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Petit vocabulaire foucaldien

Origine : http://www.scienceshumaines.com/articleprint2.php?lg=fr&id_article=14333

Article de la rubrique « Foucault, Derrida, Deleuze : Pensées rebelles » N° Spécial N° 3 - Mai -Juin 2005 Foucault, Derrida, Deleuze : Pensées rebelles

Petit vocabulaire foucaldien

Archéologie du savoir

Dans l'Histoire de la folie à l'âge classique (1961) tout comme dans Les Mots et les Choses (1966), Michel Foucault ne prétend pas faire une histoire au sens classique du terme. Il préfère parler d'une « archéologie », comme l'indique Les Mots et les Choses, sous-titré « Une archéologie des sciences humaines ». Cette approche vise à dégager les conditions d'apparition d'un discours, ses fondations. L'archive est ici le matériau privilégié.

Biopolitique

Ce terme rend compte de la mutation qui a lieu selon M. Foucault au tournant de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle : le pouvoir ne vise plus alors seulement à gouverner des individus mais des populations à travers la gestion de la santé, de l'hygiène, de la sexualité, de la natalité. La gestion de la « vie » est devenue un objet politique comme l'attestent les mesures dites de santé publique.

Discours

Le « discours » sur la folie, la prison ou la sexualité, M. Foucault le trouve dans les ouvrages scientifiques, les manuels didactiques, les textes de lois qui régissent le domaine envisagé. Il ne s'agit pas forcément de l'opinion commune, ni d'une théorie propre à tel ou tel auteur, mais d'un corpus de textes à visée scientifique ou pédagogique qui s'insère dans des cadres de pensée propres à une époque.

Épistémè

M. Foucault appelle épistémè le socle sur lequel s'articulent les connaissances, autrement dit les cadres généraux de la pensée propres à une époque (à ce titre cette notion est proche de celle de « paradigme » introduite par le philosophe des sciences Thomas S. Kuhn). Dans Les Mots et les Choses, M. Foucault soutient que l'histoire du savoir dans la pensée occidentale après le Moyen Age n'est pas linéaire et connaît deux grandes discontinuités : l'une vers le milieu du XVIIe siècle, qui donne naissance

à l'âge classique, et l'autre au début du XIXe siècle, qui inaugure notre modernité. Depuis le Moyen Age, on peut donc distinguer trois épistémès. Jusqu'à la fin du XVIe siècle, l'étude du monde repose sur la ressemblance et l'interprétation. Un renversement se produit au milieu du XVIIe siècle : la ressemblance n'est plus la base du savoir car elle peut être cause d'erreur. Une nouvelle épistémè apparaît, reposant sur la représentation et l'ordre, où le langage occupe une place privilégiée. Il s'agit désormais de trouver un ordre dans le monde et de répartir les objets selon des classifications formelles, tel le système de Carl von Linné qui s'attache à classer les espèces animales et végétales. Mais cet ordre va lui-même être balayé au début du XIXe siècle par une autre épistémè, placée sous le signe de l'histoire. La philologie succède ainsi à la grammaire générale tandis que la notion d'évolution prend une place centrale, notamment dans l'étude des êtres vivants... L'historicité s'est immiscée dans tous les savoirs. Or cette épistémè de la modernité voit apparaître pour la première fois la figure de l'homme dans le champ du savoir avec les sciences humaines.

Gouvernementalité

Cette notion apparaît à partir de 1978 dans les cours que M. Foucault donne au Collège de France. Il désigne le nouvel art de gouverner, qui apparaît entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle, dont le pouvoir a pour champ d'application le fonctionnement de l'Etat et s'appuie sur une technologie politico-militaire et une police. « Par gouvernementalité, j'entends l'ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d'exercer cette forme bien spécifique, bien que complexe, de pouvoir, qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l'économie politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité » (« La gouvernementalité », cours au Collège de France, 1977-1978 : « Sécurité, territoire, population », 4e leçon, 1er février 1978).

Mort de l'homme

Dans Les Mots et les Choses, M. Foucault fit scandale en annonçant une probable « mort de l'homme », lequel serait destiné à s'effacer « comme à la limite de la mer un visage de sable ». Bien entendu, il ne s'agit pas pour M. Foucault d'annoncer la mort de l'espèce humaine mais de marquer le fait que l'homme en tant qu'il est l'objet des sciences humaines est d'invention récente et s'inscrit dans l'épistémè de la modernité. Cet « antihumanisme » fit scandale et le rapprochait du structuralisme, lequel critiquait lui aussi de manière radicale les philosophies qui, de René Descartes à Jean-Paul Sartre, appréhendaient le sujet comme une conscience libre, autoconstituée et anhistorique. Contre ces philosophies du sujet, M. Foucault entend montrer comment l'homme se constitue au contraire dans l'histoire, à travers des savoirs, des discours, des techniques de connaissances et des pratiques de pouvoir : « L'homme n'est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain. (...). L'homme est une invention dont l'archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine. »

Pouvoir

Ce terme n'est pas conçu par M. Foucault comme l'attribut exclusif de l'Etat ou d'un groupe d'hommes. Le pouvoir est, selon lui, diffus et non localisable en un lieu précis. Il faut penser en termes de « micropouvoirs », lesquels sont observables partout, de l'école à la famille en passant par les ateliers, les prisons ou l'armée. Là réside également leur force : le pouvoir est omniprésent et il vient de partout à tout moment pour favoriser l'ordre public grâce à la surveillance et au dressage.

Société disciplinaire

Dans toute l'Europe au début du XIXe siècle, le supplice disparaît et laisse la place à un calcul savant des peines : « Ce n'est plus le corps supplicié, mais le corps assujetti à travers lequel on vise le contrôle des âmes. » Naît un véritable pouvoir disciplinaire pliant tout à la fois les âmes et les corps, que ce soit à la prison mais aussi à l'école, à la caserne, à l'hôpital ou à l'atelier. Bien plus, toute relation de pouvoir a pour corrélat la constitution d'un champ de savoir, qui suppose et permet cette relation de pouvoir. La société disciplinaire a donc ainsi donné naissance aux sciences sociales : psychologie, psychiatrie, criminologie... et a institué « le règne universel du normatif » avec ses agents que sont le professeur, l'éducateur, le médecin et le policier qui repèrent et isolent les déviants.

Souci de soi

Ce concept apparaît chez M. Foucault tardivement, au début des années 80. Il désigne les techniques que met en oeuvre un individu pour se construire et se transformer. M. Foucault, dans l'Histoire de la sexualité (3 tomes, 1976-1984), va montrer la rupture qui a lieu avec le christianisme : le souci de soi dans l'Antiquité ne vise pas à l'ascétisme en tant que tel mais à l'« apprentissage de soi par soi ». Plus encore, loin d'être source de péchés comme il tendra à l'être avec le christianisme (qui privilégie le renoncement à soi), le souci de soi n'est pas alors disjoint du souci des autres. Au contraire, pour gouverner les autres, il faut déjà savoir se gouverner soi-même.