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La pensée de Frantz Fanon (1925-1961) a influencé
de nombreux intellectuels du tiers-monde. Né le 25 juillet
1925 en Martinique d’un père fonctionnaire aux Douanes
et d’une mère commerçante, Frantz Fanon fréquente
le lycée Schoelcher où il a comme professeur Aimé
Césaire. A la fin du lycée, en 1943, il rejoint les
forces françaises libres. Il suit une formation de sous-officier
à Bejaia, en Algérie, et participe à la libération
de la France. À la fin de la guerre, il est en Allemagne
blessé, décoré et démobilisé.
Après un bref séjour en Martinique, il poursuit des
études de médecine à la Faculté de Lyon
et devient psychiatre.
Dans un de ses essais resté fameux, "Peau noire, masques
blancs", paru au début des années 50, il étudie
les conséquences humaines du colonialisme et du racisme.
Il y dénonce le désir de se blanchir, d’adopter
un masque blanc, et son texte constitue, entre autres, une étude
psychologique des complexes antillais nés du racisme et de
la colonisation. Il fait le portrait de l'homme noir antillais,
victime des préjugés de couleur et des complexes d'infériorité
qu'il a intériorisés. Il théorise l'aliénation
psychotique provoquée par l'oppression coloniale. Il est
critique vis-à-vis du concept de négritude développé
par Césaire et Senghor, concept qui le laisse sur sa faim
car il le considère comme trop réducteur. Ce concept
constitue selon Fanon, une nouvelle phase dans le développement
de la conscience noire, mais doit rapidement être dépassé.
Le danger consistant selon lui, à se laisser enfermer dans
l’essentialisme, c’est à dire une identité
noire unique et figée :
« Le Noir veut être comme le Blanc. Pour le Noir, il
n y a qu’un destin. Et il est blanc. Il y a de cela longtemps,
le Noir a admis la supériorité indiscutable du Blanc,
et tous ses efforts tendent à réaliser une existence
blanche. N’ai je donc pas sur cette terre chose à faire
qu’à venger les Noirs du XVIIè siècle
?
(…) Je n’ai pas le droit moi homme de couleur, de rechercher
en quoi ma race est supérieure ou inférieure à
une autre race.
Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper
des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté
de l’ancien maître.
Je n’ai ni le droit ni le devoir de d’exiger réparation
pour mes ancêtres domestiqués. (…)
Vais je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui
d’être responsable de tous les négriers du XVIIè
siècle ? (…)
Ne voulant pas faire figure de parent pauvre, de fils adoptif, de
rejeton bâtard, le noir va t-il tenter de découvrir
fébrilement une civilisation nègre ? Que surtout l’on
nous comprenne. Nous sommes convaincus qu’il y aurait un grand
intérêt à entrer en contact avec une littérature
ou une architecture nègres du IIIè siècle avant
jésus-christ. Nous serions très heureux de savoir
qu’il exista une correspondance entre tel philosophe nègre
et Platon. Mais nous ne voyons absolument pas ce que ça pourrait
changer dans la situation des petits gamins de huit ans qui travaillent
dans les champs de canne en Martinique… »
Après un bref séjour comme psychiatre en Normandie,
Frantz Fanon arrive en Algérie, à l’hôpital
psychiatrique de Blida, joyau du système hospitalier colonial.
Fanon et ses collègues y critiquent les conclusions de l’école
d’Alger qui décrivaient les Algériens comme
des êtres incapables d’exprimer une vie intérieure,
de se projeter dans l’avenir, et qui étaient par essence
crédules, menteurs et voleurs. C’est à Blida
que Fanon prend contact avec les nationalistes algériens.
En février 1955 paraît dans « Esprit »
un article dans lequel il souligne l’écart entre l’engagement
révolutionnaire africain et l’assimilation des antillais.
Il participe au Congrès des écrivains et artistes
noirs où sa présentation s’intitule «
racisme et culture ». Mais bientôt il éprouve
des contradictions entre son travail de psychiatre et son engagement
militant. En 1956, il envoie sa lettre de démission au ministre-résident
, Robert Lacoste, proclamant que comme psychiatre, il ne peut renvoyer
ses patients dans une société qui fondamentalement
les aliène et les déshumanise. Fanon est expulsé
par les autorités coloniales en janvier 1957...
C'est presque naturellement qu'il est contacté par le Front
de Libération Nationale algérienne, avec lequel il
va collaborer
jusqu'à sa mort, devenant le représentant de l'Algérie
en guerre à l'étranger. Observateur soucieux des premières
indépendances africaines, il prônera sans relâche
la solidarité et l'unité africaine : " Chaque
Africain doit se sentir engagé concrètement, et doit
pouvoir répondre physiquement à l'appel de tel ou
tel territoire… Il importe de ne pas isoler le combat national
du combat africain. " Durant l’été 58,
Fanon est grièvement blessé par une mine placée
en dessous de sa voiture. Il part à Rome en convalescence
et échappe de peu à un attentat organisé par
la Main Rouge (une organisation terroriste fasciste), et rencontre
Sartre et Simone de Beauvoir. En décembre 1958, il est membre
de la délégation algérienne au Congrès
panafricain d’Accra. Fin 1960, Fanon reçoit la confirmation
du diagnostic de leucémie dont il est atteint depuis quelques
mois déjà.
Il se met à la rédaction d’un livre qui se
veut le manifeste des colonisés, qui connaîtra un succès
planétaire, et deviendra le livre de chevet de toute une
génération. Ce sera "les Damnés de la
terre", écrit de mai à octobre 1961. Il accepte
de se faire soigner aux Etats-Unis et part pour l’hôpital
de Bethesba à Washington. Sartre a accepté de préfacer
son livre, Fanon en est très heureux. Son éditeur
François Maspéro lui envoie un exemplaire de son livre
fin novembre 1961. Il décède le 6 décembre,
à l’âge de 36 ans. Le 12, il est enterré
comme il l’avait souhaité en terre algérienne.
Depuis 1965, sa tombe est au cimetière d’Ain Kerma
en Algérie.
"Le colon fait l'Histoire et sait qu'il la fait. Et parce
qu'il se réfère constamment à l'histoire de
sa métropole, il indique en clair qu'il est le prolongement
de cette métropole. L'histoire qu'il écrit n'est donc
pas l'histoire du pays qu'il dépouille mais l'histoire de
sa nation en ce qu'elle écume, viole et affame. L'immobilité
à laquelle est condamné le colonisé ne peut
être remise en question que si le colonisé décide
de mettre un terme à l'histoire de la colonisation, à
l'histoire du pillage, pour faire exister l'histoire de la nation,
l'histoire de la décolonisation".
"Il n'y a pas de mission nègre, il n'y a pas de fardeau
blanc".
Frantz Fanon
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