Au début du mois de mars a été lancée de Paris, à l'initiative de Philippe
Garnier et d'Élisabeth Roudinesco une pétition qui fut ensuite envoyée
au directeur de la Library of Congress de Washington afin de protester
contre l'ajournement à l'automne 1998 de l'exposition "Freud, conflit
et culture" qui devait avoir lieu en 1996 pour célébrer le centenaire
de la psychanalyse. Plus de 180 intellectuels, d'abord français, puis
de tous pays, se sont associés à cette pétition afin de protester contre
les groupes de pression anti-freudiens, et de réclamer l'ouverture des
Archives-Freud à tous les chercheurs.
POUR INFORMATION :
PÉTITION INTERNATIONALE, LANCÉE DE PARIS ET ADRESSÉE À MONSIEUR JAMES
H. BILLINGTON, directeur de la LIBRARY OF CONGRESS de WASHINGTON. SIGNÉE
PAR 180 PERSONNALITÉS DU MONDE INTELLECTUEL ENTRE LE 1er ET LE 25 MARS
1996.
En juillet 1995, vous avez reçu une pétition signée par 42 chercheurs
indépendants, américains pour la plupart, et dont certains ont écrit
des livres d'une violence inouie contre Sigmund Freud. Entraînés par
ces extrémistes de l'antifreudisme, les signataires contestaient la
validité de l'exposition sur le centenaire de la psychanalyse organisée
par la Library of Congress pour l'automne 1996 sur le thème Freud, conflit
et culture. Ils critiquaient le caractère trop "institutionnel" du catalogue
prévu pour l'exposition et réclamaient que leurs propres travaux y figurent
en bonne place. Forts de ces 42 signatures et de 9 autres supplémentaires,
les responsables de cette pétition déclenchèrent aux États-Unis, pour
appuyer leur démarche, une campagne de presse dans laquelle Freud était
calomnié pour avoir commis de prétendus crimes, inventés en réalité
de toutes pièces par des adeptes de la political correctness (pensée
politiquement correcte), des neurobiologistes, des scientistes, des
cognitivistes. Les uns l'accusaient d'avoir abusé sexuellement de sa
belle-soeur et plus largement du corps des femmes et des enfants, et
les autres d'avoir tout simplement inventé un nouveau charlatanisme
incompatible avec la "vraie" science.
Devant la violence de cette chasse aux sorcières, vous avez pris la
décision d'ajourner l'exposition, renonçant ainsi à exercer votre droit
le plus fondamental : la liberté d'expression. En février 1996, après
la réaction de nombreux journalistes et intellectuels américains et
européens, hostiles à toutes ces manifestations puritaines où se mêlent
un conservatisme et un radicalisme, vous avez changé d'avis et décidé
que l'exposition aurait lieu à l'automne 1998. Nous tenons à vous dire
que nous sommes inquiets de la tournure prise par les événements. Nous
acceptons mal qu'une institution d'état aussi prestigieuse que la Library
of Congress puisse se laisser manipuler par l'opinion publique et impressionner
par la dictature de quelques intellectuels transformés en inquisiteurs.
Nous vous demandons par la présente pétition, d'une part de veiller
à ce que l'exposition ait lieu dans des conditions qui ne soient pas
celles d'un chantage à la peur, et d'autre part de mettre en place une
véritable ouverture des archives Freud à tous les chercheurs de toutes
tendances et de tous pays, sans aucune discrimination, afin d'éviter
que l'histoire du freudisme et de la psychanalyse ne devienne la propriété
d'une pensée unique, tantôt orthodoxe, tantôt antifreudienne.
PARIS, le 25 mars 1996.
Le lien d'origine : http://www.carnetpsy.com/Archives/Dossiers/Items/ExpositionFreud/p3.htm