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Texte extrait de " L’autoritarisme dans les organisations
libertaires, Formes et remèdes "
brochure publiée par Le Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste
de Caen
Lorsque l'on aborde le thème difficile de l'existence
de " pouvoirs " au sein des groupes libertaires ou autoproclamés
tels, on commet en général trois impairs préjudiciables
qui empêchent de résoudre ces problèmes. D'une
part, on considère habituellement l'expression de ces "pouvoirs"
comme absolument contradictoires et inattendus avec les principes
libertaires. D'autre part, on ne considère le " pouvoir
" comme possible qu'au niveau des intermédiaires mandatés.
Enfin, on se garde bien d'envisager des mesures collectives capables
de contrer l'affirmation de ces pouvoirs au sein d'une fédération.
Il convient par conséquent d'analyser ces oublis ou ces manques
pour en expliquer les raisons et. le fait qu'on ne les mentionne
pas beaucoup dans la littérature anarchiste, comme s'il était
tabou de " pénaliser " des libertaires ou prétendus
tels. Que l'on comprenne bien : il ne s'agit pas d'accepter la loi
extérieure et asservissante du système politique dans
lequel nous évoluons ou de n'importe laquelle autre entité
" supérieure ", mais bel et bien d'étudier
la nécessité que des libertaires fédérés
ou des individus fonctionnant collectivement selon les principes
libertaires, puissent se sanctionner eux-mêmes en fonction
de plusieurs conditions qui définissent le fédéralisme.
Nous pouvons donc pour ce faire vérifier le bien-fondé
des quatre énonciations suivantes :
1] la tension permanente due aux " impérialismes
" des associé(e)s composant un collectif libertaire
est un risque naturel et inévitable ;
2] le rapport de domination n'est pas que celui du collectif
qui oppresse l'individu par le biais de structures intermédiaires.
Le " leadership " est au contraire la forme d'autorité
la plus développée au sein du mouvement libertaire
ce qui n'est autre que la tentative de prééminence
d'un individu sur un groupe tout entier et non l’inverse ;
3] la plupart du temps, les libertaires associés s'avèrent
incapables de faire respecter le droit incarné dans entrât
un pacte ou une charte par les individus ou les groupes qui trahissent
leur engagement initial.
4] l’injustice triomphe alors le plus souvent au nom de l'autonomie
et de la liberté : cette situation appelle une réaction
ferme des fédérés face aux velléités
autoritaires.
1ère opus : l'inconcevable homo
libertarius
L'illusion paisible de l'honnêteté
II est coutumier d'affirmer que les anarchistes sont des "
bons vivants " ou des pinailleurs intellectuels passionnés
ou parfois les deux, qui se regroupent surtout selon leurs affinités
et que leur sentiment fraternel ne résiste pas bien longtemps
à l'éventualité de devoir supporter de trop
grandes différences de goûts, synonyme de trop d'efforts
de trop de compromis, de trop de contraintes et horreur, d'autodiscipline...
Cette vision générale du groupe anarchiste justifie
les explications oiseuses sur la manie de la scission et des altercations
emportées ou violentes entre les individus. Tout ceci ramène
à l'idée dominante que le credo de l'absence de contrainte
assimile aux mouvements libertaires ne peut aboutir qu'à
un fonctionnement social basé sur l'affinité ou l'intimité
des associés et leur totale autonomie. Cette interprétation
des comportements anarchistes en société fait donc
la part belle aux incompatibilités d'humeur, plutôt
qu'aux analyses réellement politiques des tensions au sein
des groupes ou des fédérations. En vérité,
cette approche est un peu courte, pour ne pas dire partial et dangereuse.
Car s'il est exact que la création et la durée
de vie d'une " association " s'appuie sur la secrète
alchimie des sensibilités qui la composent, que ce cercle
intime induit du repli et l'exacerbation des différences,
sources de tensions et si que la liberté de critique ou de
se désassocier est toujours permanente, il n'en reste pas
moins vrai que ces groupes ne sont pas exempts de relations hiérarchiques.
Il faut avoir le courage de l'admettre. Les scissions ne se fomentent
pas - en un jour. Les affrontements entre anciens compagnons ou
compagnes n'apparaissent pas d'un seul coup un seul, seulement parce
qu'ils ou elles ne " s'aiment plus ".
En réalité chaque libertaire devrait le savoir,
le pouvoir ne se confond pas avec la souveraineté des institutions
L'absence d'institutions ne signifie pas qu'il n'y a plus de pouvoirs.
Ils s'insinuent au contraire partout et à commencer par les
relations immédiates et quotidiennes de chaque individu avec
les autres, y compris dans le groupe libertaire autogéré.
Chaque individu membre d'un tel groupe constitue une " force
" associée à d'autres et porte en lui ou elle
une volonté de se singulariser qui s'apparente à de
la " puissance ". La plupart du temps dans les groupes
libertaires on n'existe pas en étant silencieux et anonyme,
mais en essayant de valoriser ce que l'on est et en allant au bout
de ses capacités sans se soucier nécessairement du
niveau atteint par les autres Pire : les inégales expériences
et connaissances de chacun conduisent au développement de
talents et d'aptitudes d'intensités variables qui procurent
des possibilités infinies de dominer par une plus grande
maîtrise des choses. Et à partir du moment où
ces possibilités existent, on voit mal pourquoi une volonté
ne les utiliserait pas en faisant la démonstration de sa
supériorité dans tel ou tel domaine de prédilection.
Chaque individu peut être tenté tout à fait
naturellement de démontrer à moment donné qu'il
est très fort dans quelque chose. Non seulement cela peut
être vital pour l'individu fatigué de contenir sa puissance,
mais en plus ça peut amener de l'efficacité. Si personne
n est là pour nous contredire ou contrecarrer nos plans,
nous devenons donc tous des impérialistes en puissance. A
ce titre, aucun d'entre-nous ne mérite de confiance absolue.
L'autosatisfaction et le sentiment de supériorité
sont ce qui animent en milieu libertaire comme ailleurs les prétentions
à diriger momentanément aux destinées du groupe,
sauf qu'il n'y a pas de structures hiérarchiques qui permettraient
à ces rapports de domination de se pétrifier. Il n'y
a pas d'honnêteté ni de bonté des cœurs purs
qui tiennent. Il n'y a que l'humain.
2ème opus : la mécanique des tribuns la fin du
mythe anarchiste de l'autorité
Si nous aimons tous être valorisés " par-devant
" les autres, pour certains cela peut prendre une tournure
plus sérieuse L'ego surdimensionné de quelques "
libertaires " les transforme effectivement peu à peu
en de vrais dominateurs qui cherchent à guider le groupe
par la démonstration de leur " supériorité
". La posture messianique qu'elle présuppose s’exprime
par ce que beaucoup nomme " le pouvoir d'influence ".
Or, s’il est aisé d'admettre qu'une influence peut-être
bénéfique voire inévitable dans la construction
individuelle ou de celle d'un groupe, il faut aussi savoir en mesurer
les effets néfastes.
D'abord, il est rare qu'un pouvoir d'influence soit isolé
: il se heurte souvent à d'autres. Cette situation créée
alors un état de lutte permanente dans lequel chacun essaie
de remporter la plus large audience. Et ce contexte positif d'émulation
dérive rapidement en une compétition acharnée
qui finit par occulter totalement les objectifs à l'origine
de l'association ou de la fédération. C'est ce qu'on
appelle dans les organisations " l'obsession de l'interne ".
Ensuite, l'esprit compétitif, une fois instauré
dans les relations entre individus, aboutit à faire raisonner
les protagonistes en terme de " gains " ou de " victoires
" et autre vocabulaire guerrier. Il leur est dès lors
indispensable que " leurs " positions triomphent de celles
des autres parce qu'elles sont forcément " meilleures
".
A ce niveau d'échange, il devient de plus en plus difficile
de conserver un esprit fraternel et solidaire : les critiques se
font acerbes et dures à avaler parce qu'elles sont autant
de remises en cause qui favorisent la " concurrence ".
Et finalement, l'aboutissement de ce processus est l'intolérance
la plus abjecte, le despotisme caractériel de celui ou de
ceux qui aspirent à être adulés et plébiscités.
La totale liberté concédée aux détenteurs
de pouvoirs d'influence aboutit donc à de l'autoritarisme
au bout d'un moment.
Ce schéma opère un complet renversement du mythe
anarchiste de l'autorité : traditionnellement, l'autorité
combattue est incarnée par l’État et toutes les formes
de souveraineté, c'est-à-dire l'oppression du pouvoir
de la collectivité confisqué par ses représentants.
La figure de l'autorité est par conséquent souvent
assimilée à celle d'une élite portée
et légitimée par une majorité utilisant des
instruments étatiques qui amplifient sa capacité de
nuisance contre les "opprimés". Mais la disparition
de l'amplificateur ne signifie pas qu'il n'y a plus " d'émission".
Au sein des groupes libertaires, c'est justement l'inverse qui se
produit : l'autorité se dégage en quelque sorte par
défaut de réaction de la majorité face aux
agissements incontrôlés de quelques-uns. La majorité
n'y choisit pas ses chefs, elle se laisse choisir par un d'entre
eux (car c'est souvent un homme), à condition bien sur qu'il
ne dise pas qu'il est le chef : comme ça les apparences sont
sauves. Le leaderisme propre aux " organisations " ou
aux groupes libertaires est le fait d'individus charismatiques qui
tentent d'étendre toujours davantage leur pouvoir d'influence.
Cette " minorité agissante " occupe l'espace laissé
libre par les libertaires dans les moments de décisions quand
leur parole s'impose, car personne n'ose intervenir ou les contredire.
C'est en ce sens que l'on peut véritablement les désigner
comme des tribuns : des orateurs qui s'érigent tous seuls
en défenseurs du " peuple ". La transformation
progressive de la cohabitation de pouvoirs d'influence en un affrontement
entre leaders concurrents et intolérants définit bien
une hiérarchie au sein des groupes libertaires, celle de
la dictature des petits chefs.
3ème opus : silence et clémence pour les autoritaires
Le laxisme des libertaires face aux menaces intérieures
Si au sein des groupes libertaires, les rapports de domination
sont légions et qu'ils relèvent surtout d'initiatives
individuelles face à l'apathie de la multitude de bovins
libertarius, il est légitime de se demander pourquoi les
anarchistes laissent ce type de situation se développer comme
si cela constituait un processus naturel.
On peut rapporter principalement deux raisons, bien que cette
liste ne soit pas limitative :
- L'habitude de se taire face aux " chefs " au nom de
la préservation de sa tranquillité personnelle et
de celle de la cohésion du groupe.
- Le rôle secondaire joué par le droit libertaire dans
les groupes " autogérés " au profit des
valeurs d'autonomie et de libre association.
Très souvent, les anarchistes regroupés en association
développent une certaine complicité voire une amitié
sincère entre eux. Ils placent alors les affinités
au-dessus des considérations politiques. Ces petits groupuscules
isolés doivent aussi leur survie à la solidarité
qui unit leurs membres. Ce sont ces liens à la fois affectifs
et existentiels qui font qu'il est difficile, parfois, d'avouer
à un " compagnon " ou à une " compagne
" qu'il ou elle dépasse les limites, surtout si ce ou
cette militant(e) est moteur par son dynamisme et sa clairvoyance.
Le désir de ne pas vexer quelqu'un que l'on apprécie
par ailleurs aboutit à une étrange clémence
pour certains quand pour d'autres, moins en vue ou moins "
sympathiques ", on se montre impitoyable voire injuste. Mais
il y a pire derrière ce comportement collectif d'indulgence
sélective. Il y a la soumission volontaire au "guide".
Les tribuns apparaissent effectivement quand plusieurs " libertaires
" militants avalisent la hiérarchie informelle née
de la lutte entre les pouvoirs d'influence : passifs face à
la violence des paroles et des actes, ils finissent par trouver
" normal " que ceux qui avancent le plus vite brutalisent
un peu les autres en s'érigeant en modèle à
suivre.
Comment en arrive-t-on là ?
L'autonomie des entités de base fédérées
permet à chacun de mener sa propre expérience indépendante
en élaborant le cas échéant une démarche
particulière. Et si dans le lot des multiples autonomies,
il se trouve qu'une fonctionnait au-delà de toute espérance
ou même juste un peu mieux que les autres en faisant gagner
en audience les idées libertaires sur le plan local, ils
leur semblent acceptables qu'elles puissent prétendre à
devenir prédominante. Ils considèrent donc que lorsque
l'autonomie rime avec efficacité, il est souhaitable de se
soumettre à ce pouvoir d'influence en faisant preuve d'indulgence
parce qu'il serait bénéfique pour tous et renforcerait
une certaine cohésion. Le culte de la réussite militante
aveugle alors ces " libertaires " : il devient incongru
ou provocateur de remettre en cause les résultats et les
méthodes utilisés. Ceux qui osent braver le consensus
sont accusés de vouloir rechercher le conflit pour se donner
l'impression d'exister ou d'être des envieux incapables de
se montrer aussi performant. Le sens critique n'est plus toléré
face au culte collectif de l'efficacité supposée du
" guide " et de ses troupes. La cohésion du
groupe à préserver, c'est celle qui consiste à
accepter de s'aligner derrière un chef de file, comme
dans les sociétés pyramidales. Cela revient en fin
de compte à cautionner l'idée qu'il faut faire une
exception pour ceux qui tirent le collectif, un peu comme le président
de la république est au- dessus des lois parce que sa mission
est "d'incarner la nation" et de "rassembler les
citoyens" dans la démocratie parlementaire.
Outre cette question de mentalité qui ne rompt pas avec les
habitudes du système capitaliste, il y a surtout le rapport
à la règle qui reste extrêmement préoccupant
dans les milieux libertaires à la fois sur les plans théoriques
et pratiques. Le fédéralisme libertaire, qui est toujours
le modèle de fonctionnement le plus répandu dans ce
milieu, s'appuie sur trois piliers indissociables : le droit
libertaire définit par un contrat, l'autonomie des entités
de base et la liberté de se désassocier à tout
moment. Ces trois principes doivent s'harmoniser non pas en
partant du postulat qu'ils se hiérarchisent en plaçant
" l'autonomie" en tête de gondole comme le pensent
beaucoup d'anarchistes : L'autonomie sacralisée ne garantit
pas le respect du droit de chacun et n'incite pas systématiquement
à se séparer en cas de désaccord profond et
de perte du sentiment fraternel. En réalité, il
faut plutôt envisager la relation entre ces trois principes
selon l'idée exactement inverse que nous avons " la
fraternité comme base, l'égalité comme moyen
et la liberté comme but ". Cela signifie que l’autonomie
de chacun des associés, si souvent prônée et
adorée par les anarchistes, n'est pas donnée ni innée,
mais bel et bien bâtie et acquise par tous tout au long du
fonctionnement collectif ; c'est le résultat de l'anarchisme
et non son point de départ.
On a beau en effet être libertaire, ce n'est pas parce
que l'on se réunit qu'on est tous réellement sur un
même pied d'égalité. C'est un leurre total que
de proclamer qu'on est tous réellement égaux dès
lors que l'on décrète que tous les associés
sont " autonomes ", libre de geste et de conscience. Cette
conception hypocrite oublie tout simplement que nous n'avons pas
tous la même " puissance " dès le départ.
Elle confond libre-arbitre potentiel et réel, égalité
en droit et égalité dans les faits : le principe de
départ, l'indispensable égalité de droit est
battue en brèche par le second, l'inégalité
de puissance des associés. La liberté, c'est justement
quand on a tous les mêmes capacités de s'épanouir
et de se développer, c'est-à-dire les moyens de corriger
les inégalités de faits tant sur le plan matériel
que sur le plan des "savoir-être et savoir-faire "
qui nourrissent la véritable autonomie.
Reprenons les choses dans l'ordre de la phrase des trois principes
citée plus haut.
4èrne opus : le gourdin pour les tribuns
Le règne du droit au lieu du droit au règne
1°] Ce qui fait qu'on se réunit, c'est la recherche de
solidarité et de respect mutuel articulé au début
autours d'échanges informels qui permettent à chacun
de trouver son compte en apportant ce dont il dispose. 2°] Ensuite,
il est naturel de rechercher un équilibre entre les différentes
" forces " individuelles composant le collectif en établissant
un contrat qui prend souvent le forme de statuts, à partir
desquels les droits et les devoirs de chacun sont reconnus et garantis
par la collectivité. Ce " droit " n'est jamais
définitif, chacun des co-contractants ayant la liberté
d'en contester le contenu et de proposer des modifications, mais
il permet de rétablir une certaine égalité
entre les co-contractants en aidant les plus faibles matériellement
et politiquement. C'est ici que se trouve par exemple l'accord selon
lequel chaque entité fédérée a le même
poids décisionnel quels que soient ses moyens militants et
que ce principe est renforcé concrètement par l'équité
d'une certaine forme de redistribution des " richesses "
fédérales, matérielles et compétentes,
sans laquelle les plus faibles des entités ne seraient pas
vraiment indépendantes. Le droit seul assoit l'égalité,
et non une fausse autonomie, différentielle, qui ne correspond
qu'à des potentiels de libre-arbitre. 3°] Ce n'est qu'à
partir de ce contrat que l'autonomie réelle peut se construire
et que l'on peut empêcher que les divers pouvoirs d'influence
des plus autonomes des associés, les tribuns ne finissent
par satelliser les " libre-arbitre " des autres. Or, qui
dit " contrat " induit un niveau fédéral
et non " transversal " des relations : les règles
qui composent le droit sont équilibrées, garanties
et contrôlées par tous en même temps et non le
privilège de quelques " experts ".
Par conséquent, il apparaît clairement que c'est
l'absence de respect de ces règles fédérales
de fonctionnement et de solidarité sur lesquels tous les
associés se sont pourtant engagés qui favorise et
encourage l'émergence des hiérarchies dans les groupes
libertaires.
Dans la pratique face à ce dilemme, lorsque les- règles
de départ sont bafouées ouvertement et unilatéralement
par une entité, il est aisé de penser qu'il y a toujours
la liberté de se désassocier puisque l'entente n'est
plus possible Mais pour qu'une séparation ait lieu, il faut
que les deux parties soient d'accord pour cela. Or, dans beaucoup
de groupes et d'organisations libertaires, on peut constater que
la trahison du contrat n'est pas vraiment un scandale pour ceux
qui le subissent et que les fauteurs de troubles ne voient pas ce
qui justifierait leur départ puisque leur transgression leur
semble banale, indispensable ou salutaire. Ils veulent souvent continuer
à bénéficier des échanges et de leur
rôle décisionnel parce qu'ils croient que leur solution
est la meilleure. Concrètement on assiste alors à
l'instauration autoritaire de règles spécifiques seulement
valables pour certains, même si cela porte atteinte aux droits
de ceux qui n'ont pas choisi de redéfinir les termes du contrat
qui les unissent.
Prenons l'exemple des mandats fédéraux : comment
réagir lorsqu'un groupe ou un individu décide subitement
tout seul qu'un mandat n'est plus utile ou qu'il doit changer de
contenu ? Ce type de situation se traduit au nom de " l'autonomie
", à fouler aux pieds le contrat initial en fonctionnant
différemment sans que la collectivité ne l'ait décidé,
uniquement parce qu'une entité de base a tout d'un coup jugé
que les règles auxquelles elle à pourtant souscrite
devenaient des " contraintes " tandis que pour les autres
elles .demeuraient des nécessites.
Que dire si ce conflit aboutit en plus à ne même
plus respecter la fraternité qui sert de base élémentaire
au fédéralisme en traînant dans la boue par
la diffamation ou la calomnie les " compagnons et compagnes
" d'hier qui ne veulent pas entériner le diktat des
nouvelles règles ? C'est tout simplement inacceptable.
Une réaction saine des groupes fédérés
serait de condamner ceux qui passent outre les termes du contrat
et d'exiger que les torts causés soient réparés.
Et dans ce cas, il faut nommer les choses : il s'agit de pénaliser
ces libertaires ou autres, traîtres et autoritaires, grâce
à un arsenal répressif contrôlé par toute
la collectivité. La solution ultime est bien sûr l'exclusion
pure et simple du groupe ou de la fédération lorsque
les écarts reproches sont trop graves et répétés.
Mais avant d'en arriver là, il y a d'autres moyens moins
radicaux de faire respecter les droits des co-contractants par les
coupables.
Par exemple quand le comportement d'un individu ou d'un groupe
est insultant pour d autres à l aide d'accusations majeures
avancées sans aucune preuve, dans le seul but de les compromettre
pour asseoir un pouvoir d'influence il est primordial que le
groupe ou la fédération réagisse immédiatement
face à ces actes en exigeant l'arrêt et en condamnant
collectivement le ou les responsables. Comme ces derniers dénigrent
volontairement le sentiment fraternel à la base du fédéralisme,
il faut exiger une réparation : des excuses et des démentis
publics par exemple.
Et si la condamnation, une sorte de blâme, ne suffit pas,
il faudrait alors aller plus loin dans la répression des
velléités autoritaires : des mesures transitoires
sont possibles en interdisant l'accès aux organes décisionnels
a ces individus par une sorte de " mise en quarantaine "
politique. Ce délai leur permettrait de bien considérer
s il ne faut pas mieux se séparer plutôt que de continuer
à mépriser les règles communes afin de détruire
une fédération qui profite pourtant à la majorité
des co-contractants.
Par exemple, on imagine mal que dans une économie libertaire
un producteur décide unilatéralement de transformer
les termes des échanges contractualisés avec la collectivité
au nom de "l'autonomie" et de " l'absence de contraintes
". Soit il n'est plus d'accord avec les objectifs fixés
et le fonctionnement collectif et alors il se sépare en se
privant de l'accès aux échanges et à un quelconque
rôle décisionnel, soit il reste et accepte de se plier
sous peine de sanctions aux règles communes majoritaires
qui définissent notamment la prise de décision concernant
le point de la production. S'il décide de rester, il doit
de toutes façons réparer les torts causés en
honorant la production qui correspond au contrat.
Malheureusement, à cause de leur mentalité décrite
au début de cette partie, les anarchistes n'ont pas le
courage d'appliquer ces idées de bon sens qui ne remettent
cependant pas en cause le bien-fondé de la démocratie
directe. Ils continuent à s'enfermer dans l'illusion facile
et réconfortante de " l'homo libertarius ", honnête
et sincère, et que l'on doit envers et contre tout vivre
sans aucune contrainte, même quand on a la possibilité
de participer à des assemblées générales
souveraines. Car ce qui fait effectivement la spécificité
de la démocratie directe, c'est la possibilité pour
un(e) associé(e) de négocier les limites ou les règles
dans une instance décisionnelle afin de les amender pour
ne finalement respecter que ce qui est vraiment nécessaire
à sa satisfaction et à celle de la collectivité.
Par contre, si l'on décide de rester et de continuer à
bénéficier des échanges solidaires malgré
le fait que sa position n'est pas majoritaire, il est naturel de
se plier à ce qui devient alors des " contraintes ".
Aujourd'hui, nous avons des anarchistes qui ne veulent aucune contrainte
tout en utilisant des moyens collectifs. C'est le ridicule paradoxe
de certaines organisations dont elles s'extraient par une pirouette
suicidaire : on interdit les règles collectives au
profit du laisser faire total.
Ces anarchistes individualistes qui ne veulent rien concéder
au fonctionnement social polluent beaucoup trop de groupes et d'organisations
par leur attitude néfaste. Cela ne présente absolument
aucun problème s'ils constituent une minorité, de
préférence organisés à part. Mais s'ils
sont les plus nombreux dans les fédérations, alors
cela ne sert à rien de s'évertuer à leur expliquer
ce qu'est le fédéralisme. Mieux vaut leur laisser
les clefs de la " maison " qui pourrira bientôt
sur pieds, rongée de l'intérieur par la vermine de
l'autorité des tribuns. Ces libertaires-là continueront
quand même à se congratuler d'avoir su préserver
une " autonomie " de pacotille.
Gabelle
Le Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen a publié
une brochure sur " L’autoritarisme dans les organisations
libertaires, Formes et remèdes "
Leurs coordonnées :
Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste
B P 257
1403 Caen Cedex
s.ia@laposte.net
Plusieurs textes sont issus des travaux du GARAS
Groupe d’Action et de Réflexion Anarcho-Syndicaliste
Garas c/o Sarthe Libertaire
Maison des Associations
Salle n° 23
4, Rue d’Arcole
72000 Le Mans
garas_tours@hotmail.com
D’autres textes émanent des groupes de squatteurs/euses dont
les adresses sont indiquées à la fin des textes
L’Infokiosque de la Charade, place du 8 février 1962, 38400
Saint Martin d'Hères. charade@squat.net
http://charade.squat.net
Sans-Titre est un réseau d'individus et de collectifs pratiquant
l'autogestion de diverses manières. Comme nous avons trouvé
ce bulletin dans un squat rennais, l'Elkuserie : L'Elkuserie 138 bd
Magineot 35000 Rennes.
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