Origine : http://jeancletmartin.blog.fr/2009/02/03/l-age-atomique-5497771/
Hiroshima est partout rassemble plusieurs œuvres de Günther
Anders consacrées à la menace atomique. Celles-ci
datent de la fin des années cinquante et du début
des années soixante, mais on se rend très vite compte
à la lecture qu’elles n’ont en rien perdu de
leur actualité, car Anders s’attache à exposer
la nature des sociétés postatomiques dans lesquelles
nous vivons toujours, même si nous n’en sommes plus
autant conscients qu’à l’époque de la
guerre froide où deux puissances s’opposaient bloc
contre bloc. Aujourd’hui, le risque est sans doute tout aussi
grand étant donné la dissémination nucléaire,
et de fortes tensions régionales existent, qu’on pense
à l’Inde et au Pakistan.
Si Anders parle d’ « âge postatomique »
ou simplement « atomique », c’est bien entendu
parce qu’il y a eu Hiroshima et Nagasaki, et que nous vivons
après cet événement et dans la menace qu’un
événement de même nature se reproduise, mais
cette fois à une échelle planétaire. C’est
d’abord dans ces villes qu’Anders nous emmène
avec son journal intitulé L’homme sur le pont, non
pas pour visiter les lieux, mais pour rencontrer les victimes et
élaborer avec des opposants aux armes nucléaires venus
de tous les pays ce qu’il appelle ses « Commandements
de l’âge atomique. »
Elève de Heidegger, premier mari d’Hanna Arendt émigré
aux Etats-Unis après l’arrivée de Hitler au
pouvoir, Anders s’est attelé à une critique
radicale de la technique moderne dans son célèbre
livre L’obsolescence de l’homme. Il a su se détacher
très tôt de la pensée du philosophe de la Forêt
Noire, incapable selon lui d’opérer cette déconstruction
de la technique pour se cantonner au culte d’une figure de
l’homme comme « berger de l’être ».
Or, écrit Anders dans son journal japonais, « nous
sommes déjà parvenus en ce point où ce n’est
pas notre disparition qui serait un miracle, mais notre survie,
et même un miraculum perpetuum, qui devrait se reproduire
de jour en jour ». L’attitude spéculative voire
contemplative du philosophe-ermite doit donc être remplacée
par ce qu’on pourrait nommer une action philosophique d’un
genre nouveau, poussant le penseur à aller sur place pour
prendre conscience de la réalité de l’âge
atomique dans lequel nous vivons.
L’objectif d’une telle action est de faire prendre
conscience à l’humanité de la terrible menace
suspendue au-dessus d’elle, car, dit Anders, avec le développement
de la technique, c’est l’incapacité à
imaginer les conséquences d’une guerre atomique qui
caractérise notre époque, d’où la nécessité
d’une nouvelle éducation, « éducation
de l’imagination » que l’auteur des « Commandements
de l’âge atomique » appelle de ses vœux :
« Ta tâche consiste donc à réduire l’espace
qui existe entre tes deux facultés : celle de faire des choses
et celle de les imaginer ; à combler le vide qui les sépare
; en d’autres termes, il te faut de toutes tes forces augmenter
la capacité de ton imagination (et celle, encore plus réduite,
de tes émotions) jusqu’à ce que ton imagination
et ton émotion soient capables de prendre conscience de la
monstruosité de tes actes ; jusqu’à ce que tu
sois capable de saisir et de concevoir, d’accepter ou de rejeter
– bref : ta tâche consiste à élargir ta
conscience morale ».
Action immédiate et philosophie semblent difficilement conciliables
; c’est pourtant une forme de philosophie en acte que pratique
Anders de manière surprenante, dans la confrontation avec
une réalité qui dépasse l’entendement
humain. Celle des victimes en premier lieu, qui plonge les visiteurs
dans une expérience de la honte, cruciale sur le plan moral.
Car c’est grâce à cette expérience de
la honte d’être homme qu’est retrouvée
une humanité, même si l’ironie de la situation
est signalée par Anders : « Quelle répartition
du travail : les uns commettent, et les autres rougissent ».
Anders évoque des marches aux côtés de victimes
lors de commémorations des destructions de Hiroshima et Nagasaki.
Il relève que les ruines ont disparu au profit de nouveaux
hôtels et bâtiments modernes, les conséquences
passées de l’explosion d’une bombe atomique,
rendues invisibles, devant être elles aussi imaginées.
« Le monde de demain sera invisible », écrit
Anders, mais il constate que le monde d’hier, à l’ère
postatomique, l’est également.
Se figurer, se représenter la réalité de la
technique pour pouvoir pousser d’autres à se la représenter
à leur tour, c’est ce que tâche de faire Anders,
sur un mode militant, recourant aux médias, mais n’hésitant
pas à engager une conversation avec ses plus fermes opposants,
dans l’avion, dans le train, quitte à se faire traiter
de « semeur professionnel de panique ». Il y va d’une
nouvelle morale, à fonder philosophiquement, car «
la possibilité que l’humanité s’anéantisse
elle-même n’avait pu être prévue par aucune
éthique.»
On voit Anders élaborer pas à pas cette nouvelle
éthique, se parlant à lui-même à la deuxième
personne à partir d’observations faites lors du voyage,
apprenant à modifier son regard et sa pensée à
partir d’une réalité tout sauf exotique, car
le risque nucléaire concerne l’humanité toute
entière. Lisant, on reçoit aussi une leçon
de philosophie pratique, en rupture avec les théories ou
les systèmes qui coupent la pensée d’émotions
éprouvées lors d’expériences existentielles.
Egalement élève de Husserl, Anders est un phénoménologue
du désastre, un excellent analyste du nihilisme moderne.
On retrouve cette dimension émotionnelle de la pensée
de Günther Anders dans sa correspondance avec Claude Eatherly,
pilote de l’avion de reconnaissance météorologique
qui donna son feu vert à l’avion qui lâcha la
bombe sur Hiroshima. Interné des années après
dans un hôpital militaire, il souffre de remords terribles
et voit sa santé se détériorer. C’est
Anders qui entre en contact avec lui, et les lettres échangées
sont à la fois profondément émouvantes et passionnantes
sur un plan intellectuel.
Dans les nombreuses manœuvres de l’armée pour
empêcher la libération d’Eatherly en raison de
prétendus troubles psychiatriques, dans le manque d’indépendance
de la justice à l’égard des militaires et des
responsables politiques, dans la volonté d’Hollywood
de faire du pilote d’Hiroshima un personnage de film qui dénaturerait
les idéaux de l’homme désormais engagé
auprès des victimes japonaises et des militants pour le désarmement
nucléaire, on distingue très nettement l’autoritarisme
plus ou moins larvé et le cynisme évident de certaines
institutions et de multiples groupes de pouvoir dans les sociétés
occidentales. Et c’est aussi un des mérites du livre
d’Anders de nous éveiller un peu plus à cette
conscience qu’une véritable pensée philosophique
a aussi pour tâche de dévoiler avec force la réalité
du nihilisme moderne sous toutes ses formes, l’une des plus
terribles étant bien entendu l’assujettissement de
la technique au pouvoir militaro-industriel.
Laurent Margantin
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De la part d'Alain Baudemont
Je suis très heureux de vous saluer, cher Laurent Margantin.
Ce qui n'aura jamais été un hasard, mais une conséquence,
et immédiatement monstrueuse, c'est qu'un pays réalisa
l'impossible : On aura cru possible la viabilité d'une bombe
atomique nazie... Et les États Unis d'Amérique durent
dépenser des sommes absolument colossales pour l'invention
qui transfigura la face de la planète Terre.
L'arme de destruction massive avait trouvé son monde libre.
Enzo Traverso peut nous aider, s'il est besoin, à approcher
Anders. Natif de Silésie, juif allemand, son vrai nom Gunther
Stern il l'aura changé, par la force des choses, en celui
de Gunther Anders, fuyant les nazis.
Sa première épouse, nous le savons tous maintenant,
s'appelait Annah Arendt. Gunther était l’ami de Brecht,
de Adorno, de Benjamin, de Horkheimer.
Sa pensée entre autre analysait la modernité qui
peut se résumer par le monopole étatique de la violence,
l’administration bureaucratique de l’Etat, et la division
du travail.
Dans ce cadre, Auschwitz est une usine moderne, dont le principal
est de multiplier les chairs mortes. Il aura fallu pour un efficace
fonctionnement des camps de la mort, une bonne maîtrise de
la division du travail et une logistique impeccable.
Un nommé Eichmann s’en était chargé.
La première opération du satellite iranien, le 2
février 2009, a été la diffusion d'un message
d'amitié et de paix. Allah est Grand, a dit le président
iranien Mahmoud Ahmadinejad, en voyant se placer en orbite, son
premier satellite appelé Omid. Allah est Grand, répétait
à volonté, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad.
Totalement et purement, Allah est l'Espoir de l'Iran.
Pourtant Paris ne se rassure pas après le lancement de ce
premier né iranien; car cette mise en orbite est en mesure
d'augmenter les inquiétudes de la communauté internationale
sur les capacités balistiques de la République islamique.
Paris et les Occidentaux multiplient les critiquent sur le programme
spatial iranien craignant qu'il serve avant tout à l'Iran
à développer des frappes balistiques.
Pourtant Téhéran indique que ses activités
satellitaires sont uniquement destinées à la paix.
Le Quai d'Orsay se dit inquiet car la technologie employée
est absolument similaire à celle des missiles balistiques.
Les anglais et les américains se disent très profondément
préoccupés eux aussi car les activités nucléaires
et balistiques de l'Iran, les menaces iraniennes contre l'allié
israélien, et le soutien du régime islamique aux terroristes,
constituent des motifs de très vives inquiétudes principalement
pour la nouvelle administration américaine.
La Maison Blanche aura annoncé l'utilisation par les Etats-Unis
de tous les éléments de leur puissance nationale pour
faire face aux différents défis posés par l'Iran.
Un satellite c'est quoi. Un satellite est un objet artificiel inventé
par l'Homme et envoyé en orbite autour de la Terre. Envoyé
en orbite autour de la terre, cela veut dire "faire tourner"
le satellite autour de la terre. La Russie (URSS) en 1957 est le
pays qui invente le premier satellite. Un satellite artificiel est
composé d'un corps principal, de panneaux solaires, et de
petits moteurs à l'intérieur de l'objet qui servent
à le diriger et à corriger son trajet. A l'intérieur
du satellite se trouvent des appareils de mesure et de communication.
Les panneaux solaires fournissent de l'énergie électrique.
Le satellite sert à prendre des photos de la Terre, à
prévoir le temps, à tourner autour de la terre pour
surveiller.
Edward Teller, père de la bombe à hydrogène,
scientifique de confession juive, entre 1943 et 1946, travaille
sur le projet Manhattan, à Los Alamos au Nouveau-Mexique,
ce qui abouti à la fabrication de la bombe atomique.
Il participe ensuite au développement de la bombe à
hydrogène.
Il vivait aux Etats-Unis depuis 1935 après avoir fui la
montée du régime nazi en Europe. Le professeur Edward
Teller, restera longtemps dans nos mémoires comme l'un des
plus grands scientifiques qui a consacré sa vie à
la défense de la liberté, à la recherche de
connaissances et à la transmission de sa passion pour les
sciences, et pour l'enseignement à des générations
d'étudiants. Le professeur Teller était un fervent
partisan de "l'application de la science à la pratique"
et avait été l'un des "responsables techniques"
les plus influents dans la défense nationale de la Seconde
guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui.
Tout commence, en effet, en 1898 quand le physicien Ernest Rutherford
et son collaborateur expliquent que la désintégration
de certains noyaux d’atomes résulte de radioactivité.
Albert Einstein suit le mouvement et en 1905 démontre sa
célèbre théorie de la relativité : E=mc².
Tout le monde sait désormais que cette formule signifie
que l’énergie totale dégagée par une
quantité de matière quelconque est égale à
sa masse multipliée par le carré de la vitesse de
la lumière. C’est dans une lettre d’Einstein
destinée au président Roosevelt qu’on apprend
la possibilité de fabriquer une nouvelle sorte de bombe ultra
puissante fonctionnant avec l’énergie nucléaire
et la possibilité que les Allemands soient déjà
en voie de construire ce type de bombe.
C’est avec empressement que le Président met sur pied
le projet "Manhattan", en 1942, qui consiste à
vérifier s’il est possible de "créer une
réaction en chaîne" et une fois cela accompli,
d'établir les plans pour la création de la bombe nucléaire.
Avant de lancer la bombe atomique sur le Japon, les Américains
veulent être certains de son efficacité, alors ils
testent dans le désert du Nouveau-Mexique trois semaines
avant le largage de la première bombe sur Hiroshima.
Ils sont, au-delà de toute espérance, incroyablement
surpris des résultats.
Le projet Manhattan coûte au total deux milliards de dollars
et sert à construire trois bombes : "Trinity",
la bombe pour le test. "Petit garçon", qui ravage
Hiroshima le six septembre 1945. "Graisse d'homme", qui
rase Nagazaki trois jours plus tard. Le délire scientiste
n’aura plus jamais atteint de tels sommets.
Le monstrueux marque l’humanité à jamais depuis
Hiroshima et Nagasaki.
Pourtant, cette horreur atomique ne sera pas mise en œuvre
par une idéologie comme l’a été le nazisme.
Il s’agit selon les mots de Gunther Anders d’un crime
d’employés consciencieux. Avec la bombe atomique, les
humains sont devenus des fonctionnaires de la bombe. Anders insiste
sur l’effet déshumanisant de la bombe. Face à
ces ruptures, faut-il rester dans une acceptation résignée
et impuissante ou se ressaisir dans un sursaut d’insurrection
morale. Gunther Anders argumente et milite pour la seconde solution.
Il a été un militant anti-nucléaire dès
1948. Il a participé au Tribunal Russell avec Primo Lévi.
Il a été au Japon pour rencontrer les rescapé/es
de la bombe atomique. Il est intervenu publiquement de nombreuses
fois pour nous mettre en garde contre les conséquences de
la technique.
À l’époque on les appelait les savants.
Les explosions sur le Japon ont été glorifiées
et bénies par tout ce que l’establishment scientifique
avait de disponible.
La mobilisation fut spontanée pour nous initier à
cet avenir que les prix Nobel du "Projet Manhattan" nous
avaient soigneusement préparé. Hiroshima devait ouvrir
à l’humanité une ère de liberté,
on entrait dans la modernité libératrice.
La seule voix discordante fut celle de l'Écrivain Albert
Camus : "Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire
peu de chose. Des journaux américains, anglais et français
se répandent en dissertations élégantes sur
l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût,
la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences
politiques et même le caractère indépendant
de la bombe atomique. Il est permis de penser qu’il y a quelque
indécence à célébrer une découverte
qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de
destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles".
Quelques jours plus tard, ces positions valurent à Albert
Camus de "violentes critiques".
Dans les années 1960, Günther Anders a proposé
le concept de "supraliminarité" pour éclairer
"les événements et les actions qui sont encore
trop grands pour être conçus par l'homme". Il
donnait comme exemple l'incapacité, pour les bourreaux autant
que pour les victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, de se souvenir
de la déflagration atomique, événement d'un
type nouveau, surdimensionné et impossible à envisager
encore après coup.
De même, quand il s'agit du contexte nucléaire quotidien,
comment vivre avec la conscience exacte de ce qui pourrait se produire,
au regard de ce qu'on sait des risques courus.
Peut-on imaginer des centaines de milliers de concitoyens sacrifiés
(condamnés à mourir ou à être très
malades) pour maîtriser une fuite radioactive inhérente
à un accident grave dans une centrale française. À
un "effet de mort" produit par la nouvelle d'un éventuel
dépôt souterrain de déchets nucléaires,
il a été répondu par un "élan de
vitalité" solidaire...
Dans la France de l'an 2001, la confiance que témoignent
les autorités à l'énergie nucléaire
ne semble pas ébranlée. Cependant, à cette
radioactivité dont la particularité maligne semble
être, en premier lieu, d'être invisible et sans frontière,
comme sans existence physique, en deuxième lieu, d'être
capable de se répandre partout très rapidement, comme
une sorte de courant électrique, et de semer la mort à
la vitesse du vent, c'est le peuple qui a répondu par la
vitesse du lien social venant s'opposer à la manigance, à
l'arrangement d'une mise en oeuvre toujours prônée
par une fatale raison d'État.
Pour Gunther Anders, nous dit encore Philippe Coutant, la marchandise
idéale sont les armes et leurs munitions. Les balles et les
bombes ne servent qu’une fois, il faut immédiatement
les renouveler.
(Merci à Philippe Coutant et Jean-Claude Leroy)
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