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Origine : Lundi 27 Février 2006 Courrier Internet
Ca se passe près de chez vous : des filles incestueuses
aux mères aliénantes.
Du 27 février au 1 mars 2006, a lieu à Genève
- à l’initiative de Institut de Médecine Légale
et du Parquet de Genève et avec le soutien de la Société
Suisse de Psychologie Légale - une formation intitulée:
" Evaluation de la crédibilité du discours des
enfants dans le cadre de procédures pénales en matières
d'abus sexuels ". Cette formation sera assurée par le
Prof. Hubert Van Gijseghem, psychologue belgo-canadien, qui représente
selon de nombreux observateurs un des courants les plus réactionnaires
sur la question des violences faites aux enfants.
Le 21 octobre 2004, ce même psychologue avait déjà
assuré à Paris une " formation " sur un
outil socio-judiciaire largement contesté par des acteurs
de la lutte contre la pédocriminalité et des violences
faites aux femmes: le " Syndrome d’Aliénation
Parentale " (SAP). Afin de ne pas répéter les
analyses développées au sujet de cet outil socio-judiciaire,
je me permets de vous renvoyer au texte " Humanisme, pédocriminalité
et résistance masculiniste ", publié en ligne
à :
http://www.sisyphe.org/article.php3?id_article=1364.
Je rappelerai brièvement que cet outil peut être considéré
comme une arme extrêmement efficace contre la parole des enfants
et des femmes qui dénoncent des abus sexuels dans un contexte
de séparation parentale; la promotion du SAP est souvent
l’oeuvre d’associations de pères séparés
et de leurs nouvelles conjointes ainsi que de certains courants
du secteur socio-éducatif, incarné en France et en
Belgique par la " Revue d’action juridique et sociale
- Journal du droit des jeunes ".
Selon Pierre Lassus, psychanalyste et directeur géneral
de l’Union Française pour le Sauvetage des Enfants,
" les considérations [de H. Van Gijseghem] mettent gravement
en cause les acquis récents, fragiles et précaires,
en matière de prévention des abus sexuels et du soin
des enfants victimes ". Dans un article intitulé "
Le Faurisson de la maltraitance? " Pierre Sabourin, psychiatre,
psychanalyste, thérapeute familial et co-fondateur du Centre
des Buttes Chaumont, écrit: " C’est encore une
fois du négationnisme en acte dont le procédé
habituel, la méthode Faurisson, tente de prouver la réalité
d’un postulat (aussi fou soit-il) par tous les amalgames et
toutes les confusions possibles, où peuvent se rejoindre
allègrement des intellos aux sensibilités inverses,
extrême-droite et ultra-gauche, mais avec des pratiques comparables
de propagandisme acharné ". Catherine Marneffe, médecin
pédopsychiatre, thérapeute d'enfants et de la famille,
fondatrice et ex-directrice du centre SOS-Enfants de la Vrije Universiteit
de Bruxelles, précise : " Le professeur Van Gijseghem
est en permanence dans la confusion entre l’aveu et le dévoilement
de l’abus, l’aveu étant un terme qu’on
attribue habituellement aux coupables, donc plutôt aux abuseurs.
En disant ‘qu’il est capital de permettre à la
victime, après le dévoilement de se taire’ il
mélange le silence sur l’acte sexuel en tant que tel
à respecter et le silence, provoqué par l’impossibilité
de mettre en mots tant de sentiments contradictoires, suscités
par l’abus et son contexte et qu’il faut essayer de
briser ".
Plus récemment, Philippe D. Jaffé, professeur de
psychologie à l’université de Genève
et président de la Société Suisse de Psychologie
légale (SSPL), déclare au sujet d’une des références
idéologiques principales de H. Van Gijseghem: " La première
raison [à la base de la controverse] tient au personnage
même de Richard Gardner. Même si, par hypothèse,
le SAP était la découverte du siècle, son auteur
est tellement particulier qu’il est impossible d’éviter
sa pertinence sans tenir compte du messager dont certaines théories
sont fort discutables. La deuxième raison à la base
de la controverse est également liée au personnage
de Gardner et à certaines de ses affirmations, mais elle
est également liée à des considérations
sociologiques. En effet, le SAP tel qu’il a été
initialement conceptualisé par Gardner était un syndrome
qui touchait avant tout les femmes comme parents aliénants.
Le SAP pourrait être considéré l’un des
contrecoups de certains mouvements d’hommes ". Puis,
" l’aliénation parentale est un concept qui est
souvent récupéré par des avocats et/ou des
parents peu scrupuleux et même brandi par plusieurs milieux
associatifs actifs dans la promotion des droits du père ".
Pourtant, c’est aujourd’hui ce même Philippe
D. Jaffé qui appuie en tant que président de la SSPL
cette formation animée par Van Gijseghem, et qui déclarait
le 5 décembre 2005 au quotidien Suisse 24 heures Région
La Côte : " Oui. Lors de séparations douloureuses,
90% des accusations de sévices sexuels sont abusives. Il
s’agit d’un syndrome connu, celui de l’aliénation
parentale. Il y a lavage du cerveau de l’enfant par le parent
— parfois de bonne foi — qui veut se venger de son conjoint.
Et cela biaise tout. ". Subite conversion à la "
découverte du siècle " pour une psychologue qui
écrivait encore il y a quelque temps : " le syndrome
d’aliénation parentale n’est pas un syndrome
et doit être manié avec beaucoup de précautions
". Cette conversion nous en dit beaucoup sur le pouvoir d’attraction
qu’exerce ce courant idéologique mais également
sur les groupes de pression à l’œuvre. Ainsi,
en France un association promouvant le SAP a récemment vu
le jour et travaille en étroite collaboration avec le Ministère
de la Justice et des associations de pères séparés,
notamment à travers des groupes de travail sur les "
fausses allégations d’abus sexuel ". Il est remarquable
que parmi ses membres fondateurs, on trouve une représentante
de l’extrême/nouvelle droite païenne puisque c’est
également un adepte des courants celtisants qui a violemment
mené campagne contre le psychothérapaute Bernard Lempert,
membre de l’Association pour La Formation à la Protection
de l’Enfance, devenue Droit Et Soin, qui s’oppose depuis
des années à ce courant réactionnaire. Plus
précisément, cet adepte d’extrême droite
était un ancien membre du Front national, puis membre du
mouvement Troisième Voie (extrême droite radicale),
et porte-parole d'un groupuscule autonomiste breton. Dans les deux
cas des accusations de violences sur enfants ont été
formulés.
Selon certains observateurs, le Prof. H. Van Gijseghem aurait connu
une conversion similaire à celle de Philippe D. Jaffe, et
ce à travers la rencontre d’un pasteur et psychologue
américain, Ralph Underwager, inventeur du " Syndrome
des Faux Souvenirs " (qui s’attaque surtout à
la parole de femmes adultes se remémorant des abus sexuels
subis pendant leur enfance). Underwager a été accusé
de violences sexuelles par sa propre fille et défendait publiquement
des thèses pro-pédocriminelles, appelant les "
pédophiles " à " affirmer fièrement
et courageusement leur choix ". Van Gijseghem semble avoir
rencontré ce pasteur-psychologue au début des années
90, lors d’un procès où les deux exerçaient
leur " autre " métier, ou devrait-on peut-être
dire, étaient prestataires de service en tant que psychologue-expert.
Si Van Gijseghem avait initialement conseillé le maintien
du lien avec le père, il a complètement changé
d’avis en prévenant la justice que la fille était
en grave danger chez le père. Il s’approchait ainsi
de l’expertise délivrée par Ralph Underwager
qui niait l’existence de violences sexuelles contre la fille
- allant ainsi à l’encontre de la parole de la fille
qui disait avoir été victime de violences sexuelles
du côté de sa mère. Van Gijseghem a effectué
ce revirement sans effectuer de nouvelles expertises de la fille
ou du père.
Ceci n’est pas la seule particularité " méthodologique
" des expertises psychologiques effectuées.par ce dernier.
Dans un procès de 1993, un homme accusé d’avoir
sexuellement agressé une fille de 10 ans (attouchements et
tentative de viol) avait été expertisé par
Van Gijseghem : celui-ci lui avait donné quatre tests évidemment
" scientifiques et objectifs, donc non projectifs " pour
que celui-ci les remplisse... tranquillement chez lui. Lors du procès
Van Gijseghem avait déclaré : " Il n’est
pas très probable que M. S. ait posé les gestes qui
lui sont imputés. […] Mon flair clinique ne m’a
pas fait voir de danger ". Ni son " flair " clinique,
ni ses tests " objectifs " semblent très opérationnels,
puisque l’homme accusé se revélera plus tard
être récidiviste (en 1979, il avait été
condamné à 6 mis de prison pour le viol d’une
fille de 15 ans et il avait reconnu un autre viol aux Pays Bas).
Cet homme, M. S., reconnaîtra plus tard non seulement l’agression
sexuelle contre cette fille de 10 ans, mais également deux
autres viols. Il sera condamné à 1 an de prison ferme.
Dans un autre dossier d’agressions sexuelles, Van Gijseghem
applique sa fameuse analyse du Syndrome de Rosenthal - version psychologique
de la self fulfilling prophecy - déclare constater de nombreuses
contaminations de la parole des enfants, et diagnostique la non-fiabilité
des accusations d’attouchements et d’agressions sexuelles
émises par 17 filles à l’encontre d’un
enseignant. Grave erreur professionnelle, puisqu’au Canada
l’expert psychologue n’est pas supposé s’exprimer
sur la crédibilité ou fiabilité de la parole
de l’enfant (contrairement à la situation dans des
pays européens). La justice canadienne confirmera jusqu'à
la Cour Suprème l’erreur professionnelle commise par
Van Gijseghem : " le juge du procès ne s'est ni mépris
sur l'objectif de l'expertise ni n'a abusé de sa discrétion
en disposant du témoignage de l'expert. " L’enseignant
sera condamné pour 17 chefs d’inculpation, les filles
agressées avaient entre 10 et 13 ans à l’époque
des faits.
Un dernier dossier permet d’aborder également l’attitude
de Van Gijseghem vis-à-vis de ses pairs et le mépris
exprimé envers celles, mères ou médecins, qui
ne partagent pas son avis. De nouveau Van Gijseghem intervient en
tant que psychologue-expert " pour vérifier les allégations
d’abus sexuel et déterminer les droits d’accès
que le parent non-gardien [ici, le père] doit avoir ".
Le père est accusé d’avoir violé pendant
un droit de visite son fils âgé alors de 3 ans. Le
jugement dit : " Le docteur [Van Gijseghem] soutient qu’il
n’est pas approprié de croire les propos rapportés
par l’enfant car celui-ci est incapable de décrire
en détail ce qui s’est réellement passé
[sic !], soit les faits survenus lors de la commission de l’acte
reproché. De toute façon, ajoute-t-il, il est généralement
impossible d’infirmer ou confirmer des allégations
d’abus sexuel. [sic !] Il suggère à Madame de
consulter un psychologue car il est à craindre que sa conviction
que l’enfant est abusé ne l’amène à
porter d’autres accusations. [...] Il maintient que Madame
a tout inventé ". Rappelons que le garçon a été
sodomisé à plusieurs reprises par son père
et que la médecin qui l’a examiné a constaté
: " deux fissures à l’anus [...], l’ouverture
anormale de l’anus [...], l’enfant a perdu le reflexe
de constriction [...], la muqueuse de l’anus est aplatie ".
Van Gijseghem oppose au rapport de cet examen physique " qu’il
ne faut pas accorder beaucoup de poids à celui-ci car, dit-il,
elle [la médecin] voit des cas d’abus dans la majorité
de ces dossiers [puis] il affirme que l’enfant a pu s’autostimuler
ou s’automutiler ". Lors d’une conférence
à Lyon il y a quelques années, Van Gijseghem avait
fait rire un auditoire entier de psychologues, travailleurs sociaux
et magistrats en déclarant qu’un de ses collègues
brittaniques diagnostiquait l’agression sexuelle chaque fois
qu’il constatait une constipation chez un enfant. Ce sera
également la ligne de défense du père accusé
dans ce dossier... la constipation. Au vu de ces faits, la cour
décidera de prononcer " la déchéance totale
de l’autorité parentale envers l’enfant B....
du père G... T... [et même] ordonne au Directeur de
l’état civil de modifier l’extrait de naissance
de l’enfant " pour que celui-ci n’ait plus à
porter le nom de cet homme. On peut facilement imaginer quelle aurait
pu être la décision de justice si la médecin
n’avait pas pu constater à temps les lésions
anales et qu’elle aurait du se prononcer à partir des
seules paroles de l’enfant : " papa bobo aux fesses avec
un bâton mauve ".
Peut-être Van Gijseghem met-il là en pratique l’adage
de son pasteur-psychologue-maître à penser, Ralph Underwager
: " Il est plus préférable qu’un millier
d’enfants dans des situations d’abus ne soient pas découvert
qu’une personne innocente soit condamnée par erreur
". Mais Van Gijseghem semble, en plus de ses " méthodologies
" également avoir des convictions particulières
: selon lui, " certaines filles mettent des objets dans leur
vagin ou vulve et se blessent, et ceci n’est pas quelque chose
de rare chez les filles " ; " rien ne distingue les enfants
qui ont révélé le secret de ceux qui se sont
tus " ; " si [l’enfant] ressent le besoin d’avouer,
il le fera ". De nombreux observateurs ont rélevé
dans ses écrits ce type de particularités et bien
d’autres, mais peu se sont attardés sur un des ses
anciens articles, lorque Van Gijseghem avait 35 ans, intitulé
" L’inceste père-fille ". En le lisant, la
conversion underwagerienne et gardnerienne prennent en effet sens.
Van Gijseghem s’intéressait à l’époque
aux filles délinquantes, et c’est dans le cadre de
ces études qu’il s’est intéressé
aux " filles incestueuses ". Je me contenterai de reprendre
plusieurs phrases, dans la mesure où les mots utilisés
sont particulièrement révélateurs de l’idéologie
réactionnaire déjà adoptée à
l’époque.
" D'après un échantillon représentatif
de 186 filles, pris dans les institutions pour jeunes filles délinquantes
canadiennes-françaises, nous trouvons 52 filles qui ont eu
des contacts incestueux avec le père (naturel ou adoptif).
Cela signifie donc que 28 pour cent des filles délinquantes
ont connu leur père en tant qu'objet sexuel. "
" À l'intérieur de cette population, nous avons
retrouvé 52 filles ayant été impliquées
dans des agissements incestueux avec le père naturel ou avec
le père adoptif. "
" Parmi les 52 filles, il y en a 22 dont les relations incestueuses
avec le père naturel ont débuté avant la puberté,
ces relations ayant duré, de façon continue ou intermittente,
pendant une période prolongée allant parfois jusqu'à
plusieurs années. "
" les prépubères ne résistent habituellement
pas aux avances du père, ce qui aboutit en une relation durable.
L'inceste peut parfois prendre fin avec l'avènement de la
puberté, et cela, à l'instigation d'un des deux partenaires;
parfois encore, l'inceste peut se continuer pour une durée
indéterminée. "
" Le groupe consiste en 22 filles qui ont commencé
des relations incestueuses avec le père à un âge
qu'on peut appeler " prépubertaire " lequel peut
varier entre deux et douze ans. "
" Il est vrai que pour l'observateur ces filles sont les "
victimes " de l'inceste, mais très souvent, si, au départ,
elles ne séduisent pas déjà le père,
par la suite, elles le manipulent à leur aise. L'inceste
devient pour elles un moyen puissant pour exploiter le père,
faire du chantage, s'assurer argent ou faveurs, et, éventuellement,
obtenir son incarcération. "
" Le taux d'homosexualité pourrait être aussi
expliqué par l'hypothèse que les incestueuses auraient
eu un développement psychosexuel plus primitif et seraient,
de ce fait, sexuellement, plus indifférenciées "
" Plus généralement, l'inceste semble être
un événement marquant dans la vie de la fille qui,
dans la presque majorité des cas laisse des blessures psychiques
irréversibles. "
La formation dont bénéficieront les magistrats, psychologues
et autres professionnels Genèvois pourrait bien contribuer
à maintenir de nombreux enfants dans des situations de violence,
à criminaliser de nombreuses femmes " aliénantes
" et à exonérer de nombreux hommes agresseurs
sexuels. Peut-être est-ce là une des conséquences
concrètes de l’affaire d’Outreau, qui a déjà
permis d’assister à la montée en puissance médiatique
et étatique de ce courant réactionnaire converti à
l’idéologie des " fausses allégations ",
du " syndrome d’aliénation parentale ", du
" syndrome des faux souvenirs ", du " syndrome de
Rosenthal "... Comme l’annonce la journaliste Suisse
Pascale Zimmerman : " Alors que l’affaire d’Outreau
se termine en terrible fiasco et pose le problème de la crédibilité
des déclarations d’enfants [sic !] devant les tribunaux,
une formation destinée aux psychologues démarre en
Suisse. Les premiers cours ont démarré ce week-end
à Sion. Entretien avec un des principaux concepteurs du projet,
Philip Jaffé, professeur de psychologie à l’Université
de Genève, ainsi qu’à l’Institut de criminologie
et de droit pénal de Lausanne. " Un certain " flair
" me dit que le futur est loin d’être rassurant,
en tous cas pour certaines.
Concluons avec Gérard Lopez, psychiatre, directeur médical
du centre de psychothérapie de l’institut de victimologie
à Paris, enseignant à l’université Paris
XIII dans le département de médecine légale
: " L'analyse des stratégies perverses, l'évaluation
des forces et des faiblesses en présence sont une entreprise
difficile et périlleuse. Il faut toujours déployer
des efforts considérables pour vaincre ses propres résistances
et celles des autres, confrontées à la ‘violence
impensable’. Toutes les victimes d'emprise se heurtent à
l'incompréhension qu'elles rencontrent de la part de leur
entourage et dans tous les contacts avec les institutions. Ces aléas
les rendent doublement victime. Les enfants massacrés n'espèrent
aucune aide extérieure. Ils savent que les adultes se taisent
souvent, même lorsqu'ils se présentent couverts de
blessures à l'école. Des milliers de témoignages
d'adultes le confirment : le déni a la peau dure. "
leo.thiers-vidal 27/2/6, lyon [libre de tous droits, diffusion encouragée]
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