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Gérard Mendel est mort le 14 octobre 2004
Par Claire Rueff-Escoubès

Origine http://assoreveil.org/lettre_10bis-4.html#_Toc88469077


Gérard Mendel, psychiatre, psychanalyste et anthropologue est mort le 14 octobre 2004. Il avait 74 ans.

Son nom est intimement lié à la discipline qu’il avait créée, la sociopsychanalyse, et à la parution de La révolte contre le père (1968), premier ouvrage qui le fit connaître au grand public. Il fut aussi éditeur : directeur de collection chez Payot pendant trente ans (le premier à faire traduire Winnicott), et plus récemment aux Editions La Découverte.

Depuis 1968, il n’a cessé de développer son œuvre, qui comprend une trentaine d’ouvrages ( et des dizaines d’articles et rapports [3]), tout en construisant une pratique collective d’intervention institutionnelle. Il a ainsi contribué à ce qu’il a appelé une « psychologie sociale du sujet » par l ‘élaboration de concepts à l’articulation du psychique et du social.

L’appréhension psychosociale du pouvoir (sur ses actes), différente de celle, sociologique (le pouvoir des uns sur les autres) telle que la développe Michel Crozier, par exemple, le conduira à élaborer une anthropologie de l’acte (cf. L’acte est une aventure, 1998). Ainsi en est-il du concept d’acte-pouvoir qui définit l’acte comme source d’un pouvoir, celui de modifier la réalité, pouvoir qui dans la vie sociale revient moins à ses auteurs qu’aux hiérarchies des institutions. A quelles conditions l’être humain peut-il développer sa dimension « psychosociale », différente et complémentaire de l’autre dimension fondamentale, qu’il nomme « psychofamiliale » : en se réappropriant plus de pouvoir de et sur ses actes, grâce à des dispositifs particuliers de concertation et d’échanges sur le travail.

Son œuvre, dense, qu’appuyait une immense culture, a ainsi la particularité d’avoir été confrontée en permanence à une pratique collective de terrain par le biais de groupes d’intervenants, dont le plus ancien est le groupe Desgenettes-Agasp (créé en 1971[4]et auquel Gérard Mendel participait) aux côtés d’autres groupes en France, Argentine, Belgique, Québec. De nombreux livres cliniques rendent compte de ces interventions réalisées dans une grande variété de lieux de travail (de l’école à la maison de retraite, en passant par l’entreprise, les syndicats ou les associations. Une méthode d’intervention dans les institutions a été inventée : la mise en place d’un Dispositif Institutionnel dont les caractéristiques principales sont : - la constitution de groupes homogènes de métiers et – la communication indirecte (par le biais de comptes-rendus écrits) entre eux ; ce dispositif a pour vocation de s’inscrire dans le cours naturel de la vie institutionnelle, les plus anciens sont en place depuis plus de 20 ans. L’exercice de son « actepouvoir » par chacun est ainsi une proposition constructive face à la fin de la société patriarcale et de son corollaire, l’autorité, proposition assortie de pratiques concrètes pour l’exercice de la démocratie participative (cf. Pourquoi la démocratie est en panne, 2003).

Depuis Pour décoloniser l’enfant (1971), La société n’est pas une famille (1992) jusqu’à Une histoire de l’Autorité (2003) Gérard Mendel a toujours été préoccupé par le vide laissé par la fin de la relation d’autorité comme modèle des rapports sociaux et par l’impossible retour de cette forme, aujourd’hui plus infantilisante que préparatoire à l’autonomie et à la responsabilité, Il a privilégié l’école ( de la maternelle à la terminale) comme un des lieux d’application de sa méthode afin d’y installer l’apprentissage de la démocratie par le développement de la socialisation des jeunes, aussi bien entre eux qu’avec leurs partenaires enseignants. C’est à partir d’un dispositif aménagé pour ce lieu éducatif, le dispositif d’expression collective des élèves (DECE) sur leur propre vie scolaire, que se construit pour tous les élèves d’une même classe (et non plus pour les seuls délégués) une socialisation différente : non plus seulement compétitive, individualiste et élitiste, mais davantage collective, égalitaire et solidaire. Plus de 500 classes du primaire et du secondaire ont a ce jour pratiqué ce dispositif, dans un lien médiatisé par l’écrit, via le Co-psy, avec l’équipe enseignante.

Un grand nombre de ses articles, conférences, interventions radiophoniques et télévisées ont été consacrés à cette ligne forte de son œuvre, un film tourné dans un collège rural en 2000 en témoigne (« La démocratie dans l’école, JP Lebel, Périphérie).


Quelques repères bibliographiques.

- La révolte contre le père, Payot, Paris, 1968

- Pour décoloniser l’enfant, Payot, Paris, 1971,

- 54 millions d’individus sans appartenance. Laffont, Paris, 1983

- La société n’est pas une famille, La Découverte, paris, 1992

- L’acte est une aventure, La Découverte, 1998

- Une histoire de l’Autorité, La Découverte, 2003

- Pourquoi la démocratie est en panne, La Découverte, 2003

- Construire le sens de sa vie, La Découverte, 2004

« Les enseignants ou le deuil interminable de l’autorité », Cahiers pédagogiques, n°319, 1993

« La socialisation non-identificatoire », Trois textes sociopsychanalytiques, Impatiences démocratiques, 2000.