Emprisonnement des mineurs de 13 ans dans des Centres éducatifs
fermés, suspension des allocations familiales pour leurs familles,
création du délit d'outrage à enseignant pouvant
entraîner 6 mois de prison, renforcement des sanctions en cas d'absentéisme
scolaire (qui devient un délit passible pour 4 demi-journées
d'absence dans le même mois de 2000 euros d'amende). Autant de mesures
des lois Perben (le ministre de la Justice) qui visent clairement la criminalisation
des familles les plus pauvres et signifient le désengagement de
l'état et de la société envers les plus démunis.
À cela s'ajoute le projet de loi Sarkosy (le ministre de l'Intérieur)
en débat au parlement, visant l'exclusion de l'espace public des
mendiants et prostituées, celle des mal-logés et des sans
papiers, l'interdiction de regroupement des jeunes dans les cages d'escaliers,
l'interdiction de circulation pour les enfants de moins de 16 ans dans
les quartiers, la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme
scolaire.
D'autres expériences apparemment anodines sont significatives du
climat à l'égard des enfants, jeunes et familles pauvres
: instauration du permis à points dans les cantines (pas de cantine
pour les lanceurs de boulettes), privation de repas pour les enfants en
cas de retard de paiement par les parents, suppression des postes éducatifs
et de surveillance. Les familles pauvres sont renvoyées à
une simple fonction de reproduction, elles sont non seulement victimes
d'un chantage aux allocations familiales, une part vitale de leurs revenus,
mais, de plus, elles sont jugées comme des parents incapables.
On instaure pratiquement la notion de culpabilité et de punition
collectives. On a vu ainsi des municipalités réclamer l'expulsion
de leur logement de familles entières au prétexte qu'un
enfant majeur est en prison. Non seulement la société se
dégage de ses responsabilités sociales et éducatives
mais les familles sont réduites à une fonction parentale
vidée de sa substance première : celle d'un groupe économique
assurant la subsistance des enfants. Il s'agit de faire endosser par la
famille une responsabilité à vie et une solidarité
que la société ne veut plus assurer. Ces mesures imposent
enfin aux familles les plus démunies un modèle familial
communautaire pourtant dépassé dans toutes les autres couches
de la société où domine le modèle individualiste.
Par ailleurs, le droit, en principe, ne reconnaît que des individus
et des liens (complicité par exemple). La punition collective des
familles instaure donc un droit de vengeance sur des individus en vertu
de leurs liens familiaux.
Le message est clair : ce sont les familles pauvres qui sont rendues entièrement
responsables des échecs éducatifs et sociaux et de la délinquance.
La marginalisation d'une partie de la société est non seulement
acceptée comme un fait définitif mais elle devient héréditaire
: la vengeance frappe les parents si un enfant a failli, les enfants si
un parent a commis une faute ainsi que les frères et les sœurs.
Les lois actuelles, en déniant aux enfants le droit à une
protection spécifique due à leur âge et à leur
situation de dépendance, sont en recul sur deux points : le respect
de l'enfant qui n'est pas un adulte miniature et dont la responsabilité
est réduite, et le devoir de protection envers les enfants qui
assigne à la cité une responsabilité éducative,
politique et sociale. Celle-ci ne se substitue pas, contrairement à
ce que dit la légende, à la responsabilité parentale
mais elle relève des missions publiques. Elle doit garantir par
exemple l'égalité d'accès à l'éducation
et à la formation.
Ces lois, comme les pratiques qui s'exercent au nom de la sécurité,
sont contraires aux droits de l'homme fondés sur la reconnaissance
de l'individu et aux droits de l'enfant à la protection et à
l'éducation. Réinventant le concept de « classes dangereuses
», elles sont une véritable déclaration de guerre
contre les pauvres, confondus ici au sein de la cellule familiale et renvoyés
à une totalité, à une non-humanité, privée
de toute protection par le droit et livrée à la vengeance
étatique, institutionnelle et sociale.
ENFANTS ET FAMILLES : Les nouveaux parias
publié vendredi le 1er novembre 2002,
par : Fabienne MESSICA
Le centre des médias alternatifs du Québec
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