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Forum Social Libertaire
Salon du Livre Anarchiste
Du 11 au 16 novembre 2003 à Paris et Saint Ouen (93)
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L'objectif des luttes ne serait plus l'éradication de la misère
et de l'injustice, mais simplement de rendre plus supportables :
les inégalité, le chômage, la guerre, les politiciens.
D'autres futurs sont possibles, mais pas dans le cadre de l'économie
basée sur les profits, pas sous la coupe des Etats, des religions,
des armées, autant d'outils d'oppression et de répression. Alors,
rupture ou réajustement du système ?
Une approche libertaire de la mondialisation
Entretien avec notre camarade Francois Marchesseau, prof d'économie
propos recueillis par Françoise Huitel et Didier Ribes
groupe Michel Bakounine de la Fédération Anarchiste
Le Monde Libertaire : Comment analyses-tu le phénomène
de la mondialisation économique ?
F.M. : Pour comprendre comment la planète s'est
transformée en un espace commercial unique, il faut remonter à la
fin du XVIIIe siècle avec la naissance de l'industrialisation en
Europe donc la création du système capitaliste. Très vite, les puissances
industrielles (Angleterre, France, Allemagne) ont besoin de matières
premières d'où la colonisation... Ce qui va bouleverser les conditions
d'évolution de ce ces sociétés-là.
M.L. : La colonisation se serait donc faite pour une
raison purement économique ?
F.M. : Oui, au départ, pour des besoins d'approvisionnement
en matières premières. Ensuite, dans l'intention de trouver des
débouchés pour écouler les produits fabriqués en Europe (textile,
outils, armes). Cela permet également l'assise du pouvoir politique,
à savoir l'impérialisme avec la bénédiction des curés qui trouvent
d'autres âmes à convertir.
M.L. : Peut-on parler, à ce moment-là de déséquilibre
Nord-Sud ?
F.M. : Oui, puisque le Nord (Europe et États-Unis)
concentre les activités productives avec des forts taux de plus-value
(transformation de produits primaires) et le Sud, quant à lui, sert
de réservoirs de matières premières, de réserves à main-d'œuvre,
éventuellement de chair à canon au gré des changements de stratégie
politique. Il est donc illusoire d'imaginer un développement du
Sud comparable au notre puisque notre richesse repose sur l'exploitation,
l'asservissement des peuples colonisés.
M.L. : Alors, pourquoi l'accès à l'indépendance des pays
colonisés n'a pas favorisé leur développement ?
F.M. : Ces pays sont devenus effectivement indépendants
politiquement (avec un modèle étatique européen) mais la domination
économique s'est maintenue parce que les flux de marchandises et
de capitaux restaient les mêmes. De plus, le partage économique
du monde était déjà fait entre les grandes puissances occidentales,
le tiers monde continuant à servir de sources d'approvisionnement
et fournisseurs de main-d'œuvre à bon marché. Ensuite, parce
que les réseaux d'échanges internationaux se développent et la croissance
des pays s'amplifie considérablement après la deuxième guerre mondiale,
ce qui nécessite beaucoup plus de capitaux d'où l'achèvement de
la mondialisation par l'aspect financier.
" Le temps du monde fini commence " pour assurer les profits de
demain. Or, ce sont les profits accumulés qui rendent possible le
réinvestissement et ainsi pérennise le système capitaliste :
toute l'humanité se trouve impliquée dans un même jeu.
M.L. : Le non-développement du tiers monde est donc une
nécessité du système capitaliste ?
F.M. : Oui, c'est même une question de survie.
Depuis les années 70, des pays développés sont même en surproduction,
les marchés sont saturés donc nécessité d'écouler les surplus vers
le Sud. De plus, pour se développer, le tiers monde devrait utiliser
ses ressources pour satisfaire ses besoins propres. Son économie
ne serait plus complémentaire mais concurrentielle des pays occidentaux ;
ce qui mettrait en danger le système en place. De toute façon, l'endettement
du tiers monde l'a enchaîné à notre fonctionnement économique et
politique, pour favoriser l'enrichissement permanent d'une classe
dominante.
M.L. : Si tout est joué d'avance, quelle est, alors,
la solution possible pour le tiers monde ?
F.M. : Nous avons vu qu'il était impossible pour le
tiers monde d'espérer un développement similaire au nôtre. Pourtant,
une recherche de solutions est possible en dehors des pouvoirs.
Dans certains pays africains, des villages entiers retrouvent des
principes communautaires et s'organisent seuls. Et, ils s'en sortent
très bien depuis qu'ils ont abandonné les méthodes inculquées sous
la pression des agronomes et des experts en développement. C'est
donc en reconstruisant, avec leurs spécificités socio-économique,
un appareil de production adapté à leurs ressources locales et à
leur force de travail (éducation, formation) qu'ils pourront briser
leurs chaînes.
M.L. : Avec la mondialisation, nous sommes passés du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au droit des investisseurs
à disposer des peuples. Pour contrer cette dictature mondiale, un
mouvement anti-mondialiste s'est constitué. Qu'en penses-tu ?
F.M. : Les opposants à la mondialisation se manifestent,
en ce moment, à l'occasion de tous les sommets importants des symboles
de l'organisation capitaliste : OMC, FMI, Banque Mondiale.
Si ce mouvement obtient l'adhésion d'une partie de la population
et parfois notre participation, il faut noter que ces manifestations
émanent plus du refus d'une incohérence économique que du refus
total de l'économie de marché. Ils demandent, entre autres, un traitement
commercial différencié pour les pays les plus pauvres, la prise
en compte des implications sociales et environnementales avant l'adoption
de toute mesure de libéralisation, la transparence de l'institution,
qu'il n'y ait pas de nouvelles négociations sans bilan des accords
précédents.
Bref, une réforme de l'économie capitaliste mais pas son abolition.
Les puissants de ce monde peuvent continuer de jouer avec nos vies,
du moment que les règles du jeu sont connues de tous ! Peu
importe si le but final est la condamnation de millions de personnes
pour le profit de quelques uns !
M.L. : L'association ATTAC, en France, regroupe déjà
20 000 adhérents. Son objectif est de taxer à 0,01 % les mouvements
de capitaux pour aider les citoyens. Ce projet te paraît-il découler
d'une attitude réformiste, également ?
F.M. : Oui, car cette taxe, imaginée par l'économiste
américain James Tobin, ne remet pas en cause l'économie de marché.
Sur 1500 milliards de dollars de spéculations par jour, la taxe
représenterait 150 millions de dollars soit 1 milliard de francs
par jour, donc 365 milliards de francs par an ; comparée au
PNB d'un pays comme la France (environ 8300 milliards par an), c'est
une goutte d'eau prélevée dans un océan de richesses !
Pour moi, ATTAC est partisan d'une libéralisation contrôlée de
l'économie mondiale et non de son abolition.
M.L. : Quelles sont les moyens de lutte contre la marchandisation
de l'homme et comment faire pour que l'utopie devienne la réalité
de demain ?
F.M. : La vraie résistance, à mon avis, n'est pas d'adopter
une position défensive mais plutôt de passer par la création de
réseaux de liens solidaires, de structures autogestionnaires (Système
d'échanges local, centres d'éducation libertaire, coopératives).
" Agir local, penser global " me semble être une réponse plus adaptée
au phénomène de la mondialisation. Peu de temps avant sa mort, François
Partant avait écrit une fiction qui pourrait vite devenir une réalité
si tous les exploités agissaient pour la mettre en œuvre. "
Imaginons qu'un paquebot fasse naufrage au cours d'une croisière.
Quelques centaines de personnes en réchappent et se trouvent sur
une île déserte, où elles savent que personne ne viendra les chercher.
Les naufragés vont devoir s'organiser pour survivre. Après avoir
fait l'inventaire des ressources de l'île, ils se répartissent les
tâches, les uns étant à la charge de fournir la nourriture, les
autres de construire des abris, etc. Si, ayant trouvé des épis sauvages,
ils décident de cultiver du blé, ils ne se demanderont pas si leurs
rendements à l'hectare seront comparables à ceux de la Beauce, ni
si leur production céréalière sera compétitive avec celle des États-Unis.
La seule question sera de savoir si la récolte de blé assurera du
pain à tout le monde. Il en sera de même pour toute autre activité
productive ".
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