|
Date : 03 Fevrier 2004
Objet: Bilans OCL, AL , CNT-AIT du FSL de novembre dernier
Pour celles-ceux intéressées par les bilans respectifs
des orgas participant au FSL du 15 novembre dernier, mieux vaut
tard que jamais...
----------------------------------------------------------------------------
Bilan OCL du FSL/SLA
Un bilan positif
Tandis que l'intervention commune des libertaires, lors du sommet
d'Evian, était centrée sur une exigence de visibilité
et d'intervention, il s'agissait cette fois, avec le Forum social
libertaire (FSL) et le salon du livre anarchiste (SLA), de privilégier
les débats et les confrontations de fond. Ce qui, à
n'en pas douter, manquait cruellement depuis longtemps. Et de ce
point de vue, ce fut, pour une première tentative, une réussite.
Les locaux étaient bien adaptés à la chose,
l'organisation bonne dans l'ensemble, l'ambiance plutôt conviviale.
Seule la restauration a laissé à désirer mais,
n'est-ce pas, nul n'est venu à St-Ouen pour manger ! Il faut
pourtant souligner que la participation aux tâches matérielles
ne fut sans doute pas assez partagée, les militantes et les
militants de la FA en faisant plus que leur part.
Côté débats, on ne peut que se réjouir
d'une participation très importante et qui fut loin de n'être
qu'une simple consommation d'orateurs à la tribune. Les interventions
furent nombreuses, les gens, dans l'ensemble, s'écoutaient.
Sans entrer dans les détails (voir à la suite des
comptes-rendus plus détaillés) (1) on a retrouvé
parfois une ligne de partage entre des éléments attirés
par certaines formes de citoyennisme et caressant le désir
d'exister comme fraction libertaire à côté de
l'aire de recomposition social démocrate et d'autres prônant
une rupture plus nette avec cette dernière et se situant
hors de toute stratégie frontiste(2). En somme, revisité
à la mode actuelle, le vieux clivage réformisme/révolution,
qui rend difficile l'unité des libertaires mais qui doit
quand même laisser la place à des interventions communes
et à la création d'un espace politique ouvert. Car,
bien entendu, la ligne de fracture n'est pas aussi claire et précise
(elle traverse tous les regroupements et même souvent les
personnes), et il est bon que des lieux comme le FSL permettent
que le débat se mène sans enjeu de pouvoir et en toute
liberté.
Le salon du livre anarchiste a été visité
par un nombre important de personnes (un millier, peut être
plus). Ce qui fut frappant - et que nous constatons depuis quelques
années - c'est un regain d'intérêt pour la chose
écrite au détriment des gadgets, badges et autres
tee-shirts. Compte tenu que livres et revues coûtent relativement
cher on peut penser que les achats correspondent davantage à
une envie de lire, donc de comprendre, de discuter, d'analyser qu'à
un comportement consumériste.
Le seul aspect nettement moins positif fut la manifestation. Non
par le nombre, qui a atteint environ 3000 personnes, ce qui n'est
pas si mal, mais par le flou des objectifs politiques qui furent
mal définis collectivement.
Etait-ce bien nécessaire de rejoindre le cortège
FSE et de poireauter des heures, en queue de manif, à quelques
encablures du S.O du PS composé de quelques dizaines de gros
bras ? Et, à ce propos, il faudra bien qu'à la suite
de la CLAAAC(3) et du FSL, nous apprenions à être plus
autonomes et à parvenir à prendre des initiatives
hors des calendriers et des rendez-vous fixés par les néo
socio-démocrates. Autant il avait été décidé
que nous éviterions, pour cette fois, tout incident avec
le PS, autant nous ne sommes ni en mesure ni n'avons le droit d'empêcher
d'autres de le faire.
Souvenons-nous que l'on peut toujours être le "toto"
(l’" autonome ") de l'autre et que nous sommes résolument
hostiles aux S.O musclés et spécialisés pour
régler des questions de préséance.
Pour que se poursuivent des initiatives comme le FSE et la CLAAC
entre des organisations d'inégale taille, avec des fonctionnement
différents, une histoire propre et, il faut aussi le dire,
certaines pesanteurs organisationnelles, il est absolument impératif
que toutes s'en tiennent strictement aux décisions prises,
même si, ensuite, elles apparaissent à certaines inadéquates.
C'est à ce prix que l'efficacité et la confiance se
renforceront. Le respect de la démocratie peut paraître
à certains moments formel, mais il est porteur, à
terme, d'avancées plus importantes que les éphémères
et illusoires succès que procurerait son déni.
1. On peut également trouver des textes ayant servi à
mener les débats sur internet, fsl-sla.eu.org )
2. On a pu entendre untel prôner une "citoyenneté
active", une telle une union des femmes "quelle que soit
leur classe sociale", ou encore "une participation au réseau
pour un avenir sans nucléaire" avec les Verts.
3. Coordination des luttes antiauroritaires et anticapitalistes,
rassemblement d’organisations libertaires à l’occasion
de la manifestation contre le sommet du G8 à Evian en juin
2003.
Forum "Luttes sociales "
Poser un projet social...
Ce forum a permis à une bonne vingtaine d'intervenant-e-s
d'échanger - en tant qu'acteurs et actrices des mouvements
sociaux réparti-e-s sur l'ensemble de l'Hexagone - leurs
analyses sur la mobilisation, la combativité et les nécessités
actuelles qui s'imposent pour les révolutionnaires libertaires.
Tout d'abord il faut constater une unanimité sur le niveau
de résistance, qui est loin d'être retombée
après l'impasse du mouvement de mai-juin, même si le
rebond attendu en septembre n'a pas eu lieu. Difficile de repartir
comme ça au conflit sans une pause. De plus tou-te-s se questionnent
sur des pratiques à inventer, et sur quelles structures mettre
en place pour dépasser le corporatisme, les rivalités
entre chapelles syndicales ou d'extrême gauche, et pour arriver
à une traduction politique globale au-delà des enjeux
économiques propres à chaque profession. A noter dans
le débat un spectre syndical, étalé de la CGT
aux CNTs, en passant par les SUD, qui n'a nullement empêché
des constats similaires sur les luttes.
Le bilan du rôle des confédérations syndicales
a été celui d'un frein, d'un verrou au développement
de la lutte, au point qu’elles ont instauré dans certains
cas des piquets anti-grève (la CGT à la SNCF à
Paris). Pourtant la mobilisation ne se fait pas contre les directions
syndicales Dans de nombreux endroits, l'auto-organisation a prévalu,
avec actuellement un "effilochage" en cours, un peu inévitable.
Pour certains, comme dans les Pyrénées Orientales,
la maturation des luttes depuis décembre 95 a permis l'implantation
d'un comité de grève l'AGPL, assemblée générale
des personnels en lutte- au-delà des catégories professionnelles
et des chapelles politiques, avec une volonté de dépasser
les revendications corporatistes (décentralisation dans l'éducation
nationale, retraites des fonctionnaires) vers l'instauration de
la grève générale pour remettre en cause la
loi sur les 40 annuités du privé, instaurées
sous Balladur ; il ne s'agissait pas d'interpeller les pouvoirs
publics mais bien d'élaborer l'émergence d'une force
collective mêlant enseignants, intermittents, sans-papiers.
A Rouen, où les pratiques de démocratie directe dans
les luttes avaient déjà émergé en 95,
les réflexions collectives ont tenté de poser la question
des choix de société (avec des rencontres enseignants-parents),
des productions socialement utiles (à travers l'usine d'engrais
de Grande-Paroisse, polluante et dangereuse, à proximité
de l'agglomération). A Vaulx-en-Velin, le comité "On
vaut mieux" a déstabilisé les bureaucrates locaux
en tentant notamment pendant une quinzaine de jours d'élaborer
une dynamique au-delà des corporatismes autour de la résistance
à la précarité. Courant novembre, des réunions
se poursuivaient pour développer un réseau d'inform-action
sur certains axes (sécurité sociale, précarité...)
avec des liens transversaux à l'échelle du département.
Ailleurs, à Lannion, Grenoble, Nantes, Roubaix ou Boulogne/Mer,
des collectifs ont tenté de mettre en place des structures
de lutte plus ou moins durables pour échapper aux limites
inhérentes aux luttes sectorielles, alors que nous sommes
confronté-e-s à un problème politique global
une économie capitaliste en crise qui demande une réponse
et une mobilisation globales.
Pour certains, comme dans les professions de la santé, il
semble que la grève générale n'était
pas à l'ordre du jour dans les esprits, même si la
CGT n'avait bien sûr nullement l'intention d'en arriver jusque-là.
Il faut aussi voir l'ambiguïté de revendications demandant
actuellement une intervention accrue de l'Etat dans le maintien
de certains droits sociaux (retraite, couverture maladie, "parapluie"
social), dans la protection à l'égard du marché,
ce qui n'est pas sans aller a contrario de propositions libertaires
d'auto-émancipation. Plutôt que de "services publics"
faudrait-il parler de "services universels", ou "service
social utile". Pour certains se pose la question d'une structuration,
d'une stratégie commune aux anarchistes pour peser et maintenir
une capacité au-delà des luttes, dans le quotidien.
D'où la nécessité de réitérer
les moments de rencontres et d'échanges entre libertaires.
Mais il y a là déjà des différences
d'approche - sur les pratiques à développer dont il
faudrait faire le bilan sur une bonne quinzaine d'années
pour voir où on en est réellement...
Deux principes peuvent servir de repères pour avancer:
D'abord le développement de structures en adéquation
avec le contenu des revendications,
d'autre part poser un projet social à partir de quelques
axes comme : le partage des richesses, l'égalité sociale
et économique, quelle santé ?...
Avec une perspective, le dépassement du mouvement libertaire
par le mouvement social lui-même.
Compte-rendu débat : OCL Nantes.
Forum «citoyennisme ou lutte des classes ? » FSL/FSE
: Autonomie ou entrisme ?
Le dernier débat du Forum Social Libertaire, dans la grande
salle, portait sur " Citoyennisme ou lutte de classes, alter
mondialisation ou anticapitalisme ". Ce débat a duré
deux heures, tous les points de vue ont pu s’exprimer sans problème
majeur malgré les divergences criantes. En effet, on trouve
toujours, dans le microcosme libertaire, des âmes pour défendre
le citoyennisme au nom d’une " citoyenneté active
" soi-disant opposée à une " citoyenneté
passive "... Mais là n’est pas l’essentiel
!
En fait, ce débat a tourné autour de notre stratégie
politique vis à vis du F.S.E. et plus précisément
de notre rapport avec ce mouvement alter-mondialisation français,
en particulier avec ATTAC.
Effectivement, ce mouvement est pluriel, comme la gauche l’était
! Bien sûr on retrouve à la base d’ATTAC, de
n’importe quelle structure syndicale, associative, caritative,
... des tas de gens intéressants. Hé! Alors ? Heureusement
! Mais là n’est pas le problème ! La stratégie
d’autonomie du F.S.L. effective dans les faits, sauf dans
la deuxième partie de la manif du samedi où nous avions
choisi collectivement d’intégrer la manif F.S.E. (où
un bilan collectif s’impose), n’a d’ailleurs jamais
été remise en cause dans ce débat. Et pour
cause ! En effet, la majeure partie des organisateurs du F.S.E.
n’avait laissé guère de place aux acteurs réels
des divers mouvements sociaux, privilégiant ceux dont la
fonction sociale est de représenter ces mouvements (comme
les appareils syndicaux divers et multiples). Il n’était
donc pas question pour eux de laisser des espaces de rencontres
et de débats où auraient pu s’exprimer des courants
radicaux, quels qu’ils soient. Même les trotskistes
étaient sous surveillance... Alors, les anars... ils pouvaient
toujours payer (très cher) un espace pour y tenir une table
de presse... et se réunir dans " une cabine téléphonique
".
Malgré l’évidence, il y aura toujours dans
notre mouvance des structures, des individus défendant les
bienfaits d’un entrisme qui se situe aujourd’hui dans
l’aire de recomposition de la social-démocratie. Que
les décideurs de ce courant alter-mondialiste s’affichent
clairement comme étant des étatistes de gauche partisans
d’un capitalisme maîtrisé par des contrôles
citoyens... cela ne les gêne nullement ! Nous, cela nous révolte
et nous réconforte dans notre stratégie de rupture
avec le " vieux monde ". Et comme le diront plusieurs
intervenants, nous aurons, nous aussi, à balayer devant notre
porte !
OCL Reims
Forum «Pour un antipatriarcat révolutionnaire »
Se démarquer de l’interclassisme et du réformisme
Une double mystification est aujourd'hui portée au niveau
international par un courant social-démocrate adepte du "
politiquement correct ", avec parfois le soutien d'instances
de pouvoir officielles :
- l'affirmation que le capitalisme baptisé " libéralisme
" est aménageable grâce à une intervention
étatique au profit des classes exploitées, pour pallier
ses " excès " ;
- l'affirmation que le patriarcat est aménageable grâce
à une intervention étatique au profit des femmes,
pour réduire les inégalités avec les hommes.
Face à une propagande réformiste qui s'en prend seulement
aux " méfaits " du " capitalisme sauvage "
ou aux attitudes trop ouvertement machistes et sexistes, il faut
rappeler deux vérités :
- le remède à l'oppression de sexe et à l'exploitation
de classe ne peut être que la destruction des structures qui
les sous-tendent, et non l'intégration à celles-ci,
quel que soit leur degré d'" amélioration "
;
- l'Etat n'étant un arbitre impartial ni entre les sexes
ni entre les classes, mais un instrument politique au service de
l'ordre établi, il ne peut jamais intervenir que dans un
sens favorable aux dominants, et doit être détruit
lui aussi plutôt que renforcé par un recours permanent
et général à ses " bons services ".
Parce qu'aucune libération individuelle ou collective n'est
concevable dans les sociétés existantes, il faut nous
démarquer de l'" antipatriarcat " interclassiste
et réformiste pour mener de pair les combats anticapitaliste
et antipatriarcal en vue de " réhabiliter l'utopie ",
donc de réimpulser un projet révolutionnaire permettant
de réaliser une émancipation à la fois personnelle
et sociale.
On peut se procurer la présentation de ce débat faite
par Vanina au Forum social libertaire le 14 novembre soit en écrivant
à Courant alternatif soit en consultant le site de l'OCL
: ocl (http://oclibertaire.free.fr/
OCL Poitou
Bilan AL
Forum social libertaire
Un bilan positif, des carences à prendre en compte
1) Sur la portée politique du FSL
Appréciation générale de l’événement
Pour Alternative libertaire, le FSL a constitué un saut
qualitatif pour le mouvement libertaire. Avec une affluence de 5000
à 6000 personnes au total sur les trois jours, et 3000 personnes
dans le cortège rouge et noir le 15 novembre, c’est
bien plus que ce que chaque organisation aurait fait séparément.
C’était donc un temps fort d’expression libertaire,
même si tout n’a pas été parfait loin
de là. Mais selon nous les critiques à formuler sont
plutôt à émettre de façon constructive,
pour faire mieux une prochaine fois.
Faire le FSL a-t-il isolé politiquement les libertaires
?
Non. Si le mouvement libertaire courait effectivement le risque
de se faire marginaliser en organisant " son propre événement
", la tenue du FSL a été positive, en permettant
une expression politique " propre ", mieux vécue
que la retape envahissante des différentes chapelles d’extrême
gauche au FSE. Le passage non négligeable de participant(e)s
français(es) ou internationaux(ales) du FSE au FSL confirme
que l’idée était bonne.
Le FSL et l’aspect international
Assurément c’est là notre plus grosse carence.
Le contenu international du FSL a été très
réduit. Nous avons sans doute beaucoup déçu
d’étranger(e)s venus y participer. Peu ou pas de traduction,
pas de " temps " de rencontre séparé pour
permettre les rencontres entre militant(e)s de différents
pays.
Des militant(e)s d’organisations comme la SAC ou la CGT espagnole
étaient présent(e)s au FSE, mandaté(e)s pour
participer à des commissions de branches d’industrie,
mais combien sont venu(e)s hormis quelques-uns des responsables
nationaux ? La prochaine fois, il faudra songer qu’organiser
une vraie partie internationale sur un tel événement
est un travail à part entière, et le préparer
en conséquence et en concertation avec nos partenaires internationaux.
2) sur l’organisation du FSL
Sur la préparation en amont
Nous nous réjouissons de la qualité croissante de
la démarche unitaire. Si toutes les organisations n’ont
pas les mêmes approches ou les mêmes point de vue, nous
avons pu le plus souvent débattre franchement et arriver
au consensus sans ricanements et sans malveillance. Il faut souligner
à ce sujet l’orientation unitaire audacieuse et l’énorme
travail pris en charge par la Fédération anarchiste.
Juste un bémol : Alternative libertaire a essuyé
à une ou deux reprises les attaques de militant(e)s qui jugeaient
inadmissible notre présence au FSE.
Nous avions pourtant toujours dit que nous analysions le FSE comme
un événement ambivalent, et pour nous, il était
nécessaire de s’y exprimer.
Nous avons donc eu la surprise de constater que les librairies Publico
et Quilombo étaient également présentes au
FSE, sans avoir eu à subir, elles, aucune médisance.
Nous aurions préféré que tout le monde fasse
preuve d'honnêteté intellectuelle sur cette question.
Que penser de l’autogestion de l’événement
?
Les organisations partie prenante ont en majorité tenu leurs
engagements en termes de logistique (buvette, SO, espace enfants,
etc.), à quelques exceptions près. Une bonne organisation
préalable et une bonne dose quand même d’improvisation
sur place ont permis que l’essentiel roule correctement.
Il ne s’agissait pour autant pas d’une réédition
du Vaaag. Les gens venus au FSL ont relativement peu participé
à la gestion de l’événement, ce qui est
logique : ce n’était pas un lieu de vie, les portes
fermaient à 23h, nous n’étions pas maîtres
des lieux.
La configuration même du complexe nous a compliqué
la tâche. La buvette était difficile d’accès,
et il fallait chercher précisément la plupart des
salles, il était impossible de " flâner "
pour découvrir le FSL. Le fait de ne pouvoir utiliser la
cuisine du site nous a également fortement handicapé,
puisque la restauration a été difficile à organiser,
et difficile d’accès.
De même, la buvette aurait pu être beaucoup plus fréquentée
si elle avait été plus facile d’accès.
Le meeting : peut mieux faire
Sur le fond, nous aurions pu dire des choses plus originales, plus
en prise avec l’actualité, malgré l’obligation
d’un discours faisant consensus entre les organisations. Sur
la forme, beaucoup de gens ont été déçus
du côté " bricolé " du meeting. Ils
et elles attendaient un temps fort d’expression politique,
et on a traité la chose un peu comme si on n’y croyait
pas vraiment.
Comment améliorer le niveau des débats ?
Il y a eu une carence à ce sujet. Est-ce parce que les militant(e)s
ont insuffisamment participé aux débats, davantage
occupé(e)s qu’ils étaient sur la logistique
? Etait-ce dû à un manque de préparation collective
en amont ? Toujours est-il que de nombreux débats et forums
nous ont semblé d’un niveau politique assez décevant.
Or la qualité d’un débat tient aussi à
notre capacité à ramener de temps à autres
le sujet traité au centre du débat, quand de digressions
en digressions on en est arrivé très loin.
Les libertaires acceptent de débattre entre eux/elles, ce
qui est nouveau et positif. Le problème est de savoir si
le FSL doit simplement servir de vitrine ou s'il veut conquérir
un public à la fois plus large et plus exigeant, anticapitaliste,
ouvert aux problématiques libertaires mais qui ne se limite
pas aux convaincu(e)s. Si c'est cette hypothèse qui est retenue,
les plateaux de débats devraient refléter une plus
grande diversité, un dialogue avec les mouvements sociaux,
des échanges avec d'autres courants anticapitalistes. Ce
n'était pas le cas sauf à la marge dans cette édition
du FSL.
3) Sur la manifestation du FSL
Fallait-il, le 15 novembre, défiler avec le FSE ?
Oui. La pénible manifestation du 15 novembre a été
pénible et tendue, du fait de la présence du PS sur
notre parcours, pas du fait de la manifestation du FSE en soi. La
manifestation du FSE était pluraliste quant à l’expression
politique ; ce qui aurait été négatif pour
nous, ç’aurait donc été de faire un défilé
séparé, ailleurs dans Paris, comme si nous n’avions
absolument rien à voir avec les dizaines de milliers de personnes
qui ont manifesté ce jour-là. Par ailleurs, nous ne
sommes pas sûrs de notre capacité à appeler
seuls à une manifestation, après l’antécédent
de la manifestation parisienne contre le G8-Environnement en avril
2003, qui n’a rassemblé que les libertaires avec quelques
centaines de personnes.
Fallait-il expulser de nos rangs les gens qui lançaient des
projectiles sur le PS ?
Le FSL avait choisi d’éviter l’affrontement avec
le PS. A Évian ou au Larzac, les militant(e)s libertaires
ne l’avaient pas fait seuls, mais avec des militant(e)s de
divers horizons (No Vox, SUD, CGT). Cela avait donc un sens : c’était
un peu le " mouvement social " qui expulsait le PS de
ses rangs. Le 15 novembre, il n’aurait s’agit que d’un
affrontement entre courants politiques différents, ce qui
est bien moins intéressant.
Malgré tout, un groupe de personnes a souhaité en
découdre, et a tenté d’instrumentaliser le cortège
du FSL pour ce faire. La logique était qu’ils assument
leurs actes en se distinguant du cortège rouge et noir, qui
avait choisi un autre mode d’expression. Il a malheureusement
fallu les contraindre à quitter le cortège rouge et
noir. Ce qui n’a pas empêché la plupart, tout
en traitant les SO du FSL et de la CNT de " flics ", de
courir se réfugier derrière les mêmes "
flics " pour éviter de se faire rosser par le SO du
PS. Ce n’est ni très responsable ni très convaincant.
Comment féminiser les services d’ordre ?
Le SO du cortège rouge et noir (FSL + CNT) a été
entaché de comportements virilistes. Il nous semble qu’un
des remèdes contre cela est dans la féminisation maximale
des SO, même si la parité semble impossible à
atteindre en l’état actuel de répartition des
sexes dans les organisations libertaires. En attendant, il sera
aussi utile de préparer mieux les SO " dans les têtes
" en en réexpliquant les principes fondamentaux : cohésion
et sang-froid, et non pas posture guerrière. A Annemasse,
le mandat du SO était clair, en 5 points, dont un sur la
mixité. Cette fois, le mandat était trop flou (protéger
le cortège et éviter l’affrontement avec le
PS), et ne comportait aucun point sur la mixité.
4) Quelles suites politiques ?
Au niveau de l’expression politique
Dans tous les cas, il est nécessaire que la dynamique unitaire
s’enracine au plan local, dans les régions, où
la coopération et le débat devraient s’organiser
plus souvent entre les organisations libertaires.
Il existe plusieurs options unitaires pour faire suite au FSL.
une apparition commune plus fréquente des organisations libertaires
dans les manifestations. Dans le cas, il faudra faire attention
à ne pas tomber dans la surenchère contre-productive,
chaque orga voulant absolument emmener les autres sur les dates
qui lui semblent les plus importantes. On se retrouverait rapidement
à ne pas pouvoir tenir le rythme, et à faire des apparitions
unitaires mal préparées, sans réelle mobilisation,
ce qui perdrait de son sens. Par conséquent il vaut mieux
limiter ce type d'apparition à 2 ou 3 dans l'année.
l’organisation, régulièrement, d’un grand
événement politique type " fête de L’Huma
rouge et noire ". Cela permettrait de faire de la démarche
unitaire plus qu’une simple vitrine rouge et noire, fonctionnant
au consensus, mais bien de faire de la politique, à condition
que les libertaires évoluent sur leur stratégie d'intervention
dans les mouvements sociaux.
Au niveau de l’intervention " large "
Autre problème pour beaucoup de militant(e)s libertaires,
une lutte n'a souvent de sens que si elle est libertaire. Cela pose
le problème du rapport au réel, aux mouvements sociaux
et à leurs éventuelles contradictions internes. En
quoi les libertaires peuvent-ils/elles construire des mouvements
sociaux de masse et non pas seulement témoigner de leurs
idées ? Comment articuler luttes de masse et combat libertaire
? Cela vaut pour les luttes syndicales, mais aussi pour d'autres
types de mouvements (antisexistes, antiguerre, Palestine, etc.).
Il faut que nous réfléchissions davantage sur ce point
essentiel en tenant compte du contexte politique marqué par
l'évolution de l'extrême gauche trotskiste. Une extrême
gauche trotskiste qui se construit, voit son courant de sympathie
s'élargir mais qui doit assumer une contradiction importante
: sa base électorale attend d'elle non pas qu'elle soit porteuse
d'utopie, de transformation sociale et qu'elle contribue à
impulser des luttes auto-organisées (cette attente existe
réellement mais elle est très marginale) mais qu'elle
joue un rôle de représentation politique, qu'elle soit
porteuse de réforme immédiate, qu'elle impulse des
solutions venues d'en haut en lieu et place d'une gauche institutionnelle
idéologiquement morte et ne faisant plus sens.
Un espace de radicalité se libère pour les libertaires,
mais les libertaires ne sont pas en mesure de l'occuper pleinement,
du fait qu'ils/elles ne constituent pas une composante suffisamment
dynamique capable d'impulser ou de co-impulser des luttes fédératrices
en dehors du champ strictement syndical (femmes, Palestine, antiguerre,
antinucléaire...).
Bilan CNT-AIT Toulouse
FORUM SOCIAL LIBERTAIRE
SALE COUP DE GUEULE
lundi 12 janvier 2004
Le voyage Toulouse-Paris avait été super. Départ
vendredi 17 heures, arrivée à Paname, une heure du
mat. Zique à fond dans la voiture, Chansons de révolte,
rap de JL, Ferré, Desjardins, ça chantonnait souvent,
ça braillait parfois, ça déconnait toujours.
On était de bonne humeur, Julot et moi. On avait un Jeune
Libertaire mélomane qui pionçait à l'arrière,
et nous les vieux, on chantait Léo.
En montant au FSL, on était sûrs -indécrottables
optimistes- que ça allait être intéressant,
enrichissant, gai et drôle comme une bande d'anars en dérive.
Julot lui, c'est le champion de la dérive. On rêvait
fraternité et audace, ce fut marchandise et spectacle.
Le samedi matin, en entrant dans la grande salle du FSL, j'ai tout
de suite pigé que ça allait être pénible.
C'était aussi le salon du livre anarchiste ! J'avais oublié
! Le salon du livre anarchiste, c'est comme un vrai salon du livre
sauf que les prix ne sont pas affichés.
Il faut le demander au vendeur, en général un type
ou une meuf plus tout jeune, placide et l'air habité par
la sagesse. Il y a des stands avec des piles de livres, des CD,
des vidéos, des tee-shirts (avec ou sans capuche, la tendance
"chien noir sur fond rouge" fait fureur) des pin's, des
affiches. En anarchie comme ailleurs, tout est à vendre bien
sûr. Même la révolte et le désespoir s'achètent,
en pack, en promo, en "soutien", en leasing, à
crédit. Les maisons d'édition parmi les plus prestigieuses
du microcosme anar sont là : la FA, le Gallimard de la révolte,
l'OCL, bien fourni dans le style fémino-écolo branché,
AL ou l'Anarchie Liquéfiée, les zéditions Agone,
rien que du beau papier et des textes truffés de phrases
en français imbitables, et des zindépendants mi-bouquinistes
- mi-militants.
Dans les autres salles, c'était un peu le désert.
Salles de débats sans débatteurs, crèches sans
gosses, salle "organisation" tout maigre d'organisation,
mais la salle à bière fonctionnait à petit
régime.
Qu'est-ce qu'on foutait là ? Avec Julot, on est ressorti
aussi sec de ce cirque, com-me pour s'enfuir. Le tôlier d'un
bistrot d'à coté nous a ouvert. On a bu un café,
discuté avec le patron et sa mère de l'Algérie,
de Toulouse, du prix des clopes, de la connerie du monde et du nombre
possible d'anars qui viendraient boire un coup chez lui s'il restait
ouvert.
C'est Marie qui m'a remis les pendules à l'heure : "Et
alors, tu croyais trouver Durutti ? On savait que c'était
ça la mouvance en ce moment, fric et frime, cliques en toc
et look rouge-noir. Et on sait ce qu'on vient y faire. On vient
rencontrer des gens attirés par cette fausse lumière.
On vient militer, discuter, dire qui ont est, et ce que l'on n'est
pas. Au moment où certains expliquent à qui veut l'entendre
que l'anarchosyndicalisme n'a rien à voir avec l'anarchisme,
c'est plutôt nécessaire non ?". Elle avait raison
Marie.
Au fond les vrai-faux-non-anarchistes, on s'en foutait, on était
là pour tchatcher avec les autres, encartés ou pas,
ceux qui voulaient savoir, qui cherchaient, qui tiquaient du décor.
On voulait prendre contact, savoir ce qu'ils faisaient, ce qu'ils
pensaient, savoir si on pouvait faire des trucs ensemble. Julot m'a
botté le cul et on y est retourné. Et au fil des couloirs,
devant notre table ou dans la cour en filant notre qua-tre pages,
on s'est mis à discuter avec un tas de gens. Des djeune's lookés
destroy avec un appétit de savoir comme des ogres, des Vignoles
de province tout étonnés d'apprendre qu'ils n'étaient
plus anarchistes, des Allemands, des Anglais, des Tchèques,
... et un chien en bandana qui aimait bien la bière. De temps
à autre, on croisait le regard sombre d'un apparatchik parisien,
on entendait murmurer à notre encontre "dogmatique",
"violent", "sectaire", ..., rien de grave. La
seule embrouille, c'est que devant la furie d'acheter de certains
visiteurs, un copain a vendu plusieurs brochures. Comme on avait décidé
en AG à Toulouse de ne rien vendre, on a corrigé le
tir : bien qu'on soit fauché, on ne vend rien ici ! On ne peut
pas gueuler contre ces foires marchandes et venir y faire du business.
Vers 13 heures, on a laissé deux ou trois copains aux tables
de presse, et on est parti en bande rejoindre la manif. Dans le
métro, c'était gamin, c'était ludique, en troupe
on sautait les barrières, on coinçait les portes en
offrant la gratuité aux parisiens pressés, on tractait.
Des Pieds Nickelés à la capitale quoi ! Puis vint
la manif ! Ça aussi, on en avait débattu à
Toulouse. On va à la kermesse ou pas ? Finalement, on avait
décidé d'y aller pour tracter sur les bords, vers
le public. Et même en rejoignant la super production FSE,
on ne suivrait pas le cortège officiel, mais on tracterait
les jeunes et les énervés. Et on l'a fait ! Ce fut
à la fois triste et drôle. Fallait voir le tableau,
un vrai mirage. Je gueulais les slogans comme on boit pour oublier,
pour fuir le merdier. Un millier d'humains, de tous âges,
mais blancs pour la plupart, déguisés en rouge et
noir ou en noir, braillaient la révolution internationale
en descendant, encadrés par quelques flics débonnaires,
une rue étroite où d'autres humains, la plupart de
couleur, sans habit rouge ni noir, les regardaient passer en silence,
sans l'ombre d'un sourire, sans l'ombre d'un espoir. Je me sentais
merdeux, j'ai pris mes tracts et j'ai tracté, tracté
sans regarder. Au loin, au bout de la rue, place de la République,
comme une cible, comme un appât, comme un appelant pour le
tir au pigeon, flottait un immense ballon blanc aux couleurs du
PS.
Arrivée à quelques pas de la place, la troupe de
théâtre ambulant s'arrête. Un petit gars en keffieh
armé d'un drapeau noir escalade une camionnette à
musique où somnole Reynaud, l'auteur du fameux appel intersidéral
au réformisme libertaire ("Appel à l'unité
du mouvement libertaire"). Le genou posé sur le toit,
le drapeau tendu comme en Espagne ou en Palestine, le gars prend
la pose. Un écran de fumée s'élève en
arrière plan tandis que les appareils photo et les caméscopes
se mettent à mitrailler la scène. Julot reprend une
gorgée de bière, rote et me lance : "Regarde,
c'est la Star'Ac chez les bobos !". Ça se bouscule,
des autonomes passent à l'avant en trottant, rigolards, suivis
à la trace par les musclors à oreillettes. Et là,
comme en apothéose, comme le point culminant du spectaculaire
absolu, comme une dernière et définitive négation
de ce que le mot anarchosyndicalisme veut dire, le Service d'Ordre
de la CNT Vignoles claque un gars qui canardait les socialos à
coup de canette, et se pose, air de chapons couillus et bras de
gonflette, en rang serré entre les figurants socialistes
et la manif libertaire. Des syndicalistes révolutionnaires
qui assurent le SO des socialistes ! Qui peut accepter ça
et se prétendre libertaire, anti-autoritaire, révolutionnaire
? Marie, Julot et moi, écoeurés, on s'est barré
tracter le FSE. Avec leur banderole demandant des crayons et leur
tube de Manu Tchao, les étudiants des facs de Rennes nous
auraient presque paru militants !
Le soir, des copains et copines ont dormi à droite à
gauche, chez des potes à Paris ou en banlieue. On s'est retrouvé
une dizaine chez Lulu, une militante des JL de Paris.
On a beaucoup parlé de la kermesse et de la foire aux livres,
des idées, des espoirs et on a beaucoup bu et fumé
aussi, et chanté jusque tard dans la nuit. Quand j'ai raconté
ma vision de cette journée vide de sens, les copains m'ont
trouvé sombre, nihiliste, méprisant. Et merde alors,
même le mépris et la rage ont été vendus
? Il ne nous reste plus rien d'autre que le silence ou la révolte
politiquement correcte ? Moi, je les emmerde tous, ces réformards
rouge et noir, ces cheffaillons de bataillons de clowns, ces penseurs
sans idées, ces anarchistes sans révolte. Je veux
parler aux autres, à ceux qui se foutent du décor,
à ceux qui ont mal au bide, à ceux qui ont définitivement
tourné le dos à la combine, à l'apparence,
à ceux que le mot Révolution libertaire ne fait ni
rire, ni fuir. On dit de nous, militants de Toulouse, que nous sommes
dogmatiques, puristes, sectaires et violents. A voir la guignolade
parisienne, ce vide, cette absence sidérante de discours
politique rupturiste, on mesure effectivement la distance ! Mais
pour ce qui est de la violence, on n'en est pas au bord ! Où
ont-ils trouvé ces mecs assez cons pour se croire anar en
faisant partie du Service d'Ordre Socialiste ?
Le dimanche, on s'est tiré avec Julot, en voiture, sous
la flotte, direction Toulouse. Julot la dérive a trouvé
encore le moyen de se gourer de route. On s'en foutait, on parlait
encore et encore, de ce monde de mort, de la lutte, de demain, de
la Sociale.
# Paulo le cracheux
|
|