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Origine : http://federation-anarchiste.org/ml/article.php3?id_article=1029
Aux premiers « abords », il pourrait paraître
quelque peu paradoxal de vouloir rapprocher la psychanalyse de l’anarchisme,
ou l’anarchisme de la psychanalyse. Pour certains, même
le titre de la brochure parue à l’Atelier de création
libertaire (ACL) sonne comme une véritable provocation. Cependant,
ce sentiment ne peut qu’émaner d’une certaine
méconnaissance du sujet, méconnaissance que cette
brochure comblera sûrement !
Si l’on s’arrête à la psychanalyse comme
étant une « science bourgeoise », réservée
aux « nantis » et aux « intellos », et/ou
comme une technique normative, réadaptive, inscrite dans
des rapports sociaux déterminés, il est vrai qu’une
telle entreprise de réhabilitation 1 est alors vouée
à l’échec.
Mais « la psychanalyse, qu’elle soit freudienne, lacanienne
ou reichienne, dépasse de beaucoup les techniques auxquelles
on la réduit parfois. » C’est alors qu’apparaissent
les « points de nouages et de débat » entre les
deux démarches. De fait, les régimes totalitaires
ont souvent assimilé la psychanalyse à l’anarchie.
Mais c’est surtout parce qu’elle représente une
grille explicative, une façon de lire le monde, originale
dans laquelle existent véritablement des « passerelles
» avec cette autre grille qu’est l’anarchisme
que cette approche prend tout son sens.
Ce sont ces « passerelles » que nous présentent,
tout au long de cette brochure, les auteurs Roger Dadoun, Jacques
Lesage de La Haye et Philippe Garnier. Une relation existe du fait
même que la psychanalyse s’est placée sous le
signe de la révolution - révolution qui remet en cause
la domination du Moi à l’intérieur du psychisme
(annihilant de fait la notion judéo-chrétienne de
libre-arbitre) - et du fait de l’existence d’une pulsion
d’emprise appelée aussi pulsion de pouvoir (Roger Dadoun)
! Cela ne peut que nous interpeller quelque part...
D’autant plus que le milieu libertaire (lui-même oserai-je
dire ?) n’est pas exempt d’exemples du type «
guerre des chefs ». Ce qui fait dire très justement
à Jacques Lesage de La Haye qu’on ne peut pas être
profondément anarchiste « si on n’a pas fait
la révolution jusqu’au plus profond de ses profondeurs
». Roger Dadoun, pour ainsi dire, enfonce le clou puisqu’il
écrit que la psychanalyse pourrait fonctionner comme «
anarchie critique », c’est-à-dire comme «
un moyen efficace d’empêcher la clôture de la
pensée anarchiste ».
C’est en cela, s’accordent les auteurs, que la convergence
entre la psychanalyse et l’anarchisme se situe de manière
la plus enrichissante : « Si la psychanalyse, par son questionnement
radical du désir et du langage humain peut conduire en un
point complexe d’où peut surgir ce qu’on peut
appeler l’invention de sa propre vie, ou une dynamique créative,
l’anarchisme peut aussi amener, par exemple, par sa critique
extrême de tout pouvoir, en un point limite où chacun
est paradoxalement mis en demeure d’inventer son propre chemin
» (Philippe Garnier).
Il est impossible, dans le cadre étroit de cet article de
présenter l’étendue des richesses que recèle
cette brochure ; riche, je le répète, autant en apport
d’informations qu’en ouvertures vers des questionnements,
des débats nouveaux (sur la prise conscience de la psychanalyse
de la dimension sociale, sur la pulsion d’emprise, sur la
transmission, le langage, l’institution, la création,
etc).
Une surprise néanmoins - in cauda venenum - peut apparaître
lorsqu’on achève la lecture de cette brochure : l’absence
de référence au psychanalyste Erich Fromm (que Gaston
Leval tenait en haute estime, paraît-il). Bien que critiquable,
Fromm a merveilleusement décrit le phénomène
de soumission-domination qui ne peut qu’intéresser
les libertaires 2.
Par cette brochure, l’ACL continue son « œuvre
de salubrité publique » en impulsant de nouveaux débats,
dont l’anarchisme ne peut en sortir qu’enrichi.
Batko
1 C’est, je crois, le mot juste. Il suffit de considérer
les querelles qui émanaient des révolutionnaires comme
des thérapeutes dans les années 70. Cf. l’article
de Jacques Lesage de La Haye.
2 Voir IRL n° 68-69, été 1986.
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