Et encore une de plus !
Après les lois sur la sécurité quotidienne
et intérieure, après Perben I et Perben II, voici
le nouveau projet de loi de Sarkozy sur la prévention de
la délinquance.
Voici en résumé le contenu de cette loi :
Rôles et pouvoirs du maire élargis.
Le maire peut mettre en place une liste de noms d’enfants,
scolarisés et domiciliés dans la commune, qui ne respectent
pas « l’obligation d’assiduité scolaire
» et qui ont eu un avertissement.
Le pouvoir de décider d’une hospitalisation de personne
« dont les troubles mentaux nécessitent des soins et
compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte
de façon grave à l’ordre public » revient
au maire non plus au médecin, qui, pourtant, a les compétences
pour le faire.
Création d’un Conseil pour les droits et les devoirs
des familles présidé par le maire. Celui-ci peut désormais
faire des leçons d’éducation aux parents jugés
laxistes.
Fin du secret professionnel
Création d’un casier social municipal.
Les professionnels du travail social (assistant social, éducateur,
psychologue) doivent désormais donner au maire les noms des
personnes qu’ils reçoivent s’ils estiment que
les difficultés sociales, éducatives ou matérielles
de ces personnes sont trop graves. Ce viol pur et simple du secret
professionnel permet à nos dirigeants de resserrer encore
plus le maillage du contrôle social : le but est de réprimer
des comportements sans chercher à les expliquer et résoudre
leurs causes. Avec cette loi, les travailleurs sociaux risquent
de devenir petit à petit des collaborateurs de la police,
puisqu’ils devront livrer des informations confidentielles
et nominatives.
Les médecins sont désormais autorisés à
révéler les cas de violences au sein d’un couple
sans avoir à demander l’assentiment de la victime,
comme cela était le cas auparavant.
Contrôles accrus, sanctions et peines aggravées.
Contrôle accru des sorties des hôpitaux psychiatriques
et renforcement de la surveillance des malades mentaux : cette mesure
défend l’idée selon laquelle le fait d’être
passé dans un hôpital psychiatrique est vecteur de
délinquance. Les personnes souffrant de pathologies mentales
sont suspectes, et sont en quelque sorte dénoncées
à l’autorité judiciaire. On risque de ne plus
chercher à comprendre les motivations d’ordre psychologiques
qui ont poussé la personne à commettre un acte répréhensible,
la seule réponse qu’on donnera sera répressive.
Extension des pouvoirs des agents des transports et durcissement
généralisé des peines en cas de fraude ou de
toute autre acte considéré comme un délit (exemple
: bloquer les voies de chemin de fer lors d’un mouvement social).
Création d’un service civil volontaire de la police
nationale « dans le but de renforcer le lien entre la nation
et la police nationale ».
Répression des mineurs renforcée : instauration,
entre autres, d’un stage de formation civique et d’une
mesure d’activité de jour.
Loi Dite de prévention de la délinquance :
réprimer pour (tenter de) sauvegarder les intérêts
des dominants
Regardons un instant notre société, partons de ce
que nous vivons. Que voyons-nous ? Des individus devenus complètement
flippés par les évènements qu’ils vivent
: prendre le volant, laisser son gamin jouer dehors, dormir les
fenêtres ouvertes…, et totalement méfiants des
gens qu’ils rencontrent ; si bien que même les liens
sociaux en pâtissent (prendre quelqu’un en stop est
devenu aujourd’hui un acte héroïque).
Que voyons nous encore ? Des informations en boucle : terrorisme,
délinquance, guerre contre le terrorisme, lutte contre la
délinquance. Les thèmes se font écho et saturent
l’espace médiatique… et les esprits. A regarder
les choses ainsi, on pourrait croire que le système a bien
réussi à manipuler les gens puisque ces derniers sont
désormais en demande de sécurité et de contrôle,
au mépris de leurs libertés les plus fondamentales.
Manipulation ? Certes, il serait idiot d’écarter toute
instrumentalisation (par ceux qui nous dominent) du sentiment de
peur, d’insécurité que ressentent beaucoup de
personnes. La manipulation existe, elle sert certains intérêts
électoraux : rechercher à ce que l’insécurité
soit omniprésente, donner à la délinquance
une visibilité aussi massive, focaliser l’attention
sur les actions gouvernementales de répression, tout cela
présente beaucoup d’avantages pour l’élite
dirigeante. La « prévention de la délinquance
» permet à merveille de manipuler les esprits, afin
d’éviter de poser les bonnes questions.
A observer l’évolution de cette politique sécuritaire,
on ne peut qu’en conclure que cela sert les intérêts
de la classe dominante. L’acceptation par une majorité
de la logique sécuritaire et de ces conséquences (réduction
des libertés, contrôle accru des personnes, répression
renforcée…) concourt à préserver la classe
dominante de la remise en question de ses propres pratiques : exploitation
des besoins les plus fondamentaux des êtres humains (boire,
se nourrir, se loger…), corruption, domination économique
totale (vache folle, amiante, OGM…) et humaine (infantilisation,
salariat, dépossession…), sans même parler des
guerres. Les responsables de ces actes sont des criminels qui, pourtant,
tirent profit d’une légitimité de par leur position
dans la société. On voit bien là que le système
nous formate à justifier et accepter les injustices que nous
subissons au quotidien, et à condamner de manière
virulente des actes dits « délictueux » de personnes
qualifiées de « délinquantes ».
Ainsi, par exemple, une majorité de personnes justifient
les actes des patrons et condamnent le vol en supermarché.
Mais en fait, que font les patrons si ce n’est s’approprier
le fruit de notre travail ? Cette appropriation est loin d’être
qualifiée de « délinquance » et est loin
d’être un délit, alors qu’en réalité
c’est du vol organisé. Et accepté. A partir
de là, lorsqu’ils s’attaquent aux lieux d’exploitation
ou qu’ils sont dirigés contre les profits de la classe
dominante, les actes de réappropriation de la part de la
classe opprimée ne peuvent être que légitimes
; ils doivent être vus comme un moyen nécessaire de
défense et de lutte pour les dépossédés (sans pour autant, cela dit, qu’émerge
dans ces actes, une conscience politique).
Il est donc certain que le choix des mots et de leur sens est d’une
importance cruciale, et qu’il est essentiel de savoir ce que
l’on entend quand on parle de « délinquance ».
Pour le système actuel, un acte de délinquance est
une « déviance » du comportement par rapport
à la norme (loi, morale) qu’il a lui-même édictée.
En réalité, la « délinquance »
permet de simplifier les choses là où elles devraient
être expliquées et comprises. Cette simplification
a pour but de criminaliser certaines catégories de la population
et de créer ce sentiment d’insécurité
chez d’autres, hypocrite caution à la mise en place
du contrôle social. Il est donc nécessaire de prendre
du recul sur le vocabulaire employé.
Mais faut-il en rester là ?
Il semble que non. Certes, il y a manipulation, mais certains faits
restent irréfutables. Oui, les actes d’atteinte aux
biens, aux personnes, s’intensifient (il faudrait y ajouter
les atteintes à soi-même : le suicide, dont le nombre
ne cesse de s’alourdir lui aussi). Ces situations de détresse
économique et d’insécurité croissante,
ces vies absurdes, provoquent l’augmentation des comportements
ultra-individualistes, l’émergence d’individus
tout-puissants, l’augmentation de pratiques morbides et mortifères.
Comment le contraire serait-il possible dans cette société
du non-sens, de plus en plus inégalitaire qui engendre frustrations
et situations de précarité intolérables ? Dès
lors, l’ensemble de ces comportements, dont la « délinquance
», ne doivent-ils pas être analysés comme l’une
des conséquences du système capitaliste lui-même
?
Les propriétaires du pouvoir savent que mettre en place
des politiques visant à recoudre un tissu social déchiré
leur coûteraient trop cher… Ils se concentrent donc
sur les politiques répressives, qui, elles, évitent
de poser les questions qui dérangent. C’est là
qu’intervient la « mise en scène », le
discours officiel sur la « délinquance », la
manipulation. Mais en réalité, ce qu’ils appellent
« délinquance » n’est rien d’autre,
pour une large part, que le résultat d’un ensemble
de comportements ultra individualistes, les mêmes comportements
qu’ils adoptent, les mêmes qu’ils célèbrent
et encouragent, les mêmes qu’ils absolvent dans les
Cours de la justice bourgeoise. Généralement, ces
comportements, bien loin d’être hors norme, sont extrêmement
bien adaptés au capitalisme : réactifs, brutaux, efficaces.
Sans morale, c'est-à-dire sans souci des autres.
Aucune question essentielle n’est soulevée, aucune
réflexion de fond n’est sollicitée à
travers ces mesures ; en nous faisant marcher au pas, les dominants
resserrent les mailles d’un filet qui préserve leurs
intérêts de classe.
Il est donc plus que temps de relier notre vie quotidienne
à une analyse globale, d’organiser la résistance
contre cette société totalitaire et contre l’avenir
qu’elle nous impose.
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