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Origine :
http://www.sociopsychanalyse.com/html/presentation/mendel.htm
Gérard Mendel (1930 - 2004), psychiatre, psychanalyste et
anthropologue est mort le 14 octobre 2004.
Son nom est intimement lié à la discipline qu’il
avait créée, la sociopsychanalyse, et à la
parution de La révolte contre le père (1968), premier
ouvrage qui le fit connaître au grand public.
Il fut aussi éditeur, directeur de collection chez Payot
pendant trente ans (le premier à faire traduire Winnicott),
et plus récemment aux Editions La Découverte.
Depuis 1968, il n’a cessé de développer son
oeuvre , qui comp rend une trentaine d’ouvrages (et des dizaines
d’articles et rapports), tout en construisant une pratique
collective d’intervention institutionnelle.
Il a ainsi contribué à ce qu’il a appelé
une « psychologie sociale du sujet » par l ‘élaboration
de concepts à l’articulation du psychique et du social.
Deux expériences personnelles ont conduit Gérard
Mendel à créer la sociopsychanalyse
- La première lorsqu’en 1942 (il a 12 ans), il voit
deux gendarmes français, connus de la famille, venir arrêter
son père juif ((1): le jeune garçon prend alors la
mesure de la force de l’autorité à laquelle
se soumettent « aveuglément » ces fonctionnaires,
qu’il sait œuvrer contre leur gré, sans menaces
directes. Un travail de pensée jamais interrompu (2) s’origine
ainsi pour lui autour des deux thèmes qui structurent la
sociopsychanalyse : le pouvoir et l’autorité.
- La deuxième naît progressivement de son travail
parallèlement poursuivi de psychanalyste, dont il tire (au
moins) trois enseignements.
1) Ce qui se vit dans les séances de psychanalyse ne rend
pas compte de toute la psyché humaine, mais d’une seule
dimension, fondamentale, celle du psychofamilial, dimension structurée
par les processus inconscients, recouvrant les premières
relations au sein de la famille et le développement affectif
et sexuel infantiles.
2) Pour favoriser ce retour vers l’enfance, le cadre de la
psychanalyse exclut nécessairement tout un pan de la réalité
actuelle, la réalité sociale, au contact de laquelle
la personnalité pourtant continue de se construire et de
se former, comme en témoigne les modes d’être
différents selon les cultures. Mendel qualifiera cette deuxième
dimension de psychosociale.
Dimension psychofamiliale et dimension psychosociale existent en
tout un chacun, complémentaires et articulées, avec
des effets réciproques et différents selon les moments
et les contextes de la vie.
3) l’impact du dispositif sur la qualité de la production
psychique : c’est avant tout le cadre inventé par Freud
(divan-fauteuil, analyste en retrait coupure d’avec la réalité
sociale) qui facilite les associations libres et l’émergence
des productions de l’inconscient. Mendel construira le dispositif
institutionnel, cadre collectif propre à faire émerger
comme à développer la dimension psychosociale chez
les participants.
Si la dimension psychofamiliale, objet de la psychanalyse, est
pour l’essentiel dominée par les fantasmes, la dimension
psychosociale se construit et se développe à partir
des actes qu’on réalise, actes dont le pouvoir propre
est celui de modifier la réalité : après (un
acte), ce n’est plus comme avant, et c’est irréversible.
Le pouvoir de l’acte et le pouvoir sur l’acte, moteurs
de la psychosocialité, conduiront G. Mendel vers la création
de son concept majeur, l’actepouvoir, et de son corollaire,
le mouvement d’appropriation de l’acte, mouvement anthropologique
fondamental comme l’est celui des processus inconscients.
Le pouvoir ici concerne celui sur ce que l’ont fait, non celui
sur les autres.
L’outil de travail de la sociopsychanalyse n’est pas
l’individu isolé, mais le petit groupe (groupe homogène
de travail ou groupe de pairs) inscrit dans une structure sociale
concrète ou institution. Pour mieux en comprendre le fonctionnement
et les effets sur les participants (à l’intérieur
du groupe comme entre les groupes institutionnels) G. Mendel à
constitué son propre groupe-outil d’étude, le
groupe Desgenettes (1971), (3) groupe clinique de recherche et d’intervention
dans le champ social.
Son oeuvre
Son œuvre, dense, qu’appuyait une immense culture, a
ainsi la particularité d’avoir été confrontée
en permanence à une pratique collective de terrain par le
biais de groupes d’intervenants, dont le plus ancien est le
groupe Desgenettes-Agasp (créé en 1971 et auquel Gérard
Mendel participait) aux côtés d’autres groupes
en France, Argentine, Belgique, Québec.
De nombreux livres cliniques rendent compte de ces interventions
réalisées dans une grande variété de
lieux de travail, de l’école à la maison de
retraite, en passant par l’entreprise, les syndicats, les
associations, les collectivités locales.
Une méthode d’intervention dans les institutions a
été inventée : la mise en place d’un
Dispositif Institutionnel dont les caractéristiques principales
sont la constitution de groupes homogènes de métiers
et la communication indirecte (par le biais de comptes-rendus écrits)
entre eux.
Ce dispositif a pour vocation de s’inscrire dans le cours
naturel de la vie institutionnelle. Les dispositifs les plus anciens
sont en place depuis plus de 20 ans.
L’exercice de son « acte-pouvoir » par chacun
est ainsi une proposition constructive face à la fin de la
société patriarcale et de son corollaire, l’autorité,
proposition assortie de pratiques concrètes pour l’exercice
de la démocratie participative (cf.Pourquoi la démocratie
est en panne, 2003).
Depuis Pour décoloniser l’enfant (1971), La société
n’est pas une famille (1992) jusqu’à Une histoire
de l’Autorité (2003) Gérard Mendel a toujours
été préoccupé par le vide laissé
par la fin de la relation d’autorité comme modèle
des rapports sociaux et par l’impossible retour de cette forme,
aujourd’hui plus infantilisante que préparatoire à
l’autonomie et à la responsabilité, Il a privilégié
l’école (de la maternelle à la terminale) comme
un des lieux d’application de sa méthode afin d’y
installer l’apprentissage de la démocratie par le développement
de la socialisation des jeunes, aussi bien entre eux qu’avec
leurs partenaires enseignants. C’est à partir d’un
dispositif aménagé pour ce lieu éducatif, le
dispositif d’expression collective des élèves
(DECE) sur leur propre vie scolaire, que se construit pour tous
les élèves d’une même classe (et non plus
pour les seuls délégués) une socialisation
différente, « non-identificatoire » dans la mesure
où elle se construit aussi dans les relations entre pairs
: non plus seulement compétitive, individualiste et élitiste,
mais davantage collective, égalitaire et solidaire.
Plus de 500 classes du primaire et du secondaire ont à ce
jour pratiqué ce dispositif, dans un lien médiatisé
par l’écrit, via le Conseiller d’orientation-psychologue,
avec l’équipe enseignante.
Un grand nombre de ses articles, conférences, interventions
radiophoniques et télévisées ont été
consacrés à cette ligne forte de son œuvre, un
film tourné dans un collège rural en 2000 en témoigne
(« La démocratie dans l’école, JP Lebel,
Périphérie)
(1) Moment que G. Mendel a décrit lui-même comme fondateur
de sa recherche dans « Enquête par un psychanalyste
sur lui-même », Stock, 1981.
(2) Comme en témoigne l’ensemble de son œuvre,
dont un de ses derniers ouvrages fut: « Une histoire de l’autorité,
permanences et variations », paru à la Découverte
en 2002.
(3) Qui deviendra l’AGASP en 1974, et sera suivi de la création
d’autres groupes de sociopsychanalyse, en France et à
l’étranger.
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