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Origine
http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=1684
Félix Guattari était membre des Verts. Pour la prochaine
Assemblée générale de ce mouvement, prévue
pour la minovembre, ses amis, réunis au sein d’un courant
appelé Fil vert, lui avait demandé de rédiger
un texte d’orientation. Fin juillet, le philosophe le leur
envoyait .
Ce texte a été publié dans le Revue Ecologie
Politique
Les écologistes français sont portés par une
part croissante de l’opinion parce qu’ils sont ressentis
comme étant les seuls à problématiser de façon
novatrice les questions essentielles de notre époque. Mais
il leur appartient de faire passer dans les faits qu’ils sont
effectivement en mesure de promouvoir une autre façon de
faire de la politique, mieux en prise sur les réalités
quotidiennes et en connexion, cependant, avec les enjeux planétaires
auxquels toute situation locale se trouve confrontée (nécessité
d’une recomposition économique et sociale hors des
voies stériles du productivisme, déséquilibre
entre le Nord et le Sud, préservation de la biosphère...).
L’engagement dans une telle perspective n’est pas seulement
affaire d’idées et de communication, mais également,
et peutêtre avant tout, de renouvellement des pratiques. Le
tissu social, sous l’effet du consumérisme et des médias,
est devenu passif, sujet à toutes les manipulations. Les
organisations politiques traditionnelles vivent en symbiose avec
cette passivité : elles sont devenues dans l’incapacité
de promouvoir les débats sur des questions vraiment importantes.
Si les mouvements d’écologie politique calquent leur
fonctionnement sur les organisations traditionnelles, ils seront
inexorablement conduits à l’impuissance et à
une rapide extinction de leur influence.
Nous devons partir. du constat que les deux mouvements actuels d’écologie
politique, malgré leurs mérites respectifs, ne répondent
pas aux exigences réelles de la période actuelle.
Les Verts ne sont pas assez ouverts ; ils mènent une politique
malthusienne à l’égard de leurs sympathisants
et de leurs adhérents potentiels ; ils sont souvent ressentis
comme des corps extérieurs au sein du mouvement associatif
; leurs instances organisationnelles ont tendance à tourner
sur elles-mêmes, à fonctionner sur un mode groupusculaire.
Cela étant, ils représentent à l’heure
actuelle le seul réseau militant cohérent dans le
champ de l’écologie politique et ce sont eux qui détiennent
l’essentiel des clefs des transformations à venir dans
ce domaine. Génération Ecologie a su débloquer
une part non négligeable de l’électorat socialiste,
centriste ou non engagé. Il apparaît comme non sectaire,
en particulier par son acceptation de la double appartenance. Mais
il reste globalement un mouvement inconsistant, uniquement cristallisé
autour d’une tête massmédiatique et sans fonctionnement
démocratique réel. Il apparaît nécessaire
que les composantes vivantes qui existent au sein de chacun de ces
mouvements s’organisent entre elles et en liaison avec le
mouvement associatif afin de préparer une recomposition d’ensemble
du mouvement d’écologie politique.
Ce futur mouvement devrait être pluraliste et profondément
implanté dans la société à partir de
collectifs de base et de collectifs sectoriels. Il devrait attacher
une importance primordiale à toutes les questions relatives
à l’émancipation féminine. Il devrait
développer un esprit de tolérance mutuelle, de convivialité
et constituer un lieu d’accueil et d’appui à
toutes les entreprises d’initiative sociale, de culture et
de recherche, dans les domaines de la vie urbaine, de l’éducation,
de la santé, des médias alternatifs... Il devrait
également se préoccuper d’une nécessaire
réinvention du syndicalisme en France un syndicalisme qui
deviendrait en prise sur les chômeurs, les marginaux, la vie
de quartier... Ce n’est qu’à la condition de
catalyser un « passage à l’acte » collectif
dans tous ces domaines pratiques que les idées écologistes
pourront devenir autre chose qu’une mode superficielle dans
l’opinion. Il s’agit, en effet, d’œuvrer
à l’émergence d’une nouvelle démocratie
écologique, synonyme d’intelligence, de solidarité,
de concertation et d’éthique de la responsabilité
.
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