"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2015

Moteur de recherche
interne avec Google
Un charmant système pour faire travailler au noir les jeunes chercheurs.

"Les plus gros pourvoyeurs de libéralités sont aujourd'hui les associations caritatives (Ligue contre le cancer, Arc, AFM, Sidaction) ou des fondations, voire certains instituts comme l'Insee."

Site de la confédération des jeunes chercheurs : http://cjc.jeunes-chercheurs.org/

http://www.lefigaro.fr/sciences/20050301.FIG0288.html

RECHERCHE
Ils dénoncent le financement des thèses par libéralités qui les privent de droits sociaux

Le travail au noir des jeunes chercheurs

La Rochelle : de notre envoyée spéciale Anne Jouan
[01 mars 2005]

Un an après la parution de son rapport sur le travail au noir des thésards en France, la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) tenait le week-end dernier son conseil d'administration à La Rochelle. L'occasion pour ses membres de faire le point sur la résorption des «libé ralités», appellation pour désigner le mode de financement sans contrat de travail d'un doctorat ou d'un post-doctorat (période pouvant aller jusqu'à plusieurs années après soutenance de la thèse, NDLR).

Les jeunes chercheurs touchant des libéralités sont généralement payés en un ou deux versements annuels et non en mensualités. Cette «rémunération» ne leur permet pas de bénéficier de couverture sociale comme l'assurance-maladie, les accidents du travail, le congé parental, l'assurance-chômage et la retraite. Sans compter que pour les jeunes chercheurs, les libéralités les enferment dans une position d'étudiant et non de «professionnel de la recherche», ce qui leur interdit de faire valoir à l'embauche leurs années de thèse comme expérience professionnelle.

Ce mode de financement existe depuis toujours. Mais c'est le mouvement des chercheurs de l'an dernier ainsi que la réforme des retraites, avec l'allongement de la durée de cotisation, qui ont sonné l'heure de sa remise en question.

Parmi les pourvoyeurs de libéralités, les Régions. Gérard Blanchard, vice-président du conseil scientifique de l'université de La Rochelle, a expliqué samedi que depuis le dernier trimestre 2004, les libéralités payées par la Région sont transformées en salaires et que, fin 2005, il n'y en aura «théoriquement plus en Poitou-Charentes, quelle que soit la discipline».

La situation évolue pour les associations caritatives. Une convention a été signée début 2004 entre l'Arc, la Ligue contre le cancer, l'AFM et le ministère de la Recherche, visant à transformer les libéralités en salaires. Avec ce dispositif, les associations versent l'équivalent du salaire brut à l'université qui paie le jeune chercheur, et les cotisations sociales patronales sont prises en charge par l'Etat. «Le dispositif mis en place par le ministère de la Recherche, même s'il reste modeste quantitativement, montre bien qu'il y a une volonté politique d'aller vers une généralisation des salaires», note le président de l'Arc, Michel Lucas. Il annonce qu'il n'y aura plus de libéralités à l'Arc en 2006.

Seul le Sidaction a décidé de ne pas entrer dans le dispositif ministériel. «Il ne concerne que les doctorants et pas les post-doc. Or cette population constitue la majorité des bénéficiaires de nos libéralités», explique Alexandra Wotawa, du Sidaction.

Les associations caritatives ne sont pas les seules pourvoyeuses de libéralités. Des doctorants de l'école des Mines d'Albi et de Saint-Etienne étaient également présents à La Rochelle. Les Mines, dont le ministère de tutelle est l'Industrie, comptent environ 900 doctorants dont un tiers payé par des «bourses école», soit des libéralités. L'an dernier, ces thésards, avec à leur tête ceux des Mines d'Albi, se sont mobilisés pour que ce système prenne fin et que ces «bourses» soient transformées en salaire. Depuis, la 3e année de thèse est passée sous statut salarié, mais pas les deux premières. Par ailleurs, les heures de cours dispensées par ces doctorants des Mines ne sont pas rétribuées, ce qui, pour l'Inspection du travail d'Albi, que nous avons contactée, s'apparente à du «travail dissimulé».

Du côté du ministère de la Recherche, l'objectif affiché est de «supprimer toutes les libéralités. Cette question sera réglée dans le cadre de la loi de programmation», assure-t-on au cabinet de François d'Aubert. Mais Florent Olivier ne partage pas cet optimisme, pour lui, les libéralités ne sont pas prêtes de disparaître. «Le ministère de la Recherche est pour mais la décision finale reste entre les mains de François Fillon. Et le protocole d'accord entre les associations caritatives et le ministère ne permet de transformer que 150 libéralités en salaires.» Dans le rapport de l'an dernier, la Confédération des jeunes chercheurs évoquait l'existence de 10 000 libéralités...


http://www.lefigaro.fr/sciences/20050301.FIG0289.html
De 500 à 2 100 euros par mois

A. J. [01 mars 2005]

Le travail des chercheurs est d'autant plus recherché qu'il est moins bien rétribué. Les plus gros pourvoyeurs de libéralités sont aujourd'hui les associations caritatives (Ligue contre le cancer, Arc, AFM, Sidaction) ou des fondations, voire certains instituts comme l'Insee. Egalement concerné, le ministère des Affaires étrangères via «les bourses Egide» (pour les doctorants étrangers venant faire leur thèse en France) et pour les jeunes chercheurs français partant préparer leur thèse à l'étranger («bourses Lavoisier»). Sans oublier le ministère de l'Industrie, pour les 280 doctorants «bourses-école» des Mines. Le Sénat finance également des thèses par libéralités, ainsi que les collectivités territoriales.

Leur montant varie de 500 à 2 100 € par mois, sachant que la rémunération médiane se situe aux alentours de 1 300 € soit l'équivalent d'une allocation de recherche. Cette dernière a été mise en place en 1976, ce qui marque le début de la professionnalisation du doctorat.


http://www.lefigaro.fr/sciences/20050301.FIG0290.html

Estelle Durand, doctorante en neuropsychologie

«J'ai l'impression de m'être fait arnaquer»

A. J. [01 mars 2005]

Les recherches d'Estelle Durand, 28 ans, concernent la compréhension et le traitement des maladies mentales. Ses deux premières années de thèse ont été entièrement bénévoles, sans financement aucun. Elle a donc multiplié les petits boulots : caissière, cours (notamment à l'Institut des jeunes aveugles). «J'ai pris ce que j'ai trouvé, il faut bien payer son loyer», explique la jeune femme qui habite un studio de 13 m2 au 7e étage «avec sanitaires sur le palier».

Pour gagner sa vie, elle a été aussi secrétaire de son laboratoire pour un salaire net de 600 € mensuels. A partir de janvier 2004 et pendant un an, elle a touché une libéralité de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) à hauteur de 15 000 euros pour l'année, en quatre versements. Cette libéralité a pris fin en décembre dernier. Estelle s'est inscrite au chômage, qu'elle touche sur les vacations de secrétariat du laboratoire, soit 450 € mensuels. Sans ces remplacements, elle aurait perçu le RMI. «Dans ce cas, j'aurais arrêté ma thèse.» Sa motivation et celle de son laboratoire de recherche ne semblent pas identiques : la sienne consiste à terminer rapidement sa thèse, celle de son labo, à ce qu'elle publie un maximum.

Estelle pense arrêter la recherche. «Ça ne me correspond pas et l'avenir qui nous est proposé, si tant est qu'il y ait un avenir dans la recherche, ne coïncide pas à mes attentes.» Désabusée, elle lance : «C'est un métier qui rend malheureux et, aujourd'hui, je suis à saturation. Si c'était à refaire, je ne me lancerais pas dans une thèse sans financement. A l'arrivée, j'ai l'impression de m'être fait arnaquer. Je travaille dans un laboratoire Inserm, mes publications sont estampillées Inserm, mais je n'ai rien à voir avec l'Inserm. Si on retirait tous les articles Inserm écrits sans financement, il n'en resterait pas beaucoup !»

Au-delà de sa propre situation, Estelle dénonce tout un système : «Il faut que les gens comprennent que quand il y a travail, il doit y avoir salaire. Le système des libéralités est discriminatoire à cause des congés de maternité. Si on enchaîne les libéralités, on ne fait jamais d'enfant. On parle toujours des «cerveaux» à propos des chercheurs, et on a tendance à oublier que ce sont des êtres humains.»


intellos-precaires at rezo.net -

http://listes.rezo.net/mailman/listinfo/intellos-precaires