Les éditions ACL (Atelier de création Libertaire de Lyon)
ont publié : "La culture libertaire, Actes du colloque de
Grenoble, mars 1996"
Ils viennent de mettre en ligne (début Août 2003) le texte
de Philippe Garnier : "L'anarchisme et le droit : recherches"
.
Le lien de ce document : http://ateliber.lautre.net/article.php3?id_article=312
Le contact des éditions ACL :
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Le droit est pris dans le langage, une loi s’énonce : ceci,
qui peut sembler banal, n’est pas sans conséquences... Et
qu’on dise « an-archie », « démo-cratie
» – acratie ou démarchie ne s’emploient guère
– suggère qu’il existe deux niveaux de fonctionnement
du pouvoir : l’« archê » renverrait à une
assise structurale du pouvoir dont les « craties » seraient
les effectuations ou les avatars. L’anarchie, je crois, s’en
prend à ce premier niveau, à ce qui permet qu’il y
ait de la loi et à ce qu’on puisse dire « au nom de...
» 1 – elle peut alors mettre en question tout ce qui est institué
: les jeux du pouvoir, le corps, le sexe, le sujet. Elle peut aussi questionner
le fonctionnement même du langage humain étayé sur
l’« archê ».
À l’ignorer, l’anarchie y perdrait son âme
: c’est du moins ce que je vais tenter de montrer à partir
de quelques exemples. Bentham 2, soucieux d’une meilleure efficacité
des lois destinées à procurer le plus grand bien au plus
grand nombre 3, bute sur la structure même du langage : sa dimension
poétique, le jeu signifiant et la métaphore, la division
du sujet entre l’énoncé et l’énonciation,
font obstacle à une politique scientifique. Il faut donc dépoétiser
la langue et, en supprimant la métaphore, réduire le langage
à des signes sans équivoque et propres à une communication
transparente – bref, instaurer une police des mots. Ce vice originel
du langage ne cesse de fabriquer des fictions, il doit donc être
corrigé au nom de ce que Bentham appelle l’« utilité
» et contrôlé par une science fondamentale du langage
; celle-ci aurait pour but d’assurer sa maîtrise au moyen
d’une logique nouvelle qui rendrait compte du pouvoir du langage
luimême.
Mais comment contourner la fiction, en tant qu’« élément
du discours qui ne peut être supprimé sans faire s’effondrer
le discours lui-même », dit Laval, sinon en créant
ses propres fictions, tout en cherchant de « purs noms » pour
tisser la trame du texte juridique ? Bentham insiste encore en disant
que le droit et le texte juridique fondent l’individu, l’instituent,
précisent sa jouissance par laquelle ils s’assurent de son
corps et de son sexe. Plus même, ils deviennent une partie même
du corps, un organe sans lequel celui-ci ne pourrait vivre – le
remettre en question peut alors susciter des craintes terribles de mutilation
puisqu’il est la texture même du corps. P. Legendre reprendra
ces idées en les développant : j’y reviendrai plus
loin. Ceci, ajoute Bentham, vient redoubler les angoisses du vide lié,
cette fois, à la fiction elle-même. Mutilation, vide, on
peut y repérer deux niveaux de fonctionnement – ce que vient
confirmer la clinique psychanalytique. Bentham souligne aussi la fonction
normative du langage qui, à l’insu du sujet lui-même,
impose des formes préétablies à la pensée
et à l’action. Et c’est bien cette fonction que tous
les pouvoirs, et celui qu’il appelle l’ « Arch-predator
» – il ne se trompe pas ! –, vont tenter d’utiliser
comme outil de domination 4. Faire croire en un langage « absolu
», voué à la communication d’une loi débarrassée
autant que faire se peut de la métaphore, proposer un monde sans
« vide », un monde « plein », unifié, où
la problématique sexuée serait clairement définie
dans la complémentarité, fait miroiter une jouissance qui
efface le « sujet » et ses risques 5.
On rejoint ici le problème de la servitude volontaire de La Boétie.
Ce faisant, Bentham s’en prend violemment à la fonction métaphorique
du langage, à ce qu’on appelle, faute de mieux, métaphore
paternelle, et à la division du sujet ; mais, à l’opposé
de l’anarchie, c’est dans une vision clairement totalitaire
: le panopticon en sera l’aboutissement...
C’est précisément un choix du sujet – le panopticon
et ses avatars modernes, ou l’anarchie, à partir de la même
interrogation de l’« archê ». Coups de force symboliques
pour instaurer une nouvelle mythologie, imposition politique des normes
du corps et du jeu sexué, pseudo-science de gestion du capital
humain, contrôle de l’identité féminine... les
acteurs de la Révolution nationale de Vichy montrent qu’ils
ont bien compris la leçon : dans son très remarquable livre,
Vichy et l’éternel féminin 6, Francine Muel-Dreyfus
fait un repérage de ce qui est très rapidement mis en place
pour conduire au pouvoir absolu. L’ordre des corps, rappelle-t-elle
après Foucault et Legendre, est une dimension fondamentale de l’ordre
politique, le corps « qui ne ment pas », contrairement à
la métaphore, est donné comme référent au
langage et comme vérité ultime, et les lois viendront construire
une nouvelle « texture » du corps et de la sexualité,
fondée, cette fois, sur la biologie et la complémentarité.
C’est le champ politique qui, encore une fois, définira l’identité
féminine ainsi circonscrite par le monopole politique masculin
: la sexuation et ses aléas, liés au langage, sont gommés
au profit d’une rassurante adéquation entre mâle et
femelle, « naturelle » comme chez les animaux. Il n’est
pas étonnant qu’on y retrouve la sélection raciale...
Par tous les moyens – la contrainte légale des corps, l’apprentissage
mimétique, l’utilisation des médecins qui sanctionneront
l’« inadaptation » de certains qu’il conviendra
d’exclure et commenceront à instaurer une « biocratie
» –, il faudra donc imprimer ce nouvel ordre sur les corps,
par une sorte de « psychosomatique » sociale qui légitimera
la domination sexuelle, la hiérarchie, l’eugénisme...
Il est d’ailleurs remarquable que ces thèmes – toujours
latents – se réactivent si facilement dans l’élaboration
actuelle du nouvel ordre moral... La « soumission volontaire »
est, je pense, l’antithèse du « sujet », du «
je », qui ne se construit qu’au risque du manque et de la
différence 7 : faire miroiter un monde sans les risques de la sexuation
liée au langage, sans les limites du jeu signifiant et de la métaphore,
sans différence « tierce », c’est ce
qu’ont toujours fait les totalitarismes et les intégrismes
divers. Il est aussi remarquable que l’anarchie, à contrepied
de Platon qui voulait chasser le poète de la Cité, ait toujours
défendu la poésie, la créativité, comme réactivation
de la métaphore, si j’ose dire, désengluée
ou mise à nu, à la limite de son émergence, et génératrice
de la singularité.
P. Legendre, tout au long de ses séminaires 8, proposera une théorie
du politique et de l’« origine » des lois qui permet
d’y voir un peu plus clair. Il ne suffit pas, dit-il, de produire
la vie humaine, il faut encore l’instituer – sinon la vie
ne vit pas – ; instituer le vivant, c’est produire des normes,
des références, qui assureront la généalogie
et la filiation, la reproduction sexuée, la différenciation
des sujets, c’est éviter la folie ou l’annulation subjective.
Je précise : pas de généalogie possible sans un repère
de pur langage qui prend la forme de l’interdit de l’inceste
au sens d’empêcher quiconque de disparaître dans la
confusion et la « mêmeté ». Il s’adresse,
au travers de telle mère, à cette fiction que Legendre appelle
« la Mère absolue 9 ». Il faut encore que le sujet
humain soit divisé dans son sexe : non pas la distinction des sexes
biologiques, mais « la notification du pouvoir... de marquer le
sujet comme sexué », donc dans le champ de la représentation
et du langage. Ainsi, « l’individu est relativisé,
le désir est limité, la parole n’est pas toute-puissante
». Ceci suppose une catégorie logique, celle du « pouvoir
absolu », sans contenu – pouvoir toujours reconnu dans une
société –, ou de ce que Legendre appelle encore «
la Référence absolue », opérateur logique –
qui institue du même coup la catégorie du « manque
» (on ne peut ni être ni l’avoir). Cet opérateur,
il l’appelle « fonction paternelle » dans la mesure
où il est hétérotopique au champ maternel (mais cette
appellation est source de bien des dérapages : j’y reviendrai...).
Dès qu’on parle, qu’on parle en son propre nom, ces
fonctions sont « activées », sauf à délirer,
ou à rester dans le fonctionnement si rassurant des signes et de
la « communication »... 10 Cette logique du sujet ainsi institué
– et des institutions – suppose un autre impact de cet opérateur,
mais cette fois sur l’image : l’homme ne peut savoir qui il
est, quelle est son image, sans se décoller de l’image mortifère
du « même » – ce qu’illustre le mythe de
Narcisse 11. Pour ce faire, il y faut ce que Legendre appelle l’Image
du Père, ou l’Image absolue, qui détourne du narcissisme
fermé sur luimême pour l’ouvrir à la catégorie
de l’Autre et du « semblable 12 ». Le narcissisme, je
le souligne, est à la base du montage des institutions, d’où
la violence qui s’y déchaîne, d’où surtout
leur efficacité redoutable 13. On peut alors comprendre que les
pouvoirs politiques, quels qu’ils soient, cherchent une légitimité
dans un appel à la Référence, qu’il s’agisse
de dieu, du peuple, de l’éternel féminin, de la race,
etc. : rapport plus ou moins distancié, médiatisé,
mais pouvant aller jusqu’à ce que les détenteurs du
pouvoir s’identifient à la Référence elle-même
dans le pouvoir absolu – tentation de tous les pouvoirs.... 14 Les
détenteurs du pouvoir vont donc légiférer sur les
grands axes institutionnels : la filiation, la jouissance, la sexualité,
la hiérarchie et la domination, le corps, l’image, etc. En
manipulant la Référence, ils s’assurent de leurs «
sujets » et de leur assujettissement, puisqu’il n’est
plus guère possible pour quelqu’un de savoir qui il est,
quels sont son image, son sexe, son corps, ses possibilités de
jouissance, sans en passer par les défilés mis en place
par le pouvoir agissant au nom de la Référence, référence
qu’il met lui-même en scène en la détournant,
voire qu’il dit incarner... Passer de l’« individu »,
ou du sujet « institué », au « sujet du désir
» – singulier, hors normes même s’il est étayé
sur des normes – ou se désengluer du narcissisme par lequel
l’institution nous « tient » devient une tâche
où s’entremêlent, nolens volens, les dimensions politiques
et personnelles de chacun : pas l’un sans l’autre. N’y
retrouve-t-on pas les visées de l’anarchie et sa dimension
éthique ?
Quelques exemples illustreront ces propos : « Le système
occidental, parmi d’autres, dit Legendre, élimine la «
mère » par rapport à la descendance du pouvoir assuré
par la linéarité masculine. Le phallocentrisme, la phallocratie,
tiennent, au fond, à deux confusions : penser le sexe référentiel,
absolu, comme vrai au sens biologique, alors qu’il s’agit
d’une représentation logique destinée à produire
des significations – croire que la problématique généalogique,
liée au pouvoir absolu, référentiel, ne concerne
que le sexe masculin – alors qu’elle concerne les deux sexes.
Méprise d’autant plus dangereuse, ajoute Legendre, que, en
toute société, le pouvoir premier se trouve du côté
des femmes... L’histoire des grandes tyrannies modernes n’est
sans doute pas sans entretenir un lien logique avec l’histoire des
supports juridiques de cet enjeu généalogique. » Question
à reprendre, précisément du lieu de l’an-archie.
On pourrait trouver un autre exemple dans Proudhon 15 : « Comment
s’est consommée la grande exhérédation sociale,
comment l’inégalité et la misère sont devenues
la plaie de la civilisation », se demande-t-il. Précisément,
« l’idée révolutionnaire concerne le point le
plus aigu des manœuvres de filiation, et les enjeux de la subjectivité
», l’idée révolutionnaire serait alors, pour
Legendre, une « tentative de réappropriation sociale des
procédures de causalité ». La révolution, dit-il
encore, allait mettre le prolétariat, traité comme un simple
bétail de reproducteurs, en position de réintégrer
un statut humain de filiation, elle a fonctionné pour rétablir
le prolétariat dans ses droits de filiation. Question encore au
premier plan des revendications en décembre 1995... Ce n’est
pas pour rien que certains en appellent à Jeanne d’Arc ou
à Clovis, plutôt qu’aux Droits de l’homme de
1789 et à l’universel. Travail encore, je pense, pour l’an-archie.
Dernier exemple que j’emprunte à Fethi Benslama 16 qui a
fort bien montré les enjeux de la fatwa touchant Salman Rushdie.
Celuici, dit-il, a mis en question, et tenté de détruire,
ce qui fait Référence pour toute une civilisation. Certes
il s’est attaqué à l’« archê »,
mais il s’est « heurté aux peuples qui, dépossédés
de beaucoup de choses et parfois de tout, ne se laissent pas délégitimer
généalogiquement » ou exhéréder. Le
fondamentalisme serait alors une « tentative de redonner des fondements
fortement ébranlés par l’invention européenne
d’une vérité de l’universel – celle-ci
supposant que les mythes d’origine sont morts, au risque d’une
indétermination passive de l’humanité des hommes,
au risque du surgissement d’une terreur de l’être pas
fondé légitimement » – voire d’une psychotisation
d’un bon nombre, et d’une violence incontrôlable. En
effet, l’origine, le « Au nom de... », est une pure
fiction – un cercle autour de « rien 17 », un «
Réel qui est fait fiction » et « l’assomption
du néant est la place de toute-puissance que nul ne peut revendiquer,
s’y tenir ou s’approprier : c’est l’enjeu le plus
radical du politique, là où il rencontre le religieux 18
».
Toucher à la fiction par laquelle est assumé le néant,
c’est toucher le problème de la différence comme telle.
En ce sens, seule une autre fiction peut mettre en péril une fiction
de l’origine, l’essentiel étant de maintenir la fiction
comme structure. Une psychanalyse conduite suffisamment loin ne peut éviter
ces questions 19 mais par un autre versant : en tant qu’on peut
la dire expérience limite du langage humain, elle s’affronte,
et de façon souvent violente, radicale, à la question de
la Référence du langage lui-même, Référence
qui prend le nom de fonction paternelle, ou de signifiant du Nom-du-Père
dans ses rapports avec la fonction phallique 20. Elle vient buter sur
la « métaphore paternelle », sur la métaphore
comme telle, au bord d’un lieu logique qui est celui de l’émergence
du « dire » et qui, à ce titre, ne peut se dire. C’est
de ce lieu là que s’originent, au plus près de la
folie mais dans une différence radicale même si elle peut
s’effondrer (ce qu’indiquait Freud dans « Constructions
en analyse »), les possibilités inventives, poiétiques,
d’un « sujet » dans sa singularité, d’un
sujet lié au désir, au « dire », au dire «
je » – étayé, je le rappelle, sur le sujet «
institué » par des normes nécessaires à son
existence, mais qu’il subvertit.
Les analystes s’intéressent peu ou pas au « sujet institué
» pourtant si lié aux enjeux narcissiques – peut-être
est-ce pour cela qu’ils s’entre-déchirent si vaillamment
dans leurs institutions, peut-être aussi pour cela qu’ils
passent trop souvent à côté des cas où la question
du narcissisme est au premier plan... peut-être aussi pour cela
qu’ils ne s’intéressent pas à l’anarchie
! Il est à noter que Lacan, dans ses dernières théorisations,
supposait lui aussi deux niveaux : celui du « nom », ou du
Sinthôme, et celui dit de RSI 21 : et c’est le nom, du côté
de l’« archê », qui fait reculer le Réel
d’un sujet... J’en viens donc au dernier point : Bentham,
s’il s’en prenait à la métaphore dite paternelle
– comme fondement de la spécificité du langage humain
– construisait le Panopticon, certes tempéré par le
suffrage universel, et faisait référence à l’«
utilité »...
L’anarchie, elle, interroge, par définition mais aussi par
sa pratique, l’« archê », c’est-à-dire
la Référence même du langage et de toute institution,
allant jusqu’à dire qu’il faut la supprimer (an-archie).
Mais elle prend une tout autre direction : elle prend le risque de conduire
qui s’y tient au bord même du Réel et de la fiction
de l’origine, c’est-à-dire à la limite de l’effacement
du sujet, qu’il soit « institué » ou lié
au « désir ». Position intenable s’il en est...
même si, je le rappelle, c’est de là que peuvent s’inventer
la vie, ou un style, ou des créations dans tous les champs possibles,
même si c’est de ce point qu’on peut devenir «
poète de sa vie »... L’anarchie reste-t-elle alors
comme un suspens des représentations, du langage, des institutions,
des lois, comme un point limite sans cesse à rechercher, à
susciter ? ou bien s’invente-t-elle très vite une origine
mythique, une fiction, pour entrer dans la danse institutionnelle et politique
? Autrement dit : affronte-t-elle à l’origine même
des lois dans une incessante remise en question de l’archê,
comme si elle renvoyait au lieu d’émergence de l’«
un » par rapport au « zéro », un « un »
(lié au « nom ») sur lequel s’appuieraient le
Un unifiant de l’Imaginaire et le Un du signifiant ou du Symbolique
? Ou bien, forte de cette expérience décapante, en viendrait-elle
à « faire de la politique » mais d’une façon
différente dans la mesure où elle en garderait la trace
? Non pas « pousse ta fiction que j’y mette la mienne »...
mais « que peut-il nous venir de cet affrontement à l’an-archê
? » – question véritablement révolutionnaire
à maintenir contre toutes les dérives, toutes les récupérations,
car c’est de là qu’on peut interroger le sexe, la filiation,
la norme, le pouvoir, la religion... et maintenir ouverte la dimension
poiétique de tout un chacun. Contre Platon qui voulait chasser
le poète de la Cité...
1. L’usage habituel du mot qui l’assimile au désordre
extrême ne s’y trompe pas...
2. Je fais de larges emprunts au livre de C. Laval, le Pouvoir des fictions,
Jeremy Bentham, PUF, Philosophies, 1994.
3. Karl Popper, dans la Société ouverte et ses ennemis,
dit que les tentatives pour maximaliser le bonheur des peuples conduisent
toujours au totalitarisme...
4. Pour s’assurer de chaque sujet, pour l’assujettir, il
faut avoir prise sur le corps, sur la jouissance, sur la division sexuelle
– et sur le langage. A noter que Bentham appelle les métaphores
des « feuilles de vigne »... désignant ainsi ce qu’il
veut ignorer !
5. On mesure ici l’ambiguïté du mot « sujet
» qui désigne aussi bien l’individu « assujetti
» à un quelconque pouvoir que le « sujet du désir
», singulier, relativement libre et créatif. Les discours
politiques font miroiter un monde sans « manque » –
les lendemains qui chantent... – où se précipitent
(même au sens chimique de « précipité »)
ceux qui sont en délicatesse avec la problématique des
limites...
6. Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin,
Seuil, Paris, 1996.
7. Encore une notion difficile : il ne s’agit pas de la différence
« duelle », qui engendre la rivalité et la guerre
pour annihiler l’autre, mais de la différence rapportée
à une référence tierce – ce qui engendre
la notion de « semblable »... ou de « tous embarqués
sur la même galère », donc solidaires.
8. P. Legendre, l'Inestimable Objet de la transmission, Leçons
IV, Fayard 1985. Cet ouvrage, parmi d’autres, résume bien
ses thèses.
9. L’article sur « l’Universalité de l’inceste
» (Projets féministes n° 2, 1993) va, au fond, dans
le même sens : un inceste « légalisé »
n’est plus un inceste, la diversité des formes prises par
cet interdit vient en témoigner. Telle mère – comme
tel père – n’existe qu’en tant que représentation
de la Mère absolue, pure fiction, je le rappelle, même
si bien des idéologies instaurent une confusion en écrasant
la dimension de la représentation.
10. Une image en serait donnée par le fonctionnement de l’ordinateur
: quand j’écris ce texte, le hardware (matériel)
et le software (logiciel) Word sont automatiquement activés.
11. C’est pour avoir refusé d’entendre les paroles
et les appels de la nymphe Echo – les appels d’une femme
– que l’univers de Narcisse s’effondre dans la «
mêmeté » – les mots eux-mêmes deviennent
fermés en « écho ».
12. La danse dite « butô » vise, pour celui qui s’y
risque, à un dépouillement de tous les gestes «
institués » : elle laisse un corps qui oscille entre la
mort et le désir. Danse « anarchique » s’il
en est...
13. On peut en trouver un exemple dans la problématique du chômage
et de la place du travail, ou encore dans les effets des divorces :
sans les repères institués, le sujet risque de s’effondrer.
14. On peut noter que l’islam fait une différence entre
dieu et les pères, tandis que les chrétiens identifient
dieu et le père – ce qui induit des institutions différentes
dans leurs formes.
15. Le Petit Catéchisme politique, éd. Paris 1931, II,
p. 267. Cité par Legendre.
16. Une fiction si troublante, F. Benslama, l’Aube, 1994.
17. A. Grégoire, commentant Lévinas, parle du «
visage d’autrui comme trace d’une an-archie » (absence
de commencement, comme trace d’un passé qui n’a jamais
été présent). Golias, n° 46.
18. Cette question, je crois, nous concerne de près : il ne suffit
pas de dire « à bas la calotte ! » ce qui au fond
la renforce, mais de repérer la collusion logique du politique
et du religieux pour la déconstruire. La démonstration
de F. Benslama serait plus convaincante s’il mentionnait que l’islam
– comme toute religion monothéiste – n’a cessé
d’ « exhéréder » les minorités
sous sa coupe : les minorités du Bangladesh ne me contrediront
pas...
19. Lacan disait du psychanalyste qu’il soutenait la « différence
pure ».
20. J’ai dit plus haut que les mères avaient affaire à
la même problématique, mais d’une place logique différente
– même si les hommes se sont appropriés la Référence.
21. RSI renvoie aux trois catégories du Réel, du Symbolique
et de l’Imaginaire, nouées selon les modalités du
nœud borroméen. Le Sinthôme est une quatrième
catégorie qui soutient les trois autres : elle est la nodalisation
en tant que telle. Je renvoie aux Séminaires que Lacan a consacrés
à ces questions, mais je voudrais souligner qu’il y montre
la proximité de la psychanalyse, à trop la réduire
à des enjeux symboliques, et de la religion. Ses derniers Séminaires,
souvent ignorés, s’attaquent à la question du Père
– centrale dans l’œuvre de Freud – qui conduit
nécessairement à la religion et au patriarcat. Questions,
ici encore, à reprendre dans le fil de l’an-archie.
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