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Origine : http://www.sortirdunucleaire.org/info16/li1616.htm
Le philosophe allemand Günther Anders, militant pacifiste,
montrait dans un livre traitant de la guerre du Vietnam que l'industrie
ne produit pas des armes pour les guerres mais provoque des guerres
pour les armes. De même, les marchands d'électricité
n'auraient-ils pour première préoccupation que de
fabriquer des machines en mesure de les exciter, et non celle d'apporter
à l'ensemble de la communauté les services qu'elle
attend ? Le quotidien Libération du 15 décembre 2000
rapportait, par exemple, que « le lobby du nucléaire
occidental a réussi à convaincre les autorités
ukrainiennes d'exiger, en échange de l'arrêt de Tchernobyl,
la construction de deux nouveaux réacteurs à Khemltnitsky
et Rovno. Un prêt de 12 milliard dollars vient d'être
octroyé à l'Ukraine à cet effet, par la BERD
(Banque européenne pour la reconstruction et le développement)
». Dans le même article, on apprend, toujours à
propos de l'après-catastrophe de Tchernobyl, que depuis 1990,
720 Millions de dollars ont été donnés par
les pays riches pour l'aide technique, alors que seulement 4 millions
l'ont été pour l'aide aux populations.
Dans les années 1960, Günther Anders a proposé
le concept de « supraliminarité » pour éclairer
« les événements et les actions qui sont encore
trop grands pour être conçus par l'homme ». il
donnait comme exemple l'incapacité, pour les bourreaux autant
que pour les victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, de se souvenir
de la déflagration atomique, événement d'un
type nouveau, surdimensionné et impossible à envisager
encore après coup. De même, quand il s'agit du contexte
nucléaire quotidien, comment vivre avec la conscience exacte
de ce qui pourrait se produire, au regard de ce qu'on sait des risques
courus ? Peut-on imaginer des centaines de milliers de concitoyens
sacrifiés (condamnés à mourir ou à être
très malades) pour maîtriser une fuite radioactive
inhérente à un accident grave dans une centrale française
?
Dans la France de l'an 2001, la confiance que témoignent
les autorités à l'énergie nucléaire
ne semble pas ébranlée. Cependant, à cette
radioactivité dont la particularité maligne semble
être, en premier lieu, d'être invisible et sans frontière,
comme sans existence physique, en deuxième lieu, d'être
capable de se répandre partout très rapidement, comme
une sorte de courant électrique, et de semer la mort à
la vitesse du vent, c'est le peuple qui a répondu par la
vitesse du lien social venant s'opposer à la manigance, à
l'arrangement d'une mise en oeuvre toujours prônée
par une fatale raison d'État.
À un « effet de mort » produit par la nouvelle
d'un éventuel dépôt souterrain de déchets
nucléaires, il a été répondu par un
« élan de vitalité » solidaire...
Jean-Claude LEROY
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