussi un mouvement féministe? Il ne le semble
pas.
A un premier niveau, j'expliquais cette impossibilité par la
radicalité insoutenable qu'imposerait l'imbrication des luttes.
Dans Ce que parler veut dire, il me semble que Bourdieu en donne une
explication qui la rend intelligible. Ceci à l'intérieur
de son cadre théorique basé sur la di-vision du monde,
comme produit de la domination: "Le passage de l'état de
groupe pratique à l'état de groupe institué (classe,
nation, etc.) suppose la construction du principe de classement capable
de produire l'ensemble des propriétés distinctes qui sont
caractéristiques de l'ensemble des membres de ce groupe et d'annuler
du même coup l'ensemble des propriétés non pertinentes
qu'une partie ou la totalité de ses membres possèdent
à d'autres titres (par exemple les propriétés de
nationalité, d'âge ou de sexe) et qui pourraient servir
de base à d'autres constructions. La lutte se trouve donc au
principe même de la constitution de la classe"
La IV Conférence Mondiale de la Femme a été préparée
en Amérique latine par de nombreuses réunions nationales
et régionales. Entre les organisations de femmes populaires et
les bilans/enjeux politiques des Etats, entre les stratégies
de survie quotidienne menées individuellement et collectivement
par des femmes dans les périphéries urbaines et les très
sérieuses recommandations décennales élaborées
au plus haut niveau, la distance est bien grande. Entre le global et
le local se construit une série de logiques qui, s'appuyant sur
le niveau inférieur, en détourne plus ou moins totalement
le sens en lui imposant celui de son propre discours dominant. Selon
une critique d'une membre d'ONG, une structure qui elle-même se
superpose au mouvement des femmes, "le ton épuré
imposé par le "diagnostic pour l'ONU" dissimule la
vitalité et la créativité exprimé par le
mouvement des femmes et ne prend pratiquement pas en compte ses propositions
[...] l'ONU n'est pas une prolongation du mouvement des femmes, ni une
alliée naturelle des femmes mais un centre de pouvoir qui réunit
ces mêmes gouvernements qui n'ont pratiquement rien fait pour
atteindre l'égalité des sexes".
La CEPAL, dans son rapport à la Conférence régionale
préparatoire qui a eu lieu en Argentine en septembre 1994 fait
un diagnostic de la situation des femmes latino-américaines dans
les années 90. Elle souligne un progrès fondamental, une
forte diminution de la fécondité, en fait la plus forte
du monde, et une certaine reconnaissance des droits reproductifs des
femmes même si les pratiques anticonceptionnelles sont encore
insuffisantes. Malgré une plus grande stabilité de l'économie
générale, toute relative comme l'a montré la crise
mexicaine, les inégalités se sont accentuées pour
une grande majorité des femmes, le nombre de femmes chefs de
famille a augmenté, les différences de revenus entre les
hommes et les femmes se maintiennent très élevées
entre 44 et 77% (selon une étude récente portant sur les
zones urbaines de 13 pays, ce rapport ne mentionne pas que l'écart
entre les femmes se creuse). Malgré l'importance, pour la démocratisation
et la gestion économique, des mouvements sociaux organisés
par les femmes, ou avec leur participation, les femmes ne sont pas plus
présentes dans les gouvernements ou les partis mais, continue
le rapport, il faut noter "un acquis important, la légitimation
sociale du thème et son inscription dans les programmes des différentes
instances de décision". C'est peu!
Quelques références bibliographiques
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BLONDET, Cecilia, Las mujeres y el poder. Una historia de Villa El
Salvador, Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 1991.
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leur coordination, 1988-1989. Paris, Ed. Lamarre, 1992.
KERGOAT, Danièle, "Réflexion sur l'exercice du pouvoir
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NOTES: 1 "On est arrivé là un jour, je ne sais plus par
où on est entré. Nous avons marché et marché.
Des pierres partout. J'ai vu personne. Les gens vivaient dans des trous...
peu à peu des femmes sont sorties... Les maisons étaient
faites de plaques métalliques appuyées contre les rochers.
Mon mari a accroché les bâtons que nous avions apportés
à un énorme rocher, posé les plaques métalliques
et rangé nos affaires et j'ai commencé à faire
la cuisine avec des planches, des bâtons, ce que je trouvais..."
-Jovita.
2 SUREMAIN, Marie-Dominique de, CARDONA, Lucy & DALMAZZO, Marisol,
Las mujeres y la crisis urbana (o la gestión invisible de la
vivienda y de los servicios urbanos), Con la col. de C. Trujillo, Bogotá,
1988. (AVP, ENDA-AL, FEDEVIVIENDA), p.48.
3 Voici ces témoignages de femmes: "Pour garder un toit
à nos enfants, nous les femmes on est capable de tout... tant
que nos enfants n'ont pas de maison, tout peut arriver... il y en a
beaucoup qui n'ont pas d'endroit et on les voit dans les rues quel que
soit le temps en train de mendier ou de faire de mauvaises choses. Ils
n'ont pas de maison sûre car ils louent dans une vecindad et s'ils
ne paient pas le loyer, dehors. Nous les femmes on est terrorisées
à l'idée que cela nous arrive , nous surtout car les hommes
vont travailler et ne font pas attention à ce qui se passe dans
la maison" -Huaman. "C'est que les hommes, j'sais pas, moi,
ils sont plus lâches, plus tatillons, ils aiment ce qui est légal
et ne prennent pas de risque. Y a pas beaucoup d'hommes qui cherchent
une maison, qui luttent pour elle; si quelqu'un vient et leur dit: c'est
à moi, ils laissent faire, les femmes non; on s'accroche, jusqu'aux
pierres avec les dents... pourquoi? parce que nous pensons à
nos enfants. Ce sont toujours les femmes qui sortent avec des bâtons
pour protéger leurs maisons, les hommes non, même si la
maison appartient à la communauté..." -Huaman.
4 "Ici c'est les femmes qui ont lutté, ici c'est les femmes
qui se sont organisées les hommes aussi mais la majorité
c'était les femmes... Qui organisait des commissions pour l'eau?
les femmes, pour qu'on ne nous enlève pas notre lopin? les femmes,
pour qu'on nous mette le service d'eau? les femmes et pourquoi? parce
que c'est nous qui souffrons... -Jovita.
5 "Ca nous était égal si nos maris se fâchaient
ou se disputaient avec nous. Nous, on était en train de trainer
une chaîne de misère dans ce pays, nous les gens les plus
misérables. Ne pas avoir de maison pose beaucoup de problèmes
et les hommes étaient habitués à ce que les femmes
soient prêtes à tout perdre, sauf leur mari. Mais voilà,
en arrivant ici, tout a changé. On a organisé un groupe
de femmes solides, pleines de courage pour défendre nos enfants.
Nous avons compris que défendre la famille signifie la liberté...
fueron todas la viejas del Campamento que tenemos los ovarios bien puestos!"
6 "Les hommes n'aiment pas que les femmes participent. Il se fâche
parce que j'en tiens pas compte. Je reviens de mon travail à
6 heures et je sers son repas parce qu'il n'accepte pas qu'il lui soit
servi par quelqu'un d'autre. A 7 heures, je vais dans le quartier aux
réunions. Et oui, je me sens surchargée et souvent j'ai
envie d'abandonner à cause de tous ces soucis, toutes ces obligations".
7 "Je ne sais pas si on peut dire d'une façon aussi crue
que les hommes sont des opportunistes mais vraiment, ils se déchargent
complètement sur les femmes. Dans les quelques endroits que je
connais, j'ai bien vu que c'est les femmes qui mènent la lutte
qu'elles l'ont commencée, qu'elles la continuent. Vraiment les
hommes sont des irresponsables..." -Jovita.
8 "Nous avons aussi appris à reconnaître quels étaient
nos droits par rapports à nos maris; au début, mon mari
m'empêchait d'y aller... J'ai lutté contre cela... car
participer est un droit des femmes. Pour moi, participer à la
cantine m'a apporté la liberté, la possibilité
de partager avec d'autres pesonnes et apprendre beaucoup de choses".
"Nous avons appris à nous valoriser à partir de la
croissance des cantines et des comités (Verre de lait)... parce
que chaque jour nous voyons que notre travail pour l'alimentation est
efficace, nous avons un triomphe quotidien, qui se voit tous les jours".
"Ma participation dans le travail des cantines m'a enlevé
l'angoisse comme mère parce que j'ai maintenant de quoi donner
à manger à mes enfants, comme femme aussi, cela m'apporte
car j'ai du temps pour penser à moi, pour me développer".
"Nacimos mujeres, vivimos mujeres, morimos mujeres, y no lo sabemos".
Ces mots sont d'une militante d'une organisation de quartier dans une
petite ville de Colombie, interviewée lors d'une rencontre à
Cali. Voici ce qu'elle dit encore: "Quand les partis politiques
utilisent les femmes pour faire la cuisine lors des grèves, ce
n'est pas être une femme. Quand on trouve normal que les homme
rentrent à 3 h du matin, dépensent l'argent (y compris
celui gagné par les femmes) à boire, à avoir des
femmes, ce n'est pas être une femme. Nous nous sentons toujours
coupables de ne pas respecter l'ordre".
12.05.1998 / 15.05.1998
GRC - Homepage / GRC - Colloque Amérique latine
GROUPE REGARDS CRITIQUES Université de Lausanne
Hélène LE DOARE
Genre et mouvement populaire en Amérique latine. Une lecture
"occidentale"
Hélène LE DOARE
Ingénieure d'étude au Centre de Recherche et de Documentations
sur l'Amérique latine (CREDAL/CNRS) à Paris (France)
Le lien d'origine http://www.unil.ch/GRC/docs/ain/aml/ledoare.html