COMPRENDRE LES FONDEMENTS IDÉOLOGIQUES D'UNE POLITIQUE RÉGRESSIVE...
ENFANTS ET FAMILLES : LES NOUVEAUX PARIAS
ATMOSPHÈRE.. ? ATMOSPHÈRE ... EST-CE QUE ÇA A UNE
GUEULE D'ATMOSPHÈRE ?
Emprisonnement des mineurs de 13 ans dans des centres éducatifs
fermés [1],
création du délit d'outrage à enseignant pouvant
entraîner 7000 euros d'amende et 6 mois de prison,
suspension des allocations familiales pour les familles dont l'un des
enfants est en centre éducatif fermé,
renforcement des sanctions en cas d'absentéisme scolaire (l'absentéisme
scolaire ne serait plus une infraction mais un délit passible
pour 4 demi-journées d'absence dans le même mois de 2000
euros d'amende) :
toutes ces mesures visent clairement la criminalisation des familles
les plus pauvres.
Elles profilent une judiciarisation des rapports dans l'école
et sous-tendent le désengagement de l'état et de la société
envers les plus démunis. [2]
Précédant les lois visant :
l'exclusion de l'espace public des mendiants et prostituées,
l'expulsion des mal-logés et sans papiers,
l'interdiction des regroupements dans les cages d'escaliers,
de nombreuses mesures
locales (interdiction de circulation le soir pendant l'été
des enfants de moins de 13 ans ou de moins de 16 ans vivants dans les
quartiers)
ou nationales (renforcement de l'obligation scolaire par une pratique
plus systématique de suppression des allocations Familiales)
ont désigné un coupable collectif : les familles défavorisées.
Mais l'application de ces mesures dépend en partie des professionnels
:
magistrats,
juges pour enfants,
conseillers pédagogiques éducatifs
assistantes sociales [3]
sont les maillons coopérants ou résistants d'une politique
de ségrégation, de discrimination et de criminalisation
des pauvres.
Punitions collectives
A ces mesures s'ajoutent des expériences apparemment anodines
mais significatives du climat de répression et de rejet qui frappe
enfants, jeunes et familles pauvres :
instauration du permis à points dans les cantines de certaines
écoles (pas de cantine pour les lanceurs de boulettes),
privation de cantine pour les enfants en cas de retard de paiement par
les parents,
télésurveillance dans les établissements,
non-renouvellement des emplois-jeunes qui assurent dans les écoles
et établissements une fonction éducative et de surveillance.
De même que les parents sont punis en cas d'infraction par un
enfant, les enfants sont punis si les parents n'ont pas payé
la cantine. Cette répression indistincte renvoie les familles
à de la non humanité, à une unité indistincte,
opaque, dans laquelle nul ne bénéficie de la moindre protection.
La criminalisation des familles n'est pas une protection des enfants
ni la punition de parents irresponsables mais ce qui inscrit les enfants
dans une généalogie socialement condamnée.
Comme tout mouvement conservateur, celui qui s'opère sous nos
yeux s'est donc tout d'abord attaqué à la racine de la
société : l'enfance et la famille. Aujourd'hui, les familles
sont non seulement victimes d'un chantage aux Allocations Familiales,
souvent une part importante et vitale de leurs revenus mais, de plus,
elles sont jugées incapables d'assurer la fonction naturelle
de parentalité. A travers ce jugement et les pratiques qui l'accompagnent,
nous assistons à une naturalisation de l'inégalité,
laquelle se transmet naturellement au lieu de socialement, de parents
à enfants.
Il convient par ailleurs d'analyser la notion de culpabilité
et de punition collective des familles. L'exemple récent de municipalités
réclamant l'expulsion de leur logement de familles entières
au prétexte qu'un enfant majeur est en prison, est à cet
égard très significatif. Il réduit les familles
à une fonction parentale vidée de sa substance première
qui est d'abord celle d'un groupe économique assurant la subsistance
des enfants.
Il fait porter à la famille une responsabilité à
vie à l'égard de n'importe lequel des siens et une solidarité
que la société ne veut plus assurer, tant dans sa mission
éducative que sociale. Il impose enfin aux familles les plus
démunies un modèle familial communautaire pourtant dépassé
dans toutes les autres couches de la société où
domine le modèle individualiste.
Accusées de démission, les familles pauvres, à
jamais désinsérées, sont vouées à
tenir leurs enfants en laisse. Faute de quoi, elles seront punies collectivement.
Moins de mesures éducatives, plus de répression
Toutes ces mesures traduisent par ailleurs une déshumanisation
de l'éducation qui vise spécifiquement les familles les
plus pauvres et tend à une mise au pas de l'ensemble de la société
par la restauration d'une vision fonctionnelle de la famille. En effet,
la famille joue un rôle de transmission et elle constitue une
unité économique traversée par des affects.
Dès lors qu'elle est chargée par les institutions de faire
respecter les règles de la société, dès
lors qu'elle est punie lorsqu'elle n'y parvient pas, elle est assimilée
à une simple fonction de l'Etat.
L'usage de la sanction envers toute une famille lorsque l'un des siens
a enfreint la loi est caractéristique de cette utilisation fonctionnelle
et politique de la famille. Par ailleurs, il faut rappeler que le droit,
en principe, ne reconnaît que des individus et des liens (complicité
par exemple).
La punition collective des familles instaure donc un droit de vengeance
sur des individus en vertu de leurs liens familiaux. Le recul du projet
éducatif au profit de la répression, perceptible depuis
des années, avec le durcissement des peines à l'égard
des Jeunes et des enfants au détriment des mesures éducatives
indique que la marginalisation d'une partie de la société
est à présent acceptée comme définitive,héréditaire,
fatale. C'est la vengeance et non la justice qui frappe indistinctement
parents, frères et sœurs si un enfant a failli et les enfants
si un parent n'a pas payé la cantine. C'est par le chantage sur
les siens, enfants, frères et sœurs, parents, qu'un régime
autoritaire obtient reddition et soumission. [4]
Recul des droits
L'évolution des pratiques et les nouvelles lois, en niant le
droit des enfants à une protection spécifique due à
leur âge et à leur situation de dépendance, sont
en recul sur trois points :
la reconnaissance d'un droit des enfants,
la limitation de la responsabilité pénale à l'individu,
la responsabilité politique et sociale de la cité envers
tous les enfants.
Cette responsabilité ne se substitue pas, contrairement à
ce que dit la légende, à celle des parents mais elle relève
des missions publiques. Elle doit garantir par exemple l'égalité
d'accès à l'éducation et à la formation.
Ces questions, fondamentales, ne sont pas solubles dans le simple renforcement
de l'obligation scolaire ou autres mesures qui se veulent spectaculaires
et désignent comme cause des échecs sociaux et éducatifs,
leurs victimes. Il s'agit là d'une véritable déclaration
de guerre contre les pauvres, confondus ici au sein de la cellule familiale
et renvoyés à une totalité, à une non- humanité,
privée de toute protection par le droit et livrée à
la vengeance étatique, institutionnelle et sociale.
C'est pourquoi tous les intervenants (associations, juges pour enfants,
enseignants, éducateurs spécialisés, assistantes
sociales, intervenants institutionnels et autres...) sont interpellés
dans leurs pratiques quotidiennes. Afin de résister sur un mode
qui ne soit pas seulement déclamatoire, nous vous invitons à
participer à la création d'un groupe de travail réunissant
tout ceux qui interviennent sur ce champs.
Il s'agit d'analyser nos pratiques et nos expériences et de répondre
au défi éducatif et social en luttant contre une stigmatisation
des familles qui naturalise l'inégalité.
Ce groupe a pour but de réinscrire l'intervention sociale, juridique
et associative dans sa dimension politique, d'en saisir toute la portée
et d'intervenir dans le débat et dans les pratiques.
Groupe de travail "Contre la criminalisation des familles"
Laurent OTT [5]
mise en ligne par Gestion site commission 30 octobre 2002.
(Site de Enfance Éducation Formation)
P.S. Quelques modification de mise en page ont été effectuées
par le gestionnaire du site de la commission des Verts :Enfance, éducation,
formation.
Les soustitres sont de la responsabilité de la mise en page (atmosphère...
ça me rappelle travail, famille, patrie)
Notes :
[1] Il existe actuellement sur toute la France trois centres de détention
pour mineurs. Il est prévu de confier au privé la construction
de deux nouveaux de ces pénitentiaires pour enfants
[2] texte d'un groupe de chercheurs Source : Fabienne Messica, transmmis
par Laurent Ott sur une liste de pédagogie Freinet
[3] ndlr : et les enseignants ?
[4] note de la mise en page : l'armée d'Israël et ses destructions
des maisons des familles de l'entourage d'un auteur d'un acte de résistance
[5] Laurent OTT : enseignant et éducateur à Longjumeau
(91)
Association INTERMEDES : http://assoc.intermedes.free.fr
Lutte contre la solitude enfantine et soutien de la fonction éducative
Le lien d’origine http://vertsedu.lautre.net/spip/imprimersans.php3?id_article=100