|
Origine http://www.cip-idf.org/spip.php?page=imprimer&id_article=5613
dimanche 29 mai 2011
Le paradigme esthétique proposé par Félix
Guattari n’invite pas à une « esthétisation
» du social et du politique, il esquisse une nouvelle conception
de l’action et des pratiques sociales et politiques. Il recoupe,
en certains endroits, la volonté foucaultienne, de faire
de la vie un « objet esthétique ». Il ne s’agit
pas de réactiver un genre de dandysme, mais d’accorder
attention à une production de soi qui ne peut être
conçue que comme un processus ouvert et indéterminé,
à la manière d’une performance
Cette séance de l’université ouverte du 14
janvier 2010 était introduite par la projection de la vidéo
d’une conférence de Félix Guattari dans une
école d’art à Los Angeles en 1991, un an avant
sa mort, pendant la guerre du Golfe. Lors de ce débat, Guattari,
répondant au public, trace les lignes fondamentales de sa
proposition éthico-politique d’un nouveau paradigme
esthétique. La présentation de cette alternative aux
paradigmes d’inspiration scientiste qui caractérisent
les sciences sociales (marxisme compris) est faite à travers
un parallèle entre une nouvelle conception de l’ «
objet artistique » (il citera l’art conceptuel) et une
configuration de l’ « objet politique » qui émerge
pendant cette guerre du Golfe, notamment à travers les initiatives
de Sadam Hussein.
"Ce qui est "pédagogique" avec la question
de la création esthétique c’est que on y est
toujours en train de reprendre l’altérité à
zéro."
"Les mouvements raisonnaient en terme de programme et donc
de mise en accord de différentes positions. Alors que ce
qui serait en question avec ce nouveau paradigme serait de travailler
en terme de diagramme, c’est-à-dire en termes de développement
d’hétérogénéité des positions.
L’objet prend sa consistance quand il échappe à
la redondance subjective, quand il échappe au moi, quand
le moi est porté par, attiré par le processus donc
quand le processus devient auto poïétique, auto consistant..."
F.G
Voici la transcription de cette intervention de Félix Guattari.
Le paradigme esthétique
Dans la dernière période, celle que j’ai appelé
les années d’hiver, l’idée d’une
pratique sociale, esthétique véritablement créatrice
et innovatrice s’est considérablement affaissée.
Ça peut correspondre à deux types d’attitudes
: l’attitude optimiste, c’est de dire que tout va pour
le mieux dans le meilleurs des mondes capitalistiques ou que tout
va vers la catastrophe, à commencer par la catastrophe écologique,
et que de toute façons il n’y a rien à faire.
D’une part, on doit constater que les tentatives des penser
un changement social ont connu une immense faillite avec l’effondrement
de l’idéologie qui avait présidé à
l’établissement des régimes socialistes. Les
pratiques se sont progressivement rabattues sur des conceptions
relevant quasiment de la passivité religieuse, de la passivité
cultuelle. Ce qui fait qu’il est aujourd’hui tout à
fait aventuré de prétendre qu’en effet il y
a une nécessitée d’opérer une jonction
entre des pratiques sociales, microsociales, macro sociales , esthétiques,
psychoanalytiques etc. comme seul moyen de sortir de la perspective
catastrophique dans laquelle la planète s’engage. Donc
je ne pense pas qu’on puisse fonder cette reprise d’initiative
sur une doctrine, sur une idéologie préconstituée.
C’est beaucoup plus à partir de ce que j’ai appelé
ce nouveau paradigme esthétique qu’on peut l’appréhender.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit pour essayer de différencier
ce paradigme esthétique par rapport aux agencements territorialisés,
aux agencement émergents et aux agencements capitalistiques.
Mais simplement, il y a comme une sorte de refuge persécuté,
persécutif et persécuté, dans les différentes
embryons de pratiques, d’expressions créatrices. Et
c’est pour moi intéressant de généraliser
cette appréhension du paradigme esthétique et de voir
que c’est peut être quelque fois dans le monde de l’enfance,
dans celui de la névrose, de la psychose qu’il se réfugie,
et, dans le même temps, de voir qu’on en trouve des
embryons dans tous les registres un tant soit peu vitaux de la production
sociale.
Il apparaît dans tout un courant épistémologique
contemporain que le facteur de création, d’invention
des coordonnées existentielles est la clef, est à
la racine des mutations technoscientifiques. Dans tous les domaines,
par exemple celui de la psychiatrie, tous les tentatives pour sortir
des routines traditionnelles implique l’invention d’un
nouveau type des coordonnées.
Vous demandiez de multiplier les exemples : dans le domaine politique
par exemple, où même syndical, on voit que les anciennes
formes de pratiques sont complètement dans l’impasse,
tournent en rond, sont redondantes, vides. Et il y a dans cette
idéologie des années 80 une sorte de passivité,
d’abandonnique à la fatalité. Je pense qu’en
réalité le lieu où la problématique
de la refondation de la créativité, le lieu où
non seulement la question est posée mais où elle est
expérimentée, c’est finalement le domaine esthétique.
Alors c’est à la fois dérisoire et inquiétant.
Dérisoire parce que le monde "esthétique"
apparait comme une superstructure sans accrochage sur la réalité
du monde et puis c’est inquiétant en même temps
parce qu’au sein même du champ esthétique il
y a, il y a eu encore dans les années 80 toute une pulsion,
un abandonnisme à l’idéologie du marché
en particulier avec toutes les rupture du courant postmoderne.
Et bien si vous voulez le paradoxe que je suis venu soutenir devant
vous, et je ne le soutiens pas parce que je suis dans une école
d’art, est que si à une certaine époque les
débats décisifs étaient dans des milieux idéologiques,
si à d’autres d’époques, à la fin
du XIXe siècle c’était dans des milieux ouvriers,
enfin rattachés au mouvement ouvrier, au mouvement socialiste
etc., il me semble que paradoxalement, même si ça parait
tout à fait curieux, c’est dans la sphère, dans
le domaine des pratiques esthétiques qui se trouvent posés
les débats principaux de notre époque. Parce que c’est
là qu’un nouveau type d’objet est appréhendé.
La consistance d’un certain type d’objet immatériel,
la consistance d’un objet qui a en même temps une fonction
de subjectivité partielle, la consistance d’un objet
qui brille dans un rapport de processualité et de créativité,
d’un objet qui entretien des rapports de transversalité
entre différents niveaux, le fait qu’une modification
à un certain niveau se répercute à d’autres
échelles. C’est pour ça que j’avance quasiment
comme une proposition politique, ethico-politique, le fait de travailler
à forger un nouveau paradigme esthétique.
Ce qui fait que l’histoire trouve des dates, ce qui génère
une irréversibilité historique, où, à
une échelle plus individuelle, ce qui donne un sens de la
singularité de l’existence, ces types d’objets
ne sont plus réservés à une caste particulière.
Il y a une sorte de division du travail subjectif qui traverse les
anciennes castes des penseurs, intellectuels, artistes et aussi
qui traverse de plus en plus les époques. On est en train
de vivre une époque privilégiée, je dirais
malheureusement mais enfin c’est comme ça, où
on voit un évènement absurde mais qui marque l’histoire,
l’histoire collective et individuelle ; on a l’exemple
de la production de ces types d’objets complexes que j’évoquais
: la performance de Saddam Hussein… (rire dans la salle),
alors ça fait rire et en même temps si on réfléchi
un peu, toute la société économique, mass médiatique
était prévue pour que ce genre de performance n’advienne
pas. Or elle advient. Alors on tente de conjurer, on se donne du
temps, la diplomatie etc.
Mais il y cette espèce d’insistance qu’on peut
dire folle, nazie, tout ce qu’on veut, ça résiste,
il y a quelque chose là. Et ce qui est très curieux
c’est qu’on voit que les enjeux sont peut être
moins des enjeux économiques et géopolitiques que
des enjeux subjectifs. Combien, le plus longtemps possible je tiendrais
la partie de bras de fer, comme ça (F.G prend le bras de
son voisin) eh ! A ce moment là on se dit : « que est
ce que ça représente ça ? » est-ce que
ça représente un malade, un schizophrène qui
a pris le pouvoir par hasard, ou est-ce que ça représente
une schize subjective très grave avec des millions d’arabes,
peut être un milliard de musulmans ? Alors l’évènement,
l’objet complexe il est lié à des choses qui
s’appellent la politique américaine, CNN, Bush, etc.
et puis il est lié à cette espèce d’insistance
absurde, curieuse, d’une part de la subjectivité planétaire
qui dit non, humiliation, des mots bizarres bon, la logique multivalente
pour lire ce type d’évènement.
Du coup la logique de Monsieur Dick Cheney ne marche pas tellement
bien… Peut être faut-il chercher une logique capable
de comprendre ce qu’est la performance, ce qu’est l’art
conceptuel, des choses comme ça. Et alors c’est pour
ça que je pense que curieusement l’élaboration
du concept c’est peut-être, je m’excuse pour la
provocation, c’est peut-être les masses arabe qui nous
font la pédagogie d’un nouveau type de concept.
C’est dans cette direction que je voudrais aller, vous voyez
bien que je ne prends pas parti pour la performance de Saddam Hussein.
Si ça n’avait pas été cette performance
là, ç’aurait été une autre. Parce
que on est dans un type d’engagement des relations internationales,
un type de production de subjectivité planétaire qui
génèrera de plus en plus ce type de performance. Et
c’est pour ça que quand on travaille, chacun dans notre
position, à forger un autre type de logique, ce que j’appelle
un autre paradigme esthétique, on est au cœur des problématiques
les plus fondamentales et on sort du cadre d’élaborations
conceptuelles, très cadrées, stéréotypés.
On peut compléter, il y a une dimension que l’on pourrait
dire d’escalade de la finitude. Le fait que le deal, l’épreuve,
le marché se jouent dans le temps et dans un temps fini.
Ce qui est très paradoxal c’est que Saddam Hussein
ai déclaré : chaque jour supplémentaire que
l’on tient est une victoire. Il semble parfaitement accepter
l’idée d’une défaite inéluctable,
donc c’est comme si la dimension de finitude faisait partie
de l’enjeu. C’est intéressant parce que la subjectivité
dominante mass-médiatique infantilisée vit toujours
dans l’éternité : on est américains pour
l’éternité, on est jeune, on est beau pour l’éternité,
on est jamais malade et là d’un seul coup on se retrouve
devant le fait qu’on compte, on compte combien de temps ça
va durer.
Un autre élément qui me semble aussi paradoxal, qui
donne cette épaisseur historique, et qu’on peut mieux
comprendre et interpréter à travers cette question
d’un objet esthétique selon un nouveau paradigme esthétique,
c’est le problème de la consistance ontologique de
l’objet, le fait que l’objet va franchir des seuils
de consistance ; si notre ami [son voisin de table] nous fait une
performance, il va venir par exemple se mettre là devant
nous et puis imaginons qu’il va faire un geste, répéter
une phrase, il y aura un moment d’hésitation «
mais qu’est-ce qu’il fait, qu’est ce qu’il
veut dire ? » et puis, peut être, ça franchira
un seuil, on dira bon… et puis la consistance prendra. Et
bien il y a dans les évènements que nous vivons depuis
six mois quelque chose de cette nature : au départ il s’agissait
d’une partie de football, il fallait occuper le territoire
du Koweit comme on va prendre un but. Et puis l’objet se complexifie,
toutes sortes de dimensions apparaissent, comme si l’objet,
l’interlocuteur diabolique voulait faire la démonstration
que ce qui est en question n’est pas uni référentiel
mais multi référentiel et révèlera des
problématiques de toute sortes de nature, non seulement au
niveau de cette complexité subjective qu’on peut trouver
dans la subjectivité collective mais une multitudes d’autres
registres, on peut dire de révélations, à savoir
que plus les media sont planétaires, mondiaux, sophistiqués
et moins ils disent quelque chose, c’est quand même
une grande nouveauté, et que la sophistication, l’arme
chirurgicale, l’hyper informatisation des armes amène
à ce que finalement, au bout du compte, il faudra aller se
battre avec des baïonnettes.
C’est comme si toute une série de mythes était
profondément mis en question. Il y a donc cette objet, comme
un objet de l’art conceptuel, un objet multi référent
esthétique, non seulement il renvoie à des lectures
diverses mais il implique des pratiques, il implique l’invention
de réponses nouvelles. Et dans la mesure où aujourd’hui
on peut dire que manifestement les politiques américains,
l’armée américaine se heurtent de plein fouet
à ce type de nouveauté, ils sont par définition
perdants et ils appellent à un autre type de réponse.
Je ne peut pas m’étendre longtemps la dessus mais il
est évident que c’est n’est pas ce type de réponse
là qui va solutionner quelque problème que se soit
à l’échelle planétaire. Alors ça
nous révèle l’immensité des problématiques
auxquelles on est confronté et sans vouloir jouer les prophètes,
les sorcières qui lisent dans le marc de café je crois
que cette problématique n’est pas seulement planétaire,
on va la trouver à toutes les autres échelles, à
tous les autres niveaux y compris économiques, sociaux, microsociaux
etc., de même que la guerre du Vietnam avait également
révélée toute une gamme de problématiques.
Une raison de la faillite idéologique de la contreculture
c’est qu’elle a probablement continué à
raisonner en termes d’universalité. Les hippies se
sont vécus comme des personnages universels. Leur façon
de voyager c’était une sorte de colonialisme mental.
La production d’altérité ce n’est pas
seulement un voyage touristique dans l’autre mais c’est
une hétérogenèse. C’est d’une certaine
façon produire l’autre comme autre, c’est désirer
l’altérité, l’altérité dans
sa consistance d’altérité, donc dans sa dimension
éthique, existentielle la plus spécifique. C’est
donc quelque chose qui va tout à fait à l’encontre
d’une politique du consensus mais qui va dans le sens d’une
culture du dissensus. C’est beaucoup plus facile à
dire qu’à faire. Il s’agit encore une fois de
cette perspective de substituer aux anciens paradigmes idéologiques
un nouveau type de paradigme esthétique - ces anciens paradigmes
étaient d’ailleurs profondément marqués
par des dimensions scientistes, le paradigme marxiste était
très marqué par des paradigmes scientistes.
Justement à ce moment, on est devant la complexité
du projet de production de subjectivité, d’altérité
subjective. Ce qui est "pédagogique" avec la question
de la création esthétique c’est que on y est
toujours en train de reprendre l’altérité à
zéro. Le peintre, l’auteur dramatique est toujours
devant une matière saturée de redondances. Il faut
qu’il annule ces redondances, qu’il annule cette dimension
consensuelle de la redondance, qu’il créé des
conditions où peut surgir de la singularité. Et ça
vous voyez bien que d’une certaine façon les anciens
mouvements féministes , homosexuels etc. .. où les
mouvements relatifs aux immigrés restaient dans une dimension
consensuelle.
Ils raisonnaient en terme de programme et donc de mise en accord
de différentes positions. Alors que ce qui serait en question
avec ce nouveau paradigme serait de travailler en terme de diagramme,
c’est-à-dire en termes de développement d’hétérogénéité
des positions. L’objet prend sa consistance quand il échappe
à la redondance subjective, quand il échappe au moi,
quand le moi est porté par, attiré par le processus
donc quand le processus devient autopoïétique, autoconsistant
; non seulement il porte la consistance du processus dans sa différenciation,
mais il porte la matière même de son être.
Pourquoi je reviens sur la problématique de l’art
conceptuel ? Non pas parce que j’aime l’art conceptuel,
je considère que c’est une faillite totale, mais c’est
une problématique absolument majeure, c’est l’échec
de l’art conceptuel qui est quelque chose de fabuleux parce
que c’est justement la question d’une production ontologique
radicale, d’une hétèrogenèse ontologique
radicale … je me suis laissé entrainer, je ne sais
plus si je suis toujours dans le champs de votre question...
Il y avait dans le futurisme et dans le bolchévisme une
conception réifiée de la machine, non seulement de
la machine technique mais de la machine révolutionnaire,
une incapacité de penser transversalement la machine et notamment
de penser des machines théoriques, des machines intemporelles,
des machines abstraites comme étant la clef des mutations
machiniques. Il y a donc eu toute une mimesis bolchevique, une mimesis
révolutionnaire, qu’on va retrouver aussi bien dans
le fascisme italien que dans le bolchévisme, selon des modalités
différentes, qui faisait écran aux véritables
révolutions machiniques qui étaient portées
par l’époque, la machine de Thüring, la machine
informatique, la machine cybernétique, qui est là
en train de germer, je crois que c’est de cette côte
là qu’on fait la différence.
Dans mon histoire de paradigme esthétique, si on considère
- j’ai cité la phrase de Duchamp : on est plus dans
les coordonnées de l’espace et du temps - ce type d’objet
ne rentre plus dans une échelle ou dans une autre, l’objet
géopolitique devient un objet partiel de la subjectivité
individuelle, tous les psychotiques savent ça depuis des
millénaires, mais les amoureux eux-aussi savent ça,
ils perçoivent le cosmos, tout d’un coup, avec des
nuages, des mouvements, idem pour les enfants. Alors donc le problème
qui se trouve posé est une sorte d’envahissement d’échelles,
d’éclatement des échelles. Il faut en effet
forger chacun pour soi même , chacun comme on peut, une logique
pour rendre compte de ce type d’objet.
Il n’y a pas d’esthétique générale
avec un nom majuscule qui va rendre compte de l’ensemble de
ces processus et il y a des méta modélisations pour
chaque position particulière, proto-esthétique, pour
se débrouiller avec ça. Mais ce n’est pas seulement
une question de représentation, pas seulement une question
de modèle. C’est une question qui engage une dimension
éthique, une dimension de liberté parce que on est
dans un registre particulier de complexité. On a pris l’exemple
du Golfe on pourrait prendre l’exemple de quelqu’un
qui est en train d’écrire une poésie. Et puis
en même temps parce que le temps n’a ici pas de sens,
dans le même grasping [saisissement, ndr] existentiel, on
est dans un vertige de chaos absolu. La plus grande complexité
coïncide avec la plus grande désagrégation chaotique.
C’est une expérience très banale à laquelle
je me référe, l’acteur par exemple qui au moment
d’être sur scène est hanté par l’espèce
de trac qui va chaotiser littéralement tout son discours.
Le paradigme esthétique c’est toujours d’en
venir à ce point de virtualité chaotique, domaine
qui dans l’amour est le vertige de « « elle ne
m’aime pas » ou « elle me trompe » ou je
ne sais pas quoi, ou dans la paranoïa c’est « on
m’espionne », « on veut me tuer ». Donc
le paradigme esthétique ce n’est pas seulement de l’ordre
de la représentation mais c’est quelque chose que l’on
pourrait dire de l’ordre de la réconciliation entre
le chaos et la complexité.
La question qui semble compliquée est qu’on est toujours
amené, si on veut sortir des langues de pouvoir, à
forger des langues minoritaires, des langues d’expression
individuelle, collective, idiosyncrasiques, à faire que la
langue sorte justement de son caractère unidimensionnel et
travaille dans toutes ces dimensions de transversalité fonctionnelle.
Une langue réappropriée, une langue mineure ne travaille
pas d’abord pour donner de l’information ou faire communiquer
des subjectivité mais pour produire de l’évènement,
pour produire un acte évènementiel, produire une référence
existentielle qui va affirmer sa propre consistance.
On est là dans un registre qui se situe avant la dichotomie
entre l’objet et le sujet, on est au niveau d’une entité
processuelle qui pose les conditions de possibilités qu’il
y ait du sujet et de l’objet. C’est extrêmement
difficile à expliquer et pourtant c’est facile à
vivre parce que l’existence c’est quelque chose de cette
nature. C’est toujours à travers des chainons discursifs,
des explications, des discours, des ritournelles qu’il y a
cette positionalité du rapport existentiel. Au niveau pathique,
au niveau de l’affect on est pris directement dans ce rapport
existentiel, alors il y a des affects tristes, des affects discordants
et puis il y a des affects de joie qui seraient au fond quelque
chose qui caractériserait le paradigme esthétique.
|
|