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Foucault par lui-même
Un film sur Arte


Origine : http://www.cndp.fr/tice/teledoc/actuel/mire_foucault.htm

Foucault par lui-même

Un documentaire de Philippe Calderon et François Ewald (2003), coproduit par BFC Productions et Arte France.
1 h 03 min
Arte jeudi 24 juin, 23 h 35

Le résumé
Comment traiter la pensée d’un philosophe, d’un intellectuel « par lui-même » s’il a disparu depuis vingt ans ? Philippe Calderon, dans ce documentaire, utilise deux moyens : des images d’archives d’émissions de télévision (Apostrophes, Lectures pour tous) ou d’enregistrement de séminaires (université de Louvain, Collège de France) avec Michel Foucault ; et des textes de l’auteur, lus en voix off sur des images d’archives (documentaire sur la maladie mentale) ou tournées aujourd’hui (au Muséum d’histoire naturelle). Ces images sont à la fois illustratives et, par le biais du travelling, assez porteuses du déploiement d’une pensée. Il n’en reste pas moins que le propos est complexe, dense : il n’est pas une explication de la pensée de Michel Foucault, mais plutôt sa présentation ou sa « révision » pour ceux qui l’ont un peu pratiquée. En somme, à accompagner pédagogiquement en classe, et sans doute à fractionner pour une compréhension optimale.

Pistes à suivre
[Philosophie, Tle L ; classes préparatoires ; formation des enseignants]

Tenter une synthèse de la démarche de Foucault ici évoquée, sur le mode du : « ce qu’il s’agit de faire, ce qu’il ne s’agit pas de faire », et montrer en quoi l’émission démontre le précepte final « ne jamais se donner l’homme comme préalable ni comme objectif » par son plan même.
Il ne s’agit pas de commencer par se demander « que puis-je savoir ? » mais il s’agit de faire une science qui étudierait des espaces autres : une hétérotopologie. Pourtant, Foucault ne récuse pas l’interrogation kantienne du début de La Logique qui demande successivement : que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que m’est-il permis d’espérer ? Enfin, comme résumé de ces trois questions critiques : qu’est-ce que l’homme ?
Il s’agit aussi de faire une histoire des problématisations, une archéologie du savoir, et de renverser la méthode : par exemple, prendre le crime comme point de rupture pour savoir ce qu’est la loi, prendre la prison pour comprendre le système pénal. Après le fascisme, le marxisme, à partir de 1956, il s’agit, pour Foucault, Glucksmann ou Clavel, de produire une nouvelle pensée de l’événement.
Il s’agit d’étudier les comportements déviants et les lieux à part – prisons, asiles, hôpitaux psychiatriques notamment –, d’en faire une histoire, d’entendre la parole infrarationnelle du fou, d’approcher la folie que la culture tient à distance, d’en constater la part de savoir. Il s’agit donc aussi de déduire que connaître c’est assujettir, que savoir c’est commander.

Il s’agit d’étudier les réponses aux comportements déviants, leur histoire, leur sens : la prison, le supplice, la peine de mort. La punition cesse au XVIIIe siècle d’être une scène de spectacle pour être rationnellement ajustée, graduée pour corriger et amender les individus. Le juge demande au coupable de reconnaître sa faute pour s’innocenter lui-même de la punition. La peine de mort devient économique, discrète. La prison, après avoir expérimenté le cachot, enferme en pleine lumière : par le panoptique, le surveillant voit tout sans être vu, le prisonnier est vu mais ne voit pas celui qui le regarde tout le temps. Le même système est à l’œuvre à l’école ou sur le lieu de travail. Le pouvoir des sociétés modernes regarde, surveille, classe, récompense, punit. Il fabrique l’individu (par la mode), il le rend esclave de lui-même (sibi servire).
Il s’agit de travailler sur des corpus de connaissances tels qu’un tableau, comme Les Ménines de Vélasquez (au chapitre « Les suivantes » dans Les Mots et les Choses), ou la peinture de Jérôme Bosch, un documentaire de Jean Rouch sur la fête du chien, l’architecture des prisons avec le panoptique de Bentham, les registres des asiles et leurs motifs d’internement (bibliothèque de l’Arsenal). Ces objets permettent de comprendre des systèmes, celui de la représentation et de la place du sujet, celui du traitement de la folie, son lien avec la religion ou la superstition, celui du pouvoir, protéiforme pour Foucault.

Finalement, il s’agit de fonder un antihumanisme critique : les sciences humaines des années 1960, étudiant les grands mythes avec Georges Dumézil, les systèmes de parenté avec Claude Lévi-Strauss, les savoirs avec Michel Foucault, font exploser une idée de l’homme, invention récente et contingente, au profit de l’étude de grands systèmes formels. Si les sciences produisent leur objet d’étude, la philologie faisant apparaître la langue, la biologie le vivant, l’économie politique le travail, les sciences humaines ont produit un homme qui n’est qu’un effet de surface. Le séquençage final du génome humain réduit l’humanité à du schéma.


Pour en savoir plus
FOUCAULT Michel, Histoire de la folie à l’âge classique, Gallimard, coll. « Tel », 1976.
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir : naissance de la prison, Gallimard, coll. « Tel », 1993.
FOUCAULT Michel, Les Mots et les Choses : une archéologie des sciences humaines, Gallimard, coll. « Tel », 1990.
DESCARTES René, Les Méditations métaphysiques, Hatier, coll. « Les classiques de la philosophie », 2000.
ÉRIBON Didier, Michel Foucault 1926-1984, Flammarion, coll. « Champs », 1991.
DELEUZE Gilles, Foucault, Minuit, coll. « Reprise », 2004.

Sur un site consacré à la philosophie, un exposé réalisé par un étudiant de maîtrise de l’université de Grenoble intitulé
« La classification dans Les Mots et les Choses ». http://www.philagora.net/

Catherine Paulin, professeur de philosophie