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Origine : http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=1678
L’être humain contemporain (1) est fondamentalement
déterritorialisé. Ses territoires existentiels originaires
corps, espace domestique, clan, culte ne sont plus arrimés
à un sol immuable, mais s’accrochent désormais
à un monde de représentations précaires et
en perpétuel mouvement. Les jeunes gens qui déambulent,
un walkman collé aux oreilles, sont habités par des
ritournelles produites loin, très loin de leurs terres natales.
Leurs terres natales, d’ailleurs, qu’est ce que ça
pourrait vouloir dire pour eux ? Sûrement pas le lieu où
reposent leurs ancêtres, où ils ont vu le jour et où
ils auront à mourir ! Ils n’ont plus d’ancêtres
; ils sont tombés là sans savoir pourquoi et disparaîtront
de même ! Une codification informatique les « assigne
à résidence" sur une trajectoire socio-professionnelle
qui les programme, pour les uns dans une position relativement privilégiée,
pour les autres dans une position d’assistés. Tout
circule aujourd’hui, les musiques, les modes, les slogans
publicitaires, les gadgets, les filiales industrielles, et pourtant
tout semble rester en place, tant les différences s’estompent
entre les états de chose manufacturés et au sein d’espaces
standardisés où tout est devenu interchangeable. Les
touristes, par exemple, font des voyages quasi immobiles, véhiculés
qu’ils sont dans les mêmes pullmans, les mêmes
cabines d’avion, les mêmes chambres d’hôtel
climatisées, et défilant devant des monuments et des
paysages qu’ils ont déjà cent fois rencontrés
sur des prospectus et des écrans de télé. La
subjectivité se trouve ainsi menacée de pétrification.
Elle perd le goût de la différence, de l’imprévu,
de l’événement singulier. Les jeux télévisés,
le star system dans le sport, les variétés, la vie
politique, agissent sur elle comme des drogues neuroleptiques qui
la prémunissent contre l’angoisse au prix de son infantilisation,
de sa dé-responsabilisation.
Doit-on regretter la perte des repères stables de naguère
? Doit-on souhaiter un brusque coup d’arrêt de l’histoire,
doit-on accepter comme une fatalité le retour au nationalisme,
au conservatisme, à la xénophobie, au racisme et à
l’intégrisme ? Que de notables fractions de l’opinion
soient aujourd’hui happées par de telles tentations
ne rend pas celles-ci moins illusoires et dangereuses. C’est
à la condition que soient forgées de nouvelles terres
transculturelles, transnationales, transversalistes et des univers
de valeur dégagés de la fascination du pouvoir territorialisé,
que pourront être dégagées des issues à
l’actuelle impasse planétaire. L humanité et
la biosphère ont partie liée, et l’avenir de
l’une et l’autre est également tributaire de
la mécanosphère qui les enveloppe. C’est dire
qu’on ne peut espérer recomposer une terre humainement
habitable sans la réinvention des finalités économiques
et productives, des agencements urbains, des pratiques sociales,
culturelles, artistiques et mentales. La machine infernale d’une
croissance économique aveuglément quantitative, sans
souci de ses incidences humaines et écologiques, et placée
sous l’égide exclusive de l’économie de
profit et du néo-libéralisme, doit laisser place à
un nouveau type de développement qualitatif, réhabilitant
la singularité et la complexité des objets du désir
humain. Une telle concaténation de l’écologie
environnementale, de l’écologie scientifique, de l’écologie
économique, de l’écologie urbaine et des écologies
sociales et mentales, je l’ai baptisée : écosophie.
Non pour englober tous ces abords écologiques hétérogènes
dans une même idéologie totalisante ou totalitaire,
mais pour indiquer, au contraire, la perspective d’un choix
éthico-politique de la diversité, du dissensus créateur,
de la responsabilité à l’égard de la
différence et de l’altérité.
Chaque segment de vie, tout en demeurant inséré dans
des phylums transindividuels qui le dépassent, est fondamentalement
saisi dans son unicité. La naissance, la mort, le désir,
l’amour, le rapport au temps, au corps, aux formes vivantes
et inanimées appellent un regard neuf, épuré,
disponible. Cette subjectivité que le psychanalyste et l’éthologue
de l’enfance, Daniel Stern, appelle le « soi émergent
() », il nous appartient de la ré-engendrer constamment.
Reconquérir le regard de l’enfance et de la poésie
aux lieux et place de l’optique sèche et aveugle au
sens de la vie de l’expert et du technocrate. I1 n’est
pas question d’opposer ici l’utopie d’une nouvelle
Jérusalem céleste, comme celle de l’Apocalypse,
aux dures nécessités de notre époque, mais
d’instaurer une Cité subjective au cœur même
de ces nécessités, en ré-orientant les finalités
technologiques, scientifiques, économiques, les relations
internationales (en particulier entre le Nord et le Sud) et les
grandes machines mass-médiatiques. Se dégager donc
d’un faux nomadisme qui nous laisse en réalité
sur place, dans le vide d’une modernité exsangue, pour
accéder aux lignes de fuite du désir auxquelles les
déterritorialisations machiniques, communicationnelles, esthétiques,
nous convient. Créer les conditions d’émergence,
à l’occasion d’une réappropriation des
ressorts de notre monde, d’un nomadisme existentiel aussi
intense que celui des Indiens de l’Amérique précolombienne
ou des Aborigènes d’Australie.
Cette refinalisation collective des activités humaines dépend,
pour une large part, de l’évolution des mentalités
urbaines. Les prospectivistes prédisent que, durant les décennies
à venir, près de 80% de la population mondiale vivra
dans des agglomérations urbaines. A cela il convient d’ajouter
que les autres 20% résiduels de population rurale ne dépendront
pas moins de l’économie et des technologies des villes.
En fait, c’est la distinction ville/nature qui se modifiera
profondément, les territoires « naturels » relevant
en grande partie de programmes d’aménagement de tourisme,
de loisir, de résidences secondaires, de réserve écologique,
d’activités industrielles télématiquement
déconcentrées. Ce qui subsistera de la nature devrait
donc devenir l’objet d’autant de soins que le tissu
urbain. D’une façon plus générale, les
menaces qui pèsent sur la biosphère, la poussée
démographique mondiale, la division internationale du travail
conduiront les opinions publiques urbaines à penser leurs
problèmes particuliers sur fond d’écologie planétaire.
Mais ce pouvoir hégémonique des villes est il nécessairement
synonyme d’homogénéisation, d’unification,
de stérilisation de la subjectivité ? Comment se concilierait,
à l’avenir, avec les pulsions de singularisation et
de reterritorialisation qui ne trouvent aujourd’hui qu’une
expression pathologique à travers la remontée des
nationalismes, des tribalismes et des intégrismes religieux
?
Dès la plus haute antiquité, les grandes cités
ont exercé leur pouvoir sur les arrière-pays, sur
les nations barbares et les ethnies nomades (pour l’Empire
romain, en deçà et au-delà de son « limes
"). Mais durant ces époques, les distinctions entre
civilisation urbaine et monde non urbain restèrent généralement
très marquées, relevant d’oppositions de caractères
religieux et politique. Augustin Berque, par exemple, analyse finement
la tendance de la société japonaise urbaine traditionnelle
à s’éloigner tout à la fois de la forêt
profonde et de ses "chimères » et de toute aventure
au-delà des mers () Mais les temps ont bien changé
: non seulement les Japonais font rayonner leur économie
et leur culture aux quatre coins du monde habité mais leurs
alpinistes sont également les plus nombreux, et de loin,
à gravir chaque année les pentes de l’Himalaya
!
La différence entre les villes tend à s’estomper
alors qu’à partir du XVIe siècle on avait assisté
à une véritable prolifération des modèles
de ville, corrélativement à l’émergence
des processus d’urbanisation et d’équipement
collectif des grandes entités nationales capitalistiques.
Fernand Braudel () a étudié, par exemple, la diversité
des villes espagnoles. Grenade et Madrid furent des villes bureaucratiques
; Tolède, Burgos et Séville également mais,
de surcroît, rentières et artisanales ; Cordoue et
Ségovie furent des villes industrielles et capitalistes,
Cuenca fut industrielle et artisanale ; Salamanque et Jerez furent
des villes agricoles, Guadalajara fut une ville cléricale.
On trouverait encore d’autres villes, plutôt militaires,
« moutonnières", campagnardes, maritimes, villes
d’étude... Finalement la seule manière de faire
tenir ensemble toutes ces villes diverses au sein d’un même
ensemble capitalistique, c’est de les considérer comme
autant de composantes d’un même réseau national
d’équipements collectifs.
De nos jours, c’est à une échelle encore beaucoup
plus large que se tresse ce réseau d’équipements
matériels et immatériels. Et plus ce réseau
se planétarise, plus il se digitalise, se standardise, s’uniformise.
Cet état de fait est l’aboutissement d’une longue
migration des villes-monde ¬comme les a appelées Fernand
Braudel qui se voyaient conférer successivement une prépondérance
économique et culturelle : Venise, au milieu du XlVe siècle
; Anvers au milieu du XVle siècle ; Amsterdam, au début
du XVIIIe siècle : Londres, à partir de la fin du
XVIIIe siècle, etc.. en sont des exemples. Selon cet auteur,
les marchés capitalistiques se sont déployés
en zones concentriques à partir de centres urbains détenteurs
des clés économiques leur permettant de capter l’essentiel
des plus-values, tandis que vers leurs périphéries
celles-ci tendaient vers un degré zéro, les prix atteignant
un maximum consécutivement à une léthargie
des échanges. Cette situation de concentration du pouvoir
capitalistique en une seule métropole mondiale s’est
trouvée profondément remaniée à partir
du dernier tiers du XXe siècle. Dès lors on n’aura
plus affaire à un centre localisé, mais à l’hégémonie
d’un archipel de ville, ou, plus exactement, de sous-ensembles
de grandes villes connectés par des moyens télématiques
et informatiques. La ville-monde de la nouvelle figure du capitalisme
mondial intégré s’est donc profondément
déterritorialisée, ses diverses composantes se sont
éparpillées sur un rhizome multipolaire urbain enserrant
toute la surface de la planète. Remarquons que cette mise
en réseau planétaire du pouvoir capitalistique, s’il
a homogénéisé ses équipements urbains
et communicationnels et les mentalités de ses élites,
a aussi exacerbé les différences de standing entre
les zones d’habitat. Les inégalités ne passent
plus nécessairement entre un centre et sa périphérie,
mais entre des maillons urbains suréquipés technologiquement
et informatiquement, et entre des zones d’habitat médiocre
pour les classes moyennes et des zones quelquefois catastrophiques
de pauvreté.
On pense ici à la proximité de quelques dizaines de
mètres entre les quartiers riches de Rio et les favelas ou
à la contiguïté d’un haut lieu de la finance
internationale, à la pointe de Manhattan, et de zones urbaines
miséreuses à Harlem ou dans le South Bronx, sans parler
des dizaines de milliers de « homeless » occupant les
rues et les parcs publics. Il était fréquent, encore
au XIXe siècle, que des pauvres habitassent les derniers
étages de résidences dont les autres étages
étaient occupés par de riches familles. Au contraire,
la ségrégation sociale s’affirme à présent
sous une espèce d’enfermement dans des ghettos, comme
à Sanya, au cœur de Tokyo, dans le quartier de Kamagasaki
à Osaka ou dans les banlieues déshéritées
de Paris. Certains pays du tiers-monde sont même en passe
de devenir l’équivalent de camps de concentration,
ou, à tout le moins, de zones d’assignation à
résidence pour des populations auxquelles il est interdit
de sortir de leurs frontières. Mais ce qu’il convient
de révéler c’est que, même dans les immenses
bidonvilles du tiers-monde, les représentations capitalistiques
trouvent le moyen de s’infiltrer par le biais des télévisions,
de gadgets et de drogues. L’arrimage du maître et de
l’esclave, du pauvre et du riche, du nanti et du sous-développé
tend donc à se développer conjointement dans l’espace
urbain visible et dans des formations de pouvoir et de subjectivité
aliénées. La déterritorialisation capitalistique
de la ville ne représente donc qu’un stade intermédiaire
; elle s’instaure sur la base d’une reterritorialisation
riche/pauvre. Il ne s’agit donc pas de rêver d’en
revenir aux villes cloîtrées sur elles-mêmes
de l’époque médiévale, mais d’aller,
au contraire, vers une déterritorialisation supplémentaire,
polarisant la ville vers de nouveaux univers de valeur, lui conférant
pour finalité fondamentale une production de subjectivité
non ségrégative et cependant resingularisée,
c’est-à-dire en fin de compte, libérée
de l’hégémonie de la valorisation capitalistique
uniquement axée sur le profit. Ce qui ne signifie pas que
toutes les régulations par les systèmes de marché
devraient être nécessairement abandonnées.
Il faut admettre que la persistance de la misère n’est
pas un simple état de fait résiduel, plus ou moins
passivement subi par les sociétés riches. La pauvreté
est voulue par le système capitaliste qui s’en sert
comme d’un levier pour mettre à l’ouvrage la
force collective de travail. L’individu est tenu de se plier
aux disciplines urbaines, aux exigences du salariat ou aux revenus
du capital. Il est tenu d’occuper une certaine place sur l
échelle sociale, faute de quoi il sombrera dans le gouffre
de la pauvreté, de l’assistance et, éventuellement,
de la délinquance. La subjectivité collective régie
par le capitalisme est donc polarisée dans un champ de valeur
: riche/pauvre, autonomie/assistance intégration/désintégration.
Mais ce système de valorisation hégémonique
est il le seul concevable ? Est il le corollaire indispensable à
toute consistance du socius ? Ne peut-on envisager l’émancipation
d’autres modes de valorisation (valeur de solidarité,
valeur esthétique, valeur écologique...) ? C’est
précisément à un redéploiement des valeurs
que travaillera l’écosophie. D’autres motivations
que l’atroce menace de la misère doivent être
en mesure de promouvoir la division du travail et l’engagement
des individus dans des activités socialement reconnues. Une
telle refondation écosophique des pratiques d’étagera
à des niveaux les plus quotidiens, personnels, familiaux,
de voisinage, jusqu’à des enjeux géopolitiques
et écologiques planétaires. Elle remettra en cause
la séparation entre le civil et le public, I’éthique
et le politique. Elle appellera la redéfinition des agencements
collectifs d’énonciation, de concertation et d’effectuation.
Elle conduira non seulement à « changer la vie",
selon le vœu de la contre-culture des années 60, mais
aussi à changer la façon de faire de l’urbanisme,
de l’éducation, de la psychiatrie et à changer
la façon de faire de la politique et de gérer les
relations internationales. On n’en reviendra donc pas à
des conceptions « spontanéistes » ou à
une autogestion simpliste. Il s’agit de faire tenir ensemble
une organisation complexe de la société et de la production
avec une écologie mentale et des rapports interpersonnels
de type nouveau.
Dans un tel contexte, l’avenir de l’urbanisation paraît
marqué par divers traits aux implications souvent contradictoires
:
1. UN RENFORCEMENT DU GIGANTISME, synonyme d’un allongement
et d’un engluement des communications internes et externes
et d’une montée des pollutions qui atteint déjà
souvent des seuils intolérables ;
2. UN RÉTRÉCISSEMENT DE L’ESPACE COMMUNICATIONNEI
(que Paul Virilio appelle la " dromosphère () »),
du fait de l’accélération des vitesses de transport
et de l’intensification des moyens de télécommunication
;
3. UN RENFORCEMENT DES INÉGALITÉS GLOBALES entre
les zones urbaines des pays riches et celles des pays du tiers-monde
et une accentuation des disparités au sein des villes entre
les quartiers riches et les quartiers pauvres, qui ne feront que
rendre plus aigus les problèmes de sécurité
des personnes et des biens ; la constitution de zones urbaines relativement
incontrôlées à la périphérie des
grandes métropoles ;
4. UN DOUBLE MOUVEMENT
a. de fixation des populations dans les espaces nationaux, assortie
d’un contrôle renforcé, aux frontières
et aux aéroports, de l’immigration clandestine et d’une
politique de limitation de l’immigration ;
b. d’une tendance contraire au nomadisme urbain :
- nomadisme quotidien consécutif aux distances entre le lieu
de travail et l’habitation, qui n’ont fait que se renforcer,
par exemple à Tokyo, du fait de la spéculation foncière
;
- nomadisme de travail, par exemple entre l’Alsace et l’Allemagne,
ou entre Los Angeles, San Diego et le Mexique ;
- pression nomadique des populations du tiers-monde et des pays
de l’Est vers les pays riches.
On peut penser qu’à l’avenir, ces mouvements
qualifiés ici de nomadiques, deviendront de plus en plus
difficiles à contrôler et seront source de frictions
ethniques, de racisme, de xénophobie :
5. CONSTITITION DE SOUSENSEMBLES URBAINS « TRIBALISÉS
», ou pIus exactement centrés sur une ou plusieurs
catégories de population d’origine étrangère
( :par exemple, aux Etats-Unis, les quartiers noirs, chinois, portoricains,
chicanos...).
La croissance de certaines villes comme Mexico, qui atteindra dans
quelques années 30 millions d’habitants et qui est
l’objet d’un taux record de pollution et d’encombrement,
paraît se heurter à des obstacles insurmontables. D’autres
villes riches, par exemple au Japon, envisagent de mobiliser d’énormes
moyens pour remodeler leur configuration. Mais la réponse
à ces problématiques dépassent, à l’évidence,
le seul cadre de l’urbanisme et de l’économie,
et engage d’autres aspects sociopolitiques, écologiques
et éthiques. Les villes sont devenues d’immenses machines
des « mégamachines », selon le terme de Lewis
Mumford (), productrices de subjectivité individuelle et
collective, à travers les équipements collectifs (éducation,
santé, contrôle social, culture...) et les mass-médias.
On ne peut séparer leurs aspects d’infrastructure matérielle,
de communication, de service, de leurs fonctions qu’on peut
qualifier d’existentielles. C’est la sensibilité,
l’intelligence, le style inter relationnel et jusqu’aux
fantasmes inconscients qui se trouvent modélisés par
ces mégamachines. D’où l’importance qu’une
transdisciplinarité soit instaurée entre les urbanistes,
les architectes et les autres disciplines des sciences sociales,
des sciences humaines et des sciences écologiques. Le drame
urbain qui se profile à l’horizon de cette fin de millénaire
n’est qu’un aspect d’une crise beaucoup plus fondamentale
mettant en cause l’avenir de l’espèce humaine
sur cette planète. Sans une réorientation radicale
des moyens et surtout des finalités de la production, c’est
l’ensemble de la biosphère qui se trouvera déséquilibrée
et qui évoluera vers un état d’incompatibilité
totale avec la vie humaine et, d’ailleurs, plus généralement,
avec toute forme de vie animale et végétale. Cette
réorientation implique de toute urgence un infléchissement
de l’industrialisation, tout particulièrement chimique
et énergétique, une limitation de la circulation automobile
ou l’invention de moyens de transports non polluants, I’arrêt
des grandes déforestations... A la vérité,
c’est tout un esprit de compétition économique
entre les individus, les entreprises et les nations qui devra être
remis en cause.
L’actuelle prise de conscience écologique ne touche
encore qu’une minorité de l’opinion, bien que
les grands médias commencent à être assez sensibilisés
à ces questions au fur et à mesure que les risques
se précisent. Mais on est encore loin d’une volonté
collective opérationnelle capable de prendre les problèmes
à bras le corps et d’entraîner dans son sillage
les instances politiques et économiques maîtresses
du pouvoir. Il y a là, pourtant, une sorte de course de vitesse
entre la conscience collective humaine, I’instinct de survie
de l’humanité et un horizon de catastrophe et de fin
du monde humain à l’échéance de quelques
décennies ! Perspective qui rend notre époque à
la fois inquiétante et aussi passionnante, puisque les facteurs
éthicopolitiques y prennent un relief qu’ils n’ont
jamais eu auparavant au cours de l’histoire.
Je ne saurais trop souligner que la prise de conscience écologique
à venir ne devra pas se contenter de se préoccuper
des l`acteurs environnementaux, tels que la pollution atmosphérique,
les conséquences prévisibles du réchauffement
de la planète, la disparition de nombreuses espèces
vivantes, mais qu’elle devra aussi se porter sur des dévastations
écologiques relatives au champ social et au domaine mental.
Sans transformation des mentalités et des habitudes collectives,
il n’y aura que des mesures de « rattrapage »
concernant l’environnement matériel.
Les pays du Sud sont les principales victimes de ces dévastations,
en raison du système aberrant qui préside actuellement
aux échanges internationaux. Par exemple, la maîtrise
de la poussée démographique catastrophique que la
plupart d’entre eux connaît est liée, pour une
large part, à leur sortie du marasme économique, à
la promotion d’un développement harmonieux se substituant
à des objectifs de croissance aveugle, uniquement axés
sur le profit. A terme, les pays riches n’ont rien à
gagner d`une telle politique, mais comment parviendront-ils à
prendre conscience de l’abîme vers lequel leurs dirigeants
les précipitent ? La crainte de la catastrophe, l’épouvantail
de la fin du monde, ne sont pas nécessairement les meilleurs
conseillers en la matière. L’investissement par les
masses allemandes, italiennes, japonaises, de l’idéologie
suicidaire du fascisme, il y a cinquante ans, ne nous a que trop
montré que la catastrophe pouvait appeler la catastrophe,
dans une sorte de vertige de mort collectif.
Il est donc primordial qu’un nouvel axe progressiste, cristallisant
autour des valeurs positives de l’écosophie, considère
comme une de ses priorités de remédier à la
misère morale, à la perte de sens qui gagne toujours
davantage la subjectivité des populations déracinées,
non garanties, au sein même des citadelles capitalistes. Il
faudrait décrire ici le sentiment de solitude, d’abandon,
de vide existentiel qui gagne les pays européens et les Etats-Unis.
Des millions de chômeurs, des millions d’assistés
mènent une vie désespérée au sein de
sociétés dont les seules finalités sont la
production de biens matériels ou de biens culturels standardisés,
qui ne permettent pas l’épanouissement et le développement
des potentialités humaines. On ne peut plus se contenter
aujourd’hui de définir la ville en terme de spatialité.
Le phénomène urbain a changé de nature. Il
n’est plus un problème parmi d’autres. Il est
le problème numéro un, le problème carrefour
des enjeux économiques, sociaux, idéologiques et culturels.
La ville produit le destin de l’humanité, ses promotions
comme ses ségrégations, la formation de ses élites,
I’avenir de l’innovation sociale, de la création
dans tous les domaines. Trop souvent on assiste à une méconnaissance
de cet aspect global de ses problématiques. Les politiques
ont tendance à abandonner ces questions aux spécialistes.
Il convient de relever cependant une certaine évolution tendancielle.
On assiste en France, sous la pression des écologistes, à
droite comme à gauche, à une sorte de recentrement
de la vie politique sur le niveau local urbain. Les débats
au Parlement tendent à passer au second plan par rapport
aux enjeux existant dans les grandes villes et les régions.
Il existe même, à l’état latent, un commencement
de fronde des députés maires de France contre les
états-majors politiques concentrés dans la capitale.
Mais il ne s’agit là encore que d’une timide
évolution qui pourrait ultérieurement bouleverser
beaucoup plus profondément la vie politique dans son ensemble.
Un des moteurs importants des futures transformations urbaines
résidera aussi dans l’invention de nouvelles technologies,
surtout à la jonction entre l’audiovisuel, I’informatique
et la télématique. Relevons sommairement ce que, dans
un avenir proche, on pourrait en attendre :
- la possibilité d’effectuer à domicile les
tâches les plus variées en télé liaison
avec divers interlocuteurs ;
- le développement de la visiophonie en corrélation
avec la synthèse des voix humaines, qui simplifieront beaucoup
l’usage des téléservices et des banques de données,
lesquelles prendront le relais des bibliothèques, des archives,
des services de renseignements ;
- la généralisation de la télédistribution
par câble ou par téléphone, donnant accès
à un grand nombre de programmes dans les domaines du Ioisir,
de l’éducation, la formation ! le renseignement, I’achat
à domicile ;
- la prise de contact immédiate avec des personnes en déplacement
n’importe où dans le monde ;
- des moyens de transports nouveaux, non polluants, combinant le
transport public et les avantages du transport individuel (convois
intégrés de transports individuels, tapis roulant
à grande vitesse, petits véhicules programmés
circulant sur des sites propres) ;
- une nette séparation entre les niveaux et sites affectés
aux transports et ceux affectés à la circulation piétonnière
;
- de nouveaux moyens de transport des marchandises (tubes pneumatiques,
bandes transporteuses programmées permettant, par exemple,
la livraison à domicile().
Quant aux nouveaux matériaux, les futures constructions
autoriseront un design de plus en plus audacieux une plus grande
audace architecturale et urbanistique indissolublement liée
à la lutte contre les pollutions et les nuisances (traitement
de l'eau, déchets biodégradables, disparition des
composants toxiques dans l’alimentation, les produits d’entretien
etc.). Recensons à présent les facteurs qui conduiront
à mettre toujours plus l’accent sur la ville comme
moyen de production de la subjectivité à travers de
nouvelles pratiques écosophiques :
1. LES REVOLUTIONS INFORMATIQUES, ROBOTIQUES, TÉLÉMATIQUES,
biotechnologiques entraîneront une croissance exponentielle
de toutes les formes de production de biens matériels et
immatériels. Mais cette production s’effectuera sans
création d’un nouveau volume d’emploi, comme
le démontre excellemment un livre de Jacques Robin, Changer
d’ère (). Dans ces conditions, une quantité
toujours plus grande de temps disponible et d’activité
libre se trouveront dégagés. Mais pourquoi faire ?
De « petits boulots » insignifiants, comme les autorités
françaises l’ont imaginé ? Ou pour développer
de nouveaux rapports sociaux de solidarité, d’entraide,
de vie de voisinage, de nouvelles activités de sauvegarde
de l’environnement, une nouvelle conception de la culture,
moins passive devant la télévision, plus créatrice...
2. CE PREMIER FACTEUR SERA RENFORCÉ par les conséquences
de la très forte poussée démographique qui
se maintiendra, à l’échelle planétaire,
pendant plusieurs décennies essentiellement dans les pays
pauvres et qui ne fera qu’exacerber la contradiction entre
les pays où « il se passe quelque chose dans les domaines
économiques et culturels, et les pays du vide, de la désolation
et de l’assistance passive. Là aussi, la question de
la reconstruction des formes de socialité Un rôle éminent
sera dévolu, à cet égard, à des formes
renouvelées de coopération.
3. EN SENS CONTRAIRE, ON ASSISTE À UN AFFAISSEMENT démographique
prononcé dans les pays développés (en Amérique
du Nord, en Europe, en Australie...) En France, par exemple, on
constate que le taux de fécondité des femmes a diminué
de 30% depuis 1950. Cet infléchissement démographique
est parallèle à une véritable décomposition
des structures familiales traditionnelles (diminution des mariages,
croissance des cohabitations sans mariage, augmentation des divorces,
disparition progressive des rapports de solidarité familiale
au-delà de la cellule parentale...) Cet isolement des individus
et des familles nucléaires n’a nullement été
compensé par la création de nouvelles relations sociales.
La vie de voisinage, la vie associative, syndicale, religieuse,
reste stagnante et généralement décroissante,
compensée, si l’on ose dire, par une consommation passive
et infantilisante des mass-médias. Ce qui subsiste de la
famille est devenu un refuge souvent régressif et conflictuel.
Le nouvel individualisme qui s’est imposé dans les
sociétés développées jusqu’au
sein de la famille n’est pas synonyme de libération
sociale. Dans ce registre, les architectes, les urbanistes, les
sociologues et les psychologues auront à réfléchir
sur ce que pourrait devenir une resocialisation des individus, une
réinvention du tissu social, étant entendu que, selon
toute probabilité, il n’y aura pas de retour en arrière
vers la recomposition des anciennes structures familiales, des anciennes
relations corporatives, etc. ().
4. L ESSOR DES TECHNOLOGIES DE L INFORMATION et de la commande
permettront d’envisager différemment les rapports hiérarchiques
existant actuellement entre les villes et entre les quartiers d’une
même ville. Par exemple, actuellement, Paris concentre plus
de 80% des directions d’entreprises moyennes et grandes dont
les établissements se localisent sur tous les points du territoire
français, tandis que la deuxième ville de France,
Lyon, détient moins de 3 % du pouvoir de décision,
aucune autre ville n’atteignant 2% Les transmissions télématiques
devraient permettre de modifier ce centralisme abusif. De même
on peut imaginer que dans tous Ies domaines relevant de la vie démocratique,
en particulier aux échelons les plus locaux, de nouvelles
formes de concertations télématiques deviennent possibles.
5. DANS LES SECTEURS CULTURELS FT DE L ÉDUCATION, I accès
à une multitude de chaînes câblées, de
banques de données, de cinémathèque, etc.,
pourrait ouvrir des possibilités d’une très
grande portée, tout spécialement dans le registre
de la créativité institutionnelle.
Mais chacune de ces nouvelles perspectives ne prendront de sens
qu’à la condition qu’une véritable expérimentation
sociale en soit le guide, conduisant à une évaluation
et à une réappropriation collective, enrichissant
la subjectivité individuelle et collective, plutôt
que de travailler, comme c’est malheureusement trop souvent
le cas avec les mass-médias actuels, dans le sens d’un
réductionnisme, d’un sérialisme, d’un
appauvrissement général de la (Cité subjective
». Je suggère que, lors de la mise au point de programmes
de villes nouvelles, de rénovation de quartiers anciens ou
de reconversion des friches industrielles, d’importants contrats
de recherche et d’expérimentation sociale soient établis
non seulement avec des chercheurs en sciences sociales mais aussi
avec un certain nombre de futurs habitants et d’utilisateurs
de ces constructions, afin d’étudier ce que pourraient
être de nouveaux modes de vie domestique, de nouvelles pratiques
de voisinage, d’éducation, de culture, de sport, de
prise en charge des enfants, des personnes âgées, des
malades, etc.
En fait, les moyens de changer la vie et de créer un nouveau
style d’activité, de nouvelles valeurs sociales sont
à portée de la main. Seuls font défaut le désir
et la volonté politique d’assumer de telles transformations.
Ces nouvelles pratiques concernent les modalités d’utilisation
du temps libéré par le machinisme moderne, de nouvelles
façons de concevoir les rapports à l’enfance,
à la condition féminine, aux personnes âgées,
les rapports transculturels... Le préalable à de tels
changements réside dans la prise de conscience qu’il
est possible et nécessaire de modifier l’état
de fait actuel et qu’il n’y a pas de plus grande urgence.
Ce n’est que dans un climat de liberté et d’émulation
que pourront être expérimentées les voies nouvelles
de l’habitat et pas à coups de lois et de circulaires
technocratiques. Corrélativement, un tel remodelage de la
vie urbaine implique que des transformations profondes soient opérées
dans la division planétaire du travail et que, en particulier,
nombre de pays du tiers-monde ne soient plus traités comme
des ghettos d’assistés. Il est nécessaire également
que les anciens antagonismes internationaux s’estompent et
qu’il s’ensuive une politique générale
de désarmement qui permettra, en particulier, de transférer
des crédits considérables sur l’expérimentation
d un nouvel urbanisme.
Un point sur lequel je voudrais tout spécialement insister
est celui de l’émancipation féminine. La réinvention
d’une démocratie sociale passe, pour une grande part,
par le fait que les femmes soient mises en position d’assumer
toutes leurs responsabilités à tous les niveaux de
la société. L’exacerbation, par l’éducation
et les médias, de la disparité psychologique et sociale
entre le masculin et le féminin, qui place l’homme
dans un système de valeur de compétition et la femme
dans une position de passivité, est synonyme d’une
certaine méconnaissance du rapport à l’espace
comme lieu de bien-être existentiel. Une « nouvelle
douceur, une nouvelle écoute de l’autre dans sa différence
et sa singularité sont, là aussi, à inventer...
Devrons-nous attendre des transformations politiques globales avant
d’entreprendre de telles (révolutions moléculaires,
qui doivent concourir à changer les mentalités ? On
se trouve ici devant un cercle à double sens : d’un
côté la société la politi4ue, I’économie
ne peuvent évoluer sans une mutation des mentalités,
mais, d’un autre côté, les mentalités
ne peuvent vraiment se modifier que si la société
globale suit un mouvement de transformation L’expérimentation
sociale à grande échelle que nous préconisons
constituera un des moyens de sortir de cette contradiction Quelques
expériences réussies de nouvel habitat auraient des
conséquences considérables pour stimuler une volonté
générale de changement. (C’est ce qu’on
a vu, par exemple, dans le domaine de la pédagogie, avec
l’expérience « initiatique de Célestin
Freinet, qui a totalement réinventé l’espace
de la classe scolaire.) Par essence, I’objet urbain est d’une
très grande complexité et demande à être
abordé avec les méthodologies appropriées à
cette complexité. L’expérimentation sociale
vise des espèces particulières d’ « attracteurs
étranges, comparables à ceux de la physique des processus
chaotiques(. Un ordre objectif « mutant » peut naître
du chaos actuel de nos villes aussi bien qu’une nouvelle poésie,
un nouvel art de vivre. Cette « logique du chaos demande à
ce qu’on tienne le plus grand compte des situations dans leur
singularité. Il s’agit d’entrer dans des processus
de revascularisation et d’irréversibilisation du temps
() En outre, il s’agit de construire non seulement dans le
réel mais aussi dans le possible, en fonction des bifurcations
qu’il peut amorcer ; construire en donnant leurs chances aux
mutations virtuelles qui conduiront les générations
à venir à vivre, sentir et penser différemment
d’aujourd’hui, compte tenu des immenses transformations,
en particulier d’ordre technologique, que connaît notre
époque. L’idéal serait de modifier la programmation
des espaces bâtis en raison des mutations institutionnelles
et fonctionnelles que leur réserve le futur.
A cet égard, une reconversion écosophique des pratiques
architecturales et urbanistiques pourrait devenir tout à
fait décisive. L’objectif moderniste a longtemps été
celui d’un habitat standard, établi à partir
de prétendus «
Le nomadisme sauvage de la déterritorialisation contemporaine
appelle une appréhension « transversale » de
la subjectivité en voie d’émergence, une saisie
s’efforçant d’articuler des points de singularité
(par exemple, une configuration particulière du terrain ou
de l’environnement), des dimensions existentielles spécifiques),
I’espace vu par des enfants ou des handicapés physiques
ou des malades mentaux), des transformations fonctionnelles virtuelles
( :Par exemple, des innovations pédagogiques) tout en affirmant
un style, une inspiration, qui fera reconnaître, au premier
coup d’œil, la signature individuelle ou collective d’un
créateur. La complexité architecturale et urbanistique
trouvera son expression dialectique dans des technologies du dessin
et de la programmation désormais assistées par l’ordinateur
qui ne se refermera pas sur elle-même, mais qui s’articulera
à l’ensemble de l’agencement d’énonciation
qui en est la visée. Le bâtiment et la ville constituent
des types d’objet qui sont porteurs de fonctions subjectives,
des « < objectités subjectités., partielles.
Ces fonctions de subjectivation partielle, que nous présentifie
l’espace urbain, ne sauraient être abandonnées
aux aléas du marché immobilier, des programmations
technocratiques et au goût moyen des consommateurs.
Tous ces facteurs sont à prendre en considération,
mais ils doivent demeurer relatifs. Ils demandent, à travers
les interventions de l’architecte et de l’urbaniste,
à être élaborés et <
Cette interaction entre la créativité individuelle
et les multiples contraintes matérielles et sociales connaît
cependant une sanction de véridicité : il existe,
en effet, un franchissement de seuil à partir duquel l’objet
architectural et l’objet urbanistique acquièrent leur
propre consistance d’énonciateur subjectif : ça
se met à vivre ou ça reste mort !
La complexité de la position de l’architecte et de
l’urbaniste est extrême mais passionnante dès
lors qu’ils prennent en compte leurs responsabilités
esthétiques, éthiques et politiques. Immergés
au sein du consensus de la Cité démocratique, il leur
appartient de piloter par leur dessin et leur dessein, de décisives
bifurcations du destin de la Cité subjective. Ou l’humanité,
avec leur concours, réinventera son devenir urbain, ou elle
sera condamnée à périr sous le poids de son
propre immobilisme qui menace aujourd’hui de la rendre impotente
face aux extraordinaires défis auxquels l’histoire
la confronte.
1. Une version résumée de cet article est parue dans
Le Nouvel Observateur, coll. « Dossier », n° 11
: « Demain la Terre ».
2. D. Stern, The Interpersonal Word of the Infant, Basic Books,
New York, 1985.
3. A Berque, Vivre l’espace au Japon, PUF, 1989.
4. F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen,
Armand Colin. Paris 1966.
5. P. Virilio, Vitesse et politique, Galilée, Paris 1977.
6. La Cité à travers l’histoire, trad. C. et
G. Durand, SeuiI, Paris, 1961.
7. Joël de Rosnay, Les Rendez-vous du futur, Fayard Paris,
1991. Seuil, Paris, 1989.
8. Louis Roussel, « L’avenir de la famille »
in La recherche, n° 14, Paris, octobre 1989.
9. James Gleick, La théorie du chaos, Albin Michel, Paris,
1989.
10. Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, Entre le temps et l’éternité,
Fayard, Paris, 1988.
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