Dans un rapport publié ce jour (jeudi 31 mars 2005), Amnesty
International déclare que les autorités israéliennes
et palestiniennes doivent prendre des mesures concrètes pour
mettre un terme aux souffrances des femmes palestiniennes dont toute
la vie est affectée par le conflit.
« Les Palestiniennes sont les principales victimes de l'escalade
du conflit et des décennies d'occupation israélienne,
tout en étant soumises dans la société palestinienne
à un ensemble de lois et de normes qui font d'elles des êtres
inférieurs », a déclaré Amnesty International.
Le rapport examine les conséquences pour les femmes de l'escalade
de la violence et des restrictions sans précédent
à la liberté de mouvement imposées par Israël
aux Palestiniens des Territoires occupés. Il aborde également
l'augmentation des violences contre les femmes au sein de la famille
ainsi que les lois et pratiques discriminatoires.
L'ensemble de la population palestinienne des Territoires occupés
connaît un niveau de pauvreté et un taux de chômage
sans précédent ainsi que des problèmes sanitaires
en raison des restrictions de grande ampleur. Les entraves à
la liberté de mouvement, le refus de passage ou les retards
aux postes de contrôle de l'armée israélienne,
ainsi que les bouclages et les couvre-feux provoquent de nombreuses
complications pour les femmes qui ont besoin de soins médicaux,
et entraînent, dans certains cas, la mort des malades.
De nombreuses femmes ont dû accoucher aux postes de contrôle,
sur le bord de la route, et plusieurs ont perdu leur bébé
car les soldats israéliens leur refusaient le passage. La
peur de ne pas arriver à temps à l'hôpital pour
accoucher est devenue une source profonde d'anxiété
pour les femmes dans l'ensemble des Territoires occupés.
C'est ainsi que Rula Ashtiya, qui se rendait à l'hôpital
de Naplouse, a été contrainte d'accoucher sur un chemin
de terre à proximité du poste de contrôle de
Beit Furik après que les soldats israéliens eurent
refusé de la laisser passer. Son bébé est mort
quelques minutes plus tard.
Cette femme a déclaré : « [...] Il y avait
plusieurs soldats au poste de contrôle ; ils nous ont ignorés
[...] Je me suis traînée derrière un bloc de
béton à côté du poste pour avoir un peu
d'intimité et j'ai accouché dans la poussière,
comme un animal. J'ai pris ma fille dans mes bras, elle a bougé
un peu, mais elle est morte au bout de quelques minutes. »
Amnesty International fait observer : « En sa qualité
de puissance occupante, Israël est tenu de garantir les soins
médicaux nécessaires aux Palestiniens de Cisjordanie
et de la bande de Gaza, et particulièrement aux femmes enceintes,
conformément à la quatrième Convention de Genève.
Israël a régulièrement ignoré cette obligation
et l'armée a souvent empêché des hommes, des
femmes et des enfants palestiniens de se rendre à l'hôpital.
»
Les organisations médicales sont préoccupées
par le nombre important de femmes enceintes qui sont anémiées
ainsi que par le taux très faible de survie des femmes atteintes
d'un cancer du sein dans les Territoires occupés.
« Les bouclages et les restrictions imposées par Israël
ont d'autres conséquences négatives pour les Palestiniennes
qui sont empêchées de se rendre sur leur lieu de travail
ou d'étude et isolées de leur famille et de leurs
réseaux de solidarité, a déclaré l'organisation.
Ceci est particulièrement préjudiciable pour les femmes
qui vivent loin de leur famille et qui sont confrontées à
des difficultés conjugales ou sont maltraitées par
leur mari.
Plus de 4 000 habitations et de vastes étendues de terres
agricoles ont été détruites par l'armée
israélienne depuis la fin de l'année 2000, et des
milliers de Palestiniens, des femmes et des enfants pour la plupart,
sont sans abri et dans le dénuement. Les démolitions
de maisons et les tensions qui en résultent souvent au sein
des familles affectent tout particulièrement les femmes.
Le rapport indique que les violences au sein de la famille ont
augmenté depuis quatre ans et demi, car la militarisation
accrue du conflit et la dégradation de la situation sécuritaire
et économique qui en découle ont exacerbé le
problème d'inégalité des sexes et le contrôle
exercé par les hommes sur les femmes dans la société
palestinienne.
Les lois existantes sont discriminatoires à l'égard
des femmes et elles n'accordent tout au plus qu'une protection minimale
aux victimes de violences domestiques. Les responsables de l'application
des lois et les institutions judiciaires sont le plus souvent réticents
à appliquer la loi, voire incapables de le faire, et l'armée
israélienne empêche souvent les forces de sécurité
palestiniennes de remplir leur tâche. Qui plus est, dans la
situation de conflit et de menace extérieure accrue, il est
plus difficile pour les victimes de déposer une plainte pour
des violences domestiques ou des questions d'"honneur"
qui sont considérées, dans la société
palestinienne, comme relevant du domaine privé.
Bien qu'il n'existe pas de statistiques fiables, on estime que
les violences contre les femmes au sein de la famille, notamment
les agressions sexuelles, le viol et les "crimes d'honneur"
ont augmenté depuis quatre ans et demi dans les Territoires
occupés ; les responsables de ces homicides ne sont le plus
souvent pas traduits en justice.
Les femmes et les jeunes filles qui risquent d'être tuées
par leurs proches sont souvent dans l'impossibilité de s'enfuir
en raison des bouclages et des restrictions imposées par
l'armée israélienne. Rufayda Qaoud, dix-sept ans,
a été violée par deux de ses frères,
et sa mère l'a tuée quand sa famille a découvert
qu'elle était enceinte. La mère, qui affirme avoir
tué sa fille pour protéger « l'honneur »
de la famille, n'a pas été poursuivie.
« L'Autorité palestinienne doit prendre des mesures
pour mettre un terme à la violence contre les femmes, elle
doit empêcher les atteintes à leurs droits et ouvrir
des enquêtes débouchant sur la condamnation des responsables
de tels agissements, a conclu Amnesty International. Elle doit également
amender les lois discriminatoires à l'égard des femmes
et notamment les articles du Code pénal qui prévoient
une peine légère pour les crimes commis pour des raisons
d' "honneur" ou l'exemption de poursuites pour les violeurs
qui épousent leur victime. »
Israël doit mettre fin aux bouclages et aux restrictions imposées
dans les Territoires occupés, garantir le passage et l'accès
aux soins médicaux sans délai pour les femmes enceintes,
entre autres, et mettre un terme à la destruction d'habitations
et de biens palestiniens.
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