"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
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LE TABOU DES MESURES PENALES DANS LES MILIEUX LIBERTAIRES
Gabelle


Texte extrait de " L’autoritarisme dans les organisations libertaires, Formes et remèdes "
brochure publiée par Le Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen


Lorsque l'on aborde le thème difficile de l'existence de " pouvoirs " au sein des groupes libertaires ou autoproclamés tels, on commet en général trois impairs préjudiciables qui empêchent de résoudre ces problèmes. D'une part, on considère habituellement l'expression de ces "pouvoirs" comme absolument contradictoires et inattendus avec les principes libertaires. D'autre part, on ne considère le " pouvoir " comme possible qu'au niveau des intermédiaires mandatés. Enfin, on se garde bien d'envisager des mesures collectives capables de contrer l'affirmation de ces pouvoirs au sein d'une fédération. Il convient par conséquent d'analyser ces oublis ou ces manques pour en expliquer les raisons et. le fait qu'on ne les mentionne pas beaucoup dans la littérature anarchiste, comme s'il était tabou de " pénaliser " des libertaires ou prétendus tels. Que l'on comprenne bien : il ne s'agit pas d'accepter la loi extérieure et asservissante du système politique dans lequel nous évoluons ou de n'importe laquelle autre entité " supérieure ", mais bel et bien d'étudier la nécessité que des libertaires fédérés ou des individus fonctionnant collectivement selon les principes libertaires, puissent se sanctionner eux-mêmes en fonction de plusieurs conditions qui définissent le fédéralisme. Nous pouvons donc pour ce faire vérifier le bien-fondé des quatre énonciations suivantes :

1] la tension permanente due aux " impérialismes " des associé(e)s composant un collectif libertaire est un risque naturel et inévitable ;

2] le rapport de domination n'est pas que celui du collectif qui oppresse l'individu par le biais de structures intermédiaires. Le " leadership " est au contraire la forme d'autorité la plus développée au sein du mouvement libertaire ce qui n'est autre que la tentative de prééminence d'un individu sur un groupe tout entier et non l’inverse ;

3] la plupart du temps, les libertaires associés s'avèrent incapables de faire respecter le droit incarné dans entrât un pacte ou une charte par les individus ou les groupes qui trahissent leur engagement initial.

4] l’injustice triomphe alors le plus souvent au nom de l'autonomie et de la liberté : cette situation appelle une réaction ferme des fédérés face aux velléités autoritaires.

1ère opus : l'inconcevable homo libertarius
L'illusion paisible de l'honnêteté


II est coutumier d'affirmer que les anarchistes sont des " bons vivants " ou des pinailleurs intellectuels passionnés ou parfois les deux, qui se regroupent surtout selon leurs affinités et que leur sentiment fraternel ne résiste pas bien longtemps à l'éventualité de devoir supporter de trop grandes différences de goûts, synonyme de trop d'efforts de trop de compromis, de trop de contraintes et horreur, d'autodiscipline... Cette vision générale du groupe anarchiste justifie les explications oiseuses sur la manie de la scission et des altercations emportées ou violentes entre les individus. Tout ceci ramène à l'idée dominante que le credo de l'absence de contrainte assimile aux mouvements libertaires ne peut aboutir qu'à un fonctionnement social basé sur l'affinité ou l'intimité des associés et leur totale autonomie. Cette interprétation des comportements anarchistes en société fait donc la part belle aux incompatibilités d'humeur, plutôt qu'aux analyses réellement politiques des tensions au sein des groupes ou des fédérations. En vérité, cette approche est un peu courte, pour ne pas dire partial et dangereuse.

Car s'il est exact que la création et la durée de vie d'une " association " s'appuie sur la secrète alchimie des sensibilités qui la composent, que ce cercle intime induit du repli et l'exacerbation des différences, sources de tensions et si que la liberté de critique ou de se désassocier est toujours permanente, il n'en reste pas moins vrai que ces groupes ne sont pas exempts de relations hiérarchiques. Il faut avoir le courage de l'admettre. Les scissions ne se fomentent pas - en un jour. Les affrontements entre anciens compagnons ou compagnes n'apparaissent pas d'un seul coup un seul, seulement parce qu'ils ou elles ne " s'aiment plus ".

En réalité chaque libertaire devrait le savoir, le pouvoir ne se confond pas avec la souveraineté des institutions L'absence d'institutions ne signifie pas qu'il n'y a plus de pouvoirs. Ils s'insinuent au contraire partout et à commencer par les relations immédiates et quotidiennes de chaque individu avec les autres, y compris dans le groupe libertaire autogéré. Chaque individu membre d'un tel groupe constitue une " force " associée à d'autres et porte en lui ou elle une volonté de se singulariser qui s'apparente à de la " puissance ". La plupart du temps dans les groupes libertaires on n'existe pas en étant silencieux et anonyme, mais en essayant de valoriser ce que l'on est et en allant au bout de ses capacités sans se soucier nécessairement du niveau atteint par les autres Pire : les inégales expériences et connaissances de chacun conduisent au développement de talents et d'aptitudes d'intensités variables qui procurent des possibilités infinies de dominer par une plus grande maîtrise des choses. Et à partir du moment où ces possibilités existent, on voit mal pourquoi une volonté ne les utiliserait pas en faisant la démonstration de sa supériorité dans tel ou tel domaine de prédilection. Chaque individu peut être tenté tout à fait naturellement de démontrer à moment donné qu'il est très fort dans quelque chose. Non seulement cela peut être vital pour l'individu fatigué de contenir sa puissance, mais en plus ça peut amener de l'efficacité. Si personne n est là pour nous contredire ou contrecarrer nos plans, nous devenons donc tous des impérialistes en puissance. A ce titre, aucun d'entre-nous ne mérite de confiance absolue.

L'autosatisfaction et le sentiment de supériorité sont ce qui animent en milieu libertaire comme ailleurs les prétentions à diriger momentanément aux destinées du groupe, sauf qu'il n'y a pas de structures hiérarchiques qui permettraient à ces rapports de domination de se pétrifier. Il n'y a pas d'honnêteté ni de bonté des cœurs purs qui tiennent. Il n'y a que l'humain.

2ème opus : la mécanique des tribuns la fin du mythe anarchiste de l'autorité

Si nous aimons tous être valorisés " par-devant " les autres, pour certains cela peut prendre une tournure plus sérieuse L'ego surdimensionné de quelques " libertaires " les transforme effectivement peu à peu en de vrais dominateurs qui cherchent à guider le groupe par la démonstration de leur " supériorité ". La posture messianique qu'elle présuppose s’exprime par ce que beaucoup nomme " le pouvoir d'influence ". Or, s’il est aisé d'admettre qu'une influence peut-être bénéfique voire inévitable dans la construction individuelle ou de celle d'un groupe, il faut aussi savoir en mesurer les effets néfastes.

D'abord, il est rare qu'un pouvoir d'influence soit isolé : il se heurte souvent à d'autres. Cette situation créée alors un état de lutte permanente dans lequel chacun essaie de remporter la plus large audience. Et ce contexte positif d'émulation dérive rapidement en une compétition acharnée qui finit par occulter totalement les objectifs à l'origine de l'association ou de la fédération. C'est ce qu'on appelle dans les organisations " l'obsession de l'interne ".

Ensuite, l'esprit compétitif, une fois instauré dans les relations entre individus, aboutit à faire raisonner les protagonistes en terme de " gains " ou de " victoires " et autre vocabulaire guerrier. Il leur est dès lors indispensable que " leurs " positions triomphent de celles des autres parce qu'elles sont forcément " meilleures ".

A ce niveau d'échange, il devient de plus en plus difficile de conserver un esprit fraternel et solidaire : les critiques se font acerbes et dures à avaler parce qu'elles sont autant de remises en cause qui favorisent la " concurrence ". Et finalement, l'aboutissement de ce processus est l'intolérance la plus abjecte, le despotisme caractériel de celui ou de ceux qui aspirent à être adulés et plébiscités. La totale liberté concédée aux détenteurs de pouvoirs d'influence aboutit donc à de l'autoritarisme au bout d'un moment.

Ce schéma opère un complet renversement du mythe anarchiste de l'autorité : traditionnellement, l'autorité combattue est incarnée par l’État et toutes les formes de souveraineté, c'est-à-dire l'oppression du pouvoir de la collectivité confisqué par ses représentants. La figure de l'autorité est par conséquent souvent assimilée à celle d'une élite portée et légitimée par une majorité utilisant des instruments étatiques qui amplifient sa capacité de nuisance contre les "opprimés". Mais la disparition de l'amplificateur ne signifie pas qu'il n'y a plus " d'émission". Au sein des groupes libertaires, c'est justement l'inverse qui se produit : l'autorité se dégage en quelque sorte par défaut de réaction de la majorité face aux agissements incontrôlés de quelques-uns. La majorité n'y choisit pas ses chefs, elle se laisse choisir par un d'entre eux (car c'est souvent un homme), à condition bien sur qu'il ne dise pas qu'il est le chef : comme ça les apparences sont sauves. Le leaderisme propre aux " organisations " ou aux groupes libertaires est le fait d'individus charismatiques qui tentent d'étendre toujours davantage leur pouvoir d'influence. Cette " minorité agissante " occupe l'espace laissé libre par les libertaires dans les moments de décisions quand leur parole s'impose, car personne n'ose intervenir ou les contredire. C'est en ce sens que l'on peut véritablement les désigner comme des tribuns : des orateurs qui s'érigent tous seuls en défenseurs du " peuple ". La transformation progressive de la cohabitation de pouvoirs d'influence en un affrontement entre leaders concurrents et intolérants définit bien une hiérarchie au sein des groupes libertaires, celle de la dictature des petits chefs.


3ème opus : silence et clémence pour les autoritaires Le laxisme des libertaires face aux menaces intérieures

Si au sein des groupes libertaires, les rapports de domination sont légions et qu'ils relèvent surtout d'initiatives individuelles face à l'apathie de la multitude de bovins libertarius, il est légitime de se demander pourquoi les anarchistes laissent ce type de situation se développer comme si cela constituait un processus naturel.

On peut rapporter principalement deux raisons, bien que cette liste ne soit pas limitative :
- L'habitude de se taire face aux " chefs " au nom de la préservation de sa tranquillité personnelle et de celle de la cohésion du groupe.
- Le rôle secondaire joué par le droit libertaire dans les groupes " autogérés " au profit des valeurs d'autonomie et de libre association.

Très souvent, les anarchistes regroupés en association développent une certaine complicité voire une amitié sincère entre eux. Ils placent alors les affinités au-dessus des considérations politiques. Ces petits groupuscules isolés doivent aussi leur survie à la solidarité qui unit leurs membres. Ce sont ces liens à la fois affectifs et existentiels qui font qu'il est difficile, parfois, d'avouer à un " compagnon " ou à une " compagne " qu'il ou elle dépasse les limites, surtout si ce ou cette militant(e) est moteur par son dynamisme et sa clairvoyance. Le désir de ne pas vexer quelqu'un que l'on apprécie par ailleurs aboutit à une étrange clémence pour certains quand pour d'autres, moins en vue ou moins " sympathiques ", on se montre impitoyable voire injuste. Mais il y a pire derrière ce comportement collectif d'indulgence sélective. Il y a la soumission volontaire au "guide". Les tribuns apparaissent effectivement quand plusieurs " libertaires " militants avalisent la hiérarchie informelle née de la lutte entre les pouvoirs d'influence : passifs face à la violence des paroles et des actes, ils finissent par trouver " normal " que ceux qui avancent le plus vite brutalisent un peu les autres en s'érigeant en modèle à suivre.

Comment en arrive-t-on là ?

L'autonomie des entités de base fédérées permet à chacun de mener sa propre expérience indépendante en élaborant le cas échéant une démarche particulière. Et si dans le lot des multiples autonomies, il se trouve qu'une fonctionnait au-delà de toute espérance ou même juste un peu mieux que les autres en faisant gagner en audience les idées libertaires sur le plan local, ils leur semblent acceptables qu'elles puissent prétendre à devenir prédominante. Ils considèrent donc que lorsque l'autonomie rime avec efficacité, il est souhaitable de se soumettre à ce pouvoir d'influence en faisant preuve d'indulgence parce qu'il serait bénéfique pour tous et renforcerait une certaine cohésion. Le culte de la réussite militante aveugle alors ces " libertaires " : il devient incongru ou provocateur de remettre en cause les résultats et les méthodes utilisés. Ceux qui osent braver le consensus sont accusés de vouloir rechercher le conflit pour se donner l'impression d'exister ou d'être des envieux incapables de se montrer aussi performant. Le sens critique n'est plus toléré face au culte collectif de l'efficacité supposée du " guide " et de ses troupes. La cohésion du groupe à préserver, c'est celle qui consiste à accepter de s'aligner derrière un chef de file, comme dans les sociétés pyramidales. Cela revient en fin de compte à cautionner l'idée qu'il faut faire une exception pour ceux qui tirent le collectif, un peu comme le président de la république est au- dessus des lois parce que sa mission est "d'incarner la nation" et de "rassembler les citoyens" dans la démocratie parlementaire.

Outre cette question de mentalité qui ne rompt pas avec les habitudes du système capitaliste, il y a surtout le rapport à la règle qui reste extrêmement préoccupant dans les milieux libertaires à la fois sur les plans théoriques et pratiques. Le fédéralisme libertaire, qui est toujours le modèle de fonctionnement le plus répandu dans ce milieu, s'appuie sur trois piliers indissociables : le droit libertaire définit par un contrat, l'autonomie des entités de base et la liberté de se désassocier à tout moment. Ces trois principes doivent s'harmoniser non pas en partant du postulat qu'ils se hiérarchisent en plaçant " l'autonomie" en tête de gondole comme le pensent beaucoup d'anarchistes : L'autonomie sacralisée ne garantit pas le respect du droit de chacun et n'incite pas systématiquement à se séparer en cas de désaccord profond et de perte du sentiment fraternel. En réalité, il faut plutôt envisager la relation entre ces trois principes selon l'idée exactement inverse que nous avons " la fraternité comme base, l'égalité comme moyen et la liberté comme but ". Cela signifie que l’autonomie de chacun des associés, si souvent prônée et adorée par les anarchistes, n'est pas donnée ni innée, mais bel et bien bâtie et acquise par tous tout au long du fonctionnement collectif ; c'est le résultat de l'anarchisme et non son point de départ.

On a beau en effet être libertaire, ce n'est pas parce que l'on se réunit qu'on est tous réellement sur un même pied d'égalité. C'est un leurre total que de proclamer qu'on est tous réellement égaux dès lors que l'on décrète que tous les associés sont " autonomes ", libre de geste et de conscience. Cette conception hypocrite oublie tout simplement que nous n'avons pas tous la même " puissance " dès le départ. Elle confond libre-arbitre potentiel et réel, égalité en droit et égalité dans les faits : le principe de départ, l'indispensable égalité de droit est battue en brèche par le second, l'inégalité de puissance des associés. La liberté, c'est justement quand on a tous les mêmes capacités de s'épanouir et de se développer, c'est-à-dire les moyens de corriger les inégalités de faits tant sur le plan matériel que sur le plan des "savoir-être et savoir-faire " qui nourrissent la véritable autonomie.

Reprenons les choses dans l'ordre de la phrase des trois principes citée plus haut.

4èrne opus : le gourdin pour les tribuns
Le règne du droit au lieu du droit au règne


1°] Ce qui fait qu'on se réunit, c'est la recherche de solidarité et de respect mutuel articulé au début autours d'échanges informels qui permettent à chacun de trouver son compte en apportant ce dont il dispose. 2°] Ensuite, il est naturel de rechercher un équilibre entre les différentes " forces " individuelles composant le collectif en établissant un contrat qui prend souvent le forme de statuts, à partir desquels les droits et les devoirs de chacun sont reconnus et garantis par la collectivité. Ce " droit " n'est jamais définitif, chacun des co-contractants ayant la liberté d'en contester le contenu et de proposer des modifications, mais il permet de rétablir une certaine égalité entre les co-contractants en aidant les plus faibles matériellement et politiquement. C'est ici que se trouve par exemple l'accord selon lequel chaque entité fédérée a le même poids décisionnel quels que soient ses moyens militants et que ce principe est renforcé concrètement par l'équité d'une certaine forme de redistribution des " richesses " fédérales, matérielles et compétentes, sans laquelle les plus faibles des entités ne seraient pas vraiment indépendantes. Le droit seul assoit l'égalité, et non une fausse autonomie, différentielle, qui ne correspond qu'à des potentiels de libre-arbitre. 3°] Ce n'est qu'à partir de ce contrat que l'autonomie réelle peut se construire et que l'on peut empêcher que les divers pouvoirs d'influence des plus autonomes des associés, les tribuns ne finissent par satelliser les " libre-arbitre " des autres. Or, qui dit " contrat " induit un niveau fédéral et non " transversal " des relations : les règles qui composent le droit sont équilibrées, garanties et contrôlées par tous en même temps et non le privilège de quelques " experts ".

Par conséquent, il apparaît clairement que c'est l'absence de respect de ces règles fédérales de fonctionnement et de solidarité sur lesquels tous les associés se sont pourtant engagés qui favorise et encourage l'émergence des hiérarchies dans les groupes libertaires.

Dans la pratique face à ce dilemme, lorsque les- règles de départ sont bafouées ouvertement et unilatéralement par une entité, il est aisé de penser qu'il y a toujours la liberté de se désassocier puisque l'entente n'est plus possible Mais pour qu'une séparation ait lieu, il faut que les deux parties soient d'accord pour cela. Or, dans beaucoup de groupes et d'organisations libertaires, on peut constater que la trahison du contrat n'est pas vraiment un scandale pour ceux qui le subissent et que les fauteurs de troubles ne voient pas ce qui justifierait leur départ puisque leur transgression leur semble banale, indispensable ou salutaire. Ils veulent souvent continuer à bénéficier des échanges et de leur rôle décisionnel parce qu'ils croient que leur solution est la meilleure. Concrètement on assiste alors à l'instauration autoritaire de règles spécifiques seulement valables pour certains, même si cela porte atteinte aux droits de ceux qui n'ont pas choisi de redéfinir les termes du contrat qui les unissent.

Prenons l'exemple des mandats fédéraux : comment réagir lorsqu'un groupe ou un individu décide subitement tout seul qu'un mandat n'est plus utile ou qu'il doit changer de contenu ? Ce type de situation se traduit au nom de " l'autonomie ", à fouler aux pieds le contrat initial en fonctionnant différemment sans que la collectivité ne l'ait décidé, uniquement parce qu'une entité de base a tout d'un coup jugé que les règles auxquelles elle à pourtant souscrite devenaient des " contraintes " tandis que pour les autres elles .demeuraient des nécessites.

Que dire si ce conflit aboutit en plus à ne même plus respecter la fraternité qui sert de base élémentaire au fédéralisme en traînant dans la boue par la diffamation ou la calomnie les " compagnons et compagnes " d'hier qui ne veulent pas entériner le diktat des nouvelles règles ? C'est tout simplement inacceptable.

Une réaction saine des groupes fédérés serait de condamner ceux qui passent outre les termes du contrat et d'exiger que les torts causés soient réparés. Et dans ce cas, il faut nommer les choses : il s'agit de pénaliser ces libertaires ou autres, traîtres et autoritaires, grâce à un arsenal répressif contrôlé par toute la collectivité. La solution ultime est bien sûr l'exclusion pure et simple du groupe ou de la fédération lorsque les écarts reproches sont trop graves et répétés. Mais avant d'en arriver là, il y a d'autres moyens moins radicaux de faire respecter les droits des co-contractants par les coupables.

Par exemple quand le comportement d'un individu ou d'un groupe est insultant pour d autres à l aide d'accusations majeures avancées sans aucune preuve, dans le seul but de les compromettre pour asseoir un pouvoir d'influence il est primordial que le groupe ou la fédération réagisse immédiatement face à ces actes en exigeant l'arrêt et en condamnant collectivement le ou les responsables. Comme ces derniers dénigrent volontairement le sentiment fraternel à la base du fédéralisme, il faut exiger une réparation : des excuses et des démentis publics par exemple.

Et si la condamnation, une sorte de blâme, ne suffit pas, il faudrait alors aller plus loin dans la répression des velléités autoritaires : des mesures transitoires sont possibles en interdisant l'accès aux organes décisionnels a ces individus par une sorte de " mise en quarantaine " politique. Ce délai leur permettrait de bien considérer s il ne faut pas mieux se séparer plutôt que de continuer à mépriser les règles communes afin de détruire une fédération qui profite pourtant à la majorité des co-contractants.

Par exemple, on imagine mal que dans une économie libertaire un producteur décide unilatéralement de transformer les termes des échanges contractualisés avec la collectivité au nom de "l'autonomie" et de " l'absence de contraintes ". Soit il n'est plus d'accord avec les objectifs fixés et le fonctionnement collectif et alors il se sépare en se privant de l'accès aux échanges et à un quelconque rôle décisionnel, soit il reste et accepte de se plier sous peine de sanctions aux règles communes majoritaires qui définissent notamment la prise de décision concernant le point de la production. S'il décide de rester, il doit de toutes façons réparer les torts causés en honorant la production qui correspond au contrat.

Malheureusement, à cause de leur mentalité décrite au début de cette partie, les anarchistes n'ont pas le courage d'appliquer ces idées de bon sens qui ne remettent cependant pas en cause le bien-fondé de la démocratie directe. Ils continuent à s'enfermer dans l'illusion facile et réconfortante de " l'homo libertarius ", honnête et sincère, et que l'on doit envers et contre tout vivre sans aucune contrainte, même quand on a la possibilité de participer à des assemblées générales souveraines. Car ce qui fait effectivement la spécificité de la démocratie directe, c'est la possibilité pour un(e) associé(e) de négocier les limites ou les règles dans une instance décisionnelle afin de les amender pour ne finalement respecter que ce qui est vraiment nécessaire à sa satisfaction et à celle de la collectivité. Par contre, si l'on décide de rester et de continuer à bénéficier des échanges solidaires malgré le fait que sa position n'est pas majoritaire, il est naturel de se plier à ce qui devient alors des " contraintes ". Aujourd'hui, nous avons des anarchistes qui ne veulent aucune contrainte tout en utilisant des moyens collectifs. C'est le ridicule paradoxe de certaines organisations dont elles s'extraient par une pirouette suicidaire : on interdit les règles collectives au profit du laisser faire total.

Ces anarchistes individualistes qui ne veulent rien concéder au fonctionnement social polluent beaucoup trop de groupes et d'organisations par leur attitude néfaste. Cela ne présente absolument aucun problème s'ils constituent une minorité, de préférence organisés à part. Mais s'ils sont les plus nombreux dans les fédérations, alors cela ne sert à rien de s'évertuer à leur expliquer ce qu'est le fédéralisme. Mieux vaut leur laisser les clefs de la " maison " qui pourrira bientôt sur pieds, rongée de l'intérieur par la vermine de l'autorité des tribuns. Ces libertaires-là continueront quand même à se congratuler d'avoir su préserver une " autonomie " de pacotille.

Gabelle


Le Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen a publié une brochure sur
" L’autoritarisme dans les organisations libertaires, Formes et remèdes "
Leurs coordonnées :
Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste
B P 257
1403 Caen Cedex

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