Date : 17 Fevrier 2005
Subject : [atsx] Hommes suisses et Femmes de l'Est
Apparemment, les hommes suisses ont tendance à épouser
des femmes venant des pays de l'Europe de l'Est, comme le montre
l'article ci-dessous tiré du quotidien "Le Temps"
de Genève, et rédigé par une journaliste femme.
Pathétique, cette recherche éperdue d'une figure
à la fois féminine, forte et maternelle ? Ou l'expression
de la difficulté des hommes à vivre l'égalité
dans la relation ?
C.
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LE TEMPS - Genève.
Femmes de l'Est, la force est avec elles
Les hommes suisses délaissent les femmes du cru et cherchent
de plus en plus une épouse à l'étranger. Sur
la scène du coup de foudre mondialisé, les Russes,
les Ukrainiennes, les Roumaines sont les nouvelles vedettes. Mais
qu'ont-elles donc de plus que nous ? Etude (périlleuse).
Anna Lietti
Jeudi 17 février 2005
Lorsque Svetlana Baumgartner, originaire de Kiev et établie
à Préverenges avec son mari suisse, s'est présentée
à sa première leçon d'auto-école avec
des talons aiguilles, le prof a tiqué. «Je lui ai dit
: c'est ça que je porte, j'ai l'intention de conduire avec.
Alors, autant commencer tout de suite !» Personne ne fera
redescendre Svetlana à ras le bitume. Ni la voisine qui grimace
au tic-tic de ses pas ni les impératifs pratiques devant
lesquels d'autres capitulent : «Même derrière
une poussette, je porte des talons.»
Mais qu'est-ce que les femmes de l'Est ont de plus que nous ? Les
Suissesses sont en droit de se poser la question au vu des tendances
matrimoniales : les Suisses convolent de moins en moins entre eux,
et si les femmes tendent à choisir des immigrés établis,
les hommes vont activement chercher des partenaires dont la qualité
première semble de ne pas être d'ici.
Y aurait-il dans l'air un préjugé négatif
envers les femmes du cru ?
Parfaitement : «Les Suissesses sont chiantes, geignardes et
gnangnan !» résume Fabrice Schneider, un paysagiste
de Lutry qui a épousé une Russe de Saint-Pétersbourg.
Un mariage très tendance : sur la grande scène du
coup de foudre mondialisé, les femmes de l'Est ont fait,
voilà une dizaine d'années, une entrée fracassante
(voir infographies).
L'observation sociologique dit que les femmes suisses les plus
seules sont des universitaires indépendantes. Leur situation
se résume dans ce cri de Beatrice Schlag dans l'hebdomadaire
zurichois Weltwoche (13.01) : «Si la solitude est le prix
à payer pour l'émancipation, alors, bonne nuit !»
Les nouvelles venues seraient-elles, par contraste, de dociles
femmes au foyer, comme le promettent certains sites spécialisés
? Assistons-nous à la confrontation entre féministes
ronchons à talons plats contre ravissantes idiotes bien roulées
? L'affaire est plus intéressante que ça, des deux
côtés.
Penchons-nous sur celui que nous connaissons le moins et tentons
de cerner le karma des femmes de là-bas. L'entreprise est
évidemment périlleuse, les témoignages partiels
et géographiquement centrés sur l'ex-URSS. Mais nos
interlocuteurs considèrent qu'une certaine généralisation
n'est pas dénuée de pertinence. Etude.
Elles sont féminines
«Elles ont une manière de se maquiller, de se tenir,
d'être femmes, un peu plus marquée que celles d'ici»,
observe le Veveysan René*, familier de la Russie. Svetlana
Baumgartner ne dément pas. Mais attention ! La hauteur des
talons n'est pas inversement proportionnelle au nombre des diplômes.
La Vaudoise d'adoption qui traduit, pour le compte de l'Etat, des
dossiers de mariage helvético-russes, observe que les candidates
sont volontiers ingénieur, psychologue, chimiste. Ça
ne les empêche pas d'arborer des trucs sexy jamais vus dans
les couloirs d'une université helvétique.
Ce n'est d'ailleurs pas seulement une affaire de tenue plus ou
moins féminine, mais de tenue tout court : «Les Suisses
sont capables d'arriver à un anniversaire en tee-shirt troué,
s'indigne Svetlana. Une femme de chez nous ne se laisserait jamais
aller de la sorte.» En retour, elle attendra des hommes qu'ils
soient galants, prévenants, et qu'ils n'oublient pas de lui
offrir des fleurs pour son anniversaire. En un mot, elle adhérera
de tout cœur aux rituels marquant la répartition traditionnelle
des rôles entre les sexes.
Autant dire qu'elle va souffrir en arrivant en Suisse. Albina Boeckli,
une Caucasienne mariée depuis douze ans à un Thurgovien
établi à Genève : «Ça a été
dur au début. Tous ces petits gestes que mon mari ne faisait
pas, c'était, dans son esprit, par respect pour ma liberté.
Dans le mien, par manque d'attention», dit cette doctoresse
en philo recyclée dans les services financiers.
Derrière ce respect des formes, il y a la répartition
effective des rôles. Les femmes de l'Est occuperont volontiers
tous les terrains traditionnellement dévolus à la
maîtresse de maison : gestion du ménage, enfants, vie
sociale du couple.
Elles sont dégourdies
Donc, si la Suissesse «paiera son café pour montrer
qu'elle en a les moyens», comme le dit Svetlana, la femme
de l'Est se le laissera offrir «pour bien faire sentir qu'elle
est une femme». Mais elle s'arrangera tout de même pour
avoir de quoi payer, au cas où : le rapport de dépendance,
s'il est réel pour les fiancées au moment de leur
arrivée en Suisse, doit durer le moins longtemps possible.
«Dès qu'elles ont leur permis B, elles commencent
une formation ou cherchent des équivalences pour valider
leurs diplômes, raconte Svetlana. Rester dans le cou de leur
mari, comme on dit en russe, ce n'est pas leur genre.» Elles
sont avides d'apprendre et d'acquérir une autonomie. «J'en
ai vu beaucoup évoluer vers des jobs plus intéressants
que ceux de leur mari, dit René. Et reprendre leur liberté.»
Des superwomen, en somme ? Mais René corrige : pas dans
le sens où nous employons ce mot. Leur moteur est moins le
désir de reconnaissance sociale qu'une conscience de l'absolue
nécessité de savoir se débrouiller seules.
Elles sont fortes
Les démographes observent un phénomène inquiétant
dans les pays de l'ex-bloc soviétique : une surmortalité
des hommes dans la force de l'âge, fauchés par l'alcoolisme
ou la mort violente. La chute du rideau de fer a entraîné
une instabilité sociale énorme, dont on retrouve la
trace dans les discours : «Beaucoup d'hommes chez nous sont
déçus, cassés, alcooliques», dit Svetlana,
et ils ont une fâcheuse tendance à mettre les filles
enceintes avant de disparaître dans la nature. Bref, on ne
peut pas compter sur eux. «Là-bas, lorsqu'on veut être
sûr qu'un travail soit fait, on le confie à une femme,
dit René : ce sont elles qui font marcher le pays.»
«Mon mari dit avoir été d'abord séduit
par cette immense force vitale, cet instinct de survie, cette capacité
fascinante à s'adapter», dit Albina. Tout cela, sans
se plaindre : se poser en victime, ce n'est pas le genre de la maison.
Ces femmes-là sont «des dures à cuire»
(René). Prêtes à assumer toutes les tâches
en même temps, avec le sourire.
Elles sont maternelles
«Dans ma famille, dit Albina, un homme est un grand enfant
sur lequel il faut continuer à veiller toute sa vie.»
Svetlana, parlant de son mari : «Quand sa mère me l'a
remis, il ne savait pas grand-chose. Et encore aujourd'hui : il
voit une facture, il la paie sans se poser de questions, parfois
même deux fois, vous vous rendez compte ?» On ne sait
trop, à les entendre, où finit l'attendrissement et
où commence la condescendance.
René en est convaincu : il y a, dans la fascination pour
la femme russe, une «puissante pulsion de recherche maternelle».
Le malentendu potentiel est que la mère que l'on trouve là
n'est pas «juste une femme d'hier», cantonnée
au foyer et soumise à son époux. C'est une maîtresse
femme, qui aura tendance à voir les hommes comme des petits
garçons à la fois fragiles et rouleurs de mécaniques.
Sauf preuve du contraire ?
En conclusion : vues à travers le regard
des femmes suisses, les nouvelles venues ont indéniablement
un petit côté gâche métier assez agaçant.
Mais comme leur stakhanovisme leur coûte probablement cher,
on peut imaginer qu'elles désireront bientôt un partage
plus équitable du travail. Et s'il est vrai que les hommes
d'ici sont un peu plus fiables que ceux de là-bas, leur estime
pour le sexe opposé devrait s'améliorer. En passant,
elles pourraient réapprendre aux femmes suisses à
jouer les princesses en talons aiguilles. Et tout finirait bien.
* Prénom fictif
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