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Bilans OCL, AL , CNT-AIT du FSL de novembre dernier

Date : 03 Fevrier 2004
Objet: Bilans OCL, AL , CNT-AIT du FSL de novembre dernier
Pour celles-ceux intéressées par les bilans respectifs des orgas participant au FSL du 15 novembre dernier, mieux vaut tard que jamais...
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Bilan OCL du FSL/SLA
Un bilan positif


Tandis que l'intervention commune des libertaires, lors du sommet d'Evian, était centrée sur une exigence de visibilité et d'intervention, il s'agissait cette fois, avec le Forum social libertaire (FSL) et le salon du livre anarchiste (SLA), de privilégier les débats et les confrontations de fond. Ce qui, à n'en pas douter, manquait cruellement depuis longtemps. Et de ce point de vue, ce fut, pour une première tentative, une réussite.

Les locaux étaient bien adaptés à la chose, l'organisation bonne dans l'ensemble, l'ambiance plutôt conviviale. Seule la restauration a laissé à désirer mais, n'est-ce pas, nul n'est venu à St-Ouen pour manger ! Il faut pourtant souligner que la participation aux tâches matérielles ne fut sans doute pas assez partagée, les militantes et les militants de la FA en faisant plus que leur part.
Côté débats, on ne peut que se réjouir d'une participation très importante et qui fut loin de n'être qu'une simple consommation d'orateurs à la tribune. Les interventions furent nombreuses, les gens, dans l'ensemble, s'écoutaient. Sans entrer dans les détails (voir à la suite des comptes-rendus plus détaillés) (1) on a retrouvé parfois une ligne de partage entre des éléments attirés par certaines formes de citoyennisme et caressant le désir d'exister comme fraction libertaire à côté de l'aire de recomposition social démocrate et d'autres prônant une rupture plus nette avec cette dernière et se situant hors de toute stratégie frontiste(2). En somme, revisité à la mode actuelle, le vieux clivage réformisme/révolution, qui rend difficile l'unité des libertaires mais qui doit quand même laisser la place à des interventions communes et à la création d'un espace politique ouvert. Car, bien entendu, la ligne de fracture n'est pas aussi claire et précise (elle traverse tous les regroupements et même souvent les personnes), et il est bon que des lieux comme le FSL permettent que le débat se mène sans enjeu de pouvoir et en toute liberté.

Le salon du livre anarchiste a été visité par un nombre important de personnes (un millier, peut être plus). Ce qui fut frappant - et que nous constatons depuis quelques années - c'est un regain d'intérêt pour la chose écrite au détriment des gadgets, badges et autres tee-shirts. Compte tenu que livres et revues coûtent relativement cher on peut penser que les achats correspondent davantage à une envie de lire, donc de comprendre, de discuter, d'analyser qu'à un comportement consumériste.

Le seul aspect nettement moins positif fut la manifestation. Non par le nombre, qui a atteint environ 3000 personnes, ce qui n'est pas si mal, mais par le flou des objectifs politiques qui furent mal définis collectivement.

Etait-ce bien nécessaire de rejoindre le cortège FSE et de poireauter des heures, en queue de manif, à quelques encablures du S.O du PS composé de quelques dizaines de gros bras ? Et, à ce propos, il faudra bien qu'à la suite de la CLAAAC(3) et du FSL, nous apprenions à être plus autonomes et à parvenir à prendre des initiatives hors des calendriers et des rendez-vous fixés par les néo socio-démocrates. Autant il avait été décidé que nous éviterions, pour cette fois, tout incident avec le PS, autant nous ne sommes ni en mesure ni n'avons le droit d'empêcher d'autres de le faire.

Souvenons-nous que l'on peut toujours être le "toto" (l’" autonome ") de l'autre et que nous sommes résolument hostiles aux S.O musclés et spécialisés pour régler des questions de préséance.

Pour que se poursuivent des initiatives comme le FSE et la CLAAC entre des organisations d'inégale taille, avec des fonctionnement différents, une histoire propre et, il faut aussi le dire, certaines pesanteurs organisationnelles, il est absolument impératif que toutes s'en tiennent strictement aux décisions prises, même si, ensuite, elles apparaissent à certaines inadéquates. C'est à ce prix que l'efficacité et la confiance se renforceront. Le respect de la démocratie peut paraître à certains moments formel, mais il est porteur, à terme, d'avancées plus importantes que les éphémères et illusoires succès que procurerait son déni.

1. On peut également trouver des textes ayant servi à mener les débats sur internet, fsl-sla.eu.org )

2. On a pu entendre untel prôner une "citoyenneté active", une telle une union des femmes "quelle que soit leur classe sociale", ou encore "une participation au réseau pour un avenir sans nucléaire" avec les Verts.

3. Coordination des luttes antiauroritaires et anticapitalistes, rassemblement d’organisations libertaires à l’occasion de la manifestation contre le sommet du G8 à Evian en juin 2003.
Forum "Luttes sociales "
Poser un projet social...


Ce forum a permis à une bonne vingtaine d'intervenant-e-s d'échanger - en tant qu'acteurs et actrices des mouvements sociaux réparti-e-s sur l'ensemble de l'Hexagone - leurs analyses sur la mobilisation, la combativité et les nécessités actuelles qui s'imposent pour les révolutionnaires libertaires.

Tout d'abord il faut constater une unanimité sur le niveau de résistance, qui est loin d'être retombée après l'impasse du mouvement de mai-juin, même si le rebond attendu en septembre n'a pas eu lieu. Difficile de repartir comme ça au conflit sans une pause. De plus tou-te-s se questionnent sur des pratiques à inventer, et sur quelles structures mettre en place pour dépasser le corporatisme, les rivalités entre chapelles syndicales ou d'extrême gauche, et pour arriver à une traduction politique globale au-delà des enjeux économiques propres à chaque profession. A noter dans le débat un spectre syndical, étalé de la CGT aux CNTs, en passant par les SUD, qui n'a nullement empêché des constats similaires sur les luttes.

Le bilan du rôle des confédérations syndicales a été celui d'un frein, d'un verrou au développement de la lutte, au point qu’elles ont instauré dans certains cas des piquets anti-grève (la CGT à la SNCF à Paris). Pourtant la mobilisation ne se fait pas contre les directions syndicales Dans de nombreux endroits, l'auto-organisation a prévalu, avec actuellement un "effilochage" en cours, un peu inévitable. Pour certains, comme dans les Pyrénées Orientales, la maturation des luttes depuis décembre 95 a permis l'implantation d'un comité de grève l'AGPL, assemblée générale des personnels en lutte- au-delà des catégories professionnelles et des chapelles politiques, avec une volonté de dépasser les revendications corporatistes (décentralisation dans l'éducation nationale, retraites des fonctionnaires) vers l'instauration de la grève générale pour remettre en cause la loi sur les 40 annuités du privé, instaurées sous Balladur ; il ne s'agissait pas d'interpeller les pouvoirs publics mais bien d'élaborer l'émergence d'une force collective mêlant enseignants, intermittents, sans-papiers. A Rouen, où les pratiques de démocratie directe dans les luttes avaient déjà émergé en 95, les réflexions collectives ont tenté de poser la question des choix de société (avec des rencontres enseignants-parents), des productions socialement utiles (à travers l'usine d'engrais de Grande-Paroisse, polluante et dangereuse, à proximité de l'agglomération). A Vaulx-en-Velin, le comité "On vaut mieux" a déstabilisé les bureaucrates locaux en tentant notamment pendant une quinzaine de jours d'élaborer une dynamique au-delà des corporatismes autour de la résistance à la précarité. Courant novembre, des réunions se poursuivaient pour développer un réseau d'inform-action sur certains axes (sécurité sociale, précarité...) avec des liens transversaux à l'échelle du département.

Ailleurs, à Lannion, Grenoble, Nantes, Roubaix ou Boulogne/Mer, des collectifs ont tenté de mettre en place des structures de lutte plus ou moins durables pour échapper aux limites inhérentes aux luttes sectorielles, alors que nous sommes confronté-e-s à un problème politique global une économie capitaliste en crise qui demande une réponse et une mobilisation globales.
Pour certains, comme dans les professions de la santé, il semble que la grève générale n'était pas à l'ordre du jour dans les esprits, même si la CGT n'avait bien sûr nullement l'intention d'en arriver jusque-là. Il faut aussi voir l'ambiguïté de revendications demandant actuellement une intervention accrue de l'Etat dans le maintien de certains droits sociaux (retraite, couverture maladie, "parapluie" social), dans la protection à l'égard du marché, ce qui n'est pas sans aller a contrario de propositions libertaires d'auto-émancipation. Plutôt que de "services publics" faudrait-il parler de "services universels", ou "service social utile". Pour certains se pose la question d'une structuration, d'une stratégie commune aux anarchistes pour peser et maintenir une capacité au-delà des luttes, dans le quotidien. D'où la nécessité de réitérer les moments de rencontres et d'échanges entre libertaires. Mais il y a là déjà des différences d'approche - sur les pratiques à développer dont il faudrait faire le bilan sur une bonne quinzaine d'années pour voir où on en est réellement...

Deux principes peuvent servir de repères pour avancer:
D'abord le développement de structures en adéquation avec le contenu des revendications,
d'autre part poser un projet social à partir de quelques axes comme : le partage des richesses, l'égalité sociale et économique, quelle santé ?...
Avec une perspective, le dépassement du mouvement libertaire par le mouvement social lui-même.

Compte-rendu débat : OCL Nantes.


Forum «citoyennisme ou lutte des classes ? » FSL/FSE : Autonomie ou entrisme ?

Le dernier débat du Forum Social Libertaire, dans la grande salle, portait sur " Citoyennisme ou lutte de classes, alter mondialisation ou anticapitalisme ". Ce débat a duré deux heures, tous les points de vue ont pu s’exprimer sans problème majeur malgré les divergences criantes. En effet, on trouve toujours, dans le microcosme libertaire, des âmes pour défendre le citoyennisme au nom d’une " citoyenneté active " soi-disant opposée à une " citoyenneté passive "... Mais là n’est pas l’essentiel !
En fait, ce débat a tourné autour de notre stratégie politique vis à vis du F.S.E. et plus précisément de notre rapport avec ce mouvement alter-mondialisation français, en particulier avec ATTAC.

Effectivement, ce mouvement est pluriel, comme la gauche l’était ! Bien sûr on retrouve à la base d’ATTAC, de n’importe quelle structure syndicale, associative, caritative, ... des tas de gens intéressants. Hé! Alors ? Heureusement ! Mais là n’est pas le problème ! La stratégie d’autonomie du F.S.L. effective dans les faits, sauf dans la deuxième partie de la manif du samedi où nous avions choisi collectivement d’intégrer la manif F.S.E. (où un bilan collectif s’impose), n’a d’ailleurs jamais été remise en cause dans ce débat. Et pour cause ! En effet, la majeure partie des organisateurs du F.S.E. n’avait laissé guère de place aux acteurs réels des divers mouvements sociaux, privilégiant ceux dont la fonction sociale est de représenter ces mouvements (comme les appareils syndicaux divers et multiples). Il n’était donc pas question pour eux de laisser des espaces de rencontres et de débats où auraient pu s’exprimer des courants radicaux, quels qu’ils soient. Même les trotskistes étaient sous surveillance... Alors, les anars... ils pouvaient toujours payer (très cher) un espace pour y tenir une table de presse... et se réunir dans " une cabine téléphonique ".

Malgré l’évidence, il y aura toujours dans notre mouvance des structures, des individus défendant les bienfaits d’un entrisme qui se situe aujourd’hui dans l’aire de recomposition de la social-démocratie. Que les décideurs de ce courant alter-mondialiste s’affichent clairement comme étant des étatistes de gauche partisans d’un capitalisme maîtrisé par des contrôles citoyens... cela ne les gêne nullement ! Nous, cela nous révolte et nous réconforte dans notre stratégie de rupture avec le " vieux monde ". Et comme le diront plusieurs intervenants, nous aurons, nous aussi, à balayer devant notre porte !

OCL Reims
Forum «Pour un antipatriarcat révolutionnaire »
Se démarquer de l’interclassisme et du réformisme


Une double mystification est aujourd'hui portée au niveau international par un courant social-démocrate adepte du " politiquement correct ", avec parfois le soutien d'instances de pouvoir officielles :
- l'affirmation que le capitalisme baptisé " libéralisme " est aménageable grâce à une intervention étatique au profit des classes exploitées, pour pallier ses " excès " ;
- l'affirmation que le patriarcat est aménageable grâce à une intervention étatique au profit des femmes, pour réduire les inégalités avec les hommes.

Face à une propagande réformiste qui s'en prend seulement aux " méfaits " du " capitalisme sauvage " ou aux attitudes trop ouvertement machistes et sexistes, il faut rappeler deux vérités :
- le remède à l'oppression de sexe et à l'exploitation de classe ne peut être que la destruction des structures qui les sous-tendent, et non l'intégration à celles-ci, quel que soit leur degré d'" amélioration " ;
- l'Etat n'étant un arbitre impartial ni entre les sexes ni entre les classes, mais un instrument politique au service de l'ordre établi, il ne peut jamais intervenir que dans un sens favorable aux dominants, et doit être détruit lui aussi plutôt que renforcé par un recours permanent et général à ses " bons services ".
Parce qu'aucune libération individuelle ou collective n'est concevable dans les sociétés existantes, il faut nous démarquer de l'" antipatriarcat " interclassiste et réformiste pour mener de pair les combats anticapitaliste et antipatriarcal en vue de " réhabiliter l'utopie ", donc de réimpulser un projet révolutionnaire permettant de réaliser une émancipation à la fois personnelle et sociale.
On peut se procurer la présentation de ce débat faite par Vanina au Forum social libertaire le 14 novembre soit en écrivant à Courant alternatif soit en consultant le site de l'OCL : ocl (http://oclibertaire.free.fr/

OCL Poitou



Bilan AL
Forum social libertaire
Un bilan positif, des carences à prendre en compte


1) Sur la portée politique du FSL
Appréciation générale de l’événement

Pour Alternative libertaire, le FSL a constitué un saut qualitatif pour le mouvement libertaire. Avec une affluence de 5000 à 6000 personnes au total sur les trois jours, et 3000 personnes dans le cortège rouge et noir le 15 novembre, c’est bien plus que ce que chaque organisation aurait fait séparément. C’était donc un temps fort d’expression libertaire, même si tout n’a pas été parfait loin de là. Mais selon nous les critiques à formuler sont plutôt à émettre de façon constructive, pour faire mieux une prochaine fois.

Faire le FSL a-t-il isolé politiquement les libertaires ?
Non. Si le mouvement libertaire courait effectivement le risque de se faire marginaliser en organisant " son propre événement ", la tenue du FSL a été positive, en permettant une expression politique " propre ", mieux vécue que la retape envahissante des différentes chapelles d’extrême gauche au FSE. Le passage non négligeable de participant(e)s français(es) ou internationaux(ales) du FSE au FSL confirme que l’idée était bonne.

Le FSL et l’aspect international
Assurément c’est là notre plus grosse carence. Le contenu international du FSL a été très réduit. Nous avons sans doute beaucoup déçu d’étranger(e)s venus y participer. Peu ou pas de traduction, pas de " temps " de rencontre séparé pour permettre les rencontres entre militant(e)s de différents pays.

Des militant(e)s d’organisations comme la SAC ou la CGT espagnole étaient présent(e)s au FSE, mandaté(e)s pour participer à des commissions de branches d’industrie, mais combien sont venu(e)s hormis quelques-uns des responsables nationaux ? La prochaine fois, il faudra songer qu’organiser une vraie partie internationale sur un tel événement est un travail à part entière, et le préparer en conséquence et en concertation avec nos partenaires internationaux.

2) sur l’organisation du FSL

Sur la préparation en amont

Nous nous réjouissons de la qualité croissante de la démarche unitaire. Si toutes les organisations n’ont pas les mêmes approches ou les mêmes point de vue, nous avons pu le plus souvent débattre franchement et arriver au consensus sans ricanements et sans malveillance. Il faut souligner à ce sujet l’orientation unitaire audacieuse et l’énorme travail pris en charge par la Fédération anarchiste.

Juste un bémol : Alternative libertaire a essuyé à une ou deux reprises les attaques de militant(e)s qui jugeaient inadmissible notre présence au FSE.
Nous avions pourtant toujours dit que nous analysions le FSE comme un événement ambivalent, et pour nous, il était nécessaire de s’y exprimer.
Nous avons donc eu la surprise de constater que les librairies Publico et Quilombo étaient également présentes au FSE, sans avoir eu à subir, elles, aucune médisance. Nous aurions préféré que tout le monde fasse preuve d'honnêteté intellectuelle sur cette question.

Que penser de l’autogestion de l’événement ?
Les organisations partie prenante ont en majorité tenu leurs engagements en termes de logistique (buvette, SO, espace enfants, etc.), à quelques exceptions près. Une bonne organisation préalable et une bonne dose quand même d’improvisation sur place ont permis que l’essentiel roule correctement.
Il ne s’agissait pour autant pas d’une réédition du Vaaag. Les gens venus au FSL ont relativement peu participé à la gestion de l’événement, ce qui est logique : ce n’était pas un lieu de vie, les portes fermaient à 23h, nous n’étions pas maîtres des lieux.

La configuration même du complexe nous a compliqué la tâche. La buvette était difficile d’accès, et il fallait chercher précisément la plupart des salles, il était impossible de " flâner " pour découvrir le FSL. Le fait de ne pouvoir utiliser la cuisine du site nous a également fortement handicapé, puisque la restauration a été difficile à organiser, et difficile d’accès.
De même, la buvette aurait pu être beaucoup plus fréquentée si elle avait été plus facile d’accès.

Le meeting : peut mieux faire
Sur le fond, nous aurions pu dire des choses plus originales, plus en prise avec l’actualité, malgré l’obligation d’un discours faisant consensus entre les organisations. Sur la forme, beaucoup de gens ont été déçus du côté " bricolé " du meeting. Ils et elles attendaient un temps fort d’expression politique, et on a traité la chose un peu comme si on n’y croyait pas vraiment.

Comment améliorer le niveau des débats ?

Il y a eu une carence à ce sujet. Est-ce parce que les militant(e)s ont insuffisamment participé aux débats, davantage occupé(e)s qu’ils étaient sur la logistique ? Etait-ce dû à un manque de préparation collective en amont ? Toujours est-il que de nombreux débats et forums nous ont semblé d’un niveau politique assez décevant. Or la qualité d’un débat tient aussi à notre capacité à ramener de temps à autres le sujet traité au centre du débat, quand de digressions en digressions on en est arrivé très loin.

Les libertaires acceptent de débattre entre eux/elles, ce qui est nouveau et positif. Le problème est de savoir si le FSL doit simplement servir de vitrine ou s'il veut conquérir un public à la fois plus large et plus exigeant, anticapitaliste, ouvert aux problématiques libertaires mais qui ne se limite pas aux convaincu(e)s. Si c'est cette hypothèse qui est retenue, les plateaux de débats devraient refléter une plus grande diversité, un dialogue avec les mouvements sociaux, des échanges avec d'autres courants anticapitalistes. Ce n'était pas le cas sauf à la marge dans cette édition du FSL.

3) Sur la manifestation du FSL

Fallait-il, le 15 novembre, défiler avec le FSE ?
Oui. La pénible manifestation du 15 novembre a été pénible et tendue, du fait de la présence du PS sur notre parcours, pas du fait de la manifestation du FSE en soi. La manifestation du FSE était pluraliste quant à l’expression politique ; ce qui aurait été négatif pour nous, ç’aurait donc été de faire un défilé séparé, ailleurs dans Paris, comme si nous n’avions absolument rien à voir avec les dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté ce jour-là. Par ailleurs, nous ne sommes pas sûrs de notre capacité à appeler seuls à une manifestation, après l’antécédent de la manifestation parisienne contre le G8-Environnement en avril 2003, qui n’a rassemblé que les libertaires avec quelques centaines de personnes.
Fallait-il expulser de nos rangs les gens qui lançaient des projectiles sur le PS ?
Le FSL avait choisi d’éviter l’affrontement avec le PS. A Évian ou au Larzac, les militant(e)s libertaires ne l’avaient pas fait seuls, mais avec des militant(e)s de divers horizons (No Vox, SUD, CGT). Cela avait donc un sens : c’était un peu le " mouvement social " qui expulsait le PS de ses rangs. Le 15 novembre, il n’aurait s’agit que d’un affrontement entre courants politiques différents, ce qui est bien moins intéressant.
Malgré tout, un groupe de personnes a souhaité en découdre, et a tenté d’instrumentaliser le cortège du FSL pour ce faire. La logique était qu’ils assument leurs actes en se distinguant du cortège rouge et noir, qui avait choisi un autre mode d’expression. Il a malheureusement fallu les contraindre à quitter le cortège rouge et noir. Ce qui n’a pas empêché la plupart, tout en traitant les SO du FSL et de la CNT de " flics ", de courir se réfugier derrière les mêmes " flics " pour éviter de se faire rosser par le SO du PS. Ce n’est ni très responsable ni très convaincant.

Comment féminiser les services d’ordre ?

Le SO du cortège rouge et noir (FSL + CNT) a été entaché de comportements virilistes. Il nous semble qu’un des remèdes contre cela est dans la féminisation maximale des SO, même si la parité semble impossible à atteindre en l’état actuel de répartition des sexes dans les organisations libertaires. En attendant, il sera aussi utile de préparer mieux les SO " dans les têtes " en en réexpliquant les principes fondamentaux : cohésion et sang-froid, et non pas posture guerrière. A Annemasse, le mandat du SO était clair, en 5 points, dont un sur la mixité. Cette fois, le mandat était trop flou (protéger le cortège et éviter l’affrontement avec le PS), et ne comportait aucun point sur la mixité.

4) Quelles suites politiques ?

Au niveau de l’expression politique
Dans tous les cas, il est nécessaire que la dynamique unitaire s’enracine au plan local, dans les régions, où la coopération et le débat devraient s’organiser plus souvent entre les organisations libertaires.
Il existe plusieurs options unitaires pour faire suite au FSL.
une apparition commune plus fréquente des organisations libertaires dans les manifestations. Dans le cas, il faudra faire attention à ne pas tomber dans la surenchère contre-productive, chaque orga voulant absolument emmener les autres sur les dates qui lui semblent les plus importantes. On se retrouverait rapidement à ne pas pouvoir tenir le rythme, et à faire des apparitions unitaires mal préparées, sans réelle mobilisation, ce qui perdrait de son sens. Par conséquent il vaut mieux limiter ce type d'apparition à 2 ou 3 dans l'année.
l’organisation, régulièrement, d’un grand événement politique type " fête de L’Huma rouge et noire ". Cela permettrait de faire de la démarche unitaire plus qu’une simple vitrine rouge et noire, fonctionnant au consensus, mais bien de faire de la politique, à condition que les libertaires évoluent sur leur stratégie d'intervention dans les mouvements sociaux.

Au niveau de l’intervention " large "

Autre problème pour beaucoup de militant(e)s libertaires, une lutte n'a souvent de sens que si elle est libertaire. Cela pose le problème du rapport au réel, aux mouvements sociaux et à leurs éventuelles contradictions internes. En quoi les libertaires peuvent-ils/elles construire des mouvements sociaux de masse et non pas seulement témoigner de leurs idées ? Comment articuler luttes de masse et combat libertaire ? Cela vaut pour les luttes syndicales, mais aussi pour d'autres types de mouvements (antisexistes, antiguerre, Palestine, etc.).
Il faut que nous réfléchissions davantage sur ce point essentiel en tenant compte du contexte politique marqué par l'évolution de l'extrême gauche trotskiste. Une extrême gauche trotskiste qui se construit, voit son courant de sympathie s'élargir mais qui doit assumer une contradiction importante : sa base électorale attend d'elle non pas qu'elle soit porteuse d'utopie, de transformation sociale et qu'elle contribue à impulser des luttes auto-organisées (cette attente existe réellement mais elle est très marginale) mais qu'elle joue un rôle de représentation politique, qu'elle soit porteuse de réforme immédiate, qu'elle impulse des solutions venues d'en haut en lieu et place d'une gauche institutionnelle idéologiquement morte et ne faisant plus sens.
Un espace de radicalité se libère pour les libertaires, mais les libertaires ne sont pas en mesure de l'occuper pleinement, du fait qu'ils/elles ne constituent pas une composante suffisamment dynamique capable d'impulser ou de co-impulser des luttes fédératrices en dehors du champ strictement syndical (femmes, Palestine, antiguerre, antinucléaire...).



Bilan CNT-AIT Toulouse

FORUM SOCIAL LIBERTAIRE
SALE COUP DE GUEULE
lundi 12 janvier 2004


Le voyage Toulouse-Paris avait été super. Départ vendredi 17 heures, arrivée à Paname, une heure du mat. Zique à fond dans la voiture, Chansons de révolte, rap de JL, Ferré, Desjardins, ça chantonnait souvent, ça braillait parfois, ça déconnait toujours. On était de bonne humeur, Julot et moi. On avait un Jeune Libertaire mélomane qui pionçait à l'arrière, et nous les vieux, on chantait Léo.
En montant au FSL, on était sûrs -indécrottables optimistes- que ça allait être intéressant, enrichissant, gai et drôle comme une bande d'anars en dérive. Julot lui, c'est le champion de la dérive. On rêvait fraternité et audace, ce fut marchandise et spectacle.

Le samedi matin, en entrant dans la grande salle du FSL, j'ai tout de suite pigé que ça allait être pénible. C'était aussi le salon du livre anarchiste ! J'avais oublié ! Le salon du livre anarchiste, c'est comme un vrai salon du livre sauf que les prix ne sont pas affichés.
Il faut le demander au vendeur, en général un type ou une meuf plus tout jeune, placide et l'air habité par la sagesse. Il y a des stands avec des piles de livres, des CD, des vidéos, des tee-shirts (avec ou sans capuche, la tendance "chien noir sur fond rouge" fait fureur) des pin's, des affiches. En anarchie comme ailleurs, tout est à vendre bien sûr. Même la révolte et le désespoir s'achètent, en pack, en promo, en "soutien", en leasing, à crédit. Les maisons d'édition parmi les plus prestigieuses du microcosme anar sont là : la FA, le Gallimard de la révolte, l'OCL, bien fourni dans le style fémino-écolo branché, AL ou l'Anarchie Liquéfiée, les zéditions Agone, rien que du beau papier et des textes truffés de phrases en français imbitables, et des zindépendants mi-bouquinistes - mi-militants.
Dans les autres salles, c'était un peu le désert. Salles de débats sans débatteurs, crèches sans gosses, salle "organisation" tout maigre d'organisation, mais la salle à bière fonctionnait à petit régime.
Qu'est-ce qu'on foutait là ? Avec Julot, on est ressorti aussi sec de ce cirque, com-me pour s'enfuir. Le tôlier d'un bistrot d'à coté nous a ouvert. On a bu un café, discuté avec le patron et sa mère de l'Algérie, de Toulouse, du prix des clopes, de la connerie du monde et du nombre possible d'anars qui viendraient boire un coup chez lui s'il restait ouvert.

C'est Marie qui m'a remis les pendules à l'heure : "Et alors, tu croyais trouver Durutti ? On savait que c'était ça la mouvance en ce moment, fric et frime, cliques en toc et look rouge-noir. Et on sait ce qu'on vient y faire. On vient rencontrer des gens attirés par cette fausse lumière. On vient militer, discuter, dire qui ont est, et ce que l'on n'est pas. Au moment où certains expliquent à qui veut l'entendre que l'anarchosyndicalisme n'a rien à voir avec l'anarchisme, c'est plutôt nécessaire non ?". Elle avait raison Marie.

Au fond les vrai-faux-non-anarchistes, on s'en foutait, on était là pour tchatcher avec les autres, encartés ou pas, ceux qui voulaient savoir, qui cherchaient, qui tiquaient du décor. On voulait prendre contact, savoir ce qu'ils faisaient, ce qu'ils pensaient, savoir si on pouvait faire des trucs ensemble. Julot m'a botté le cul et on y est retourné. Et au fil des couloirs, devant notre table ou dans la cour en filant notre qua-tre pages, on s'est mis à discuter avec un tas de gens. Des djeune's lookés destroy avec un appétit de savoir comme des ogres, des Vignoles de province tout étonnés d'apprendre qu'ils n'étaient plus anarchistes, des Allemands, des Anglais, des Tchèques, ... et un chien en bandana qui aimait bien la bière. De temps à autre, on croisait le regard sombre d'un apparatchik parisien, on entendait murmurer à notre encontre "dogmatique", "violent", "sectaire", ..., rien de grave. La seule embrouille, c'est que devant la furie d'acheter de certains visiteurs, un copain a vendu plusieurs brochures. Comme on avait décidé en AG à Toulouse de ne rien vendre, on a corrigé le tir : bien qu'on soit fauché, on ne vend rien ici ! On ne peut pas gueuler contre ces foires marchandes et venir y faire du business.

Vers 13 heures, on a laissé deux ou trois copains aux tables de presse, et on est parti en bande rejoindre la manif. Dans le métro, c'était gamin, c'était ludique, en troupe on sautait les barrières, on coinçait les portes en offrant la gratuité aux parisiens pressés, on tractait. Des Pieds Nickelés à la capitale quoi ! Puis vint la manif ! Ça aussi, on en avait débattu à Toulouse. On va à la kermesse ou pas ? Finalement, on avait décidé d'y aller pour tracter sur les bords, vers le public. Et même en rejoignant la super production FSE, on ne suivrait pas le cortège officiel, mais on tracterait les jeunes et les énervés. Et on l'a fait ! Ce fut à la fois triste et drôle. Fallait voir le tableau, un vrai mirage. Je gueulais les slogans comme on boit pour oublier, pour fuir le merdier. Un millier d'humains, de tous âges, mais blancs pour la plupart, déguisés en rouge et noir ou en noir, braillaient la révolution internationale en descendant, encadrés par quelques flics débonnaires, une rue étroite où d'autres humains, la plupart de couleur, sans habit rouge ni noir, les regardaient passer en silence, sans l'ombre d'un sourire, sans l'ombre d'un espoir. Je me sentais merdeux, j'ai pris mes tracts et j'ai tracté, tracté sans regarder. Au loin, au bout de la rue, place de la République, comme une cible, comme un appât, comme un appelant pour le tir au pigeon, flottait un immense ballon blanc aux couleurs du PS.

Arrivée à quelques pas de la place, la troupe de théâtre ambulant s'arrête. Un petit gars en keffieh armé d'un drapeau noir escalade une camionnette à musique où somnole Reynaud, l'auteur du fameux appel intersidéral au réformisme libertaire ("Appel à l'unité du mouvement libertaire"). Le genou posé sur le toit, le drapeau tendu comme en Espagne ou en Palestine, le gars prend la pose. Un écran de fumée s'élève en arrière plan tandis que les appareils photo et les caméscopes se mettent à mitrailler la scène. Julot reprend une gorgée de bière, rote et me lance : "Regarde, c'est la Star'Ac chez les bobos !". Ça se bouscule, des autonomes passent à l'avant en trottant, rigolards, suivis à la trace par les musclors à oreillettes. Et là, comme en apothéose, comme le point culminant du spectaculaire absolu, comme une dernière et définitive négation de ce que le mot anarchosyndicalisme veut dire, le Service d'Ordre de la CNT Vignoles claque un gars qui canardait les socialos à coup de canette, et se pose, air de chapons couillus et bras de gonflette, en rang serré entre les figurants socialistes et la manif libertaire. Des syndicalistes révolutionnaires qui assurent le SO des socialistes ! Qui peut accepter ça et se prétendre libertaire, anti-autoritaire, révolutionnaire ? Marie, Julot et moi, écoeurés, on s'est barré tracter le FSE. Avec leur banderole demandant des crayons et leur tube de Manu Tchao, les étudiants des facs de Rennes nous auraient presque paru militants !

Le soir, des copains et copines ont dormi à droite à gauche, chez des potes à Paris ou en banlieue. On s'est retrouvé une dizaine chez Lulu, une militante des JL de Paris.
On a beaucoup parlé de la kermesse et de la foire aux livres, des idées, des espoirs et on a beaucoup bu et fumé aussi, et chanté jusque tard dans la nuit. Quand j'ai raconté ma vision de cette journée vide de sens, les copains m'ont trouvé sombre, nihiliste, méprisant. Et merde alors, même le mépris et la rage ont été vendus ? Il ne nous reste plus rien d'autre que le silence ou la révolte politiquement correcte ? Moi, je les emmerde tous, ces réformards rouge et noir, ces cheffaillons de bataillons de clowns, ces penseurs sans idées, ces anarchistes sans révolte. Je veux parler aux autres, à ceux qui se foutent du décor, à ceux qui ont mal au bide, à ceux qui ont définitivement tourné le dos à la combine, à l'apparence, à ceux que le mot Révolution libertaire ne fait ni rire, ni fuir. On dit de nous, militants de Toulouse, que nous sommes dogmatiques, puristes, sectaires et violents. A voir la guignolade parisienne, ce vide, cette absence sidérante de discours politique rupturiste, on mesure effectivement la distance ! Mais pour ce qui est de la violence, on n'en est pas au bord ! Où ont-ils trouvé ces mecs assez cons pour se croire anar en faisant partie du Service d'Ordre Socialiste ?

Le dimanche, on s'est tiré avec Julot, en voiture, sous la flotte, direction Toulouse. Julot la dérive a trouvé encore le moyen de se gourer de route. On s'en foutait, on parlait encore et encore, de ce monde de mort, de la lutte, de demain, de la Sociale.

# Paulo le cracheux