|
Origine : http://www.changement-egalite.be/spip.php?article595
Gérard Mendel est décédé, il y a quelques
mois. En novembre 2003, à Charleroi, un millier d’enseignants
l’écoutaient, lors d’un colloque sur l’autorité
à l’école.
Psychanalyste, Mendel a cherché à comprendre la société
à la lumière de cette discipline et en en fondant
une nouvelle : la sociopsychanalyse. Auteur prolixe - près
d’un livre par an depuis 1968 - il a résumé
son message dans trois ouvrages récents. [1] À qui
ne peut en lire qu’un, je conseille Pourquoi la démocratie
est en panne - Construire la démocratie participative où
les conclusions pratiques sont les plus explicites.
Pour lui, avoir de l’autorité sur quelqu’un,
c’est évoquer, dans l’inconscient de celui-ci,
l’image de son père. C’est ce que fait
le policier qui verbalise, l’enseignant, pour maintenir une
discipline en classe ou le formateur, pour essayer de convaincre
l’enseignant de l’excellence de la dernière réforme.
Or cette autorité se défait depuis quelques décennies,
à travers toute la société. Mendel ne s’en
plaint pas. Car l’autorité étouffe, chez ceux
qui s’y soumettent, un autre pouvoir : le pouvoir sur l’acte,
c’est-à-dire le fait de maîtriser les ressources
indispensables pour travailler ou agir efficacement et de pouvoir
consacrer ce travail à des fins auxquelles on adhère.
En effet, le travailleur - ou le militant de base - qui cherche
à développer son pouvoir sur ses actes, risque souvent
d’entrer en conflit avec ses chefs qui sont porteurs d’autorité,
même s’ils sont élus.
Ce pouvoir sur l’acte ne peut se conquérir que collectivement
: dans le collectif de ceux qui travaillent au même but et
dans les mêmes conditions. La démocratie représentative
ne suffit pas à concrétiser ce pouvoir. Il faut y
ajouter une démocratie participative : non pas une négociation
entre les délégués des différentes catégories
d’acteurs en présence au sein d’une même
institution (négociation utile aussi et cependant insuffisante)
mais la participation, dans chacune de ces catégories, de
tous les individus à l’élaboration d’un
discours commun.
Mendel et ses disciples ont appliqué ce principe dans l’école,
en développant le « dispositif d’expression collective
des élèves » : ceux-ci, avec l’aide d’un
médiateur, rédigent ensemble un message aux enseignants
de l’école ; et ces derniers répondent, ensemble
aussi et aidés par le médiateur. Dans le va-et-vient
entre les deux groupes, on passe des plaintes aux demandes puis
aux engagements : un exercice de communication non violente en quelque
sorte, mais entre des groupes définis par des rôles
et des conditions de travail partagés.
Voilà une forme de démocratie dans l’école
qui est probablement complémentaire de la pédagogie
institutionnelle. Par celle-ci, l’enfant apprend la démocratie
directe, en gérant des conflits entre élèves,
tandis que le dispositif proposé par Mendel permet de gérer
les conflits entre un ensemble d’adolescents et leurs professeurs,
tout en apprenant la démocratie participative.
Notes
[1] Une histoire de l’autorité, paru en 2002, Pourquoi
la démocratie est en panne, en 2003, et Construire le sens
de sa vie, en 2004, Ed. La Découverte.
|
|