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Frantz Fanon: "Guerre coloniale et troubles mentaux"
(in: "Les damnés de la terre", 1961)

Origine : http://pagesperso-orange.fr/maurice.villard/fanon.htm

Frantz Fanon, auteur et théoricien engagé contre le colonialisme, militant du FLN à partir de 1956, était, au début de la guerre d'Algérie, médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida et c'est à ce titre, comme médecin psychiatre, qu'il consacre un chapitre de son ouvrage "Les damnés de la terre" aux conséquences psychopathologiques de la guerre et de la torture.

Il ne mentionne pas seulement les troubles des victimes mais ceux aussi des tortionnaires.

On peut ainsi, au fil des cas présentés, se rendre compte de l'éventail des manifestations psychiques, comportementales, psychosomatiques, engendrées par la terreur, la souffrance et la mort:
deux adolescents algériens qui assassinent leur camarade de jeux européen;
un étudiant algérien suicidaire et halluciné après le meurtre d'une femme, meurtre par lui commis lorsqu'il apprit que sa mère venait d'être tuée et ses soeurs arrêtées par les militaires;
des enfants qui ne peuvent plus dormir, qui redeviennent énurétiques, qui ont la phobie du bruit;
les psychoses puerpérales des réfugiées;
un inspecteur européen qui torture sa femme et ses enfants;
les dépressions, anorexies mentales, cénesthopathies, apathies, phobies... après les tortures.

Si, dit Fanon, les troubles psychosomatiques tels que les ulcères, les coliques néphrétiques, les troubles des règles, les tremblements généralisés empêchant tout repos, le blanchissement précoce des cheveux, les tachycardies paroxystiques, << ont été décrits à l'occasion de guerres "classiques" >>, la raideur musculaire généralisée lui a paru spécifique de la guerre d'Algérie: rigidité en extension qui évoque, dit-il, l'atteinte des noyaux gris centraux du cerveau.

Citons un extrait relatif aux propos d'un gardien de police européen déprimé, qui rencontre à l'hôpital l'une de ses victimes.
<< ...la nuit il entend des cris qui l'empêchent de dormir...
Des fois, explique-t-il, on a envie de leur dire que s'ils avaient un peu pitié pour nous, ils parleraient... Aujourd'hui, rien qu' à entendre quelqu'un crier, je peux vous dire où il en est, à quel stade on en est de l'interrogatoire... Maintenant j'en arrive à entendre ces cris même chez moi. >>

Dans ce même chapitre, Fanon expose les stéréotypes racistes présents alors dans les écrits les plus officiels, théorisés et enseignés à l'université: l'algérien est, de naissance, fainéant, menteur, voleur, criminel. L'algérien tue sauvagement et pour rien.
<< Les conclusions des recherches entreprises pendant plus de vingt ans, écrit Fanon, furent l'objet de cours magistraux à la chaire de psychiatrie... Le nord-africain est...héréditairement violent. Il y a chez lui une impossibilité à...canaliser ses impulsions... L'algérien est un gros débile mental...
C'est en 1935 au congrès des Aliénistes et neurologistes de langue française qui se tenait à Bruxelles que le professeur Porot devait définir les bases scientifiques de sa théorie... il signalait que "l'indigène nord-africain, dont les activités supérieures et corticales sont peu évoluées, est un être primitif dont la vie essentiellement végétative et instinctive est surtout réglée par son diencéphale...
[Pour ] le docteur Carothers, expert de l'Organisation mondiale de la Santé..., dans un livre paru en 1954, "l'Africain utilise très peu ses lobes frontaux. Toutes les particularités de la psychiatrie africaine peuvent être rapportées à une paresse frontale".>>

Le temps a passé, mais il vaut mieux quand même se rappeler

D'autant que, 40 ans après, les traumas sont toujours vivaces: voir sur Afrik.com du 2 octobre 2003: Traumatisés de la guerre d'Algérie.Un congrès pour faire la lumière
et "Souffrances et mémoires" sur le site de la Société Franco-Algérienne de Psychiatrie.