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Origine http://www.chronicart.com/livres/livres_fictions.php3?id=8196
La vie de Günther Anders (de son vrai nom Günther Stern)
épouse les contours de la folie du XXe siècle : son
horreur, mais aussi le bouillonnement de sa vie intellectuelle.
Natif de Silésie, ce juif allemand, opposant au régime
nazi, dut fuir l’Allemagne en 1933, d’abord pour Paris,
ensuite pour les Etats-Unis. Premier mari de Hannah Arendt, il aura
été, avant les années d’exil, l’élève
de Husserl et de Heidegger ; son chemin croisera ceux de Brecht,
Benjamin, Adorno ou Tillich. Dans des entretiens accordés
en 1977 à Matthias Geffrath (publiés en français
chez Allia sous le titre Et si je suis désespéré
que voulez-vous que j’y fasse ?), il revient sur son parcours
et explique comment, de philosophe intéressé l’esthétique,
il est devenu, à cause de la Shoah et l’utilisation
de l’arme atomique, un philosophe-militant engagé dans
une lutte à jamais inachevée : résister à
la chute de l’homme dans ce qui le nie et dont il est lui
même l’origine.
Nous, fils d’Eichmann et la nouvelle traduction de Sur la
pseudo-concrétude de Martin Heidegger (déjà
traduit chez Sulliver) dans une édition soignée (lexique
des termes latins et allemands, biographie détaillée,
mise à jour des textes de et sur Anders en français
et résumé des chapitres ; seule une partie du quatrième
de couverture semble superflue) donnent une bonne vue d’ensemble
de la démarche d’Anders. Sur la pseudo-concrétude
dessine, en négatif, ce que doit être la philosophie
dans les époques troubles que nous traversons : Anders y
critique le refus heideggerien d’aborder l’homme dans
sa dimension anthropologique. Le dasein (l’étant) est
désincarné, placé dans un long cheminement
solitaire affirmant la seule puissance de ce néant qui consiste
à vouloir uniquement se découvrir soi-même,
la figure de l’Autre, le On de la doxa n’étant
quant à elle que chute, hétéronomie, inauthenticité.
L’enquête menée par Anders, son exploration de
la pensée de l’auteur de Etre et temps, expose en pleine
lumière le Sorge (le souci), l’être-pour-la-mort,
la liberté, ou la rapport du dasein au temps et pousse cette
pensée dans ses limites, la volonté d’absolu
qui la sous-tend ne pouvant produire que des étrangers au
monde, incapables de vivre dans un monde marqué par le changeant,
le contingent, l’altérité.
Dans Nous, fils d’Eichmann (deux lettres adressées
à Klaus Eichmann), Anders analyse les conditions de possibilités
du monstrueux. Une méditation sur la culpabilité et
le rapport au père ouvre la première lettre ; le fils
n’a pas à assumer l’œuvre du père.
Par contre, nous avons tous à vivre dans le monde hérité
des Eichmann : notre responsabilité est de tout faire pour
éviter la répétition du monstrueux, aussi probable
qu’elle soit. Le monstrueux est à la fois le fait que
six millions d’hommes aient été tués,
mais aussi tout ce qui à rendu possible cette multiplication
de crimes niant à chaque fois le nom de l’homme. Pour
Anders, le monstrueux, étant au sens premier l’in-humain,
dépasse la capacité de représentation que nous
avons de ce qui peut arriver : dans le cas de la Shoah, cela est
rendu impossible par se dimension proprement incommensurable. Bref
: ce qui est ne peut pas être réellement existant pour
nous. Autre cause du monstrueux : la machinisation du monde. On
retrouve ici une idée développée dans L’Obsolescence
de l'homme (l’ouvrage majeur d’Anders), selon laquelle
nous sommes aujourd’hui dans une situation ou la machine façonne
notre rapport au monde en rendant nos actions morcelées,
sans sens, et en nous éloignant de nos responsabilités.
"C’est l’ignorance (de ce que nous pourrions savoir,
mieux, de ce que nous ne pouvons aucunement ne pas savoir) qui constitue
la faute elle-même."
Pierre Collantier
De Günther Anders, à lire absolument : "L’Obsolescence
de l'homme" (L’Encyclopédie des Nuisances)
Sur la pseudo-concrétude de la philosophie de Heidegger
- Günther Anders
En France, Heidegger passe pour "le grand philosophe du XXe
siècle". Sectateurs et coryphées sont innombrables,
et les rares voix discordantes sont vite réduites au silence.
Or, le système de Heidegger est non seulement très
pauvre (a-t-on vraiment entendu ce que le philosophe dit de l'homme,
de l'histoire et du temps?), mais encore il est en profonde sympathie
avec la barbarie nazie. Qu'importe! Quand le roi Heidegger passe
dans la rue, la foule se prosterne. Soudain, au milieu de ce silence
religieux, Günther Anders s'écrie : "Le roi est
nu!"
Editions sens&tonka, Paris 2003. (Quatrième de couverture.)
"On the Pseudo-Concretness of Heidegger's Philosophy"
est paru pour la première fois en Mars 1948 à New-York.
Origine : http://skildy.blog.lemonde.fr/skildy/2005/07/sur_la_pseudoco.html
Nous, fils d'Eichmann | Günther Anders
Collection : Rivages Poche
Traduit de l'Allemand par Sabine Cornille et Philippe Ivernel
Les deux lettres ouvertes de Günther Anders adressées
au fils d'Adolf Eichmann constituent un petit traité, avec
mode d'emploi, sur la condition humaine aujourd'hui, considérée
sous l'angle d'une catastrophe à répétition,
qui entraîne l'obsolescence toujours croissante de l'humain
lui-même. L'homme apparaît ici, de nouveau, comme le
détenteur d'une capacité de production infiniment
supérieure à sa capacité de représentation,
et tout aussi bien à sa capacité de sentir. Dans ce
contexte, l'idée même de responsabilité se trouve
profondément atteinte ou profondément pervertie, de
sorte que nous sommes tous, d'une manière ou d'une autre,
des enfants d'Eichmann. Plus exactement, nous sommes tous devant
un choix comparable à celui auquel Günther Anders confronte
le destinataire de ses deux lettres : le choix de la continuité
ou de la rupture. Un choix d'autant plus urgent que se réduit
de jour en jour la marge de jeu dont dispose l'humain dans le monde
tel qu'il devient.
Origine http://www.payot-rivages.fr/asp/fiche.asp?id=3389
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