Origine http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/vie-ses/hodebas/foot-et-paix-sociale.htm
Football et paix sociale Par Michel Desbordes
Le Monde 01.06.02
Si le sponsoring est souvent présenté comme un instrument récent
du marketing sportif, l'histoire des clubs de football démontre
l'inverse. De nombreux capitaines d'industrie, français ou étrangers,
contrôlent un club de football ambitieux (tels François Pinault
à Rennes, Silvio Berlusconi au Milan AC, Bernard Tapie puis Robert
Louis-Dreyfus à Marseille, etc). Ces grands manageurs n'ayant plus
rien à prouver dans le monde des affaires, on peut se demander ce
qui les pousse à investir dans des clubs, alors que la rentabilité
financière du football reste à prouver. Alors que cherchent ces
grands rationnels ?
Le cas de la Juventus Turin est exemplaire : de même que Peugeot
contrôle le FC Sochaux depuis 1925, Philips le PSV Eindhoven
ou Bayer le Bayer Leverkusen depuis 1904, Fiat possède (depuis 1923)
ce club mythique fondé en 1897. La famille Agnelli, propriétaire
de la firme automobile, a toujours considéré la "Juve" plus que
comme un passe-temps ou une œuvre sociale.
Alors même que le concept de culture d'entreprise n'avait pas encore
d'existence au début du XXe siècle, le patronat a tout de suite
saisi l'intérêt du sport pour l'entreprise. L'objectif était double :
occuper les travailleurs pendant leur temps de liberté et assurer
une meilleure identification par un système de valeurs et de conduites,
un esprit de corps et de compétition rendant plus efficaces les
gestes du travail. Le succès financier passe aussi par l'augmentation
de la satisfaction des salariés, fiers d'appartenir à une entreprise
qui gagne, sur le terrain comme dans la compétition économique.
Des études menées en Italie montrent que le nombre de jours de
grève chez Fiat est en corrélation avec les résultats de la Juve.
Inversement, le degré d'insatisfaction des salariés est le plus
fort quand le club a de moins bons résultats.
Des résultats similaires ont été dégagés à Eindhoven dans les usines
Philips avec le PSV, ou chez Peugeot quand les victoires en rallye
de la 205 faisaient la fierté des salariés. Ces corrélations donnent
un caractère scientifique à cette intuition selon laquelle le sport
serait "l'opium du peuple".
Progressivement, le mouvement ouvrier va, de son côté, se doter
d'une structure pour que ses enfants puissent pratiquer ailleurs
que dans des "clubs bourgeois", aux cotisations trop élevées, ou
dans les clubs d'entreprise, destinés à "embrigader" le salarié.
Et ce seront les débuts de l'Internationale sportive ouvrière socialiste
(1925), de la Fédération sportive et gymnique du travail (1934)
et des comités d'entreprise (1945).
MICHEL DESBORDES
Michel Desbordes est maître de conférences à l'université Paris-
Sud-XI (Centre de recherche en sciences du sport). Il est l'auteur
de Marketing du sport (Economica, 2001) et Stratégie des
entreprises dans le sport (Economica, 2001).
Le Monde ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 02.06.02
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Origine http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/vie-ses/hodebas/foot-et-paix-sociale.htm
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