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Origine http://www.prisme-asso.org/article.php3?id_article=168
« Lorsque les pères s’habituent à laisser
faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs
paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves
et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes
méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus
au-dessus d’eux l’autorité de rien, et de personne,
alors, c’est là en toute beauté et en toute
jeunesse le début de la tyrannie ». Platon, La République,
livre viii. En filiation avec H. Arendt, on peut considérer
l’autorité comme ce par quoi on obtient une obéissance
volontaire, sans avoir à donner d’explication et sans
user de la moindre contrainte physique. Dans Surveiller et punir,
Michel Foucault, 1975, montre qu’à partir du 19ème
siècle, ceux qui détiennent le savoir détiennent
aussi le pouvoir, y compris celui de mettre en place des dispositifs
répressifs propres à garantir leur pouvoir. L’analyse
de la société disciplinaire s’étend à
l’école, l’usine, l’asile, l’armée
et aux prisons. Le dressage et le contrôle des individus instituent
le règne de la norme dont les agents sont l’éducateur,
le médecin, le policier, etc. Perte des repères idéologiques,
crise des valeurs morales, bouleversement des modes de vie etc.
nous vivons un changement dans la modernité, « des
mutations du rapport à la norme sociale », J. de Munck
et M. Verhoeven, 1997. La notion traditionnelle de l’autorité
qui servait de fondement à la société d’hier
est battue en brèche par l’émergence du droit
des individus et la recherche d’une autorité librement
consentie. En effet, la crise de l’autorité est née
de l’effondrement en deux générations, du système
vertical d’autorité ; le père avait autorité
sur les enfants parce qu’il dominait la mère. Aujourd’hui,
la famille est mise en demeure d’innover. Notion polysémique,
à fort contenu émotionnel, « l’autorité,
pour l’heure, représente un impensé, mais qui
ne laisse personne indifférent », Georges Mendel, 2002.
Max Weber distingue quatre figures de l’autorité,
définie comme « aptitude à observer volontairement
les ordres » : La première repose sur une légitimité
traditionnelle ; l’obéissance vient de ce qu’elle
est définie comme étant l’ordre des choses.
La seconde, la légitimité rationnelle légale
suppose que les acteurs admettent la compétence spécifique
de celui qui exerce l’autorité, celle du médecin
sur le malade par exemple, ou la légitimité et la
légalité des procédures définissent
l’autorité, le concours, l’élection...
La troisième catégorie d’autorité, de
type émotionnelle, mobilise les liens affectifs, les traits
psychologiques, un charme personnel... Enfin le type d’autorité
charismatique résulte de l’identification d’un
acteur à des valeurs et à des principes généraux
; le prophète identifié à Dieu ou à
la nation, le savant à la connaissance...dans la plupart
des relations d’autorité concrètes, un type
domine, mais tous les autres sont aussi souvent présent et
les renforcent. L’autorité du maître est ambivalente
: est-ce le magister, celui qui enseigne ou dominus celui qui commande
? pour E-J. Sieyès, « l’autorité vient
d’en haut, la confiance vient d’en bas ». La confiance
exige la fidélité à la parole donnée,
la continuité dans les orientations et la conformité
entre paroles et actes.
Il est fréquent d’invoquer la crise de l’autorité
en éducation, quand chez un certain nombre de jeunes, les
repères paraissent s’effriter et les interdits flous
et inconsistants. Le psychanalyste d’obédience lacanienne,
F.Imbert, 1997, opère une liaison entre la crise du lien
social et le déclin de la figure paternelle, une crise de
l’identification liée à un déclin de
l’imago paternelle et des noms du Père, et d’une
crise du lien social qui aurait des répercussions sur la
structure du sujet.
Dans une perspective sociopsychanalitique, G. Mendel, 1974, voit
dans l’autorité une empreinte ineffaçable et
inconsciente, la peur anachronique (car inactuelle et se rapportant
aux premiers mois de la vie) d’être abandonné
conduira l’enfant puis l’adulte à se soumettre,
dans un réflexe quasi automatique, conditionné à
un grand. L’un des ouvrages de psychologie expérimentale
qui a suscité le plus de controverses démontre la
banalité du mal : des gens ordinaires peuvent aisément
par soumission à l’autorité se transformer en
agence de destruction. Face aux métamorphoses des figures
traditionnelles de l’autorité, les détenteurs
de l’autorité ont aujourd’hui à fixer
les limites, les principes et les objectifs à respecter dans
les négociations entre les individus. Le temps est révolu
de la contestation radicale de toute autorité, mais un besoin
et une demande de nouvelle autorité supposent la construction
de nouvelles légitimités, plus négociées
qu’imposées. On ne peut gouverner dans la règle
et le consentement, comme l’affirme le politologue rené
Rémond.
Autorité et éducation, sont-elles deux notions antagonistes
? Pour Jean Houssaye, 1996, le choix est clair : ‘entre éducation
et autorité nous avons choisi. Loin d’être indispensable
à la réalité scolaire, l’autorité
signe l’échec de l’éducation à
l’école. Il convient de construire l’école
en dehors d’elle. Il n’y a pas de problème d’autorité
à l’école. C’est l’autorité
en tant que telle qui fait problème ».
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