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De la nécessité d’une lutte autonome
Pour en finir avec les comités Femmes
et autres textes
par feministesCVM
at yahoogroups.ca
De la nécessité d’une lutte autonome
Pour en finir avec les comités Femmes
« Et c’est finalement le sexe, sujet tabou par excellence,
qui divise les femmes. Celles qui n’ont pas d’ami soupçonnent
celles qui en ont un de se compromettre pour « garder »
leur homme. Celles qui ont un homme dans leur vie craignent les
« indépendantes », mais puisque la libération
sexuelle fait partie de l’idéologie de la gauche, elles
n’ont aucun moyen d’exprimer leur crainte. Elles répugnent
à reconnaître leur oppression, de peur de voir menacées
leurs relations avec leur homme. » (Revue Partisans, spécial
"Libération des femmes année zéro",
page 43, numéro 54-55, juillet-octobre 1970.)
Supposons une organisation de gauche, composée de divers
comités (anti-raciste, femmes, bouffe, logement, queer, etc.),
tenus ensemble par un comité exécutif.
Dans les postes importants (comité exécutif), l’on
retrouvera les hommes-blancs. Ceux-ci peuvent avoir la peau non-blanche
et/ou pas-de-phallus. Par contre, leur façon d’être
sera celle de l’homme-blanc (autoritaire, patriarcal, etc.).
Celleux qui sont des non-hommes et des non-blancs ont trois choix
: soit illes sont l’amiE des gens importants, soit illes s’impliquent
dans le comité « identitaire », soit illes deviennent
des hommes-blancs et s’impliquent dans les postes importants.
D’une façon ou d’une autre, illes s’intégreront
à une structure qui n’est pas faite ni par ni pour
eux-elles, tentant, au mieux, de la réformer. Les non-hommes
et les non-blancs restent, dans tous les cas, subordonnéEs
au fonctionnement de l’organisation.
D’où vient la colère ?
Nous sommes enragéEs de voir ce qui se passe, quotidiennement,
dans nos vies et dans celles des autres : la misère, l’ennui,
l’impuissance, la discrimination, l’exploitation se
lisent sur les visages des gens dans la rue, dans nos miroirs, dans
nos journaux.
Les organisations qui revendiquent, qui militent ne font qu’imposer
un autre intermédiaire, un autre mur, empêchant la
communication directe de nos joies, de nos rages, de nos désirs.
Tout en voulant émanciper et élever le niveau de
vie des oppriméEs, ces organisations ne font qu’augmenter
leur dépendance, face à l’État ou au
patron en premier, face à l’organisation militante
en deuxième lieu. Pour lutter contre mon exploitation (l’esclavage
salarié), je dois m’impliquer dans mon organisation
(le syndicat). Il arrive toujours un certain point où nous
ne voyons plus comment lutter sans cet intermédiaire. À
ce moment, nous commençons à travailler autant pour
nuire au patron par le biais du syndicat que pour la simple survie
du syndicat. Or, pas de syndicat sans patron. C’est ainsi
que, dans cette histoire, il n’y aura pas d’abolition
des rôles d’exploitation.
Dans le cas des comités Femmes, c’est pire. Ces comités
sont, le plus souvent, de petits ministères de la condition
féminine, et ce que le comité fait au sein de l’organisation
ne doit jamais dépasser celle-ci, sinon ce serait la mort
de l’organisation. Ainsi, on s’y contente, la plupart
du temps, d’apporter des revendications, des ajustements,
des campagnes Femmes comme un simple ajout à ce qui existe
déjà, et non comme un dépassement. Et dans
la lutte, cela devient complexe : pour lutter contre le patron,
je dois m’organiser en syndicat, et pour amener des points
femmes soit dans le syndicat soit contre le patron, je dois créer
un comité Femmes, qui sera encore subordonné à
tout le reste, au lieu d’avoir une vie propre et autonome.
Ça devient lourd.
De la difficulté de partir de soi
Je regarde l’état du mouvement des femmes, en 2005,
au Québec, et je suis triste.
Bien que nous ayons affirmé, depuis longtemps, que le privé
est politique, nous avons toujours autant de difficultés
à nous réunir, entre femmes, pour simplement parler
de nos existences. Le privé ayant déjà été
théorisé, nous nous contentons, trop souvent, d’appliquer
ces théories à nos vies, en espérant s’en
sortir de façon individuelle, en prouvant que nous aussi,
on peut faire tel ou tel truc masculin, ou confronter tel ou tel
homme sur ses attitudes patriarcales. Nous voulons à tout
prix investir les structures masculines (de la bureaucratie où
nous sommes plus souvent secrétaires que présidente,
jusqu’aux manifestations où nous tenons les banderoles
au lieu de faire les discours, jusqu’aux discussions musclées
où nous écoutons plus que nous parlons) pour ne pas
être exclues de ce monde patriarcal qui nous exclue.
La « libération sexuelle », supposée
libérer la femme, ne nous fait que multiplier les complexes.
Nous accumulons les relations car nous sommes contre le couple,
nous prenons la pilule pour ne pas être enceintes sans remettre
en question notre sexualité centrée sur la pénétration,
nous refoulons les jalousies et les amours pour ne pas avoir l’air
d’une femme qui veut enfermer son homme. Et surtout, nous
ne nous parlons jamais de tout ça. Ce serait cracher sur
les luttes du passé...
L’homme trouve avantage à cette situation.
Nous sommes redevenues silencieuses.
Moi, je dis moi
J’ai longtemps été répugnée,
dégoûtée par les mouvements, multiples et divers,
des femmes.
Dans ma vie, aucune fierté d’être une femme.
La femme, en tant que genre, m’énerve. Elle veut être
belle à faire peur, intelligente mais pas plus que son homme,
elle veut des enfants mais rester mince, se raser ou pas non pas
dans la mesure où ça lui plaît ou non, mais
dans la mesure où ça plaira ou pas à son homme,
se faire exploiter par un patron, par un prof, parce que d’autres
femmes se sont battues pour le droit au travail, parce qu’avant
elle ne le pouvait pas et donc que c’est nécessairement
une libération, elle veut magasiner mais ne veut pas suivre
la mode car elle est unique et différente, libérée
sexuellement elle lit des magazines féminins remplis de trucs
pour mieux faire des pipes, elle veut être forte tout en restant
sexy. D’une certaine façon, c’est le pire de
la féminité ET le pire de la masculinité. Pourquoi
des gens voudraient se regrouper autour de ce statut, sans vouloir
l’abolir ?
Il va falloir apprendre à dire Moi, je dis moi. Il va falloir
se raconter en tant que femme, pour exister en tant qu’individue,
ne serait-ce qu’à nos propres yeux. Tout, dans ce monde,
nous enlève la possibilité d’exister en tant
qu’individue, toujours étant attachée à
un autre être. Il va falloir se raconter nos vies de femmes,
nos paroles de chairs qui n’entrent pas dans les statistiques,
dans les procédures, dans les calculs, pour seulement commencer
à se sentir vivre.
Pour la création d’un mouvement autonome des
femmes
Un monde qui nous exclue ne nous inclura que s’il en tire
un plus grand avantage. En légalisant l’avortement
et la contraception, le patriarcat dispose de plus de femmes accessibles
en tout temps. En faisant travailler les femmes, le capitalisme
a augmenté, d’une part, la production, de l’autre,
la consommation.
Pour des victoires permanentes, nous devons nous opposer au système.
Notre seule revendication sera son abolition. Nous devons nous constituer
en machine de guerre autonome.
L’individuE véritablement libre et autonome ne naît
qu’au sein d’une collectivité véritablement
libre et autonome, et vice-versa.
« Vivre dans cette société, c’est au
mieux y mourir d’ennui. Rien dans cette société
ne concerne les femmes. » (Valerie Solanas, SCUM Manifesto,
1967.) Ce monde est un monde d’hommes. Nous voulons abolir
toute domination, pour se découvrir et se créer en
tant que sujets libres.
Pour y parvenir, nous utiliserons les moyens qui ont déjà
fait leurs preuves : la non-mixité, les lieux autogérés.
Nous créerons notre propre monde, qui sera déjà
la fin de l’ancien, dont nous n’avons plus rien à
attendre, pour, au dernier moment, le détruire.
C’est une invitation.
La pilule me fait chier
La pilule contraceptive, grande victoire féministe ?
Loin de moi l’idée de renier en bloc ce que mes consoeurs
ont eu comme gains dans le passé. Sur plusieurs plans, que
j’espère bien connus de toutEs, l’accès
à l’avortement et à la contraception ont été
de grandes victoires.
Par contre, j’aimerais regarder la pilule contraceptive (et
les autres anovulants) sous un autre angle : l’uniformisation
des femmes et le pénétrocentrisme.
La division des zones érogènes
Je ne crois pas choquer quiconque si j’affirme que l’acte
de la pénétration est représenté et
pensé comme le summum de la sexualité. Il n’y
a qu’à regarder n’importe quel film porno, qu’à
considérer l’importance, dans notre éducation
sexuelle, de la « première fois », ou à
porter son attention aux termes utilisés pour parler de sexe
(les « préliminaires » pour tout ce qui n’est
pas mettre un pénis dans un vagin ou un anus, lorsqu’unE
amiE nous demande si l’on a été jusqu’au
bout, etc.). Tout, ou presque, est axé sur la pénétration.
Le reste, c’est du « touche-pipi », comme des
enfants.
Ainsi, de la même façon qu’il y a une place
pour chaque chose, il y a une partie du corps pour chaque degré
de caresse, et il est admis qu’il n’y a rien de plus
intense que la pénétration. Imaginez le contraire
: on serait au travail et on pourrait avoir du plaisir sexuel, par
exemple, en se touchant l’épaule ! Non ! Quel «
désordre » !
De plus, cette division permet de gérer plus efficacement
les désirs sexuels. Caresser l’autre peut durer des
heures... Alors qu’une fois qu’on a éjaculé,
top chrono c’est souvent une demi-heure en tout ! Une belle
économie de temps.
La pénétration comme domination
Moi qui ai des envies de tendresse, de douceur, de partage, de
sensualité, de sexualité intense, pleine de désirs,
de jeux, on m’impose le modèle patriarcal de voir les
choses : la rapidité, l’efficacité, la performance,
l’accomplissement de soi dans le fait de laisser une œuvre
après son passage (ici, les enfants), de ne pas être
oublié car on est nécessairement ce qu’il y
a de meilleur (et l’on tient à le prouver).
Voilà où je n’aime pas les anovulants. Ayant
écarté le risque d’être enceinte, ils
ont donné libre cours à l’emprise de la pénétration
sur la sexualité. Femmes, vous êtes libres ! Libres
de quoi ? Libres de se faire posséder n’importe où,
n’importe quand, par n’importe qui, sans aucune prise
de responsabilité ?
Quoi, c’est pas ce que tu veux ? Non, pas exactement...
Et quand on s’élève contre celle-ci, l’évitant,
la contournant, la refusant, quelle réaction nous réserve-t-on
? On nous dit que nous sommes des « agaces »...
La pilule comme uniformisation
Ayant réussi à vendre à toutes la pilule comme
moyen de libération ultime, on a oublié de faire part
de son côté contrôlant.
Tous les anovulants que je connais nous laissent deux choix : ne
pas avoir de règles du tout (Depo-Provera, tricheries avec
la pilule) ou les avoir à tous les 28 jours. Toutes les femmes
pareilles ! Quelle égalité ! C’est vrai que
les règles sont quelque chose de bien mystérieux pour
ceux qui n’en auront jamais... Alors que sans la pilule, on
se doit d’apprendre à connaître son corps pour
savoir ses « disponibilités », et que l’autre
se doit de respecter ces temps où il n’y aura pas de
pénétration, et apprendre une sexualité autre
que la pénétration, avec la pilule nous sommes disponibles
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept !
Une grande partie de la connaissance de soi, de son corps, ne s’est
ainsi jamais transmise. Aux techniques naturelles (celles de nos
sorcières de grand-mères) de compréhension
de son corps, de ses cycles et de contrôle sur celui-ci grâce
aux plantes médicinales et à notre alimentation, nous
avons préféré les anovulants issus du complexe
technoscientifique parce que c’est plus rapide, plus efficace,
plus performant, plus simple. Dehors la notion de prendre du temps
pour soi, pour se comprendre, se guérir !
Nous n’avons plus le temps pour ces chimères, le féminisme
nous a libérées du travail domestique pour nous envoyer
à l’esclavage salarié...
Axe Tampax
C’est un truc
Qui arrive
Une fois de temps en temps
C’est un truc
Qui se passe
En dedans d’mon ventre
Et qu’aucun garçon n’y comprend jamais rien
Axe ! Tampax !
Axe ! Rouge !
On m’a dit
Petite,
T’es maintenant une femme
On m’a dit
Enceinte
Maintenant tu peux l’être
Et qu’aucun garçon n’y comprend jamais rien
Axe ! Tampax !
Axe ! Rouge !
Y paraît
Qu’certains
Trouvent ça dégueulasse
Y paraît qu’certaines
En sont plutôt fières
Et qu’aucun garçon n’y comprend jamais rien !
feministesCVM
at yahoogroups.ca
P.S. Écrit à Montréal en 2005.
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