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Françafrique : les médias complices ? (1)
décembre 2000
Origine : http://www.acrimed.org/article216.html
CHRONIQUE POLITICO-JUDICIAIRE
« Françafrique : les médias complices ? »
Sous ce titre, Acrimed a organisé, le 18 Janvier 2001, dans
le cadre de ses "Jeudis" quasi-mensuels, un débat
avec François-Xavier Verschave, président de l’association
Survie et auteur du livre Noir Silence (éditions Les Arènes,
2000), poursuivi par trois présidents africains, Omar Bongo,
Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso (défendus par
Me Jacques Vergès), qui ont déposé plainte
pour "offense à Chef d’Etat étranger. En
forme d’introduction au débat, le récit d’une
chronique politico-judiciaire.
Episodiquement, la chronique judiciaire et politique se fait l’écho
des méfaits des " françafricains " : Michel
Roussin, Jean-Christophe " Papamadit " Mitterrand, Barril,
Vergès, etc., tous dans la descendance barbouzarde du défunt
Jacques Foccart. Mais, au fond, que savons-nous de cette politique
et de ces agissements qui depuis quarante ans régissent avec
une remarquable continuité, par-delà les alternances
ici et là-bas, les relations entre la France et ses anciennes
colonies africaines ?
Pourtant, quelques ouvrages récents dévoilent largement
le sujet.
1998. La Françafrique de François-Xavier Verschave,
président de l’association Survie (éd. Stock).
Sous-titre évocateur : "le plus long scandale de la
république". 35 années de relations franco-africaines
tumultueuses passées en revue, depuis les indépendances.
Un livre qui s’est bien vendu mais qui a été
peu commenté.
Avril 2000. Noir silence du même François-Xavier
Verschave (éd. Les Arènes). 600 pages consacrées
aux relations incestueuses entre la France et l’Afrique au
cours de la dernière décennie. Encore un bon succès
de librairie.
Ca ne vous dit rien ? C’est bien le problème ! Dans
la " grande " presse, seuls en ont parlé Les Inrockuptibles,
Témoignage chrétien, Politis, Charlie Hebdo…
Des publications réservées à des lecteurs qui
" veulent savoir ", dont les contenus ne cherchent pas
à coller aux sujets du 20 heures, ni aux unes du Monde, du
Figaro ou de Libération… Si l’on se contente
de lire la " grande " presse française pour se
tenir informé sur l’Afrique et ses relations avec la
France, ce qui semble légitime, il est impossible de s’y
retrouver. De même qu’il était impossible, au
printemps 1994, de comprendre la réalité du génocide
au Rwanda si on ne lisait que la " grande " presse.
Le 31 mars 2000, la Cour d’Appel de Paris déboutait
Jean-Marie Colombani, directeur du Monde, et Jacques Isnard, spécialiste
du même journal pour les questions de défense, de leur
assignation pour diffamation contre Jean-Paul Gouteux et son livre
Un Génocide secret d’État. La France et le Rwanda
1990-1997 (Editions Sociales, 1998). Ce chercheur y mettait en cause
la façon dont Le Monde et, singulièrement, Jean-Marie
Colombani et Jacques Isnard ont rendu compte du génocide
perpétré au Rwanda, au moment où celui-ci avait
lieu. Poursuivant son enquête, Jean-Paul Gouteux a fait paraître
en octobre 1999 un nouveau livre, entièrement consacré
au " quotidien de référence " : Le Monde,
un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur le
génocide rwandais (L’Esprit frappeur, 1999). Le lecteur
découvre comment Le Monde a accrédité la version
présentée par les services de renseignement français
et présenté les Tutsis comme aussi dangereux, si ce
n’est plus, que les génocidaires (Pour en savoir plus)
Après la parution de Noir silence, trois présidents
africains, Omar Bongo, Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso
(défendus par Me Jacques Vergès), ont déposé
plainte pour "offense à Chef d’Etat étranger"
contre François-Xavier Verschave, et son éditeur.
L’affaire sera jugée devant la 17e chambre correctionnelle
du TGI de Paris, les 28 février et 5 et 7 mars prochains.
Le délit d’offense est le prolongement de l’ancien
crime de lèse-majesté. Encore une fois, la "
grande " presse est pourtant curieusement silencieuse.
Le 18 janvier 2001, débat avec François-Xavier Verschave,
président de l’association Survie et auteur du livre
Noir Silence (éditions Les Arènes, 2000), sur le rôle
très ambigu que jouent les grands médias (essentiellement
la télévision et les grands quotidiens) pour maintenir
la chape de plomb sur les inombrables dossiers noirs de la Françafrique
qui, s’ils étaient clairement dénoncés,
feraient du tort à beaucoup de personnages importants, et
de tous bords…
Françafrique : les médias complices ? (2)
février 2001
http://www.acrimed.org/article218.html
UNE CONTRIBUTION DE FRANÇOIS-XAVIER VERSCHAVE
« Françafrique : les médias complices ? »
Sous ce titre Acrimed a organisé, le 18 Janvier 2001, dans
le cadre de ses "Jeudis" quasi-mensuels, un débat
avec François-Xavier Verschave, président de l’association
"Survie" et auteur du livre Noir Silence (éditions
Les Arènes, 2000), poursuivi par trois présidents
africains, Omar Bongo, Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso
(défendus par Me Jacques Vergès), qui ont déposé
plainte pour "offense à Chef d’Etat étranger".
On lira ci dessous l’intervention de François-Xavier
Verschave lors du débat.
Avant d’aborder le rôle spécifique des médias
dans les relations françafricaines depuis quarante ans, je
vais essayer de vous expliquer le contexte historique qui a rendu
possible l’installation du système Françafrique
[*].
Origines de la Françafrique
Le général de Gaulle, quand il accède à
la présidence de la République, doit affronter une
situation internationale nouvelle, celle où les colonies
de la France du sud du Sahara affirment leur volonté d’accéder
à l’indépendance. De Gaulle fait mine d’accepter.
Mais dans le même temps, il charge, dès 1958, son plus
proche collaborateur, Jacques Foccart, de créer un système
de réseaux qui emmaillotent les anciennes colonies dans un
ensemble d’accords de coopérations politique, économique
et militaire qui les placent entièrement sous tutelle. Ainsi,
il charge son bras droit de faire le contraire de ce qu’il
dit, c’est-à-dire d’installer la dépendance
par un certain nombre de moyens qui sont forcément illégaux,
inavouables, occultes.
Quels moyens ? Citons notamment la sélection d’un
certain nombre de chefs d’Etat amis, la guerre civile dissuasive
(de 100 000 à 400 000 morts dans la guerre indépendantiste
au Cameroun en 1960 : ce qui ne figure dans aucun manuel d’histoire)
; le meurtre (assassinat de Sylvanus Olympio, premier président
élu au Togo) ; la fraude électorale, qu’on verra
réapparaître dans les années 1990... Un seul
chef d’Etat d’une ancienne colonie a échappé
à ce système : Sékou Touré, en Guinée.
Mais il a fait l’objet de tant de complots vrais en deux ans
qu’il a fini par en voir des faux partout ...
Pour veiller à ce que ce système tienne bien en place,
Jacques Foccart a installé des réseaux : des moyens
de tenir ces pays au bénéfice de la France grâce
à une organisation barbouzarde sophistiquée. Là
encore, quels moyens ? Des officiers placés auprès
de chaque chef d’Etat, chargés de les protéger
mais parfois aussi de les éliminer ; des entreprises faux-nez
des services secrets (M Le Floch Prigent a ainsi avoué qu’Elf
avait été créée pour servir d’instrument
aux services secrets) ; tout un tas de petites entreprises de sécurité,
enfin, dont les prestations surfacturées permettaient de
payer les sociétés de mercenaires... Bref, un système
élaboré d’installation de forces parallèles.
Et puis il y a eu l’instauration du franc CFA, présenté
comme un cadeau fait à l’Afrique, et qui est en réalité
un instrument magnifique de convertibilité en Suisse d’un
certain nombre de richesses africaines.
Comment donner une idée de cet enrichissement mutuel entre
les commanditaires français et les potentats africains ?
Pour cela, il suffit de chiffrer ce qu’a rapporté la
rente pétrolière du Gabon en l’espace de quarante
ans : peut-être 200 milliards de francs. Or le Gabon est aussi
le pays qui a le plus mauvais système de santé en
Afrique. On pense bien que ces 200 milliards ne sont pas allés
aux Gabonais. Ils ont été partagés entre Omar
Bongo, ses proches, et les commanditaires. Même chose pour
les fortunes d’Houphouët-Boigny (60 milliards de francs),
d’Eyadema, de Moussa Traore, de Mobutu ... souvent égales
à l’endettement de leurs pays respectifs.
Ce mécanisme d’économie de rente consiste à
capter la différence entre les matières premières
payées à très bas prix et leur prix de vente.
A cela s’ajoute le détournement d’une bonne partie
de l’aide publique au développement (au moins la moitié,
l’autre servant à des objectifs géopolitiques,
ou de "lubrifiant" à l’extraction de la rente
: il faut bien faire tourner un minimum les Etats pillés
par leurs régimes ...). A tout cela, ajoutons encore le fardeau
insupportable de la dette : la baisse du cours des matières
premières a obligé les potentats à s’endetter
à bas taux.
Tout de même, au bout d’un certain temps, les régimes
n’ont pas pu continuer à dire : "Nous sommes là
pour le développement ou le progrès de nos peuples."
Ils ont donc dû utiliser l’arme ultime du politique,
qui est le bouc émissaire. Leur discours s’est adapté
à cette situation. Il est devenu le suivant : "Je ne
suis pas là pour le mieux être mais parce que si ce
n’est pas moi, ce sera votre adversaire ethnique de toujours"
...
On a vu comment ce discours ethnique, apparu à la fin des
années 1980 dans des régimes en bout de course, a
conduit au génocide au Rwanda. Aujourd’hui, la situation
en Côte d’Ivoire est du même ordre : un régime
en fin de parcours, en situation d’épuisement, de ruine
économique, qui commence à utiliser l’arme ethnique
avec tous les risques que cela peut avoir.
La nature de la dégradation des régimes "aidés"
par la France peut tenir en une formule : l’aide publique
au développement est devenue une aide secrète au contre-développement.
Elle s’est accompagnée d’une dégradation
en France même. On est ainsi passé du réseau
centralisé de Foccart, installé à l’Elysée,
à la dispute entre Foccart et Pasqua, puis à l’apparition
des réseaux Giscard, Mitterrand, Madelin, Rocard, etc. Soit
4 ou 5 réseaux politico-affairistes, mais aussi 3 ou 4 grandes
entreprises menant leurs propres stratégies : Elf, Bouygues
(qui gérait les services publics en Côte d’Ivoire),
Bolloré (qui acquiert un monopole des transports et du tabac
en Afrique, et qui est en train de remplacer Elf comme faux-nez
des services secrets).
L’armée, elle aussi, a constitué son lobby,
qui fait la politique de la France à Djibouti ou au Tchad.
Sans oublier les différents services qui se bagarrent entre
eux : la DGSE, bien entendu, première installée en
Afrique auprès de chaque présidence, mais concurrencée
par la DST notamment au Maghreb, au Soudan, au Burkina Faso, au
Gabon..., qui au nom du danger de l’immigration se mêle
des affaires intérieures d’un certain nombre de pays
africains. Enfin la direction du renseignement militaire qui a joué
un rôle majeur dans la désinformation au Rwanda, et
la sécurité militaire, DPSD, chargée de contrôler
les mercenaires et les trafiquants d’armes.
Voilà comment, après plusieurs années, on
en est arrivé à une décomposition en une douzaine
de réseaux et de lobbies. Avec des alliances conjoncturelles
ou durables comme celle des réseaux Mitterrand et Pasqua,
autour d’un certain nombre de motivations : chantage ; gestion
des flux parallèles ; détournement de navires d’exportation
; constitution de l’empire des jeux de la "Corsafrique"
qui est un vecteur de blanchiment important ; trafics de fausses
monnaies, de drogues ...
Si on remonte dans les motivations, il y a aussi le partage de
la rente ou le copinage entre militaires africains ou français
formés aux mêmes écoles. Et les schémas
géopolitiques, très importants, comme ce qu’on
a appelé le syndrome de Fachoda : la pensée selon
laquelle tout ce qui peut arriver de mauvais pour la France en Afrique
vient d’un complot des Anglo-saxons. Une obsession de Mitterrand,
depuis l’assassinat d’Olympio au Togo jusqu’à
l’affaire du Rwanda... Il y a aussi la grande politique arabe
: on s’allie avec le Soudan, régime intégriste
et raciste, responsable de la mort de près de 2 millions
de personnes dans une guerre civile impitoyable.
Tout ce système compliqué, que j’appelle la
partie immergée de l’iceberg, a eu tendance à
s’enfoncer depuis 3 ou 4 ans. On est passé de la Françafrique
à la "Mafiafrique", que révèlent
les dernières affaires. Pour donner une idée de cet
enfoncement, je passerai brièvement du Rwanda au Congo-Brazzaville.
De la françafrique à la mafiafrique
Au Rwanda, dans les années 1990, grâce à des
commandos actions de la DGSE, soit à peu près un millier
d’hommes, la France a formé des troupes d’élite
capables d’opérer de manière déguisée,
comprenez déguisées en mercenaires. Un commandement
des opérations spéciales a été créé,
dépendant directement de l’Elysée. C’est
une sorte de garde présidentielle "à l’africaine",
qui permet de mener des guerres secrètes en Afrique sans
interventions officielles. C’est ce qui s’est passé
au Rwanda, en 1992-93, comme l’a reconnu la mission d’information
parlementaire.
Jacques Chirac, quand il accède à la présidence,
hérite de cette garde présidentielle et l’utilise
en 1997-98 dans la guerre civile au Congo Brazzaville. Là,
nous avons vu des soldats français déguisés
en mercenaires. Le ministre Charles Josselin l’a reconnu dans
Jeune Afrique, en disant : "Il y a beaucoup de confusion au
Congo-Brazzaville parce que trop de mercenaires français
ont à peine eu le temps de quitter l’uniforme qu’ils
portaient hier"...
Et puis il y a le recours croissant aux vrais mercenaires. Tous
sont recrutés dans les milieux d’extrême-droite,
notamment dans le DPS, la garde présidentielle de Le Pen,
qui comportait un millier d’hommes, anciens militaires, gendarmes
ou policiers pour l’essentiel, et qui s’est divisée
en deux, à part égale avec le DPA pour Bruno Mégret.
Ce sont deux réservoirs qui demeurent fonctionnels.
Je ne résiste pas ici au plaisir de vous raconter une histoire
illustrative de la Françafrique, celle de Bernard Courcelle.
Au début des années 1980, il est un officier de la
sécurité militaire, la DPSD. Collègue de Bruno
Gollnish, il est chargé du contrôle des mercenaires
et du trafic d’armes. Pour mieux contrôler les mercenaires,
il crée une société de mercenaires avec son
frère. Ensuite, il passe à la sécurité
du groupe Luchaire qui se livrait à des trafics d’armes
avec l’Iran et l’Irak.
Peu après, de 1989 à 1993, Bernard Courcelle devient
responsable de la sécurité du musée d’Orsay,
en somme garde du corps de Mme Anne Pingeot, Mme "Mitterrand
bis", qui en était la conservatrice. Quand vous savez
les millions dépensés par Mitterrand pour protéger
l’intimité de sa vie privée, vous imaginez bien
que cette fonction n’était pas attribuée à
quelqu’un qui était éloigné du pouvoir.
1993, Courcelles est promu directeur de la garde présidentielle
de Le Pen. Monsieur DPSD passe au DPS, où il y a mille hommes
disponibles pour les aventures mercenaires. Il y reste jusqu’en
1999. Là il devient directeur de la garde présidentielle
de Denis Sassou Nguesso, le dictateur rétabli par la Françafrique
qui venait de commettre une série de crimes contre l’humanité.
Et deux ou trois mois plus tard, Bernard Courcelles se retrouve
à la direction de la sécurité des installations
pétrolières du port de Pointe Noire, élément
majeur de la politique pétrolière française
en Afrique.
Ce circuit montre des mélanges qui ne peuvent s’expliquer
que parce que les fonctionnements sous-terrains de la Françafrique
n’ont rien à voir avec ceux présentés
en surface. Autre exemple de ce décalage : à partir
de 1990, on se met à parler de la Françafrique. La
Coopération française va donc créer des zones
de transparence pour que tout peuple africain puisse bénéficier
des mérites de la démocratie. Dans une cinquantaine
d’élections majeures, les gens se sont mobilisés
d’une manière extraordinaire pour renverser leurs tyrans.
Mais pendant ce temps, une autre coopération a été
envoyée pour installer des logiciels de centralisation des
résultats, une partie de ces coopérants étaient
issus de la Mairie de Paris et tout à fait formés
en la matière... Et dans cinquante élections majeures,
à part 2 ou 3 au début où le système
a été pris par surprise, et 2 ou 3 à la fin
(Niger, Guinée Bissau, Sénégal) où les
Africains ont commencé à trouver des parades, le résultat
a été à l’opposé de la volonté
des populations : les gens votaient pour éliminer le potentat,
et ils se sont retrouvé au contraire avec une légitimation
du potentat.
J’en viens à présent au Congo Brazzaville,
objet du titre "Noir Silence".
Au Congo Brazzaville
En 1990 un mouvement populaire renverse le dictateur Sassou Nguesso.
Une constitution est votée presque à l’unanimité,
un président est élu. Celui-ci a le malheur de demander
33 % de royalties sur le pétrole au lieu des 17 % de Sassous
Nguesso : un quasi doublement. On peut dire que c’est un crime
de lèse Françafrique. Dès lors, les réseaux
s’activent pour préparer le retour au pouvoir de Sassou
Nguesso, au terme d’une sanglante guerre civile.
Récemment, Jean-Charles Marchiani a fait un aveu époustouflant
dans Le Monde : il a déclaré que la négociation
qu’il avait menée au nom du ministre de l’Intérieur
avec l’Angola avait pour but le renforcement de l’action
de la France dans cette région et pour résultat l’intervention
militaire de l’Angola dans les deux Congo. Autrement dit,
alors que la France déclare une politique de non-ingérence,
elle arme l’Angola pour intervenir dans deux des plus sanglantes
guerres civiles d’Afrique. C’est extraordinaire, et
je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’avantage
de gens pour relever cet aveu fantastique.
Donc, via ses vrais faux mercenaires, via la présence d’un
contingent angolais, d’un contingent tchadien jouant les tirailleurs
sénégalais, via la présence de génocidaires
du Rwanda et de résidus de la garde de Mobutu, la France
a renversé le régime qui avait été installé
au terme du processus démocratique. Tout cela est relativement
commun. Mais comme le nouveau régime de Sassous Nguesso a
recommencé son pillage et ses persécutions, la guerre
civile a redémarré fin 1998. Entre la fin 1998 et
la fin 1999, il y a eu au Congo-Brazzaville dans une guerre pilotée
depuis l’Elysée, plus de morts et de viols qu’au
Kosovo, en Tchétchénie et à Timor-Est réunis.
Regardez la couverture médiatique de ces trois événements,
les milliers de pages qui y ont été consacrées,
voyez à présent ce que vous avez pu lire sur le Congo
Brazzaville... Durant cette guerre terrible, il y a eu aussi des
dizaines de milliers de viols systématiques à caractère
ethnique. Quasiment rien dans la presse. Pourquoi ? Tous les reporters
ont été dissuadés de s’y rendre. Des
équipes en ont été empêchées.
Il s’est abattu un "noir silence" total sur une
guerre qui a détruit un pays et qui a comporté au
moins quatre crimes contre l’humanité successifs.
Passons à présent à l’Angola, brièvement.
Angola
Dans ce pays, on est en train de passer à la "Mafiafrique".
Depuis son accession à l’indépendance il y a
25 ans, règne une guerre civile épouvantable, qui
a fait plus de 500 000 morts. Dans ce pays, Le Floch-Prigent a avoué,
et on dispose de témoignages sur ce point, que l’on
avait aidé les deux côtés de la guerre. Evidemment,
dans ces conditions, une guerre peut durer longtemps.
L’Angola, c’est le Koweit du XXIe siècle, on
y trouve les plus grands gisements d’Afrique. On se donne
donc les moyens de les contrôler. Là il n’est
plus questions de syndrôme de Fachoda : il y a 45 % pour Elf-Totalfina
et 45 % pour une compagnie anglo-saxonne. Et puis 10 % pour une
société qui va s’appeler, par exemple, Falcon-Oil.
Monsieur Falcone, qui n’est pas plus pétrolier que
vous et moi, enlève son "e", met "oil"
à la fin, et il a 10 % d’un des plus gros gisements
de la planète. Autrement dit, la vente des armes est programmée
dans l’exploitation pétrolière.
Donc, aujourd’hui, la programmation des ventes de biens et
services militaires est clairement liée à la découverte
du pétrole. Quand vous regardez de près, quand vous
observez qui sont ceux qui dirigent véritablement les compagnies
pétrolières, vous vous rendez compte qu’il y
a un mélange extrêmement troublant entre des vendeurs
de pétroles et des gens qui sont en fait des vendeurs d’armes.
C’est pourquoi l’affaire Elf est d’abord une affaire
de ventes d’armes (Sirven était plus un vendeur d’armes
que de pétrole). Et je pourrai vous donner tout un tas d’autres
noms que vous connaissez moins : Pierre Lautier, Etienne Leandri,
etc. Tout un tas de gens qui sont plus vendeurs d’armes, et
qui sont aussi membres des services secrets ou honorables correspondants
des services secrets.
Vous avez ainsi un triptyque : vente d’armes / vente de pétrole
/ services secrets. Avec lui, non seulement c’est une calamité
de découvrir du pétrole, car l’argent du pétrole
se convertit aussitôt en armes et entretient la guerre civile,
mais en même temps, tout ça sert à constituer
des cagnottes pour les services secrets, qui leur permettent de
mener leurs guerres secrètes et de s’enrichir.
Comme dirait Alfred Sirven, dont on a découvert 3 milliards
en Suisse qui sont une petite partie de l’argent brassé
: "J’ai de quoi faire sauter vingt fois la classe politique
française". Au bout de quarante ans de méthodes
de voyou mises en place dans le système Foccart pour contrôler
l’Afrique, les gens sont devenus de vrais voyous, ils n’obéissent
plus à la raison d’Etat. Ils commandent aux politiques
en ayant les moyens de les faire chanter. On a complètement
inversé la situation. Et je ne vous parle pas des journalistes,
mais vous imaginez que ces gens-là ont les moyens de faire
pression sur un certain nombre d’entre eux. Ils ont vraiment
beaucoup d’argent. Falcone est milliardaire, Gaydamac multimilliardaire,
etc.
J’en viens aux branchements de la "Mafiafrique",
à savoir que ce système parallèle qui contribue
au pillage de l’Afrique se croise maintenant dans des pays
comme l’Angola avec des systèmes analogues américains,
britanniques, sud-africains, brésiliens, russes, israéliens
etc.
La Mafiafrique
Par exemple, M Gaydamac travaille étroitement avec les services
russes et les services israéliens. A partir de 1985, le KGB
et une partie de la Nomenklatura russe ont commencé à
établir des comptes financiers en Suisse et à l’extérieur.
Après la chute du mur de Berlin, on a vendu à vil
prix les stocks de pétrole, d’aluminium, d’engrais
(gigantesques), les armes russes, les créances russes, les
diamants..., on les a vendus parfois au dixième de leur valeur,
et toutes ces ventes bradées ont constitué une cagnotte
gigantesque à l’extérieur de la Russie qu’on
peut chiffrer bien au-delà d’une centaine de milliards
de francs.
Eh bien cet argent est en train de permettre à certains
de prendre le contrôle d’une partie du marché
des diamants, très lié aux guerres civiles. Il rentre
ainsi en connexion, en Angola, avec les méthodes des services
secrets français et américains.
Dans la Françafrique, il faut aussi noter l’importance
de la Grande Loge Nationale Française, héritière
des lobbies coloniaux. c’est une obédience franc-maçonne
très à droite. Je précise que nous n’avons
rien contre la franc-maçonnerie qui a joué un rôle
éminent dans l’institution de la République
et dans la conquête des droits sociaux en France. Mais il
y a au moins une obédience qui a largement dérapé
et il y a eu, dans les autres obédiences, des dérapages
par intérêt personnel ou parce que les services secrets
ont toujours été tentés d’infiltrer ce
cercle d’initiés. Mais la plupart des potentats africains
sont à la GLNF : Idriss Deby, du Tchad, Sassou Nguesso, du
Congo-Brazzaville, Bongo, Compaoré, le général
Gueï, etc. Le démocrate récemment élu
au Niger va s’y faire initier sous peu - apparemment, il ne
pourrait survivre sans cela -, Michel Roussin, comme Jacques Godfrain,
ex-ministres de la Coopération, y sont aussi, de même
que la plupart des grands corrupteurs français de ces derniers
temps : Méry, Pacary, Crozemarie, Schuller. L’état-major
de TF1 est aussi à la GLNF, nombre de responsables des services
spéciaux français sont à la GLNF, Sirven y
était aussi, on ne pouvait accéder au commandement
des troupes coloniales marines qu’en y étant, etc.
Tout cela fait un croisement important. La GLNF se flatte sur son
site d’avoir recruté les 200 principales personnalités
gabonaises. C’est un peu le cœur de la Françafrique.
Un certain nombre de médias, de juges, de magistrats, d’experts
sont aussi sous sa coupe. Tout cela fait un petit peu problème
pour la République. Alors j’avance...
On a un système parallèle qui a largement dégénéré
: au lieu d’être centralisé, il est composé
désormais d’une douzaine de réseaux et de lobbies
fortement rattachés à l’appareil d’Etat,
puisque les vrais faux mercenaires dépendent directement
de l’Elysée et un certain nombre d’entreprises
impliquées sont très fortement en lien avec les pouvoirs
publics. Donc on a ce système parallèle qui en croise
d’autres, dans d’autres pays, le tout facilité
par la montée des paradis fiscaux et l’impunité
totale de la criminalité financière.
Comme l’explique le juge Van Ruymbecke, un mafieux peut en
24 heures faire quatre virements par quatre paradis fiscaux. Il
faut deux ans et demi en moyenne au juge pour remonter un virement,
donc dix ans pour remonter ce qu’un mafieux a fait en 24 heures.
Par conséquent, aujourd’hui, devant la grande criminalité
internationale, la justice est totalement impuissante. Ils sont
assurés de l’impunité, ce qui ne vous apparaît
peut-être pas puisqu’on ne parle que des affaires. Mais
il ne faut pas oublier que comme dans toutes les mafias, un clan
de temps en temps balance l’autre, et que si les juges s’en
sortent, c’est parce qu’ils trouvent dans leur boîte
aux lettres le numéro de compte de l’adversaire, sans
quoi ils n’auraient aucune chance. Devant ce type de phénomène,
les points de rencontre entre les développements considérables
de ces cagnottes parallèles sont en train d’exploser,
et ce ne sont plus les Etats qui gouvernent les services secrets,
ce sont certains anciens des services secrets qui gouvernent les
Etats. On est donc devant des défis extraordinaires pour
la démocratie et aussi pour la presse. J’y viens maintenant.
La presse et la Françafrique
Au départ, c’est assez simple à comprendre.
Cette Françafrique mise en place par des gens qui appartiennent
aux services secrets est un domaine réservé, quasi
militaire. Que fait-on dans les domaines militaires ? Depuis toujours,
de la désinformation. C’est une arme essentielle de
la guerre.
Depuis toujours, les responsables des services secrets sont chargés
de contrôler étroitement ce qui se passe dans différents
pays. Si vous lisez les mémoires de Claude Silberzahn ancien
directeur de la DGSE, ou d’Yves Bonnet, ancien directeur de
la DST, il y a plusieurs pages où ils nomment leurs amis
dans la presse, certains dans le plus célèbre des
quotidiens français. Et ils expliquent comment on peut faire
ami-ami avec certains journalistes pour faire passer discrètement
les thèses de leurs services. Il y a donc une stratégie
permanente.
Certains ont ainsi fait l’étymologie du terme "khmers
noirs", montrant comment à partir de 1993, les services
ont distillé dans quelques médias choisis cette notion,
qui visait à diaboliser le FPR et les Tutsis et qui a concouru
à préparer le génocide. Vous avez donc une
manipulation courante des médias.
La France est le seul pays démocratique, à ma connaissance,
qui a une police des médias : il existe 57000 fiches de journalistes
au RG. Je ne comprends pas que la presse tolère ça.
C’est quelque chose d’insupportable. Dans ces fiches,
on trouve évidemment tous les petits problèmes personnels
des gens, leurs problèmes d’impôts... Moyennant
quoi, un certain nombre de journalistes peuvent être discrètement
tenus. Rappelez-vous un épisode formidable, il y a quelques
jours, sur TF1. Quand PPDA a osé parler de blanchiment, Charles
Pasqua a répondu : "M Poivre d’Arvor, si je n’étais
pas votre ami, je vous répondrais sur un autre ton. Rappelez-vous
que j’ai été deux fois ministre de l’Intérieur."
Publiquement ! Comprenne qui pourra !
Ces moyens de chantage sont importants. Une journaliste spécialisée
sur les questions africaines me disait un jour : il y a trois moyens
de tenir les journalistes spécialisés sur l’Afrique,
qui sont relativement peu nombreux. Il y a l’argent, le sexe
et l’alcool. Parfois les trois ensemble. Des moyens classiques,
souvent les bons. Il en existe un quatrième : le dopage.
Sachant qu’il est très difficile d’avoir des
informations sur ces questions, vous procurez à des journalistes
que vous choisissez des informations de premier ordre, des "scoops".
Ces journalistes deviennent des ténors de l’information,
mais si vous ne leur fournissez plus d’informations, ils sont
en manque.
Bien entendu l’un des principes de base de la désinformation,
c’est qu’il faut avoir de la très bonne information.
Donc les désinformateurs sont ceux chez lesquels on trouve
en permanence la meilleure des informations.
Vous avez aussi les journalistes au service de tel ou tel clan
de la Françafrique. Vous repérez à un moment
donné qu’ils tirent toujours sur le même clan,
ce qui signifie qu’ils sont alimentés par le clan adverse.
C’est un peu comme pour l’affaire Elf. Il faut savoir
que chacun des journalistes très bien renseignés a
en fait accès au dossier par l’avocat de l’une
des parties. Donc il va tout balancer sauf ce qui concerne sa partie.
Dans un autre journal, vous avez un autre avocat, etc. Donc vous
pouvez repérer un certain nombre de biais. Cela, c’est
du décryptage élémentaire des médias.
Mais parfois, cela va plus loin. Comme dans l’affaire du
Rwanda, où il y a eu des cas de désinformation extraordinaires
[1]. Au Congo, cette désinformation est allée jusqu’à
censurer quasiment une guerre civile. Seul un journaliste a réussi
à s’y rendre, de Témoignage Chrétien,
et quand il est revenu, on s’est arrangé pour faire
sombrer son papier et l’étouffer de manière
sordide. TF1 a voulu envoyer une équipe, elle a été
décommandée à la dernière minute.
Autre cas bien connu. Mon éditeur Laurent Beccaria a travaillé
avec une journaliste, Dominique Lorentz, qui a découvert
que l’ensemble de l’affaire des prises d’otages
et des attentats à Paris dans les années 1980 était
un chantage permanent de l’Iran pour obtenir l’uranium
enrichi promis au shah à la fin des années 1970 de
manière à disposer de la bombe atomique. Elle explique
comment Chirac et Mitterrand ont cédé au chantage,
tandis que Michel Barouin, qui s’y opposait, a été
supprimé pour cela. Dominique Lorentz, dans "Une Guerre",
explique aussi comment l’uranium enrichi est parti du Gabon.
Ce livre a reçu les éloges des plus grandsexperts.Quand
Laurent Beccaria est arrivé chez son patron de chez Stock,
Claude Durand, qui avait pris l’avis de Lagardère,
il lui a dit : ce livre est imparable, mais impubliable. Il ne faut
pas casser la machine. Donc Beccaria est parti imprimer ce livre
en Espagne. Il a fondé sa maison d’éditions,
les Arènes, il a tiré "Une Guerre" à
10 000 exemplaires partis comme des bouchées de pain : le
tout Paris renseigné l’a lu. Eh bien il y a eu huit
articles préparés dans les plus grands médias,
ils ont tous été bloqués. Ce livre majeur pour
comprendre un élément très important de l’histoire
de France des années 1980 a été totalement
censuré. A ma connaissance, seul un journaliste, Mathieu
Aron, en a parlé sur France Info, ainsi qu’un journal
féminin. Tout le reste a été censuré.
Connaissez-vous une démocratie occidentale où, sur
un livre aussi important, on est capable de faire un silence total
? On aurait pu très bien démolir ce livre. On aurait
pu dire : ce livre ne vaut rien. Non. Le silence total ! On est
face à une capacité de pression absolument exceptionnelle.
Pour finir, je voudrais faire un sort rapide à la presse
franco-africaine : D’abord Jeune Afrique. Son directeur Béchir
Ben Yahmed a avoué que depuis le début des années
1980, il mangeait tous les mois avec Jacques Foccart. Cela s’est
tellement bien passé que Foccart a fait de Jeune Afrique
le légataire universel de ses œuvres. Ça annonce
la couleur... D’après ce que j’ai pu comprendre,
Jeune Afrique est peut-être plus riche des articles qu’il
n’a pas publiés que de ceux qu’il a publiés.
C’est-à-dire que ces excellents articles étaient
soumis à ceux qui étaient visés, et remisés,
moyennant sans doute des compensations. Vous avez ainsi dans Jeune
Afrique, en permanence, des publi-reportages extrêmement coûteux.
Jeune Afrique a donc souvent été partie prenante dans
les mauvaises causes. Mais ce magazine suit le mouvement, c’est-à-dire
que, de temps en temps, il se pose en révolutionnaire : une
tactique habituelle.
Africa international a été fondé par deux
éminences de la Françafrique, Jean-Yves Ollivier,
qui a joué et qui joue encore un rôle majeur dans toute
cette histoire, et le colonel Léthier, ancien numéro
deux de la DGSE, qu’on trouve au cœur d’un certain
nombre d’opérations d’Elf.
Le nouvel Afrique Asie, journal révolutionnaire, doit parfois
concéder à certains tyrans notoires car il faut bien
vivre...
Donc c’est assez difficile de se faire une idée de
ce qui se passe en Afrique dans la presse spécialisée.
L’activité de Survie
Et nous, à Survie, comment travaillons-nous ? Nous croisons
quatre sources. D’abord l’ensemble de la presse et de
la documentation française. Quand on connaît le pedigree
et la généalogie de l’ensemble des journalistes,
on repère qu’il y en a une quinzaine qui, malgré
toutes ces conditions défavorables, malgré parfois
leur rédaction, font magnifiquement leur travail. Les meilleurs
articles sortis depuis dix ans sur la Françafrique ont été
publiés par Patrick de Saint-Exupéry dans le Figaro.
Car il ne faut pas faire de manichéisme : il y a des journalistes
libres dans tous les médias. Un journaliste m’a accueilli
pendant une heure sur LCI la chaîne de Bouygues, pour parler
de la Françafrique. Au milieu j’ai parlé, parmi
les réseaux, de Bouyues. Je me suis quand même excusé
à la fin en lui disant que j’étais désolé
parce que j’allais sans doute lui attirer des ennuis. Il m’a
dit : "Bof ! Tant que je suis là, je suis là".
Il a fini par être viré, mais il y a des gens courageux.
Donc ne soyons pas manichéens, car la liberté existe
et il y a des gens qui l’exercent tous les jours et que l’on
peut repérer.
On peut aussi repérer les désinformateurs. A condition
d’y aller avec des pincettes, on trouvera aussi chez eux de
la très bonne information. Quand M Silberzahn dit que Jacques
Isnard, qui rend compte des questions militaires dans Le Monde et
qui cite en permanence ses sources dans les services secrets, est
un très bon ami, ce que dit Isnard n’est peut-être
pas vérité d’évangile mais pour connaître
le point de vue de la DGSE, c’est excellent.
Donc vous trouvez pas mal de choses dans la presse française,
mais c’est insuffisant. Il faut la croiser avec la presse
étrangère qui a d’autres biais. Il y a les presses
belge, anglaise, américaine, sud-africaine, d’autres
pays d’Afrique...
Nous avons aussi un réseau de correspondants que nous avons
tissé : experts, journalistes, responsables d’associations
à travers le monde avec qui nous confrontons nos informations.
Et puis il y a une source énorme d’informations, c’est
le millier d’Africains qui, eux, ne peuvent publier, sinon
au risque de leur vie, et qui viennent auprès de ceux qui
veulent parler, fournir un certain nombre de choses.
Bien entendu, ce n’est pas non plus une source entièrement
fiable, mais quand vous la croisez avec les autres, vous repérez
des informations viables. Et tout ça finit par faire une
force d’informations non négligeable. Vous savez, bien
que j’aie intitulé ce livre "Noir silence"
en avril 2000, parce que nous étions persuadé qu’il
y aurait un boycott total dans les médias, ce qui n’a
pas manqué de se produire, à deux exceptions près
(RFI et France Culture), eh bien quand les affaires ont éclaté,
un certain nombre de journalistes non spécialistes de l’Afrique
se sont rendus compte que c’était bizarre : la liste
des mises en examens ressemblait à l’index de "Noir
Silence" ! A partir de là, on a commencé à
parler du livre un peu partout...
[*] titres et sous-titres d’Acrimed
[1] cf. Le Monde, un contre-pouvoir ?, de Jean-Paul Gouteux, ed.
L’Esprit frappeur, 1999.
Françafrique : les médias complices ? (3)
avril 2001
http://www.acrimed.org/article220.html
RELAXE POUR "NOIR SILENCE" !
François-Xavier Verschave, président de l’association
"Survie" et auteur du livre Noir Silence (éditions
Les Arènes, 2000), était poursuivi par trois présidents
africains, Omar Bongo, Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso
(défendus par Me Jacques Vergès), qui avait déposé
plainte pour "offense à Chef d’Etat étranger.
Ci-desssous l’épilogue de cette « affaire ».
Relaxe pour Noir silence !
Communiqué Survie - Les Arènes
Pas d’offense à chefs d’État dans cette
dénonciation de la Françafrique !
Par une décision historique, la 17e chambre reconnaît
le droit à une association (Survie) et un éditeur
(les arènes) d’évoquer les crimes de 3 dictateurs
africains. La 17e chambre, sous la présidence de Jean-Yves
Montfort, a relaxé ce mercredi 25 avril l’auteur, François-Xavier
Verschave (président de Survie) et l’éditeur,
Laurent Beccaria (gérant des Arènes), du livre Noir
silence. Ceux-ci étaient accusés d’" offense
à chef d’Etat " par trois autocrates africains,
le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Tchadien Idriss Déby
et le Gabonais Omar Bongo. Le premier était qualifié,
entre autres, de responsable de " crimes contre l’humanité
", le second d’" assassin invétéré
", familier du faux-monnayage, et le troisième de "
parrain régional ", à la tête d’une
" démocrature prédatrice ". Sans entrer
dans le débat de fond, le tribunal a disqualifié cette
plainte en considérant que le délit d’offense
à chef d’État étranger était incompatible
avec les articles 6 et 10 de la Convention européenne des
droits de l’homme.
Il s’agit d’un jugement historique. Mussolini, Hitler
et Duvalier ont gagné les procédures qu’ils
avaient enclenchées contre les auteurs de semblables délits.
" L’offense à chef d’État "
est un héritage du crime de lèse-majesté. Instituée
en 1881, par l’article 36 de la loi sur la presse, elle a
toujours entraîné la condamnation des inculpés.
Les avocats des accusés, Mes William Bourdon, Antoine Comte,
Francis N’Thepe et Vincent Toledano, ont su brillamment inverser
la tendance.
Au moment où la France vient de ratifier les statuts de
la Cour pénale internationale, le tribunal a estimé
qu’il devenait difficile d’empêcher des militants
associatifs de désigner les responsables de crimes contre
l’humanité. Ni les brasseurs d’argent sale alors
qu’est universellement dénoncée la montée
de la criminalité financière. C’est une décision
courageuse, dans la grande tradition répu-blicaine. Les Africains
qui, au péril de leur vie, sont venus exposer ce qui se passait
dans leurs pays, se sentent moins seuls. Une condamnation aurait
accru les menaces qui ont déjà pesé sur certains
d’entre eux, ou leurs proches.
Déjà vendu à plus de 30 000 exemplaires, Noir
silence va pouvoir continuer de susciter le débat, d’éclairer
les citoyens français et africains sur l’arrière-plan
des "affaires" en cours (Elf, Falcone, Gaydamak, Sirven,
Pasqua, Mitterrand, etc.), et leur interconnexion. L’enregistrement
sténotypé de ce procès historique paraîtra
le 19 mai aux Arènes, sous le titre Noir procès (400
p., 128 F). Nul doute que ce nouveau livre se répandra en
Afrique comme une traînée de poudre.
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