Origine : http://www.acrimed.org/article1719.html
Auteur de plusieurs ouvrages sur les médias et le discours
publicitaire, cofondateur du R.A.P (Résistance à l’Agression
Publicitaire), François Brune a réuni certains textes
publiés dans le Monde diplomatique [1], additionnés
d’autres analyses inédites sur le sous-texte politique
véhiculé en contrebande par les médias en général
et la publicité en particulier. Cela donne...
De l’idéologie aujourd’hui. Analyses, parfois
désobligeantes, du « discours » médiatico-publicitaire.,
François Brune - éditions Parangon, 2004, 192p., 12
euros [2]
Noam Chomsky nous le rappelle souvent, avec raison : pour les élites
dirigeantes, « la démocratie est un système
dans lequel les gens sont des spectateurs, et non des acteurs. A
intervalles réguliers, ils ont le droit de mettre un bulletin
dans l’urne, de choisir quelqu’un dans la classe des
chefs pour les diriger. Puis, ils sont censés rentrer chez
eux et vaquer à leurs affaires, consommer, regarder la télévision,
faire la cuisine, mais surtout ne pas déranger. » (Deux
heures de lucidité , Les Arènes, 2001)
La mécanique médiatique représente l’un
des principaux moteurs de l’industrie du consentement à
l’origine de cette apathie civique.
A l’instar de Chomsky, François Brune choisit lui
aussi d’en explorer les rouages. Il le fait avec une remarquable
acuité intellectuelle - et une bonne dose d’ironie.
Effet de sélection du réel par le choix de l’image,
qui occulte tout ce qui est hors champ ; traitement journalistique
qui fait mine de constater ce qu’il contribue largement à
mettre en scène ; mythe du « progrès »
qui nourrit une peur perpétuelle du « retard »
; métaphores biologiques et appels à la nature qui
transforment des choix politiques en évolutions « naturelles
» ; emprunts aux champs lexicaux sportif ou économique
qui légitiment la logique de la compétition perpétuelle
; oxymores hypocrites, qui feignent de conjurer les rapports de
force ; rhétorique publicitaire, qui occulte les conditions
de production des marchandises (et les conditions de vie de ceux
qui la produise), comme l’information objective sur les qualités
et l’intérêt du produit ...
Autant de procédés qui contribuent à purger
les esprits de toute vision politique et de toute rationalité,
pour mieux leur permettre de « s’épanouir »
dans leur rôle de (sur)consommateurs, en oubliant «
combien de pillages nécessitent ces gaspillages ».
Face à ce totalitarisme consumériste, qui tend à
asservir toutes les dimensions de l’existence (y compris la
contestation) et qui nous consomme autant qu’il nous pousse
à consommer, face à ce « culte de la vitesse
[qui] génère sans fin l’impatience du suivisme
», François Brune oppose l’urgence d’une
éthique de la frugalité, pour une société
« d’aisance partagée (car la frugalité
n’est pas la pénurie) ».
Quitte à passer pour « ringard » aux yeux des
chantres de la modernité (libérale, il va sans dire).
Ce qui ne semble guère le chagriner. Comme il le note avec
sagesse, « Il est toujours progressiste d’être
en retard sur la mauvaise voie ».
Arnaud Rindel
P.S. A Lire également (entre autres), une interview de François
Brune, « Qui veut la peau de la pub ? », et surtout,
les derniers articles de l’auteur parus dans le “Diplo”,
« L’“antipub”, un marché porteur
» (Le Monde diplomatique, Juin 2004) et « De l’enfant-roi
à l’enfant-proie » (Le Monde diplomatique, Septembre
2004).
[1] Une partie est disponible en ligne - gratuitement - sur le
site du Monde diplomatique : « Oxymore à la “une”
», « Longue vie au dysfonctionnement ! » et «
De l’organisation de la résistance ».
[2] Une version légèrement abrégée
de cette note de lecture est parue dans le Monde diplomatique du
mois d’août 2004.
Acrimed, 17 avenue des Sycomores - 93 310 Le Pré Saint Gervais.
Tel : 06 21 21 36 13 - acrimed at wanadoo.fr
François Brune http://larbremigrateur-fb.blogspot.com
|