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Gérard Mendel nous a quitté.
Claude Agostini

origine : http://www.ldes.unige.ch/info/archives/mendel/mendel.htm

Gérard Mendel a souvent collaboré avec le LDES par des séminaires donnés à Genève ou des interventions communes dans des colloques. Il devait encore intervenir au printemps dernier au LDES quand les premiers symptômes de la maladie qui l’a emporté se sont manifestés.

Gérard Mendel avait été vivement intrigué par le livre d’André Giordan, Les origines du savoir, Delachaux, 1987 qui illustrait ses conceptions sur les personnes et sur les changements éventuels de pensée.
Il avait contacté André Giordan à cette occasion ; et depuis les deux approches si différentes à l’origine s’étaient rapprochées et même confortées, au point de déboucher parallèlement sur une amitié où « regards sur la société » et parties de pétanque s’entremêlaient à Saint Jeannet sous le Baous où il venait pour écrire.
Gérard Mendel

Gérard Mendel nous a quittés le 14 octobre 2004. Psychanalyste et sociologue, il est le fondateur en France de la sociopsychanalyse, c’est-à-dire d’une méthode qui articule la psy-chologie individuelle et la psychologie sociale, tout en mettant en évidence le rôle profond joué par les processus inconscients. Cette démarche conduit notre auteur d’une part à revisiter certains postulats de la théorie freudienne, d’autre part à proposer une autre grille de lecture de l’évolution du sociopolitique.

Dans son premier ouvrage La révolte contre le père (Payot, 1968), il étudie l’image du Père au long de l’histoire, en articulant les éléments psychologiques issus de l’inconscient et les éléments proprement sociologiques qui font apparaître le déclin moderne de la société patriarcale. Dans ce livre, au succès retentissant, il a voulu montrer l’historicité des représentations de l’inconscient, soutenant ainsi la thèse d’une transmission socioculturelle de l’acquis inconscient des générations successives. Il s’agit donc « d’une sociogenèse partielle de l’inconscient » qui s’oppose à la conception freudienne de la transmission des caractères acquis (déjà réfutée par les biologistes de son époque). Autrement dit, les rapports sociaux, les transformations économiques agissent sur l’inconscient, « mais avec du retard ».

Le thème du déclin de la société patriarcale est repris dans l’analyse de la crise contempo-raine de l’autorité qui concerne aussi bien la famille, l’école, l’entreprise ou l’État. Dans «Une histoire l’autorité : permanences et variations », (La Découverte, 2002) nous trouvons, par-delà l’aspect descriptif et historique, une explicitation des arrières-plans inconscients sur lesquels repose la notion un peu fourre-tout d’autorité. La crise de l’autorité concerne, bien sûr, l’équilibre psychoaffectif de l’enfant, mais elle a également une traduction politique et des incidences fortes sur le fonctionnement de nos institutions. Ce dernier aspect du problème sera repris dans un tout autre contexte, à savoir celui du dysfonctionnement d’une démocratie qui semble aujourd’hui « en panne ».

Les sujets que nous venons d’évoquer – la liste est loin d’être exhaustive – renvoient à un souci permanent de replacer les questionnements et les avancées théoriques sur un plan an-thropologique. D’où l’expression de « tentation anthropologique » employée dans Le vouloir de création (Éd. de l’Aube, 1999). Tentation, en effet, car la définition même de l’anthropologie est loin d’être évidente quand on sait qu’il nous faut distinguer l’anthropologie culturelle, sociale, politique, etc. Cette difficulté est déjà soulignée dans La société n’est pas une famille (La Découverte, 1992). Mais cela n’empêchera pas notre auteur d’esquisser une anthropologie de l’acte, à partir de la notion « d’acte-pouvoir » (L’acte est une aventure, La Découverte, 1998) ou de proposer une anthropologie des valeurs dans Construire le sens de sa vie, (La Découverte, 2004). En effet, fait-il remarquer, l’être humain n’est pas divisible en tranches disciplinaires, « l’homo sociologicus ou l’homopsychologicus n’existent que dans les chaires d’Universités ».

Mais on ne saurait ignorer que Gérard Mendel aime à se qualifier de « praticien ». En effet, son œuvre théorique n’est pas dissociable d’une pratique clinique et collective qui se concrétise, dès 1970, par la création de Groupes de sociopsychanalyse (Groupe Desgenettes) - qui fonctionnent toujours aujourd’hui en France et à l’étranger (Belgique, Argentine, Canada…) - et par la mise au point de dispositifs d’intervention dans différents types d’organisations : Entreprises publiques et privées, Établissements scolaires, (avec le DECE, dispositif d’expression collectif des élèves), etc. Il a ainsi initié des groupes de recherche dont l’activité est centrée sur les conditions d’une véritable pratique de la démocratie dans les organisations. Ceci devrait permettre à chacun, à l’intérieur de ces formes d’organisation d’exercer plus de pouvoir sur ses actes. On voit bien les préoccupations du psychanalyste qui a pu être traité de « militant ».