"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
"Instruire pour révolter", rencontre avec la scop Le Pavé autour d'Incultures

Origine : http://alpesolidaires.org/instruire-pour-revolter-rencontre-avec-la-scop-le-pave-autour-d-incultures

Après avoir présenté Inculture(s)1 en novembre dernier à Grenoble, la scop le Pavé revient les 16 et 18 juin nous faire partager leurs réflexions sur l'engagement politique et l'éducation. L'occasion de rencontrer ces factieux facétieux de l’éducation populaire qui revisitent les fondamentaux de la démocratie. Rencontre avec l’un des animateurs, Anthony Brault.

La scop le Pavé affiche une radicalité inhabituelle dans sa démarche d’éducation populaire, à quelle nécessité veut donc répondre votre projet ?

Celui de la révolution ! Notre projet, c’est instruire pour révolter. C’est bien sur provocateur, mais nous faisons le constat que l’éducation populaire se pratique aujourd’hui dans un cadre qui l’assujettit et l’empêche de jouer son rôle d’émancipation des personnes, d’expérimentation sociale et d’incitation à l’engagement politique dans les affaires de la cité. Ces beaux principes subissent en pratique des contraintes fortes que nous analysons de trois ordres : le système de subventionnement, l’encadrement administratif et le poids de la hiérarchie interne. C’est dans ce contexte que s’exerce l’éducation populaire que ce soit dans les centres sociaux, les associations et fédérations, les collectivités locales ou les services décentralisés de l’état. L’éducation populaire doit se dégager de ces contraintes pour retrouver ses fondamentaux.

Vous proposez un spectacle intitulé « Inculture(s), ou petits contes politiques et autres récits non autorisés », en quoi cette animation relève de l’éducation populaire et comment initie-t-elle à la révolte ?

Inculture(s) est le premier d'une série de cinq spectacles de théâtre que nous appelons plutôt « conférences gesticulées ». Chacun de ces spectacles traite d’un thème ; l’éducation populaire mais aussi l’Education nationale, l’engagement citoyen, la faim du pétrole, le travail, l'argent... Sous forme humoristique, Inculture(s) donne des clés d’analyse, notamment sur le langage. Nous tentons de montrer comment le langage courant tend à évacuer les rapports de force qui sont pourtant au cœur de la réalité sociale qu’ils désignent. Il n’est pas anodin, par exemple, de remplacer les « chômeurs » par les « demandeurs d'emploi », de parler de "zone sensible" plutôt que de "quartier pauvre" ou d’afficher "vidéo protection" plutôt que "vidéo surveillance". Le langage commun est le résultat de rapport de force et ses mots construisent notre réalité. Il y a un enjeu politique à dévoiler ce que dissimule cette apparence de consensus. A la fin du spectacle, nous invitons les spectateurs à compléter la liste des mots qui masquent les réalités ordinaires dans leur cadre de travail ou ailleurs. Puis nous proposons de poursuivre ce travail de dévoilement par des ateliers de « sculpture de langue de bois » ou de « désintoxication citoyenne » qui s’organisent sur une demi-journée ou plus dans la foulée de la conférence.

A quels résultats concrets peuvent mener ces ateliers ?

Nous intervenons à l’invitation d’équipes professionnelles qui cherchent à remobiliser leurs forces ou à relancer leur projet. En donnant à voir aux spectateurs les enjeux sociaux qui travaillent leur champs d’action, Inculture(s) offre une première appropriation de sujets autrement considérés comme hors de portée, complexes ou insolubles. Le temps des ateliers permet ensuite aux participants de se mobiliser plus concrètement sur une question large comme celle de la transformation sociale ou sur une problématique plus spécifique. Les ateliers recourent à plusieurs outils d’animation qui aident à mobiliser les imaginaires vers l’élaboration commune de solutions concrètes destinées à transformer la situation. En prenant au sérieux l’invention de solutions communes, les participants deviennent plus conscients des actions possibles dans un horizon de changement. La dynamique créée doit se traduire par la mise en œuvre de nouvelles pratiques des uns envers les autres. Nous cherchons à nous outiller collectivement pour maintenir cette dynamique.

Quelles sont vos autres formes d’intervention ?

Nous déclinons l’éducation populaire sous toutes ses formes : activités artistiques, animations, formations et conseils et toujours avec cette volonté de reposer ces principes de bases. Nous intervenons auprès de structures d’éducation populaire, locales ou nationale, d'institutions ou de collectivités territoriales, sur des questions de rapport au public, au projet, au fonctionnement. Nous animons débats, rencontres, séminaires ou assemblées générales en proposant des outils qui renouvellent ces réunions publiques en garantissant la mise en pratique de règles simples favorisant la libre expression de tous les participants, et recherchant un temps de parole égal et une écoute réciproque. Nous sommes également sollicités pour animer la mise en place de politiques publiques dans les secteurs de l’enfance, de la jeunesse ou de la culture… Et pour transmettre notre savoir faire, nous sommes organisme de formation professionnelle pour les animateurs intéressés par notre démarche.

Pourquoi le statut coopératif pour professer dans l’éducation populaire ?

La création de la Scop le Pavé est en fait l’aboutissement d’une recherche-action menée par un groupe de professionnels socio-culturels de Bretagne. A la suite d’un colloque sur le thème « Réinventer l’international et l’éducation populaire », ce groupe a choisi de poursuivre la réflexion initiée et s’est engagé dans une recherche approfondie en aménageant un cadre de travail hors des contraintes ordinaires du métier. De 2003 à 2005, à raison de 3 jours par mois et de manière bénévole, ils se sont offert un espace de liberté pour échanger, se former, élaborer à plusieurs des propositions d’actions et les mettre en œuvre. Le sous-groupe qui travaillait la question de la posture professionnelle a trouvé dans le statut coopératif le moyen d’appliquer ses principes : pas de hiérarchie, des décisions prises collectivement, des salaires égaux, et l’interchangeabilité le plus possible des missions, des postes, des personnes… Des principes que nous continuons d’appliquer du mieux que nous pouvons.

Quel regard portez-vous sur le secteur de l’éducation populaire qui traverse actuellement une crise institutionnelle sans précédant depuis sa création ?

Le désengagement actuel de l’état constitue peut être l’occasion pour le secteur de se poser la question de son institutionnalisation à travers le temps. Pour nous, l’éducation populaire est plutôt une démarche instituante pour ceux qui à partir d’une prise de conscience sur eux-mêmes et sur leur monde se mettent en route pour agir dans la société et changer les choses. Quand l’éducation populaire devient une institution organisée et omniprésente, elle perd sa capacité instituante et il arrive de surcroît que sa présence sur un territoire ou un quartier empêche de voir ce qui se fait de manière informelle, par des groupes non-institués.

« Inculture(s) » « L'éducation populaire, monsieur, ils n'en ont pas voulu » ou une autre histoire de la culture
Texte de la représentation avec Franck Lepage du 25 octobre 2006 A Bruxelles A l'occasion du 60ème anniversaire des CEMEA
http://www.scoplepave.org/docus/FL_incultures1_txt.pdf

La coopérative d’éducation populaire Le Pavé
http://www.scoplepave.org/