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Origine : http://www.internatif.org/antenneassedic/
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INFORMATION SUR LE MOUVEMENT D'OCCUPATION DES CHOMEURS ET DES PRECAIRES
=== 5 mars 98 ============================================= N°12
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S O M M A I R E
ANTENNE ASSEDIC OCCUPEE SUR INTERNET
Adresse du site web d'occupation, d'orientation et d'archives de l'antenne
Assedic mobile :
FRANCE: http://www.internatif.org/antenneassedic ou USA : Ca bouge,
on cherche un miroir
1 er mars 1998
Depuis l'infirmerie de l'antenne Assedic sur l'Internet occupé,
"Victime" d'un délire "militant", j'ai
été "recruté" par "l'institution
psychiatrique" ou enfermé dans "la raison d'Etat".
INTERNEZ LES INTERNIAIS.
INTERNIET ? INTERNIET !
Tandis que les "AMIs" prennent peur, notre dynamique éclate.
Trois semaines coupé du monde et déjà 2500
courriers électroniques qui tous participent de "cette
petite musique dans le coeur qui fait danser la vie."
Pour que nos échanges fructifient, il faut y associer tous
ceux qui souhaitent "passer à l'Attac" mais qui
n'aiment pas ou n'ont pas d'accès aux ordinateurs.
Publier deux fois par mois et distribuer en kiosques "le courrier
électronique", magazine qui reprendrait nos échanges
sur l'Internet militant serait un bon moyen d'élargir encore
le réseau.
Coopérative, salaires égaux, bénéfices
reversés pour aider le financement et le fonctionnement des
"listes de diffusions citoyennes" ainsi que la promotion
de l'accès public aux moyens de télécommunication
pour tous, tel pourrait être le but et le fonctionnement de
cette publication.
(une maquette du" courrier électronique" est disponible
a partir de la page de liens de l'antenne Assedic)
Virgile laporte
Bonjour à toutes et à tous,
Je joins à ce message sous forme de fichier RTF, un texte de
Michel Foucault.
[je l'ai inclus en texte seul à la suite, rassurez-vous. NDW]
Pourquoi ?
Parce qu'à mon sens, il porte en lui l'essentiel de la question
et un début de réponse, pour ceux qui auraient oublié
les raisons profondes qui fondent un tel mouvement, ou se seraient
laissés enfermés dans l'enceinte trop médiatique,
trop politique qui veut que tout sera réglé une fois
que nous serons tous "occupés".
Pourquoi, encore ?
Parce que je pense que réduire ce mouvement à une
lutte contre le chômage, c'est continuer à se leurrer
et continuer à clamer les vertus du salariat.
Une dernière fois, pourquoi ?
Parce que la misère ne se justifie par aucune argumentation,
elle est inacceptable en soi et que nos dirigeants politico-éconmico-religieux
ont déjà re-imaginé, remis en service sous
une autre forme (dont la ressemblance est parfois plus que troublante)
un "traitement" cynique et meurtrier de la misère.
A la face de tous ces terroristes, Foucault lève une fois
encore le poing...
Deux suggestions :
- Recentrer l'action du mouvement des chômeurs sur des bases
historiques et ainsi se libérer des carcans médiatico-économico-politico-religieux
qui tendent à étouffer la voix de ceux qui n'acceptent
pas la misère ou la subissent chaque jour. Qui peut justifier
l'existence des faits que relate Foucault ? Qui peut effacer la
ressemblance troublante que ces fait ont avec ceux que vivent nombre
d'entre nous au quotidien ? Notre colère est historiquement
fondée, existe de toutes ses forces et nous pouvons prendre
solidement appui dessus pour empêcher que certains, maîtres
de l'histoire, ne puissent mettre en place leur programme d'appauvrissement,
d'asservissement, d'aliénation de la population.
- Renommer le mouvement dans le sens de ce qui précède
et lui donner une structure adéquate. Je reste, ici, volontairement
évasif car des gens comme Emma, Laporte ou Olivier et d'autres
dont les identités ne me viennent pas à l'esprit sont
plus calés que moi pour en parler.
Bonne lecture
Eliott
Début de la citation :
Le texte qui suit est un extrait du livre de Michel Foucault, "
Histoire de la folie ", Tel Gallimard, 1972, p.59.
"En décrivant les conditions d'internement des fous
au XVIIe siècle, par miroir, Foucault dévoile les
conditions d'existence des pauvres.
De la balle au bond et de siècle en siècle, sous nos
yeux va se produire le rebond irrésistible d'une histoire
que certains maîtrisent pour que d'autres, toujours plus nombreux,
la subissent.
Ce mouvement des chômeurs acceptera-t-il cette origine comme
la sienne propre ? Se l'appropriera-t-il et saura-t-il y prendre
appui ?
Et au nom de ses ancêtres ainsi retrouvés, en écho
à Foucault sous la plume duquel la colère jaillit
du rebond précédent à celui qui se prépare,
saura-t-il s'affranchir et organiser la résistance ?
Pour que l'histoire ne se répète plus semblable à
elle-même, pour qu'elle se libère de ceux qui la manipulent
et lui impriment un cycle infernal alternant aliénation,
génocide, épidémie, guerre. Et s'il était
encore temps...
"...On sait bien que le XVIIe siècle a créé
de vastes maisons d'internement ; on sait mal que plus d'un habitant
sur cent de la ville de Paris s'y est trouvé, en quelques
mois, enfermé. On sait bien que le pouvoir absolu a fait
usage des lettres de cachet, et de mesures d'emprisonnement arbitraires
; on sait moins bien quelle conscience juridique pouvait animer
ces pratiques.
Depuis Pinel, Tuke, Wagnitz, on sait que les fous, pendant un siècle
et demi, ont été mis au régime de cet internement,
et qu'un jour on les découvrira dans les salles de l'Hôpital
général, dans les cachots des maisons de force ; on
s'apercevra qu'ils étaient mêlés à la
population des Workhouses ou Zuchthäusern. Mais il n'est guère
arrivé qu'on précisât clairement quel y était
leur statut, ni quel sens avait ce voisinage qui semblait assigner
une même patrie aux pauvres, aux chômeurs, aux correctionnaires
et aux insensés. C'est entre les murs de l'internement que
Pinel et la psychiatrie du XIXe siècle rencontreront les
fous ; c'est là — ne l'oublions pas — qu'ils
les laisseront, non sans se faire gloire de les avoir "délivrés".
Depuis le milieu du XVIIe siècle, la folie a été
liée à cette terre de l'internement, et au geste qui
la lui désignait comme son lieu naturel.
Prenons les faits dans leur formulation la plus simple, puisque
l'internement des aliénés est la structure la plus
visible dans l'expérience classique de la folie, et puisque
c'est lui qui sera la pierre de scandale, lorsque cette expérience
viendra à disparaître de la culture européenne.
"
Je les ai vus nus, couverts de haillons, n'ayant que la paille pour
se garantir de la froide humidité du pavé sur lequel
ils sont étendus. Je les ai vus grossièrement nourris,
privés d'air pour respirer, d'eau pour étancher leur
soif, et des choses les plus nécessaires à la vie.
Je les ai vus livrés à de véritables geôliers,
abandonnés à leur brutale surveillance.
Je les ai vus dans des réduits étroits, sales, infects,
sans air, sans lumière, enfermés dans des antres où
l'on craindrait de renfermer des bêtes féroces, que
le luxe des gouvernements entretient à grand frais dans les
capitales ."
Une date peut servir de repère : 1656, décret de fondation,
à Paris, de l'Hôpital général. Au premier
regard, il s'agit seulement d'une réforme — à
peine, d'une réorganisation administrative. Divers établissements
qui existent déjà sont groupés sous une administration
unique : la Salpêtrière, reconstruite sous le règne
précédent pour abriter un arsenal , Bicêtre
que Louis XIII avait voulu donner à la commanderie de Saint-Louis
pour en faire une maison de retraite destinée aux invalides
de l'armée . " La maison et Hôpital tant de la
grande et petite Pitié, que du Refuge, sise au faubourg Saint-Victor,
la maison et Hôpital de Scipion, la maison de la Savonnerie,
avec tous les lieux, places, jardins, maisons et bâtiments
qui en dépendent ." Tous sont maintenant affectés
aux pauvres de Paris " de tous sexes, lieux et âges,
de quelque qualité et naissance, et en quelque état
qu'ils puissent être, valides ou invalides, malades ou convalescents,
curables ou incurables ". Il s'agit d'accueillir, de loger,
de nourrir ceux qui se présentent d'eux-mêmes, ou ceux
qui y sont envoyés d'autorité royale ou judiciaire
; il faut aussi veiller à la subsistance, à la bonne
tenue, à l'ordre général de ceux qui n'ont
pu y trouver place, mais pourraient ou mériteraient d'y être.
Ce soin est confié à des directeurs nommés
à vie, qui exercent leurs pouvoirs non seulement dans les
bâtiments de l'Hôpital, mais à travers la ville
de Paris sur tous ceux qui relèvent de leur juridiction :
" Ils ont tout pouvoir d'autorité, de direction, d'administration,
commerce, police, juridiction, correction, et châtiment sur
tous les pauvres de Paris, tant au-dehors qu'au-dedans de l'Hôpital
général ." Les directeurs nomment en outre un
médecin aux appointements de 1 000 livres par an ; il réside
à la Pitié, mais doit visiter chacune des maisons
de l'Hôpital, deux fois par semaine.
D'entrée de jeu, un fait est clair : l'Hôpital général
n'est pas un établissement médical. Il est plutôt
une structure semi-juridique, une sorte d'entité administrative
qui, à côté des pouvoirs déjà
constitués, et en dehors des tribunaux, décide, juge
et exécute. " Auront pour cet effet les directeurs :
poteaux, carcans, prisons et basses-fosses dans le dit Hôpital
général et lieux qui en dépendent comme ils
aviseront, sans que l'appel puisse être reçu des ordonnances
qui seront par eux rendues pour le dedans du dit Hôpital ;
et quant à celles qui interviendront pour le dehors, elles
seront exécutées pour leur forme et teneur nonobstant
oppositions ou appellations quelconques faites ou à faire
et sans préjudice d'icelles [celles-là], et pour lesquelles
nonobstant toutes défenses et prises à partie ne sera
différé ." Souveraineté quasi absolue,
juridiction sans appel, droit d'exécution contre lequel rien
ne peut prévaloir — l'Hôpital général
est un étrange pouvoir que le roi établit entre la
police et la justice, aux limites de la loi : le tiers ordre de
la répression. Les aliénés que Pinel a trouvés
à Bicêtre et à la Salpêtrière,
c'est à ce monde qu'ils appartenaient. (...)
La première origine du projet avait été parlementaire
, et les deux premiers chefs de direction qu'on avait alors désignés
étaient le premier président du Parlement et le procureur
général. Mais très vite, ils sont doublés
par l'archevêque de Paris, le président de la Cour
des aides, celui de la Cour des Comptes, le lieutenant de police
et le Prévôt des marchands. Dès lors le "Grand
Bureau" n'a plus guère de rôle que délibératif.
L'administration réelle et les véritables responsabilités
sont confiées à des gérants qui se recrutent
par cooptation. Ce sont eux les vrais gouverneurs, les délégués
du pouvoir royal et de la fortune bourgeoise auprès du monde
de la misère ."
-- Fin de la citation --
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