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Date: 23 Fevrier 2005
Subject: [atsx] Les femmes : population en danger, population vulnérable...
Les femmes : population en danger, population vulnérable...
Notre invitée, Françoise Duroch, est coordinatrice
du groupe de travail "violences" à Médecins
Sans Frontières Suisse.
[Françoise Duroch] - Il est une communauté qui ne
représente pas une minorité dans le monde et qui pourtant
semble cumuler un nombre impressionnant de facteurs de vulnérabilité.
Victimes d’un manque d’accès aux services de
santé et d’éducation impressionnant, et cibles
régulières de violences de tous types et de tous genres,
cette communauté, ce sont tout simplement les femmes.
A surfer sur le net, à écouter les équipes
qui rentrent du terrain ou à lire les différents rapports
des organisations internationales, on peut facilement noter qu’il
vaut mieux ne pas être une fillette en République Démocratique
du Congo ou une fille mère au Soudan : viols systématiques
en Ituri touchant l’ensemble de la communauté féminine*,
application d’un droit coutumier dans le Darfour qui autorise
que les filles tombées enceintes suite à un viol soient
forcées de s’acquitter d’une amende. Cependant,
la problématique est loin d’être limitée
au seul continent africain. Au Moyen Orient et en Asie du Sud, les
crimes d’honneur sont légion. Des femmes mises à
mort par un homme de la famille sur simple dénonciation par
un tiers d’une conduite supposée avoir entaché
l’honneur de la famille, en passant par les crimes liés
à la dot au Bangladesh et les attaques au vitriol qui laissent
de nombreuses personnes défigurées et invalides, sans
parler des infanticides de fillettes en Inde ou la sélection
des fœtus à la naissance en faveur des garçons,
les femmes sont souvent perçues comme des victimes totales
d’un ordre patriarcal dominant. Pourtant, le danger de voir
les femmes comme telles représente aussi un écueil
pour l’avancement de leurs droits : dans de nombreuses sociétés
elles sont les piliers fondateurs de la société civile
et les programmes d’assistance les impliquant sont majoritairement
un succès. Prestataires de soins auprès des enfants,
elles sont souvent à la base de l’économie familiale
et domestique et participent à la stabilisation de la société.
A MSF Suisse, nous essayons d’impliquer le plus possible les
femmes à tous les niveaux de nos programmes : activités
de prise en charge médicale des victimes de viol en RDC,
projet pour les filles exploitées sexuellement au Honduras,
soins en santé maternelle au Soudan etc..
Parallèlement, la féminisation de la pandémie
de SIDA nous pousse à prendre en compte de plus en plus les
spécificités de genre dans la lutte contre la maladie.
En effet, 58% des personnes vivants avec le VIH en Afrique sub-saharienne
sont des femmes et plus de 70% des patientes nouvellement infectées
sont des jeunes adolescentes. Le manque d’accès aux
structures sanitaires, les pratiques traditionnelles préjudiciables
à la femme ainsi que des facteurs de vulnérabilités
physiologiques sont autant de raisons qui permettent d’expliquer
ces chiffres alarmants.
Cette réalité doit contribuer à ce que la
protection des droits les plus élémentaires des femmes
devienne une priorité absolue pour l’avenir, sans quoi
de nombreuses sociétés civiles pourraient se retrouver
privées de personnes parmi les plus indispensables à
leur bon fonctionnement.
* Les personnes soignées en RDC par les équipes MSF
pour violences sexuelles vont de quelques mois à 80 ans,
environ 200 femmes consultent par mois pour viol, 80% d’entres
elles ont subi un viol collectif sous la menace d’une arme.
Françoise Duroch
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