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Parution Retrouver le pouvoir sur sa vie et ses actes
Construire le sens de sa vie.
Une anthropologie des valeurs,
Gérard Mendel, La Découverte, 2004, 204 pages, 15 euros.
Une démocratie régénérée
La construction de relations sociales libérées des pesanteurs délégatives et hiérarchiques passe par la valorisation de l’action collective, estime le sociopsychanalyste Gérard Mendel.

Retrouver le pouvoir sur sa vie et ses acte

http://www.humanite.fr/journal/2004-11-11/2004-11-11-449683

Le dernier ouvrage de Gérard Mendel se veut une réponse au « mal-être de nos contemporains ». Devant le succès des recettes psychologiques du « développement personnel » et après que les « États généraux de la psychiatrie » ont signalé, en 2003, le refus des professionnels de se voir réduits à administrer des « médicaments de l’esprit », Mendel pointe la cause du mal derrière le symptôme : l’individu occidental se trouve à un tournant de son histoire, sommé de construire seul le sens de sa vie. Des valeurs et une morale sont alors indispensables, estime Mendel. Mais comment s’aiguiller lorsque la philosophie morale universaliste depuis Kant se heurte au relativisme mis en lumière par la sociologie, que les cadres religieux et sexués s’effritent dans la société « post-patriarcale », que la « valeur argent » règne sans partage ? Dans un moyen terme entre morale individuelle et morale collective (celle des grands mouvements politiques, qui ont longtemps nié la place des singularités), Mendel en appelle à une « anthropologie générale » qui articule, à l’image de toute l’oeuvre mendélienne les ressorts de la psychologie individuelle et les déterminismes sociaux. Que peut l’homme en fonction du niveau d’« indice de répression » qui caractérise chaque société dans un contexte historique précis ? L’expérience d’intervention de terrain de Mendel le conduit à cette conclusion : tout d’abord objectiver le réel, puis établir un rapport « individu-collectif-société » qui permette à chacun de retrouver la maîtrise de ses actes. « L’acte pouvoir » de Mendel trouverait ainsi sa traduction politique dans une véritable démocratie participative.

David Zerbib


Une démocratie régénérée

http://www.humanite.fr/journal/2003-11-03/2003-11-03-381827


Pourquoi la démocratie et en panne. Construite la démocratie participative, de Gérard Mendel, Éditions La Découverte, 2003, 17 euros.

Déclin, stagnation, impasse : depuis le " séisme politique " qu’ont provoqué les élections de l’an dernier, les commentateurs multiplient les qualificatifs susceptibles de rendre compte du triste état de la société française. Soyons plus modestes et bornons-nous à constater la réalité de la crise qui, quotidiennement, vient perturber la vie du pays : crise de la représentation perturbée par la distance qui s’approfondit entre la majorité de la population et les organisations censées les représenter ; crise plus générale de la démocratie, dont profite l’extrême droite.

L’accumulation de difficultés qui en résulte, impose à tous ceux qui n’ont pas renoncé à se battre pour une autre société de rechercher les causes de cette accentuation de difficultés. C’est là la condition de l’élaboration d’une solution positive pour la masse des exploités et des opprimés. D.

Les travaux de Gérard Mendel sont bien connus. Psychanalyste, l’auteur est le fondateur de la sociopsychanalyse ; il en a exprimé les principes et les résultats dans plus de vingt livres, qui, tous, font référence à des travaux de groupes attachés à étudier les expériences concrètes. Les rapports internes d’organisations aussi diverses que des syndicats, des sections de partis politiques, des entreprises, des institutions scolaires, etc. L’objectif ainsi poursuivi est de rendre compte des rapports qu’entretiennent les membres des groupes avec les pouvoirs qui s’exercent sur eux dans la société et au sein même de leur organisation. Ces rapports ne sont pas uniquement passifs ; ils engagent une pratique qui a sa propre logique. Et Gérard Mendel exprime la dynamique créée dans l’action collective en formulant un concept : " l’acte-pouvoir ". " L’acte-pouvoir concerne le pouvoir sur ses propres actes... Tout acte exerce un pouvoir sur la part de réalité où il intervient, c’est le pouvoir de l’acte. Selon les cas, l’acteur possède sur cet acte plus ou moins de pouvoir : c’est le pouvoir sur l’acte. "

Pareille approche permet de parvenir à une vision non statique de la vie des collectivités. Ainsi, les rapports internes dans une organisation politique ne sont pas seulement perçus par l’intermédiaire des discours qui leur confèrent une définition officielle ; leur liaison avec la pratique du pouvoir s’appuie sur les déterminations conscientes et inconscientes des participants. Aussi bien la compréhension de l’actepouvoir ouvre-t-elle la possibilité d’une amélioration, d’un élargissement des conditions d’action des membres du groupe.

Et Gérard Mendel débouche quasi " naturellement " sur des perspectives de pratique sociale globale. Conscient des limites de la démocratie " délégative " telle qu’elle fonctionne dans les régimes parlementaires, il propose son élargissement - sa mutation en fait - en une " démocratie participative ", dont les principes sont largement inspirés par l’expérience effectuée dans les groupes où l’actepouvoir constitue un objectif essentiel.

" Sur ces fondements, la nouveauté que va apporter la démocratie participative est un fonctionnement non délégatif et non hiérarchique. Sa visée propre est certes un meilleur fonctionnement des institutions. Mais, à notre sens, la visée principale est ailleurs, dans l’établissement d’un lien social particulier entre l’individu et les collectifs auxquels il appartient, et par extension avec la société " (p. 47). En d’autres termes, la recherche du pouvoir dans et sur l’action des groupes établit une base solide à la démocratie. Et l’on peut envisager que " le processus s’étende peu à peu à l’ensemble des liens sociaux, de l’école à l’entreprise économique, des partis politiques aux syndicats, des associations aux maisons de retraite " (p. 227).

Gérard Mendel a donc en perspective une société que l’on peut qualifier d’autogérée, dans la mesure où elle est fondée sur l’autonomie des individus et des groupes. Sa contribution au débat est, sous cet angle, intéressante, car elle traite des problèmes à propos desquels la gauche et le mouvement ouvrier ont rencontré leurs plus grandes difficultés. La volonté de lier l’avenir au contrôle immédiat des actions collectives est un apport certain aux débats actuels sur le mouvement social dans ses rapports avec la politique.

Reste un problème majeur, que Gérard Mendel n’aborde pas systématiquement dans ce livre (1) et qu’on peut résumer rapidement ainsi : la généralisation des expériences de démocratie participative se heurte au poids de l’idéologie dominante que les structures mêmes du pouvoir dans la société nourrissent et renforcent. C’est là l’obstacle majeur à une transformation globale de la société. Il ne peut être surmonté que par la prise de conscience collective qui peut naître de luttes d’ensemble, politiques et sociales.

Gérard Mendel n’aborde guère la question. La critique globale de l’ordre existant reste à élaborer.

Avis aux militants.

Denis Berger.

(1) On peut trouver des réflexions utiles de l’auteur dans un de ses derniers ouvrages, Une histoire de l’autorité. permanences et variations. La Découverte, 2003.

Article paru dans l'édition du Journal l’Humanité 3 novembre 2003.