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Origine : http://pagesperso-orange.fr/maurice.villard/fanon.htm
Frantz Fanon, auteur et théoricien engagé contre
le colonialisme, militant du FLN à partir de 1956, était,
au début de la guerre d'Algérie, médecin-chef
de l'hôpital psychiatrique de Blida et c'est à ce titre,
comme médecin psychiatre, qu'il consacre un chapitre de son
ouvrage "Les damnés de la terre" aux conséquences
psychopathologiques de la guerre et de la torture.
Il ne mentionne pas seulement les troubles des victimes mais ceux
aussi des tortionnaires.
On peut ainsi, au fil des cas présentés, se rendre
compte de l'éventail des manifestations psychiques, comportementales,
psychosomatiques, engendrées par la terreur, la souffrance
et la mort:
deux adolescents algériens qui assassinent leur camarade
de jeux européen;
un étudiant algérien suicidaire et halluciné
après le meurtre d'une femme, meurtre par lui commis lorsqu'il
apprit que sa mère venait d'être tuée et ses
soeurs arrêtées par les militaires;
des enfants qui ne peuvent plus dormir, qui redeviennent énurétiques,
qui ont la phobie du bruit;
les psychoses puerpérales des réfugiées;
un inspecteur européen qui torture sa femme et ses enfants;
les dépressions, anorexies mentales, cénesthopathies,
apathies, phobies... après les tortures.
Si, dit Fanon, les troubles psychosomatiques tels que les ulcères,
les coliques néphrétiques, les troubles des règles,
les tremblements généralisés empêchant
tout repos, le blanchissement précoce des cheveux, les tachycardies
paroxystiques, << ont été décrits à
l'occasion de guerres "classiques" >>, la raideur
musculaire généralisée lui a paru spécifique
de la guerre d'Algérie: rigidité en extension qui
évoque, dit-il, l'atteinte des noyaux gris centraux du cerveau.
Citons un extrait relatif aux propos d'un gardien de police européen
déprimé, qui rencontre à l'hôpital l'une
de ses victimes.
<< ...la nuit il entend des cris qui l'empêchent de
dormir...
Des fois, explique-t-il, on a envie de leur dire que s'ils avaient
un peu pitié pour nous, ils parleraient... Aujourd'hui, rien
qu' à entendre quelqu'un crier, je peux vous dire où
il en est, à quel stade on en est de l'interrogatoire...
Maintenant j'en arrive à entendre ces cris même chez
moi. >>
Dans ce même chapitre, Fanon expose les stéréotypes
racistes présents alors dans les écrits les plus officiels,
théorisés et enseignés à l'université:
l'algérien est, de naissance, fainéant, menteur, voleur,
criminel. L'algérien tue sauvagement et pour rien.
<< Les conclusions des recherches entreprises pendant plus
de vingt ans, écrit Fanon, furent l'objet de cours magistraux
à la chaire de psychiatrie... Le nord-africain est...héréditairement
violent. Il y a chez lui une impossibilité à...canaliser
ses impulsions... L'algérien est un gros débile mental...
C'est en 1935 au congrès des Aliénistes et neurologistes
de langue française qui se tenait à Bruxelles que
le professeur Porot devait définir les bases scientifiques
de sa théorie... il signalait que "l'indigène
nord-africain, dont les activités supérieures et corticales
sont peu évoluées, est un être primitif dont
la vie essentiellement végétative et instinctive est
surtout réglée par son diencéphale...
[Pour ] le docteur Carothers, expert de l'Organisation mondiale
de la Santé..., dans un livre paru en 1954, "l'Africain
utilise très peu ses lobes frontaux. Toutes les particularités
de la psychiatrie africaine peuvent être rapportées
à une paresse frontale".>>
Le temps a passé, mais il vaut mieux quand même se
rappeler
D'autant que, 40 ans après, les traumas sont toujours vivaces:
voir sur Afrik.com du 2 octobre 2003: Traumatisés de la guerre
d'Algérie.Un congrès pour faire la lumière
et "Souffrances et mémoires" sur le site de la
Société Franco-Algérienne de Psychiatrie.
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