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Forum Social Libertaire
Salon du Livre Anarchiste
Du 11 au 16 novembre 2003 à Paris et Saint Ouen (93)
Origine : http://fsl-sla.eu.org/article.php3?id_article=19
page d'accueil http://fsl-sla.eu.org/rubrique.php3?id_rubrique=7
programme http://fsl-sla.eu.org/rubrique.php3?id_rubrique=2
La place du travail dans la société
Débat animé par No Pasaran et Jamal (OLS)
Samedi - 20h
Saint Ouen (Salles Eurosites : 31 rue Bodillot (rue du docteur
Bauer) à Saint-Ouen (93))
"La dignité humaine n'est pas dans le travail salarié, parce que la
dignité ne peut s'accommoder ni de l'exploitation, ni de l'exécution
de tâches ineptes, et pas davantage de la soumission à une hiérarchie…"
Nous ne voulons plus perdre notre vie à la gagner !
JC (OLS)
De toute part on entend comme seule réponse au chômage, la volonté
de remettre tout le monde au boulot ! Celui-ci serait source
de dignité, justifierait notre place dans la société, redonnerait
un sens à notre vie, etc. Exit le débat sur l'aliénation engendrée
par le travail. Bref le travail devient la panacée, le moyen de
lutter contre l'exclusion ; en fait il devient un but en
soi alors qu'il ne devrait être qu'un moyen pour satisfaire nos
besoins et nos désirs : une activité sociale parmi d'autres
comme celle de militer, de participer à la vie d'une association…
Depuis plus de 20 ans on nous fait miroitier « la sortie
du tunnel » grâce à une flexibilisation et une précarisation
de plus en plus importante des conditions d'exploitation de la
force du travail. Régulièrement le patronat réclame de pouvoir
licencier plus facilement les travailleurs afin de les embaucher
plus facilement ; ou bien il demande un allégement des charges,
etc. Depuis plus de 20 ans le chômage ne cesse d'augmenter. L'objectif
de cette politique, menée par tous les gouvernements n'est pas
de réduire le chômage, de réduire « la fracture sociale »,
mais bien d'adapter les conditions d'exploitation de la force
de travail aux exigences de l'évolution du capitalisme. Depuis
plus de 20 ans on nous « squatte l'encéphale » avec
l'idéologie des gagneurs (la tapie mania en a été le symbole) :
il faut nous battre pour faire notre place dans cette société
en écrasant les autres ; seuls les plus forts auront droit
aux bienfaits de la concurrence, les autres restant sur le carreau.
Dans les pays du Centre, cela passe par une exclusion, une marginalisation
d'une partie significative de la population dont le capitalisme
n'a que faire ; sa principale préoccupation à leur égard
consiste à faire en sorte que les exclus n'empêchent pas les capitalistes
d'exploiter en rond ! Une vision sécuritaire se met en place :
la notion de classes dangereuses tient lieu d'analyse ; autrement
dit, l'Etat se prépare à la répression au cas où les opprimés
et les exploités voudraient sortir de ce cercle vicieux. Ainsi
cela se traduit par des préparations :
policière : renforcement des moyens de répression par
exemple, amélioration de l'équipement des CRS ou la création des
Brigades anti-criminalité composées de flics en civils ;
militaire : entraînement et spécialisation d'unités
militaires à la répression anti-émeutes, banalisation de cette
présence dans les villes grâce à Vigipirate ;
juridique : légalisation du contrôle au faciès, utilisation
de la notion « de trouble à l'ordre public » relevant
du flou artistique et laissant donc libre cour à toutes les exactions
policières ; volonté d'étendre la notion de terrorisme, par
exemple Toubon avait prévu que l'accueil de clandestins rentre
dans le cadre de la lutte antiterrosite ; pour l'instant
cette proposition n'a pas été votée, mais quelques attentats sauront
la faire accepter au Conseil constitutionnel ;
médiatique/idéologique en vue de faire accepter au quidam
moyen toutes les « bavures » dues à l'ordre sécuritaire
et à renforcer la cassure entre ceux qui vivent dans les centres
du Centre et ceux qui survivent « là-bas », c'est-à-dire
dans les quartiers ghettos du Centre ou les pays de la Périphérie.
Les populations vivant dans ces quartiers ou dans ces régions
de la planète sont laissées à l'abandon. Le seul « souci »
qu'elles créent aux décideurs économiques et politiques sont leurs
facultés à émigrer pour échapper à la misère et/ou la mort [1] ;
pour ce faire, de véritables forteresses se constituent en vue
d'endiguer les flux migratoires. Ces immigrés venant du Sud, les
« exclus » vivant dans les quartiers ghettos des pays
du Centre sont les nouveaux barbares contre lesquels les sociétés
capitalistes doivent se défendre.
Politique sociale : politique d'exclusion !
Dans ce contexte les politiques n'ayant de social que le nom,
entérinent ce processus : l'apartheid social [2]. Ainsi par
exemple le RMI est présenté par son initiateur, Rocard, comme
un progrès social au même titre que la Sécurité sociale. Cela
relève d'un véritable tour de passe-passe. La création de la Sécu
est le fruit de longues luttes du mouvement ouvrier et a permis
d'assurer un minimum vital lorsque l'on ne peut plus momentanément
ou durablement travailler parce qu'on est malade ou que l'on est
atteint d'un âge avancé. L'ensemble de la société a bénéficié
de ce progrès social qui a permit de désangoisser l'avenir pour
des millions de personnes.
Par contre le RMI s'inscrit dans l'histoire du traitement du
chômage depuis le début de la crise des années 60/70. Dans les
premiers temps, les responsables politiques n'avaient pas conscience
de la profondeur de celle-ci. Ils pensaient que l'augmentation
du nombre de chômeurs était passagère, qu'il fallait attendre
une amélioration de la conjoncture. Aussi les allocations des
chômeurs pouvaient atteindre jusqu'à 90% du salaire car il ne
fallait pas ralentir la consommation afin de maintenir la croissance
et de toute manière le retour vers l'emploi se ferait rapidement :
le mythe de l'éternité des Trente Glorieuses avaient encore du
souffle !
Mais il a fallu constater que la crise n'avait rien de conjoncturel,
mais était bien structurelle. Une des conséquences de cette prise
de conscience fut qu'on ne pouvait plus revenir à une période
de « plein emploi » [3]. Les gouvernements n'ont plus
lutté contre le chômage massif et de longue durée. D'un côté,
ils tentèrent de maintenir un statut quo accepté bon gré mal gré
par tous en culpabilisant les travailleurs. Ces derniers ne devraient
pas se plaindre et être exigeant sinon le chômage irait en augmentant
(les syndicats ont une grande part de responsabilité dans cette
apathie des travailleurs. Il ne fallait pas gêner la gôche au
pouvoir). Ce thème sera particulièrement développé à l'encontre
des fonctionnaires, ces « nantis » qui ont la garantie
de l'emploi [4] ! Ainsi la lutte contre le chômage passait
par la dégradation des conditions de travail [5]. De l'autre,
les décideurs réduisirent les allocations chômage d'année en année,
condamnant à la misère de plus en plus de personnes ; le
RMI est la dernière étape de cette approche de la réalité. L'Etat
entérine concrètement le fait qu'une partie de la population est
durablement, voire définitivement exclue de la sphère de production
et donc de la consommation.
On peut définir un outil comme étant un progrès social lorsqu'il
permet d'améliorer les conditions de vie des individus. Avec le
RMI on ne fait que renforcer le travail au noir, les trafics en
tout genre ; en effet comment vivre avec un peu plus de 2000
F par mois ? Comment parler ainsi d'amélioration des conditions
de vie et donc de progrès social ? Le cynisme des décideurs
n'a aucune limite !
La lutte contre le chomage : une impasse !
Face à cette situation peut-on envisager d'éradiquer le chômage
et donc en finir avec la misère ? La lutte contre le chômage
rencontre un premier obstacle : le chômage est une donnée
constante dans les sociétés capitalistes. On ne peut concevoir
un marché du travail sans concurrence entre les travailleurs,
sinon le rapport de forces serait trop défavorable pour les capitalistes
et le coût de la force de travail (autrement dit les salaires)
serait prohibitif et limiterait considérablement les profits dégagés.
Ainsi il paraît difficile, sinon impossible, d'en finir avec la
misère en ayant comme objectif de vouloir maintenir l'ensemble
de la population active au travail. La croissance économique ne
peut répondre à cet objectif. Actuellement elle rime plutôt avec
l'augmentation du chômage : beaucoup de cotations en bourse
des entreprises sont en partie déterminées par la capacité de
ces dernières à licencier une partie de leur personnel. Cela montre,
d'une part, que les plans de restructuration sont bien engagés
et, d'autre part, la faculté de la direction de l'entreprise à
imposer ses décisions à l'encontre du personnel même si les conflits
peuvent être importants. De toute manière, il faudrait un tel
taux de croissance pour réduire de manière significative le chômage
que cette rhétorique frise la farce.
Un constat s'impose, la quantité de travail globale diminue,
en raison de l'augmentation de la productivité et de l'automatisation
de certains secteurs de la production ; d'ailleurs si elle
n'est pas plus avancée cela est due en grande partie à des raisons
de rentabilité : lorsque le coût de la main-d'oeuvre est
inférieur à celui de l'introduction d'automates, bien évidemment
le capitaliste préférera asservir des ouvriers.
Pour lutter contre le chômage, les réponses de la classe politique
sont de deux ordres, mais qui en fin de compte reviennent à maintenir
le capitalisme en place. D'un côté, on ne cesse de libéraliser
les conditions d'exploitation afin d'être encore plus compétitifs
sur le marché mondial ; concrètement c'est la politique qui
est menée depuis une vingtaine d'années et qui conduit à la déréglementation
des conditions de travail : instauration et légalisation
de la précarité et donc de l'exclusion.
Résultat des courses, le chômage n'est allé qu'en augmentant
et les conditions de travail se sont dégradées. Le libéralisme
ne peut donc prétendre vouloir résoudre le problème du chômage,
au contraire il ne peut qu'aller vers une dégradation plus importante
de l'exploitation de la force de travail.
De l'autre, on propose de développer les emplois de services
(apporter le café, les pizzas, garder les enfants, les personnes
âgées, faire le ménage, nettoyer les espaces verts…). En
fait cela conduit à ce que la majorité de la population soit au
service (autrement dit, effectue les tâches matérielles et quotidiennes
peu valorisées socialement) d'une caste ayant le privilège d'occuper
les emplois « nobles » de décision, de responsabilité.
Ainsi, on renforce la hiérarchie sociale, la majorité est au service
de la minorité : l'élite !
Pire, les rapports sociaux instaurés entre les personnes, mais
aussi ceux qui tiennent plutôt des relations d'amitié, de bon
voisinage et de solidarité sont aujourd'hui appréhendés comme
source possible de travail : les fameux gisements d'emploi.
On va donc avoir bientôt le droit de produire et de consommer
du voisinage, de l'amitié et de la solidarité. On veut rendre
cette société capitaliste plus humaine (comme si la domination,
la hiérarchie sociale, l'exploitation… pouvaient rendre
la société plus humaine !) en veillant à la résolution, ou
plutôt la bonne gestion, des exclusions ; cela ne conduit,
au travers des emplois de services, qu'à plus déshumaniser cette
société : les relations humaines, sociales sont aujourd'hui
en passe d'être quantifiables, consommables : marchandisées !
Devrons-nous demander un chèque-service pour aider une personne
âgée à traverser la rue ?
Ces propositions ont en commun d'aborder le problème du chômage
par la création d'emplois avec, à l'appui, la recherche systématique
d'une croissance économique. Jamais il n'est réellement pris en
compte qu'il y a moins de travail, qu'il est préférable que des
machines s'usent sur des chaînes de montage plutôt que des ouvriers
y laissent leur santé et leur vie. Ceci montre que le travail
est le centre des préoccupations ; à la limite, il est une
fin en soi ; toujours est-il, qu'autour de lui s'organise
la vie : la gestion du temps, le choix du lieu d'habitation,
etc. Autour du travail se joue une bataille idéologique dont l'enjeu
est le maintien de la société bourgeoise.
Le mouvement ouvrier n'est pas épargné par cette conception ;
historiquement, il a souvent fait une priorité du fait de pouvoir
travailler ; il est allé jusqu'à revendiquer « le droit
au travail ». En toute logique cette revendication est absurde :
le travail ne peut être un droit, il ne doit être qu'un moyen
pour satisfaire des besoins. Ceci montre qu'une des causes de
l'échec du mouvement ouvrier est qu'il n'est jamais radicalement
sorti de l'idéologie bourgeoise.
Le mouvement syndical en particulier, mais aussi des associations
de lutte contre le chômage proposent de diminuer le temps de travail
à 35, 32 et même à 30 heures hebdomadaire. Ces propositions ne
peuvent en aucune façon apporter de réponses concrètes et durables.
Pire la réduction du temps de travail se traduit par une augmentation
de la productivité ! En tout cas, elle ne prend pas vraiment
en compte ce que signifie la mondialisation de l'économie. Les
marchés et les multinationales acquièrent de plus en plus de puissance,
limitant à la portion congrue la réalité du pouvoir que détiennent
les Etats ; ils ne peuvent plus déterminer ni contrôler les
politiques monétaires, industrielles, sociales… Si, par
exemple, le gouvernement français, ou même l'ensemble de l'Europe
de Maastricht, accédaient à ces revendications, il y a fort à
parier que les multinationales investiraient dans d'autres régions
du monde où le coût de l'exploitation de la force de travail serait
moins cher. La lutte pour la diminution du temps de travail, dans
le contexte de la mondialisation, n'est guère porteuse de perspectives ;
on ne peut faire disparaître le chômage - et l'exclusion - par
la réduction du temps de travail. Au contraire, on renforce la
césure entre les exclus et les précaires, d'un côté et les travailleurs
garantis, de l'autre. A l'échelle de la planète, cette lutte peut
amplifier les conflits entre les populations des différentes régions
du monde en renforçant la concurrence entre ces dernières et surtout
entre les opprimés.
La revendication actuelle de l'emploi est synonyme de « moyen
de vivre », « d'insertion », « d'existence ».
Elle occulte toute réflexion sur son pourquoi et sa finalité.
Produire quoi ? Pour quels besoins ? Produire comment ?
Ces questions sont toujours reportées aux calendes grecques sous
prétexte de l'urgence. Des créations d'emplois sont réclamées
pour la santé sans s'interroger sur quelle santé, quelle vieillesse,
pourquoi la France est le premier consommateur de calmants… ?
Dans le maintien ou la recherche de « gisements d'emplois »,
la société accepte tout et n'importe quoi dans une fuite en avant
suicidaire :
de la multiplication des autoroutes aux centrales nucléaires ;
du tourisme à la transformation des rapports sociaux en
marchandises, etc.. Les marchés imposent de plus en plus leurs
diktats ; ce sont eux qui déterminent les choix politiques
en fonction des finalités qu'ils se sont fixés ; ils détiennent
ainsi le pouvoir sur lequel aucun contrôle ne peut être exercé
tant leur autonomie est grande. Les Etats deviennent de gros ministères
de l'intérieur chargés de réduire les coûts de la force de travail,
d'en durcir les modes d'exploitation et de se doter des moyens
de répressions suffisants pour parer à toutes éventualités si
les exploités et les opprimés en viennent à remettre en cause
cet ordre mondial.
La revendication d'un revenu garanti pour tous et toutes représente
une réponse immédiate et concrète. Mais n'existe-t-il pas un danger
en l'extrayant d'un contexte global de lutte contre l'exclusion,
de ne pas remettre en cause la hiérarchie sociale fondée par l'importance
des revenus, et de renforcer une société fondée sur une partie
de la population qui serait maintenue au travail, tandis que l'autre
vivrait de revenus garantis. Cet objectif stigmatise les exclus
et les précaires au détriment de la lutte de classes. Ces clivages
sociaux seraient sources de conflits durables. Comment parler
d'égalité sociale ? Le revenu garanti, comme unique revendication
ne peut être un outil pouvant lutter radicalement contre l'exclusion.
Celle-ci ne pouvant se réduire à des considérations économiques,
car elle pose la question de la nature du lien social qui fait
qu'on vit ensemble dans une même société. Celui-ci n'est jamais
donné, il nous faut l'inventer et le construire en tenant compte
des contradictions - peut-être des impasses - auxquelles est confronté
le capitalisme.
Critique du travail : critique du lien social
Dans la société bourgeoise seule l'activité produisant du profit
dont bénéficient les capitalistes est considérée comme étant du
travail. Il signifie en fait travail salarié, s'opposant aux activités
sociales considérées comme mineures par rapport à lui. C'est une
caractéristique de cette société de faire du travail le fondement
du lien social. Historiquement il n'a pas toujours été ainsi.
Ainsi au Moyen Age et jusqu'à la Révolution française, l'ordre
social était vécu comme un ordre divin où chacun et chacune avait
sa place déterminée par Dieu et ne pouvait en aucune façon être
remise en cause sinon on attentait à Dieu [6]. Cette organisation
sociale reposait sur trois corps : le clergé, en particulier
les évêques, qui détenait la parole et donc transmettait le message
de Dieu ; les soldats ou aristocrates, bras armés de l'Eglise ;
les paysans, qui regroupés en fait l'ensemble des travailleurs,
étaient chargés d'entretenir l'ensemble des personnes composant
la société. Ainsi donc le travail n'est pas le fondement du lien
social. D'ailleurs, une des caractéristiques des deux ordres qui
formaient l'élite de la société est qu'ils ne participaient en
aucune façon aux activités productrices - qu'ils jugeaient comme
dégradantes - ; elles étaient l'exclusives du troisième ordre.
Au XVIIème siècle apparaît une nouvelle conception de l'être humain.
Deux éléments vont définir un individu : il doit préserver
sa vie et satisfaire ses intérêts ; ainsi l'individu peut
et doit agir sur son devenir et par conséquent sur l'évolution
sociale. La société n'est plus d'essence divine mais de construction
humaine. « Le problème majeur est de trouver un nouveau principe
d'ordre, susceptible de fonder l'unité de la société et d'organiser
les liens entre des éléments qui n'avaient jamais été considérés
dans leur isolement auparavant, mais toujours… comme des
parties d'un ensemble hiérarchisé et articulé. » [7] En effet
si ma principale aspiration est de préserver ma vie et de satisfaire
mes intérêts, alors les autres individus risquent de contrecarrer
mes projets pour assouvir leurs besoins, voire mettre ma vie en
danger ; la réciproque est également vrai ; « l'Homme
est un loup pour l'Homme. » Dans ces conditions il est difficilement
concevable que nous puissions vivre dans une société fondée sur
l'individu. Il faut donc rechercher un lien social qui permette,
garantisse une cohésion sociale qui ne soit pas à chaque instant
remise en cause et dont on pourra déterminer les règles communes
acceptées par tous et toutes.
Ce sont les économistes qui vont apporter les réponses, en particulier
A. Smith. Ce sera l'échange dans les rapports marchands et dans
le cadre du travail qui mettra en relation les individus et maintiendra
le lien social. C'est par le travail que l'individu obtient le
droit de posséder, cela se fondant sur le droit de se préserver.
Ainsi l'économie acquiert une place prépondérante. Elle « …
est donc une philosophie de la société fondée sur la méfiance :
l'intervention humaine n'est pas suffisante pour garantir l'ordre
social. Au libre choix par les individus de leurs règles de vie
et de leurs fins l'économie préfère la rigueur des lois. »
[8] Ainsi n'est considérer comme travail, les activités qui sont
à l'origine d'un accroissement de la richesse. Le temps de travail
devient l'outil de mesure de la valeur d'échange qui prend le
pas sur la valeur d'usage ; le prix d'une marchandise prévaut
sur l'utilité que nous pourrions retirer de cette dernière [9].
La société bourgeoise regarde la réalité à partir du prisme de
la quantification au détriment de la qualité et de l'utilité concrète
puisque une de ses finalité est l'augmentation sans limite de
la richesse.
La lutte contre le chômage se limite à réclamer un meilleur
partage du gâteau capitaliste, mais n'en conteste par la nature.
Cela renforce l'idée que le libéralisme est indépassable qu'il
n'y a plus d'alternative : cela entretient le mythe d'une
sortie de la crise par le partage dut travail. Ainsi on ne prend
pas en compte les évolutions du capitalisme, à savoir la mondialisation.
C'est croire que les Etats sont encore assez forts pour imposer
aux multinationales et aux spéculateurs des développements autocentrés
dans les pays du Centre. C'est aussi faire fi que cela fut possible
pendant les Trente Glorieuses en pillant le Tiers Monde !
Perspectives
Les luttes contre la misère doivent se fonder :
à partir des évolutions fondamentales de la société bourgeoise :
la perte de la centralité du travail et la mondialisation. Jusqu'à
un passé récent, le profit était extrait essentiellement de l'exploitation
de la force de travail ; depuis un quinzaine d'années, une
tendance se dessine : la principale source de profit devenant
la spéculation. Il importe maintenant pour les capitalistes de
se doter de moyens pouvant limiter les risques (comme on l'a vue
lors du krach de la banque du Mexique, ou de la Barings par exemple)
qu'engendre cette dernière et donc d'être en capacité de « prévoir »
(autrement dit « redonner confiance aux marchés ») pour
pouvoir investir sans que les risques soient trop importants.
Le travail devient - dans les sociétés occidentales pour le moins
- plus un outil de domination que la source principale de profit.
l'évolution qualitative des luttes qui se sont déroulées
ces dernières années. Que l'on prenne, par exemple les luttes
sur le logement, contre la précarité et dernièrement celle des
sans-papiers, elles ont un point commun : ce sont des personnes
qui survivent dans des conditions inextricables et qui disent
« stop ! On arrête, on ne peut plus continuer à vivre
de la sorte ». Ces luttes ne posent plus les problèmes en
termes quantitatifs (réduction des loyers, du temps de travail,
augmentation de salaires…), mais impose des débats sur des
choix de société : pouvons nous accepter que des individus
ne puissent se loger sous prétexte qu'un propriétaire leur réclame
des loyers et garanties qu'ils ne pourront jamais fournir [10].
On peut espérer que dans un proche avenir des personnes n'acceptent
plus d'être réduites à la mendicité ou à la charité pour pouvoir
se nourrir, se vêtir…
De même les sans-papiers en revendiquant la libre circulation
des individus, l'ouverture des frontières, interrogent la société
sur son devenir. Voulons nous vivre dans un monde de « petits
blancs » complètement repliés sur eux-mêmes et ayant peur
de tout ce qui leur est extérieur, étranger ; un monde dans
lequel les populations, en particulier les pauvres, seraient fixées
sur leur territoire, un monde dans lequel les cultures seraient
étanchent les unes par rapport aux autres ? Ou voulons nous
au contraire vivre comme on le veut, avec qui on veut et où l'on
veut, ce qui passe inévitablement par la reconnaissance de valeurs
comme la solidarité, l'égalité, la liberté, l'interculturalité ?
Un des problèmes fondamentaux auxquels nous sommes confrontés
est de réinventer de nouveaux liens sociaux qui redonnent du sens
pour vivre dans une société. La question n'est pas de dire « à
bas le travail », il a toujours fait partie des activités
humaines ; on peut même avancer l'idée qu'il participe aux
rapports que nous entretenons avec la nature et donc entre les
êtres humains.
Notre volonté politique est de connaître et de maîtriser nos
conditions de vie. Si l'on définit le travail comme une activité
ayant pour but de satisfaire des besoins sociaux, mais aussi individuels,
au même titre que se cultiver, de faire la fête, de participer
à la vie associative d'un quartier ou toute autre forme de mobilisation
qui, elles aussi sont des activités pour satisfaire nos besoins
et, ce en vue de connaître et maîtriser nos conditions d'existence,
alors le travail retrouve sa justeplace.Ainsi lefaitdetravailler
devient une activité sociale parmi d'autres, activité que nous
devons maîtriser, c'est-à-dire en déterminer les finalités, l'utilisation,
les méthodes, les techniques et les moyens employés. Nous devons
donc développer la notion d'activite socialement utile. En effet,
pour définir ce qui est « utile » il faut déterminer
« socialement » quels sont nos besoins. L'activité
travail implique forcément le partage puisqu'elle est déterminée
collectivement, non plus afin de créer des profits pour les capitalistes,
mais par rapport à nos conditions d'existence sur lesquelles nous
voulons agir.Ce qui doit fonder le lien social ce n'est plus le
travail salarié, mais les formes d'organisations sociales qui
nous permettront de connaître et maîtriser nos conditions d'existence.
Le débat sur la crise de la centralité du travail peut ainsi nous
permettre d'entrevoir d'autres perspectives et briser l'unidimensionnalité,
autre caractéristique de la société bourgeoise : on définit
notre existence principalement par le statut de travailleur. Moins
on répond à ce caractère (précarisation, chômage...) plus le processus
d'exclusion se met en place.
Or vouloir casser le caractère unidimensionnel nous impose aussi
des stratégies dans les luttes. Bien souvent on confine des personnes
en lutte à la spécificité de leur combat. Ainsi on est ouvrier
en grève, sans-papiers, chômeur luttant pour obtenir ses allocations,
ou mal logé... On a souvent du mal à briser l'étanchéité entre
ces différentes réalités ; en conséquence les luttes sont
souvent spécifiques et il est très difficile d'oeuvrer pour leur
globalisation. Si l'on prend l'exemple des sans-papiers, il paraît
évident qu'ils sont aussi travailleurs, chômeurs, parents, locataires,
etc. Il y a fort à parier qu'on renforcerait le rapport de force
si l'on arrivait à prendre en compte l'ensemble de ces dimensions
tout d'abord au sein des collectifs en lutte, mais aussi dans
les différentes secteurs de la société. De réelles convergences
d'intérêts, sur des bases concrètes, pourraient se mettre en place,
fondement d'une solidarité active et ainsi les personnes ne seraient
plus uniquement des sans-papiers.
En outre cette prise en considération de tous les éléments afférents
à la vie sociale permettrait, au sein des mouvements, d'aborder
la globalité non plus de manière ésotérique et élitiste, mais
par l'ensemble des personnes mobilisées. C'est ainsi qu'on construit
une réelle autonomie des luttes devenant réellement des luttes
anticapitalistes. Autre exemple, il serait intéressant de discuter
avec les intermittents du spectacle de l'accès pour tous à la
culture et aux loisirs. Comment lorsqu'on touche le RMI aller
regarder un spectacle dont l'entrée est de 150 F. Avec des paysans :
comment organiser des réseaux de solidarité active avec des personnes
ne pouvant plus se nourrir décemment et sont donc obligées d'aller
mendier aux restaurants du coeur. Le logement gratuit pour tous
est une revendication que nous portons. Mais comment s'organiser
tant au sein de l'immeuble pour assurer l'entretien des locaux
que faire appel à des personnes qualifiées pour exécuter certains
travaux qui requièrent un savoir faire non partagé par tout le
monde (plomberie, électricité, entretien du toit...) ; comment
échanger ces savoirs ? En résumé, comment s'organiser socialement
pour que nos conditions de vie ne soient plus déterminées par
nos revenus, pour qu'une réelle égalité sociale voit le jour sur
la base d'une solidarité active. Comment déterminer des choix
de société qui en finissent avec l'exploitation, la domination ?
C'est à ces débats, ces interrogations auxquels nous devons réfléchir
et faire partager pour tenter de construire des alternatives sinon
le capitalisme a encore de beaux jours devant lui.
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